Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 912

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : S. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du
24 avril 2023 (GE-22-3436)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 14 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-422

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a menacé deux de ses superviseurs. Le prestataire a ensuite présenté une demande de prestations régulières d'assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé la révision de la décision. La Commission a maintenu sa décision initiale. Le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a déterminé que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a imposé un ultimatum à son employeur. Le prestataire a envoyé un message texte à son employeur exigeant qu’un dépôt soit fait d’ici les onze prochaines heures sans quoi il ne se présentera plus au travail et portera plainte aux normes du travail. L’employeur a immédiatement mis fin à l’emploi du prestataire. La division générale a déterminé que le prestataire a été congédié pour cette raison et qu’il aurait dû savoir qu’il mettait ainsi son emploi en péril. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[5] Le prestataire demande à la division d’appel la permission d’en appeler de la décision de la division générale. Il soutient que son message texte n’était pas une menace envers ses superviseurs. Il était disponible et apte à travailler lorsque son employeur a mis fin à son emploi. Il est la victime, et non son employeur.

[6] Je dois décider si on peut soutenir que la division générale a commis une erreur révisable qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

[7] Je refuse la permission d’en appeler puisqu’aucun des moyens d’appel soulevés par le prestataire ne confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, spécifie les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont que :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une certaine façon.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question sans pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audience sur le fond de l'affaire. C'est une première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui auquel il devra rencontrer à l'audience de l'appel sur le fond. À l’étape de la demande permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver sa thèse mais il doit établir que son appel a une chance raisonnable de succès. En d’autres mots, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable sur laquelle l’appel peut réussir.

[11] La permission d’en appeler sera en effet accordée si je suis convaincu qu’au moins l’un des moyens d’appel soulevé par le prestataire confère à l’appel une chance raisonnable de succès.

Est-ce que le prestataire soulève, dans ses moyens d’appel, une erreur révisable qu’aurait commise la division générale et qui confère à l’appel une chance raisonnable de succès?

[12] Le prestataire soutient que son message texte n’était pas une menace envers ses superviseurs. Il était disponible et apte à travailler lorsque son employeur a mis fin à son emploi. Il est la victime, et non son employeur.

[13] La division générale devait décider si le prestataire a perdu en raison de son inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne prévoit pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné son congédiement.

[16] La division générale a déterminé que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a imposé un ultimatum à son employeur. Le prestataire a envoyé un message texte à son employeur exigeant qu’un dépôt soit fait d’ici les onze prochaines heures sans quoi il ne se présentera plus au travail et portera plainte aux normes du travail. L’employeur a immédiatement mis fin à l’emploi du prestataire.

[17] La division générale a déterminé que le prestataire a été congédié pour cette raison et qu’il aurait dû savoir qu’il mettait ainsi son emploi en péril. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite.

[18] Devant la division générale, le prestataire n’a pas contesté le message texte. Il était mécontent parce que sa conjointe, qui travaillait pour le même employeur, n’avait pas reçu les sommes qui lui étaient dû de l’employeur.

[19] Il est bien établi en jurisprudence qu’un comportement inapproprié et irrespectueux au travail constitue de l’inconduite au sens de la loi. Tel que souligné par la division générale, il existait d’autres recours pour le prestataire (ou sa conjointe) afin de faire valoir ses droits plutôt que de lancer un ultimatum à son employeur en mettant son emploi en jeu.

[20] Même si je devais considérer que le prestataire a quitté son emploi avant qu’il ne soit congédié, il n’était pas fondé à quitter son emploi au sens de la loi. Une solution raisonnable pour le prestataire aurait été de laisser sa conjointe exercer ses droits. L’autre solution raisonnable aurait été de se chercher un autre emploi avant d’aviser son employeur par message texte de son départ. Le prestataire a admis ne pas avoir cherché d’emploi.

[21] Malheureusement pour le prestataire, un appel à la division d'appel du Tribunal n'est pas une nouvelle audience, où une partie peut représenter sa preuve et espérer une nouvelle décision favorable.

[22] Après examen du dossier d’appel, de la décision de la division générale et des arguments au soutien de la demande de permission d’en appeler, je suis d’avis que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire ne soulève aucune question dont la réponse pourrait mener à l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[23] La permission d’en appeler est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

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