Assurance-emploi (AE)

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Citation : SS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 913

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : S. S.
Témoin de la partie appelante : K. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (527936) datée du 20 septembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Charline Bourque
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 22 mars 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Témoin de l’appelant
Date de la décision : Le 24 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3436

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (c’est-à-dire parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’il a été congédié parce qu’il a menacé deux de ses superviseurs.

[4] Le prestataire affirme qu’il ne s’agissait pas de menaces envers ses superviseurs. Le prestataire indique qu’il tentait de régler la situation de sa conjointe qui ne recevait pas les documents nécessaires pour son retrait préventif et était ainsi privée de salaire. Le prestataire détaille plusieurs situations vécues chez son employeur.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement que l’employeur a fournie. Elle a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire est en désaccord avec cette décision et explique que l’employeur n’était pas conforme sur plusieurs aspects, ce que démontre la plainte déposée aux normes du travail.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[9] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a imposé un ultimatum à son employeur.  

[10] La Commission et le prestataire ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle ce dernier a perdu son emploi. La Commission soutient que l’employeur a donné la vraie raison du congédiement. L’employeur a dit à la Commission que le prestataire a été congédié pour avoir menacé ses superviseurs.  

[11] Le prestataire n’est pas d’accord. Le prestataire explique que son employeur ne fournissait pas les documents requis pour que sa conjointe qui travaillait pour le même employeur puisse bénéficier de son retrait préventif. Il affirme de pas avoir menacé ses superviseurs. Le prestataire détaille plusieurs éléments non conformes chez son employeur au niveau de la paie, de la sécurité, de l’entretien du matériel, des tâches qu’il devait effectuer, etc.

[12] Je constate que le prestataire a initialement mentionné à la Commission avoir démissionné de son emploi avec un préavis de deux semainesNote de bas de page 2. Le prestataire confirme qu’il a remis sa démission par message texte le 17 février 2022Note de bas de page 3.

[13] Le prestataire a envoyé un message texte indiquant que si sa conjointe n’avait pas reçu le montant dû avant 11h00, il quitterait son emploi et porterait plainte aux normes du travail. L’employeur y a répondu en mettant fin immédiatement à l’emploiNote de bas de page 4.

[14] Le prestataire estime qu’il ne s’agissait pas de menace et soutient qu’il a essayé de tendre la main à son employeur à plusieurs reprises.

[15] Au sens de la Loi, la perte d’emploi due à un départ volontaire injustifié ou une perte d’emploi pour inconduite nécessite une même analyse au titre de l’article 30 (1) de la Loi afin de déterminer si un prestataire est exclu du bénéfice des prestationsNote de bas de page 5.

[16] Par conséquent, même si le prestataire affirme avoir remis sa démission avant d’être congédié, la question demeure la même. Le prestataire est-il exclu du droit au bénéfice des prestations d’assurance-emploi ?

[17] Je constate qu’à l’audience, le prestataire jugeait que le fait d’accorder deux semaines de préavis à son employeur faisait une différence quant à sa décision de quitter. Au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, ce n’est pas le cas. Le prestataire a d’abord indiqué à son employeur qu’il quittait son emploi, puis l’employeur l’a congédié. La question que je dois me poser est de savoir ce qui a été la cause de la fin du lien d’emploi.

[18] Même si le prestataire est d’avis qu’il n’a pas menacé son employeur, je constate qu’il lui a imposé un ultimatum. L’employeur devait verser les sommes à sa conjointe avant 11h00 ou il quittait. Le choix de mettre fin à son emploi avant qu’il ait pu faire les deux semaines de travail de préavis est un choix qui appartient à l’employeur.

[19] Je suis d’avis que c’est l’imposition de cet ultimatum qui est à l’origine de la fin d’emploi du prestataire.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[20] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[21] Pour être considérée comme une inconduite selon la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 7. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupableNote de bas de page 8 (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal).

[22] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 9.

