Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 783

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (482264) rendue le 21 juin 2022 par la
Commission de l’assurance-emploi du Canada
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jillian Evans
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 7 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2346

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec J. W.

[2] La Commission a prouvé qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Aperçu

[3] L’appelant, J. W., travaillait depuis longtemps pour une entreprise sous réglementation fédérale. Il était un employé bien apprécié. Il a perdu son emploi le 26 novembre 2021.

[4] Dans la lettre de congédiement, son employeuse lui a dit qu’il était renvoyé parce qu’il ne respectait pas l’une de ses politiques : il ne subissait pas les tests rapides deux fois par semaine, contrairement à ce qu’exigeaient la politique et les protocoles adoptés par l’entreprise dans la foulée de la COVID-19.

[5] L’appelant ne conteste pas ces faits. Il est d’accord sur un point : il a choisi de ne pas passer les tests et il comprenait que cela contrevenait à la politique de son employeuse.

[6] La Commission a conclu que, comme J. W. avait perdu son emploi parce qu’il a enfreint de façon intentionnelle l’une des politiques de son employeuse, la perte d’emploi était due à une inconduite. La Commission a décidé que l’appelant était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[7] L’appelant affirme avoir toujours été un employé dévoué et modèle pendant qu’il travaillait pour son employeuse, soit pendant plus de deux décennies. Il dit avoir toujours fourni un excellent service, n’avoir jamais fait l’objet de plaintes, avoir travaillé de longues heures et avoir laissé tomber ses vacances pendant les premiers mois de la pandémie de COVID-19 pour aider son employeuse. 

[8] Il ajoute qu’il a cotisé au régime d’assurance-emploi pendant toute sa carrière et que sa décision de ne pas subir d’actes médicaux et de ne pas transmettre ses renseignements médicaux confidentiels ne devrait pas l’empêcher de recevoir le soutien qu’il mérite maintenant qu’il en a besoin.

[9] Mon travail consiste à décider si les gestes et le comportement de l’appelant répondent effectivement à la définition juridique de l’inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi.

Question que je devais examiner en premier

J’ai examiné deux appels à la même audience

[10] J. W. a été congédié le 26 novembre 2021 pour non-respect de la politique de son employeuse sur la COVID-19. Le 23 décembre 2021, il a demandé des prestations d’assurance-emploi et il a inscrit que la raison du congédiement était [traduction] « à cause d’une politique de vaccination obligatoire ».

[11] Dans le formulaire de demande, il a aussi indiqué qu’il avait décidé, de sa propre initiative, de commencer un programme de formation à temps partiel d’une durée d’un an peu après la perte de son emploi. L’horaire des cours s’étendait du lundi au samedi. Il a écrit qu’il était disponible pour travailler seulement le soir en raison de cet horaire.

[12] La Commission a rejeté sa demande de prestations le 1er avril 2022. Elle a conclu que J. W. avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle a décidé de la maintenir. 

[13] Elle a informé l’appelant de sa décision le 21 juin 2022. Il a contesté cette décision (celle sur l’inconduite) auprès du Tribunal.

[14] La Commission a aussi vérifié si J. W. était disponible pour travailler pendant la période visée par sa demande de prestations.

[15] Le 22 juin 2022, la Commission a établi qu’il n’était pas disponible et qu’en conséquence, il n’était pas admissible au bénéfice des prestations.

[16] L’appelant n’était pas non plus d’accord avec cette conclusion de la Commission. Il lui a demandé de la réviser (la décision sur la disponibilité).

[17] La Commission a maintenu sa décision sur la disponibilité. Dans une lettre datée du 15 septembre 2022, elle a informé J. W. qu’elle maintenait sa position : il n’était pas admissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Le 7 octobre 2022, il a déposé un deuxième appel au Tribunal pour contester cette décision sur la disponibilité.

[18] L’appelant a porté deux décisions en appel devant le Tribunal pour contester deux questions différentes. Toutefois, comme les deux dossiers m’ont été assignés, à titre de membre, j’ai ordonné que les deux appels soient instruits ensemble. 

[19] L’audience pour les deux appels a eu lieu le 17 novembre 2023 [sic].

Questions en litige

[20] Dans la présente décision, je tranche la question en litige dans le premier appel que J. W. a déposé au Tribunal : l’appelant a‑t‑il perdu son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite?

[21] J’ai rédigé des motifs distincts pour l’autre appel déposé par J. W.

Analyse

[22] La loi prévoit qu’on ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[23] Pour savoir si J. W. a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses :

  • D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été congédié.
  • Ensuite, je dois voir si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi J. W. a‑t‑il été congédié?

[24] Je conclus que J. W. a perdu son emploi parce qu’il n’a pas subi les tests rapides de dépistage de la COVID-19, contrairement à ce qu’exigeait la politique de son employeuse.

