Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RZ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1767

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie prestataire : R. Z.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (469171) datée du 6 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc-André St-Jules
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 15 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Prestataire
Date de la décision : Le 26 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1868

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 1.

Aperçu

[3] Le prestataire a perdu son emploi. Son employeur l’a d’abord suspendu le 1er novembre 2021, puis congédié le 10 janvier 2022 parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[4] Le prestataire ne conteste pas que cela s’est produit.

[5] La Commission a décidé que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il n’a pas perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il fait également valoir que l’employeur n’a pas le droit de savoir s’il est vacciné ou non. La vaccination ne faisait pas partie de son contrat de travail. Il affirme également que la politique de vaccination porte atteinte à sa vie privée. Le prestataire soutient qu’il aurait pu travailler à distance, ce qui rendait son statut vaccinal non pertinent. Il dit qu’on lui a donné deux jours pour se conformer à la politique, ce qui n’est pas suffisant pour prendre une décision éclairée.

Question que je dois examiner en premier

Je vais accepter les documents déposés après l’audience

[7] À l’audience, le prestataire a fait référence à un courriel qu’il a envoyé au Tribunal le 12 juillet 2022. J’ai examiné le dossier et il ne faisait pas partie des documents dont je disposais. Le prestataire était à l’aise de discuter du contenu du courriel et a dit qu’il l’enverrait plus tard.

[8] L’audience s’est déroulée et on a discuté du contenu du courriel. Il a été convenu que si les documents soulevaient des questions, je les enverrais au prestataire pour commentaires. Les documents ont bel et bien été reçus. À la date de la décision, la Commission n’a pas répondu au document.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[10] Une partie prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite est exclue du bénéfice des prestations. Cela s’applique si son employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas page 2.

[11] Pour décider si le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[12] J’estime que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire de l’employeur.

[13] Les documents au dossier confirment que le prestataire a été placé en congé sans solde à compter du 1er novembre 2021. Il a été congédié le 10 janvier 2022 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de l’employeur. Le prestataire a confirmé cela dans son témoignage.

[14] Compte tenu de tout ce qui précède, je juge qu’il est incontesté que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.

La raison du congédiement du prestataire est-elle une inconduite selon la loi?

[15] Selon la loi, la raison du congédiement du prestataire est une inconduite.

[16] Selon la loi, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 5.

[17] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas page 6.

[18] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • Le prestataire ne conteste pas avoir perdu son emploi pour avoir refusé de se conformer à la politique de vaccination de l’employeur.
  • Le prestataire a eu le temps de suivre la politique, puis il a été suspendu et finalement congédié.
  • Le comportement du prestataire correspond à la description d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, car il était conscient et intentionnel.
  • La Commission soutient que le prestataire a agi de son plein gré et volontairement, et qu’il était prévisible qu’il pouvait perdre son emploi en agissant de la sorte.
  • La conduite du prestataire était intentionnelle et il connaissait les conséquences possibles.
  • Il existe un lien direct entre le refus de se conformer à la politique de vaccination et la perte de son emploiNote de bas page 7.

[19] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • Il n’a eu que deux jours après avoir été informé de la politique pour divulguer son statut vaccinal. Ce délai n’est pas suffisant pour prendre une décision éclairéeNote de bas page 8.
  • Le prestataire pouvait faire tout le travail virtuellement comme elle le faisait auparavant.
  • L’employeur n’a pas droit aux renseignements personnels sur la santé.
  • Une personne ne peut pas être forcée à subir des procédures médicales. Cela va à l’encontre de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertésNote de bas page 9.
  • Le refus de divulguer des renseignements médicaux personnels ne nuit pas à sa capacité de faire son travail. En fait, il aurait pu travailler à distance.
  • Le critère relatif à une inconduite est très difficile à satisfaire et il ne l’est pas dans son casNote de bas page 10.
  • La Commission est partiale et a commis des erreurs de fait en documentant les conversations entre elle et lui. Il a toujours refusé d’indiquer son statut vaccinal. La Commission a documenté son refus de se faire vacciner. Le prestataire affirme qu’il s’agit d’une erreur et d’un parti pris.
  • Le prestataire a versé des cotisations d’assurance-emploi comme il y était tenu de le faire et il a perdu son emploi sans que ce soit de sa faute. Il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[20] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Ma décision est expliquée dans les paragraphes suivants.

[21] L’employeur avait une politique de vaccination. La politique a été distribuée à l’ensemble du personnel le 14 septembre 2021. Je reconnais toutefois que le prestataire n’a pas reçu la politique à cette date. En effet, il était en congé jusqu’au 4 octobre 2021 et il ne figurait pas sur la liste de distribution. Je conviens que la première communication documentée et prouvée adressée directement au prestataire date du 27 octobre 2021Note de bas page 11. Je reconnais qu’on lui a donné jusqu’au 29 octobre 2021 pour s’y conformer avant qu’il soit mis en congé sans solde.

[22] La lettre du 27 octobre 2021 adressée au prestataire établit clairement ce qu’il adviendrait des personnes non vaccinées. Elle indique qu’il serait mis en congé sans solde à compter du 1er novembre 2021, puis congédié le 1er décembre 2021. La lettre précise que le congé sans solde est destiné à donner le temps de se conformer à la politique de vaccination.

