Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MR c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 767

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. R.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (559599) datée du 23 décembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Guillaume Brien
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 7 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 15 mars 2023
Numéro de dossier : GE-23-424

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi de peintre le 17 août 2022 et a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons pour lesquelles le prestataire avait quitté son emploi. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi sans justification. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme qu’au lieu de partir quand il l’a fait, le prestataire aurait pu faire ce qui suit :

  • parler de ses préoccupations avec son employeur;
  • prendre un congé de maladie;
  • demander une enquête ou déposer une plainte auprès du syndicat ou des organismes responsables de l’application de la législation pertinente en matière de santé et de sécurité au travail.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme que son employeur ne lui a pas fourni l’équipement de protection individuelle (EPI) malgré ses nombreuses demandes. Il ajoute qu’il n’avait d’autre choix que de quitter son emploi parce qu’il avait des problèmes de santé qui s’aggravaient. Il affirme qu’il a le droit de refuser un travail dangereux.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] J’admets que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire convient qu’il a démissionné le 17 août 2022. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[10] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi quand il l’a fait.

[11] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 1 Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on était fondé à le faire.

[12] La loi explique ce que signifie « être fondé ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstances.Note de bas de page 2

[13] Il incombe au prestataire de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.Note de bas de page 3

[14] Pour décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances présentes au moment où il a démissionné. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examiner.Note de bas de page 4

[15] Après avoir cerné les circonstances qui s’appliquent au cas du prestataire, je dois voir s’il a démontré que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas à ce moment-là.Note de bas de page 5

Les circonstances entourant la démission du prestataire

[16] Le prestataire affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique. Plus précisément, il affirme que ses conditions de travail constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité.Note de bas de page 6

Équipement de protection individuelle (EPI)

[17] Les éléments de preuve concernant la disponibilité de l’EPI sont contradictoires.

[18] D’une part, le prestataire a déclaré que son employeur n’était pas disposé à lui fournir un EPI adéquat. Il explique qu’après plusieurs demandes, son employeur lui a finalement fourni une combinaison et deux filtres à air pour un masque trois semaines après le début de son emploi. Il affirme que son employeur ne lui a pas fourni de masque complet au cours des quatre mois qu’il a travaillé pour lui.

[19] D’autre part :

  1. a) Le président de X, S. C., affirme que le prestataire a arrêté de se présenter sans raison. Il affirme que l’entreprise est en activité depuis des années et qu’elle a tout fait pour protéger ses employés.Note de bas de page 7
  2. b) S., le superviseur du prestataire chez X, affirme qu’il a cessé de se présenter au travail. Elle a dû lui téléphoner pour apprendre qu’il ne retournerait pas travailler. Elle dit qu’on lui a fourni une combinaison complète et des masques ventilés. Au début, il recevait les masques le lendemain de sa demande. Cependant, l’entreprise a par la suite stocké d’autres masques et a pu lui en donner aussitôt qu’il en faisait la demande.Note de bas de page 8
  3. c) A., un gestionnaire de bureau qui travaille pour l’entreprise depuis sept ans, affirme que l’employeur a toujours fourni des équipements de protection à ses employés. L’employeur a des masques complets et tous les autres types d’équipements disponibles. Les peintres peuvent les obtenir quand ils en ont besoin. L’entreprise n’a jamais fait l’objet de plaintes concernant la santé et la sécurité.Note de bas de page 9

[20] Il existe des déclarations contradictoires au sujet de la disponibilité et de la qualité de l’EPI fourni au prestataire.

[21] Après avoir examiné l’ensemble du dossier, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé que son employeur a refusé de lui fournir un EPI adéquat. Le prestataire n’a fourni aucune preuve concernant ses déclarations. Il aurait pu fournir des témoignages des autres employés pour appuyer ses déclarations. De plus, le fait que le prestataire a sciemment fourni des renseignements trompeurs à la Commission nuit grandement à sa crédibilité. Par exemple :

  1. a) Dans une déclaration faite à la Commission le 19 décembre 2022, le prestataire a expliqué qu’il avait été admis à l’hôpital pour des problèmes respiratoires en raison de son travail. Son médecin lui a conseillé de quitter son environnement de travail et de changer d’emploi. Le prestataire a demandé deux semaines pour obtenir ses dossiers médicaux et les transmettre à la Commission.
  2. b) Toutefois, lors d’un appel téléphonique ultérieur avec la Commission, le 21 décembre 2022, le prestataire a avoué qu’il n’avait pas consulté de médecin avant de démissionner. Il a dit qu’il avait consulté un médecin après avoir démissionné parce qu’il était malade.