[25] À l’audience, J. W. a dit qu’il avait refusé de divulguer son statut vaccinal à son employeuse. La politique et les protocoles de son employeuse sur la COVID-19 obligeaient chaque membre du personnel qui avait refusé de divulguer son statut vaccinal à subir deux fois par semaine des tests rapides par écouvillonnage du nez et à téléverser les résultats sur le portail de l’employeuse.

[26] L’appelant se posait de nombreuses questions sur la sécurité des tests administrés par l’insertion d’un écouvillon dans le nez. Il se demandait aussi si le téléversement des résultats de ses tests médicaux vers le portail de l’entreprise aurait des répercussions sur la protection de la vie privée. Il a demandé à son employeuse de répondre à ses questions sur les deux sujets.

[27] Selon l’appelant, son employeuse ne lui a pas donné des réponses satisfaisantes au sujet de ses préoccupations. Il n’a donc pas respecté les exigences de dépistage et de divulgation.

[28] Il affirme qu’il n’a pas refusé de se conformer à la politique, il n’a tout simplement pas obtenu de réponse à ses questions. Selon lui, il n’avait pas assez d’information pour pouvoir consentir à la politique.

[29] Il ne nie pas, cependant, qu’il n’a pas respecté la politique. Il confirme qu’il n’a pas subi les tests et n’a donc fait parvenir aucun résultat à son employeuse. Il savait qu’il devait le faire aux termes de la politique, mais il ne l’a pas fait.

[30] La Commission dit que c’est la raison pour laquelle il a perdu son emploi : il n’a pas respecté la politique de son employeuse.

[31] Par conséquent, je conclus que la raison pour laquelle l’appelant a perdu son emploi est le non-respect de la politique de son employeuse sur la COVID-19.

La raison pour laquelle il a perdu son emploi est‑elle une inconduite?

[32] Le fait que l’appelant n’a pas respecté les exigences de son employeuse sur le dépistage et la divulgation des renseignements liés à la COVID-19 constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[33] La Loi ne définit pas l’inconduite. Mais la jurisprudence (les décisions des cours et des tribunaux) nous montre comment savoir si les faits et gestes de l’appelant constituent une inconduite au sens de la Loi. Celle‑ci établit le critère juridique de l’inconduite. Dans certaines circonstances, par exemple, le terme « inconduite » désigne la violation d’une règle de son emploi.

[34] Lorsque la Commission est d’avis qu’une travailleuse ou un travailleur qui demande des prestations a commis une inconduite, la responsabilité d’en faire la preuve revient à la Commission. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Dans le cas de J. W., cela veut dire que la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 2.

[35] Je dois d’abord et avant tout me pencher sur ce que J. W. a fait ou non et voir si sa conduite constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas fonder ma décision sur d’autres lois.

[36] Je ne peux pas décider, par exemple, si une personne a été congédiée de façon déguisée ou injustifiée aux termes du droit du travail. En effet, la Cour fédérale a confirmé très clairement que le Tribunal n’a pas le pouvoir de décider si la politique d’une entreprise était équitable ni s’il était justifié ou raisonnable de congédier la personne au titre de cette politiqueNote de bas de page 3.

[37] De même, je n’ai pas le droit d’interpréter une convention collective ni de décider si une organisation a violé une convention collectiveNote de bas de page 4. La Cour fédérale a affirmé qu’il y a d’autres voies de recours judiciaires pour s’opposer à la conduite de son employeuse ou employeur ou pour contester la légalité de ses faits et gestes.

[38] La compétence du Tribunal se limite à la Loi sur l’assurance-emploi. Je dois donc me concentrer sur le comportement et les gestes de l’appelant et vérifier s’ils constituaient une inconduiteNote de bas de page 5.

[39] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, il faut que le comportement de la personne soit délibéré. En d’autres termes, la conduite doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6.

[40] Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable. Il n’est pas nécessaire que J. W. ait eu l’intention de faire quelque chose d’illégal, de dangereux ou de mal pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 7.

[41] La jurisprudence dit aussi qu’il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeuse et que la possibilité de se faire suspendre ou congédier pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 8.

