Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 752

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : C. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 11 mai 2023
(GE-23-576)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Date de la décision : Le 10 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-518

Sur cette page

Décision

[1] Je refuse la permission de faire appel. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] C. M. est le demandeur de la permission de faire appel. C’est aussi lui qui a demandé des prestations d’assurance-emploi, alors je vais l’appeler « le prestataire ». La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a exclu le prestataire du bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi.

[3] Lorsque le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, elle a décidé de la maintenir. Le prestataire a porté la décision découlant d’une révision de la Commission en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Compte tenu de toutes les circonstances, elle a conclu que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable qui s’offrait à lui. Il s’agit du critère juridique énoncé dans la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 1.

[5] La division générale était d’accord avec la Commission et a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[6] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale.

[7] Je rejette la demande de permission de faire appel. Le prestataire ne peut pas soutenir que la décision de la division générale était injuste ou que celle-ci a commis une erreur de fait importante. Son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[8] La division générale a-t-elle agi injustement en omettant de convoquer les témoins du prestataire ou d’enquêter sur la version des faits du prestataire?

[9] La division générale a-t-elle commis une erreur de fait importante en :

  1. a) omettant de tenir compte de la preuve montrant que d’autres personnes ont également quitté leur emploi chez l’employeur du prestataire;
  2. b) omettant de tenir compte des preuves de racisme dans le milieu de travail;
  3. c) omettant de tenir compte de l’effet de l’emploi du prestataire sur sa santé mentale?

Je refuse la permission de faire appel au prestataire

[10] Pour que la demande de permission de faire appel du prestataire soit accueillie, ses motifs d’appel doivent correspondre aux « moyens d’appel ». Ensuite, pour que le processus d’appel puisse aller de l’avant, je dois conclure qu’au moins un des moyens d’appel donne à l’appel une chance raisonnable de succès.

[11] Les moyens d’appel cernent les types d’erreurs que je peux prendre en considération. Je peux examiner seulement les erreurs suivantes :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas décidé d’une question qu’elle aurait dû trancher, ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. d) La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droitNote de bas de page 2.

[12] Les tribunaux ont établi qu’une chance raisonnable de succès équivaut à une « cause défendable »Note de bas de page 3.

Erreur de procédure équitable

[13] Lorsque le prestataire a sélectionné les moyens d’appel dans le formulaire de demande, il a seulement sélectionné l’erreur concernant une erreur de fait importante. Toutefois, il a soutenu que la division générale aurait dû faire enquête et recueillir plus d’éléments de preuve. Il a dit qu’il avait nommé des témoins et que la division générale aurait dû recueillir leur preuve. Ces arguments donnent à penser que le prestataire s’inquiète de l’équité du processus.

[14] La division générale doit rendre sa décision en fonction de la preuve dont elle dispose. Cela comprend les renseignements recueillis dans le cadre de l’enquête de la Commission. Cela comprend également la preuve présentée à la division générale sous forme de documents ou par les personnes qui témoignent à l’audience.

[15] La division générale n’est pas une commission d’enquête et ses membres ne sont pas des enquêteuses et des enquêteurs. Le processus d’audience présume que chaque partie à l’appel présente les éléments de preuve sur lesquels elle entend s’appuyer. La division générale n’est pas obligée de demander des éléments de preuve au prestataireNote de bas de page 4.

[16] La division générale n’a pas agi de façon injuste en omettant de communiquer avec les témoins nommés par le prestataire. Il n’était pas non plus injuste que la division générale n’ait pas fait de « suivi ». Elle n’avait pas à vérifier la preuve du prestataire ni à enquêter sur les pistes suggérées par le prestataire.

Erreur de fait

[17] Pour conclure que la division générale a commis une erreur de fait importante, je dois juger qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait qui a été tirée en ignorant ou en interprétant incorrectement des éléments de preuve pertinentsNote de bas de page 5.

[18] Le prestataire a laissé entendre que la division générale avait ignoré la preuve concernant trois faits. Je vais maintenant vérifier si elle a ignoré ou mal interprété la preuve relative à chacun de ces faits.

D’autres personnes ont démissionné

[19] Le prestataire a soutenu que la division générale avait ignoré la preuve d’autres membres du personnel qui avaient quitté leur emploi chez son employeur.

[20] Son avis d’appel contenait des documents disant que huit à dix personnes avaient démissionné pendant que le prestataire travaillait pour l’employeurNote de bas de page 6. Il n’a pas dit pourquoi. Le prestataire a identifié « A. » comme étant une employée qui a demandé à être congédiée, mais il n’a pas dit pourquoi elle l’avait étéNote de bas de page 7. Il affirme que le comportement de l’un des autres employés dérangeait A. Le prestataire a identifié un autre employé (« L. ») qui a démissionné. Il a affirmé que L. avait démissionné en raison des conditions de travail et du comportement de N., un des superviseursNote de bas de page 8. Le prestataire n’a mentionné aucun des autres membres du personnel qui ont quitté leur emploi.

[21] On peut supposer que la raison pour laquelle le prestataire pense que cette preuve est importante est qu’elle pourrait appuyer son affirmation selon laquelle le milieu de travail était toxique, et aider la division générale à comprendre à quel point il l’était. Cela serait pertinent pour savoir si l’on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le prestataire continue de travailler pendant qu’il explorait d’autres solutions que son départ.