[23] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 10.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite parce que le prestataire a envoyé un message texte à son employeur, exigeant qu’un dépôt soit fait d’ici 11 heures sans quoi il ne se présente plus au travail. Le prestataire prend donc le risque de mettre fin à son emploi le jour même dès 11h00, si l’employeur ne se plie pas à son exigence. En faisant ce choix, le prestataire est conscient que si son employeur ne s’exécute pas, il ne rentrera plus au travail. Si son désir était d’abandonner son emploi, il aurait pu attendre d’avoir l’assurance raisonnable d’un autre emploi pour remplacer celui qu’il mettait en jeu. La Commission considère que le prestataire a agi en toute connaissance de cause et il a mis délibérément en péril la poursuite de son emploi. De plus, la Commission a conclu que la conduite irrespectueuse du prestataire et les menaces adressées à ses supérieurs constituaient des gestes d’inconduite au sens de la Loi et par conséquent, le prestataire pouvait raisonnablement savoir qu’en s’adressant ainsi à ses supérieurs il risquait de perdre son emploi. Le prestataire avait lui-même annoncé sa démission, le 17 février 2022, en donnant deux semaines de préavis à l’employeur. Il désirait quitter en raison des erreurs de paie et du fait que sa conjointe ne recevait pas son dû.

[25] Je suis d’accord avec la Commission. Même si le prestataire indique ne pas avoir menacé ses supérieurs, il leur a donné un ultimatum. Le prestataire avait d’autres recours si sa conjointe et lui ne recevaient pas les sommes dues. Le prestataire a utilisé ces recours après la fin d’emploi.

[26] Le prestataire a mentionné plusieurs événements pour lesquels il jugeait son employeur non conforme. Néanmoins, je constate que la plupart des reproches faits à son employeur sont en lien avec la situation de sa conjointe qui travaillait avec lui. De plus, il existe d’autres recours à prendre lorsqu’un employeur ne se conforme pas tant au niveau pécuniaire qu’au niveau de la sécurité. Le prestataire a utilisé son recours auprès des normes du travail et c’est l’endroit approprié pour le faireNote de bas de page 11.

[27] Je ne remets pas en question le fait que son employeur lui devait des sommes. La preuve démontre que le prestataire n’a pas été payé pour les semaines du 7 et 14 février 2022, soit les semaines lors de l’interruption d’emploiNote de bas de page 12. Néanmoins, contrairement à sa conjointe, le prestataire avait reçu toutes les sommes dues avant les événements menant à son congédiement. Le prestataire a clairement expliqué qu’il était mécontent principalement en raison du fait que sa conjointe était privée de revenu parce que son employeur négligeait à lui fournir les documents nécessaires pour son arrêt de travail. Or, même si la situation l’impactait directement, il s’agissait d’une situation entre son employeur et une autre employée.

[28] Le prestataire explique aussi qu’il croyait utiliser les deux semaines de préavis afin de se trouver un emploi. C’est pour cette raison qu’il n’avait pas cherché un autre emploi avant de quitter. Je ne peux intervenir sur une décision de l’employeur de le congédier avant qu’il ait servi les deux semaines de préavis.

[29] En effet, la Cour a indiqué que « la question qui lui était soumise n'était pas celle de savoir si l'employeur s'est rendu coupable d'inconduite en congédiant le demandeur de sorte que ce congédiement serait injustifié, mais bien de savoir si le demandeur s'est rendu coupable d'inconduite et si celle-ci a entraîné la perte de son emploiNote de bas de page 13.

[30] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. En effet, la Commission a démontré que c’est sur l’initiative du prestataire que le lien d’emploi a été rompu. D’abord, le prestataire a démissionné de son emploi avant d’être congédié. Le prestataire a imposé un ultimatum à son employeur afin que la situation de sa conjointe soit réglée. L’employeur s’est senti menacé et a mis fin au lien d’emploi en congédiant immédiatement le prestataire.

[31] Malgré les bonnes raisons qu’il avait pour le faire vis-à-vis sa conjointe, le prestataire ne pouvait ignorer qu’il mettait en péril sa relation d’emploi avec son employeurNote de bas de page 14. Le prestataire et sa conjointe avaient d’autres recours comme celle de déposer une plainte aux normes du travail, ce qu’il a fait après la fin d’emploi.

Alors, le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[33] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[34] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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