Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 782

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (526028) rendue le
15 septembre 2022 par la Commission de l’assurance-
emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Jillian Evans
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 17 novembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 5 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3284

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelant, J. W., a été congédié. Son dernier jour de travail était le 26 novembre 2021. Il a demandé des prestations régulières le 23 décembre 2021. Dans sa demande, il a écrit que, le 10 janvier 2022, il commencerait un cours de formation d’un an qui le tiendrait occupé à peu près 8 à 10 heures par jour, chaque semaine, du lundi au samedi. 

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi à compter du 10 janvier 2022 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Les prestataires doivent être disponibles et à la recherche d’un emploi pour recevoir des prestations régulières. La disponibilité et la recherche d’emploi sont des exigences continues.

[5] Selon la Commission, l’appelant n’était pas disponible parce qu’il avait choisi de s’inscrire à un programme qui l’empêcherait d’occuper un emploi rémunéré. Elle ajoute que J. W. n’essayait pas de trouver du travail pendant qu’il suivait son programme de formation.

[6] J. W. admet qu’il n’a pas posé sa candidature pour de nouveaux emplois après avoir été congédié par son ancienne employeuse. Mais il explique qu’il attendait le règlement de son grief et ajoute qu’on ne peut pas s’attendre à ce qu’il cherche un nouvel emploi avant qu’il obtienne une décision définitive sur son ancien emploi.

[7] J. W. affirme aussi que, si son ancienne employeuse l’avait réintégré dans ses fonctions, il aurait abandonné sa formation et repris son ancien emploi. Il affirme donc qu’il était disponible pour ce travail.

[8] Je dois décider si J. W. a prouvé qu’il était disponible pour travailler et donc admissible au bénéfice des prestations.

Question que je devais examiner en premier

J’ai examiné deux appels ensemble

[9] J. W. a été congédié le 26 novembre 2021 pour non-respect de la politique de son employeuse sur la COVID-19. Le 23 décembre 2021, il a demandé des prestations d’assurance-emploi et il a inscrit que la raison du congédiement était [traduction] « à cause d’une politique de vaccination obligatoire ».

[10] Dans le formulaire de demande, il a aussi indiqué qu’il avait décidé, de sa propre initiative, de commencer un programme de formation d’un an peu après la perte de son emploi. Ses cours étaient du lundi au samedi durant une bonne partie de la matinée et de l’après-midi. Il a écrit qu’il était disponible pour travailler seulement le soir en raison de l’horaire de ses cours.

[11] Le 1er avril 2022, la Commission a rejeté sa demande de prestations. Elle a conclu que J. W. avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il a demandé à la Commission de réviser sa décision, mais elle a décidé de la maintenir. 

[12] Elle a informé l’appelant de sa décision le 21 juin 2022. Il a contesté cette décision (celle sur l’inconduite) auprès du Tribunal.

[13] La Commission a aussi vérifié si J. W. était disponible pour travailler pendant la période visée par sa demande de prestations.

[14] Le 22 juin 2022, la Commission a établi qu’il n’était pas disponible, et ce, depuis le 10 janvier 2022, et qu’en conséquence, il n’était pas admissible au bénéfice des prestations. 

[15] L’appelant n’était pas non plus d’accord avec cette conclusion de la Commission. Il lui a demandé de la réviser (la décision sur la disponibilité).

[16] La Commission a maintenu sa décision sur la disponibilité. Dans une lettre datée du 15 septembre 2022, elle a informé J. W. qu’elle maintenait sa position : il n’était pas admissible aux prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Le 7 octobre 2022, il a déposé un autre appel auprès du Tribunal pour contester la décision sur la disponibilité.

[17] L’appelant a porté deux décisions en appel devant le Tribunal pour contester deux questions différentes. Toutefois, comme les deux dossiers m’ont été assignés, à titre de membre, j’ai ordonné que les deux appels soient instruits ensemble. 

[18] L’audience pour les deux appels a eu lieu le 17 novembre 2022.

Question en litige

[19] Dans la présente décision, je tranche la question en litige dans le deuxième appel que J. W. a déposé au Tribunal : après la perte de son emploi, l’appelant était‑il disponible pour travailler?

[20] J’ai rédigé une décision distincte pour l’autre appel déposé par J. W.

Analyse

[21] Il y a deux articles de loi qui exigent qu’on démontre sa disponibilité pour le travail si l’on veut avoir droit aux prestations. La responsabilité d’en faire la preuve (fardeau de la preuve) revient à la personne qui demande les prestations.