[23] Dans le cas du prestataire, il est retourné au travail le 4 octobre 2021, après un congé. Il a déclaré qu’il avait accès à un portail de travail où la politique était accessible. Il a effectivement accédé au portail en octobre 2021 à un moment donné. Il a déclaré qu’il ne se souvient pas à quelle date il l’a fait.

[24] Le prestataire a affirmé qu’il avait discuté de la politique avec son gestionnaire pour lui faire part de ses préoccupations. Il a aussi déclaré qu’il avait travaillé en personne assez souvent avant sa dernière journée de travail. Le prestataire a ajouté que c’était particulièrement le cas pendant sa dernière semaine de travail. C’était pour aider son gestionnaire à se préparer si le prestataire devait partir pour non-conformité à la politique. Cela donne à penser que le prestataire connaissait la politique avant d’avoir reçu la lettre du 27 octobre 2021.

[25] Le prestataire a déclaré que la date initiale de son congédiement était le 1er décembre 2021 et qu’elle avait été changée par le 10 janvier 2022 pour lui donner plus de temps pour se conformer à la politique de vaccination. Le prestataire avait du 4 octobre 2021 (ou peu de temps après cette date) jusqu’au 10 janvier 2022 pour éviter de se faire congédier.

[26] Le prestataire a déclaré qu’il aurait pu travailler à distance. Il soutient qu’il aurait pu le faire pour éviter le congédiement. Il a déclaré que ses collègues qui travaillaient à distance devaient également se conformer à la politique. Le prestataire savait que même en travaillant à distance, il devait quand même être entièrement vacciné.

[27] La copie de la politique dont je dispose s’intitule [traduction] « Version 1.0 datée du 14 septembre 2021Note de bas page 12 ». Elle précise que toute employée ou tout employé qui entre sur le lieu de travail de l’employeur doit être vacciné. Elle dit que le non-respect de la politique peut entraîner un congé sans solde ou un congédiement. Elle ne mentionne pas qu’afin de se conformer à la politique, les personnes qui travaillent à distance doivent également être vaccinées. Le prestataire a déclaré que la politique s’appliquait en fait à toutes les personnes qui travaillaient à distance, sans exception.

[28] Le fait que même les personnes qui travaillent à distance sont assujetties à cette politique n’est pas de mon ressort. Mon rôle n’est pas d’examiner la politique d’un employeur pour décider si elle est appropriéeNote de bas page 13. Je peux seulement vérifier si les gestes posés par le prestataire constituent une inconduite au sens de la loi.

[29] Je conviens que le prestataire n’est pas obligé de divulguer son statut vaccinal. Je conviens aussi que le personnel ne peut pas être forcé à se faire vaccinerNote de bas page 14. J’estime également qu’une fois que l’employeur a imposé une politique de vaccination, celle-ci devient une condition d’emploi fondamentale. L’employeur a le droit de gérer les activités quotidiennes sur le lieu de travail. Cela comprend le droit d’élaborer et d’imposer une politique en matière de santé et de sécurité au travail.

[30] Je suis convaincu que la préoccupation du prestataire est la divulgation de son statut vaccinal. Le prestataire a déclaré qu’il ne l’avait jamais divulgué. Je le crois lorsqu’il dit qu’il n’a jamais admis à la Commission qu’il n’était pas vacciné. Si j’ai raison, il y aurait donc une erreur à la page 27 du document GD3. Toutefois, cela ne change rien à la décision dont je suis saisie aujourd’hui. La politique prévoit qu’après le 1er novembre 2021, les personnes employées doivent prouver qu’elles sont vaccinées pour entrer sur le lieu de travail. Je suis convaincu que pour prouver qu’une personne est vaccinée, son statut vaccinal doit également être révélé.

[31] Le prestataire a déclaré qu’il n’avait demandé aucune exemption. C’était une démarche inutile, car elle aurait pu impliquer la divulgation de renseignements sur la santé. Puisque les demandes d’exemption de ses collègues ont été rejetées, il a décidé de ne même pas essayer d’en soumettre une.

[32] Le prestataire a fourni une décision de la Cour suprême pour sa défenseNote de bas page 15. Cette décision portait sur le droit du travail en Colombie-Britannique. Cette décision n’est pas pertinente pour ma décision. Je dois rendre ma décision en me fondant sur la Loi sur l’assurance-emploi, son règlement et la jurisprudence connexe.

[33] Je conviens que le prestataire n’avait pas d’intention coupable en ne divulguant pas son statut vaccinal. Son employeur lui a donné la possibilité de se conformer à la politique et de retourner au travail. Il a travaillé avec son gestionnaire jusqu’à sa dernière journée de travail. Rien dans le dossier ou le témoignage ne laisse croire à une intention coupable. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loiNote de bas page 16.

[34] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes. L’employeur avait une politique de vaccination. Le prestataire avait accès à la politique par l’intermédiaire du portail des employés. Le prestataire a discuté de la politique de vaccination avec son superviseur immédiat. Le prestataire connaissait ou aurait dû connaitre les conséquences du non-respect de la politique de vaccination.

[35] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[36] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, le prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[37] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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