Positions de la Commission et de l’appelant

[42] L’appelant et la Commission s’entendent sur un certain nombre de faits importants. Parmi tous les éléments de preuve présentés par les parties dans le cadre du présent appel, presque aucun n’est contesté. J’ai examiné le dossier (y compris les déclarations écrites et les pièces jointes déposées par l’appelant, le contenu du dossier de la Commission et le témoignage de J. W. à l’audience), et voici mes conclusions sur la preuve :

  • L’employeuse a adopté une politique sur la COVID-19, qu’elle a communiquée à tout le personnel (y compris l’appelant) vers le mois de septembre 2021Note de bas de page 9.
  • La politique obligeait tout le personnel à fournir une preuve de vaccination complète au plus tard le 31 octobre 2021Note de bas de page 10.
  • La politique autorisait les demandes d’exemption pour des raisons médicales ou religieuses.
  • L’appelant n’a jamais demandé à son employeuse une exemption pour l’une ou l’autre de ces raisons.
  • La politique a été mise à jour le 1er novembre 2021 dans le but d’introduire des mesures provisoires pour les membres du personnel qui n’avaient pas fourni leur preuve de vaccination en date du 31 octobre 2021Note de bas de page 11.
  • La nouvelle politique exigeait, entre autres choses, que :
    1. i. les personnes qui avaient choisi de ne pas divulguer leur statut vaccinal à l’employeuse devaient passer elles-mêmes des tests antigéniques rapides deux fois par semaine;
    2. ii. elles devaient aussi communiquer leurs résultats à l’employeuseNote de bas de page 12.
  • La politique s’appliquait à l’ensemble du personnel, y compris l’appelant.
  • L’appelant était au courant de la politique et des exigences introduites le 1er novembre 2021Note de bas de page 13.
  • Il savait aussi que le non-respect des protocoles de dépistage et de divulgation [traduction] « peut entraîner des mesures correctives, disciplinaires ou administratives, qui peuvent aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 14 ».
  • Il n’a pas fait les tests antigéniques rapides et n’a fourni aucun résultat de dépistage à son employeuse.
  • Le 18 novembre 2021, l’appelant a été avisé que le non-respect des exigences de la politique sur le dépistage et la divulgation des résultats entraînerait des [traduction] « mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 15 ».
  • Le 26 novembre 2021, il a perdu son emploi parce qu’il [traduction] « ne respecte toujours pas les directives de l’entrepriseNote de bas de page 16 ».

[43] Selon la Commission, ces faits démontrent qu’il y a eu inconduite de la part de l’appelant : consciemment et en toute connaissance de cause, il a refusé de se conformer à la politique de dépistage adoptée par son employeuse et il savait que s’il ne respectait pas la politique, les chances de perdre son emploi étaient réelles.

[44] Malgré cela, il a choisi de ne pas respecter la politique. 

[45] La Commission affirme que cette conduite correspond à la définition de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi

[46] L’appelant dit que les faits ci‑dessus ne constituent pas une inconduite.

[47] Il affirme que la Commission n’a fourni aucune preuve juridique montrant que :

  • son employeuse avait l’autorisation de lui imposer des tests génétiques;
  • son employeuse avait l’autorisation d’imposer des traitements médicaux à son personnel;
  • son employeuse avait l’autorisation de recueillir ses renseignements médicaux personnels.

[48] L’appelant affirme que sans preuve que la politique était légale, la Commission ne peut pas prouver qu’il a fait quelque chose de mal. Ainsi, selon l’appelant, la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau de la preuve, c’est‑à-dire de sa responsabilité de démontrer que le non-respect des exigences de dépistage de la COVID-19 constituait une inconduite. 

Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite

[49] À la lumière de la preuve, je conclus que la Commission a prouvé que le comportement de J. W. constituait une inconduite. Elle a démontré ceci :

  • Il connaissait la politique de dépistage.
  • Il savait qu’il pouvait perdre son emploi s’il ne respectait pas la politique sur le dépistage et la divulgation.
  • De façon délibérée et intentionnelle, il a pris la décision personnelle de ne pas faire les tests.
  • Il a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique sur le dépistage et la divulgation.

[50] Comme je l’ai expliqué plus haut, je n’ai pas le pouvoir de décider si la politique de l’employeuse était valable sur le plan scientifique ni si elle était juste ou raisonnable. Je n’ai pas le pouvoir de rendre des décisions au titre des lois sur la protection des renseignements personnels ou du Code canadien du travail. Je peux uniquement interpréter et appliquer la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas fonder ma décision sur d’autres lois.

[51] Les cours ont affirmé que d’autres options s’offrent aux personnes qui croient avoir été congédiées à tort ou qui se croient victimes de discrimination de la part de leur employeuse ou employeur : elles peuvent porter plainte auprès d’autres autorités. Les personnes syndiquées ont le droit de déposer des griefs. Ce type de solution pénalise le comportement de l’employeur au lieu de faire payer les contribuables qui participent au régime d’assurance-emploi pour les faits et gestes d’un employeurNote de bas de page 17.

[52] En application de la Loi sur l’assurance-emploi, je conclus que la décision consciente de l’appelant, c’est‑à-dire de ne pas se conformer au protocole de dépistage clairement formulé par son employeuse, répond à la définition de l’inconduite.

Conclusion

[53] La Commission a prouvé que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’a pas droit aux prestations régulières d’assurance-emploi.

[54] L’appel est rejeté.

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