[22] Toutefois, le prestataire a dit très peu de choses au sujet des autres membres du personnel qui ont quitté leur emploi. La preuve présentée à la division générale ne pouvait pas confirmer les circonstances dans lesquelles ces autres membres du personnel ont quitté leur emploi ni les raisons de leur départ.

[23] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en omettant de mentionner ces éléments de preuve. La division générale n’a pas besoin de faire référence à chaque élément de preuve. On présume qu’elle a tenu compte de tous les éléments de preuveNote de bas de page 9. La division générale n’avait pas besoin de mentionner précisément ce que le prestataire a dit au sujet du départ d’autres membres du personnel, parce que cet élément de preuve n’aurait pas pu avoir d’incidence sur sa décision.

Preuve de racisme

[24] Le prestataire a également soutenu que la division générale avait ignoré la preuve de racisme de la part de N. Il avait signalé un incident au cours duquel N. qualifiait les étrangers de [traduction] « jockeys de chameaux ».

[25] Le prestataire a raison de dire que la division générale n’a pas fait référence au commentaire de N. Toutefois, la preuve du prestataire ne laisse pas entendre que son milieu de travail l’a exposé à ce genre de commentaire à plus d’une occasion, qu’il avait des raisons de croire que N. voulait dire que le commentaire s’appliquait à lui ou que cela l’affectait personnellement.

[26] Le fait que l’un des superviseurs du prestataire ait peut-être fait un tel commentaire aurait pu contribuer à la décision du prestataire de quitter son emploi. Toutefois, il n’est pas évident de voir comment une seule remarque qui dénigrait généralement les immigrants a nui à la capacité du prestataire d’explorer des solutions raisonnables au lieu de quitter son emploi quand il l’a fait.

[27] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait importante en ne faisant pas référence à ces éléments de preuve. Encore une fois, la division générale n’a pas besoin de se référer à tous les éléments de preuve. Elle n’est pas obligée de faire référence à des éléments de preuve qui ne sont pas pertinents ou qui sont d’une pertinence marginale pour prouver les faits sur lesquels sa décision doit s’appuyer.

Incidence sur sa santé mentale

[28] Enfin, le prestataire a soutenu que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve montrant la façon dont le milieu de travail toxique nuisait à sa santé mentale.

[29] Lorsque le prestataire fait référence à des éléments de preuve concernant sa santé mentale, il peut seulement faire référence à ses propres déclarations. Il avait affirmé qu’il était [traduction] « épuisé mentalement » et qu’il ne pouvait plus [traduction] « en supporter davantage mentalement »Note de bas de page 10. Il a également fourni un courriel qu’il avait envoyé à [traduction] « M. » de Service Canada, dans lequel il décrivait son expérience de travail comme étant de l’intimidation et de la violence psychologique, et il dit qu’il ressent [traduction] « du stress, de l’anxiété et de la peur qui s’insinue dans mon cerveau et mon corps » lorsqu’il repense à ce qu’il a vécu au travailNote de bas de page 11. Il n’y avait aucune preuve que le prestataire avait reçu un diagnostic de trouble mental ou que cela était causé par ses circonstances de travail.

[30] Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré ou mal compris ce que le prestataire ressentait au sujet de la façon dont il était traité au travail ou des répercussions que cela avait sur lui. La division générale a reconnu que le prestataire sentait que le milieu de travail était toxique et qu’il vivait du stress et de l’anxiété. Elle a admis que la façon dont il a été exclu et rejeté était du [traduction] « harcèlement ». Pour cette raison, elle devait considérer le harcèlement en milieu de travail comme une circonstance pertinente lorsqu’elle a décidé si le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son cas.

[31] Ce n’est pas que la division générale a ignoré la preuve ou l’a mal comprise. Elle a examiné la preuve. Après avoir soupesé tous les éléments de preuve, elle a conclu que le départ du prestataire n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[32] Je pense que le prestataire n’est probablement pas d’accord avec la façon dont la division générale a soupesé la preuve et avec la façon dont elle a décidé que les solutions de rechange au départ étaient « raisonnables ».

[33] Toutefois, il n’appartient pas à la division d’appel de soupeser ou de réévaluer la preuveNote de bas de page 12. De plus, je ne peux pas modifier la façon dont la division générale a appliqué un critère juridique aux faits.

[34] La division générale a établi que le prestataire avait toujours des [traduction] « solutions de rechange raisonnables » malgré le stress et l’anxiété qu’il ressentait. Pour conclure que les solutions de rechange étaient « raisonnables », elle devait appliquer un critère juridique aux faits, qui incluait la situation du prestataire.

[35] L’interprétation de la loi en ce qui a trait à des faits particuliers est ce qu’on appelle une « question mixte de fait et de droit ». Les cours ont clairement indiqué que la division d’appel n’a pas le pouvoir d’examiner des questions mixtes de fait et de droitNote de bas de page 13.

[36] Il est impossible de soutenir que la division générale a ignoré la preuve de harcèlement ou son incidence sur le prestataire. De même, il est impossible de soutenir que la preuve ne pouvait pas appuyer rationnellement ses constatations ou conclusions.

Autres erreurs de fait

[37] Comme le prestataire n’est pas représenté, j’ai examiné le dossier pour voir si la division générale avait peut-être ignoré ou mal interprété d’autres éléments de preuve pertinents à ses conclusions de faitNote de bas de page 14. Je n’ai rien trouvé qui appuierait une cause défendable.

[38] Il est impossible de soutenir que la division générale a commis une erreur de fait.

[39] Le prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[40] Je refuse la permission de faire appel. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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