[22] La Commission a décidé que J. W. n’était pas admissible d’après les deux articles, soit l’article 18 et l’article 50. Pour recevoir des prestations, il doit donc prouver qu’il remplit effectivement les critères des deux articles.

[23] En premier lieu, l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi précise que, pour avoir droit aux prestations, il faut prouver qu’on fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 1. Le Règlement sur l’assurance-emploi précise les critères qui aident à expliquer ce qu’on entend par « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 2 ». Je vais examiner ces critères plus bas.

[24] En second lieu, l’article 18(1)(a) de la Loi précise qu’il faut prouver qu’on est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenable malgré les efforts qu’on faitNote de bas de page 3. La jurisprudence énonce trois éléments qu’il faut prouver pour démontrer qu’on est « disponible » en ce sensNote de bas de page 4. Je vais examiner ces éléments plus loin.

[25] La Commission a décidé que l’appelant n’était pas admissible au bénéfice des prestations :

  1. a) parce qu’il n’a pas fait de démarches raisonnables pour trouver un emploi;
  2. b) parce qu’il n’était pas capable de travailler ni disponible pour travailler.

[26] J. W. n’est pas d’accord avec la Commission. Il admet qu’il n’essayait pas de trouver du travail, mais il dit qu’il avait de bonnes raisons de ne pas faire de recherches. Il ajoute qu’il contribue à l’économie canadienne et au régime d’assurance-emploi depuis trois décennies et qu’il devrait avoir le droit de toucher des prestations lorsqu’il en a besoin.

[27] Je vais maintenant examiner moi-même les deux articles de la Loi pour décider si J. W. s’est rendu disponible pour le travail, comme la Loi l’exige.

L’appelant n’a fait aucune démarche pour trouver un emploi

[28] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si J. W. faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail après avoir été congédiéNote de bas de page 5.

[29] La Loi sur l’assurance-emploi est un régime d’assurance. Elle vise à indemniser les personnes qui sont au chômage pour des raisons indépendantes de leur volonté.

[30] Comme pour les autres polices d’assurance, les personnes qui cherchent à obtenir des prestations aux termes de la « police » doivent remplir les conditions prévues par le régime d’assuranceNote de bas de page 6. Le rôle du Tribunal est de décider si l’appelant – c’est‑à-dire la personne qui demande le versement de prestations au titre de cette police d’assurance – remplit les conditions requises.

[31] L’une des conditions requises par la Loi pour recevoir des prestations est de continuer à chercher un emploi convenable. Par exemple, pendant qu’il était au chômage, J. W. devait communiquer avec des entreprises qui étaient peut-être en train d’embaucher, poser sa candidature à des emplois, participer à des entrevues ou s’inscrire à des banques d’emplois en ligneNote de bas de page 7.

[32] La question de savoir si l’appelant a tenté de se trouver un emploi après avoir été congédié n’est pas un point de discorde entre les parties. Les deux conviennent que J. W. n’a fait aucune démarche pour trouver du travail après son congédiement.

[33] Dans sa demande initiale de prestations, J. W. a écrit qu’il n’avait rien fait pour trouver un emploi depuis qu’il était au chômageNote de bas de page 8. Il a aussi confirmé qu’il ne serait pas disponible pour travailler parce qu’il avait [traduction] « besoin de temps pour terminer [son] programme ».

[34] La Commission a déposé les comptes rendus des appels téléphoniques qui ont eu lieu entre son personnel et J. W. le 21 juin 2022Note de bas de page 9 et le 15 septembre 2022Note de bas de page 10. Durant ces conversations, il a confirmé que sa situation n’avait pas changé : lors des deux échanges, il a répété qu’il n’avait pas essayé de trouver du travail depuis le début de son programme de formation, soit le 10 janvier 2022.

[35] J. W. ne conteste pas ce fait. À l’audience, il a confirmé de nouveau qu’après le début de ses cours, il n’avait fait aucune démarche pour se renseigner sur un nouvel emploi, chercher un emploi ou poser sa candidature. Dans ses observations écrites et le témoignage qu’il a rendu devant le Tribunal, il a expliqué ses raisons :

  1. a) D’abord, il dit avoir choisi de consacrer de 50 à 60 heures par semaine à sa formation pour pouvoir améliorer ses compétences et ainsi mieux contribuer à son industrie. Il ne pouvait pas occuper un emploi à temps plein pendant qu’il suivait une formation à temps plein.
  2. b) Ensuite, il affirme qu’il ne voulait pas induire de possibles employeurs en erreur quant à la possibilité de travailler pour eux : il croit qu’il serait malhonnête de conclure un nouveau contrat de travail avant le règlement de ses griefs contre son ancienne employeuse, car il reprendrait son ancien emploi s’il gagnait son grief.

[36] Il est vrai que J. W. a expliqué pourquoi il a choisi de ne faire aucune démarche de recherche d’emploi. J’admets qu’il avait des raisons personnelles de ne postuler à aucun emploi. Mais ces raisons ne changent rien au fait qu’il n’a pas rempli l’une des conditions requises par le régime d’assurance : prouver qu’il essaie de trouver un emploi convenable.

[37] Les prestataires ne peuvent pas simplement attendre qu’on les rappelle au travail. Pour avoir droit aux prestations, il leur faut chercher activement un emploiNote de bas de page 11.

[38] La preuve montrant que l’appelant n’a fait aucune démarche de recherche d’emploi après le 10 janvier 2022 n’est pas contestée. Je suis donc d’accord avec la Commission : J. W. n’a pas prouvé qu’il a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

Capable de travailler et disponible pour travailler

[39] D’après la Loi, l’appelant n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour quelque période que ce soit à moins de pouvoir prouver qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable pendant cette période.

[40] Ainsi, pour prouver qu’il a droit aux prestations à compter du 10 janvier 2022, l’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 12 :

  1. a) Il voulait retourner travailler dès qu’un emploi convenable était disponible.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui limitaient indûment (c’est‑à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner au travail.

[41] Lorsque je considère chacun de ces éléments, je dois regarder l’attitude et la conduiteNote de bas de page 13 de J. W.

1) Désir de retourner au travail

[42] J. W. affirme qu’il a toujours voulu reprendre son emploi : il attendait patiemment l’issue de ses griefs parce qu’il restait déterminé à reprendre son emploi initial s’il était réintégré dans ses fonctions. 

[43] Selon la Commission, la conduite de J. W., telle qu’elle est décrite ci‑dessus, ne prouve pas qu’il avait le désir de retourner travailler dès qu’une occasion se présentait. Son choix de ne postuler à aucun emploi pendant qu’il étudiait à temps plein pour un an ne correspond pas à un désir constant de retourner au travail.

[44] La Commission ajoute que le fait de ne pas chercher un nouvel emploi avant le règlement de ses griefs contre son ancienne employeuse prouve que l’appelant ne voulait pas retourner travailler dans un emploi convenable, mais plutôt dans un emploi précis.

[45] Je suis d’accord avec la Commission. J. W. était déterminé à épuiser toutes les occasions de retourner à son ancien emploi. Il a le droit de le faire. Toutefois, vouloir reprendre un emploi précis n’équivaut pas à vouloir retourner sur le marché du travail le plus tôt possible. 

  1. 2) Efforts pour trouver un emploi convenable

[46] Comme je l’ai expliqué plus haut, personne ne conteste le fait que l’appelant n’a fait aucune démarche pour trouver un emploi, si ce n’est d’attendre que son grief soit traité. Cette inaction ne remplit pas le deuxième élément du critère dont je dois tenir compte pour décider s’il était disponible pour travailler.

  1. 3) Limitation indue des chances de retourner au travail

[47] Quelques semaines après avoir été congédié, l’appelant s’est inscrit à un programme de formation d’une durée d’un an qui l’occupait de 8 à 10 heures par jour, du lundi au samediNote de bas de page 14.

[48] J. W. reconnaît qu’il ne peut pas travailler pendant qu’il suit presque chaque matin et chaque après-midi de la semaine une formation totalisant de 50 à 60 heures.

[49] L’appelant a aussi dit au Tribunal qu’il avait décidé de façon intentionnelle de ne postuler à aucun autre emploi tant que son grief contre son ancienne employeuse n’était pas réglé. 

[50] Il affirme que poser sa candidature pour un autre emploi serait malhonnête, car cela [traduction] « minerait les intérêts contractuels légitimes d’un nouveau contrat de travail conclu de mauvaise foi avec un nouvel employeurNote de bas de page 15 ». Il croit aussi que le fait de commencer à travailler pour une nouvelle entreprise violerait le contrat qu’il avait conclu de bonne foi avec son ancienne employeuse. Selon lui, ce contrat demeure en vigueur jusqu’à ce que son grief soit réglé, malgré le fait qu’il ait été congédié.

[51] Je juge qu’en suivant une formation à temps plein et en limitant ses options à une seule, soit un retour à son emploi précédent, l’appelant a fait des choix qui ont limité indûment sa capacité à retourner travailler.

[52] À la lumière des conclusions que j’ai tirées sur les trois éléments, je conclus que J. W. n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour travailler, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[53] L’appelant n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler au sens de la loi. C’est pourquoi je conclus qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[54] L’appel est donc rejeté.

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