[22] Je conclus que le prestataire n’a pas prouvé que son employeur ne lui avait pas fourni un EPI adéquat pour les raisons suivantes :

  • Le prestataire a volontairement mal informé la Commission.
  • Il n’a fourni aucune preuve à l’appui de son allégation concernant la disponibilité et l’insuffisance de l’EPI.
  • Trois personnes représentant l’employeur ont directement contredit ses déclarations.

[23] Je conclus donc que la situation décrite à l’article 29(c)(iii) de la Loi sur lassurance-emploi n’existait pas lorsque le prestataire a quitté son emploi.

Problèmes de santé

[24] Le prestataire a déclaré qu’il a commencé à avoir des problèmes de santé environ un mois et demi après avoir commencé à travailler. Il a dit qu’il avait les symptômes suivants :

  • il avait de la difficulté à respirer;
  • il perdait du poids;
  • il avait de la difficulté à manger;
  • il n’était pas capable de conduire après sa journée de travail;
  • il ne pouvait pas bouger son corps.

[25] J’ai demandé au prestataire s’il avait consulté un médecin. Il a dit qu’il l’avait fait la semaine du 21 au 25 août 2022. Il a dit qu’il ne se souvenait pas de la date exacte, mais que c’était après avoir quitté son emploi.

[26] Il affirme que son état de santé n’est toujours pas clair à ce jour. Il doit retourner voir son médecin en mars pour subir d’autres tests. Il n’a fourni aucune lettre médicale à l’appui de sa cause.

[27] On a demandé au prestataire s’il avait déjà discuté de ses problèmes de santé avec son employeur. Il aurait dit à S. qu’il ne pouvait pas bien conduire et qu’il avait des étourdissements. Il a dit qu’il n’y avait qu’une seule question dans son cas : l’absence d’EPI, et non pas son problème médical.

[28] La preuve est également contradictoire quant à savoir si le prestataire avait discuté de ses problèmes de santé avec l’employeur avant de partir :

  1. a) S. C. a déclaré que l’employeur n’avait jamais été informé des prétendus problèmes médicaux du prestataire.Note de bas de page 10
  2. b) S., le superviseur du prestataire, a déclaré que le prestataire n’avait jamais mentionné de problèmes de santé. Il a seulement dit qu’il était trop vieux pour continuer à travailler.Note de bas de page 11

[29] Après un examen complet de l’affaire, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait des problèmes de santé avant de démissionner. Premièrement, le prestataire n’a fourni aucun document médical, en dépit du fait que c’est lui qui doit assumer le fardeau de la preuve. Deuxièmement, le prestataire a sciemment fourni des renseignements trompeurs à la Commission quant à la date à laquelle il avait consulté un médecin pour la première fois. Ses déclarations sur ses problèmes de santé étaient donc douteuses. Il n’y a pas non plus de preuve médicale pour appuyer ses déclarations. Troisièmement, il n’y a aucun lien appuyé par la preuve entre ses prétendus problèmes de santé et sa situation au moment de sa démission.

[30] Par contre, je n’ai aucune raison de remettre en question les déclarations des deux personnes qui travaillent pour l’employeur.

[31] Je conclus donc que le prestataire n’a pas prouvé qu’il avait des problèmes de santé particuliers lorsqu’il a choisi de quitter son emploi. Je conclus également que le prestataire n’a pas informé l’employeur de ses problèmes de santé avant de démissionner.

Le prestataire avait d’autres solutions raisonnables

[32] Je dois maintenant vérifier si la seule solution raisonnable dans le cas du prestataire était de quitter son emploi quand il l’a fait.

[33] Le prestataire affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable pour les raisons suivantes :

  • son employeur a refusé de lui fournir un EPI;
  • il était dangereux de travailler sans EPI adéquat et cela nuisait à sa santé;
  • il avait le droit de refuser un travail dangereux.

[34] La Commission n’est pas d’accord et affirme que le prestataire aurait pu signaler ses conditions de travail au conseil de santé et de sécurité s’il n’était pas satisfait de l’EPI fourni par son employeur. Il aurait aussi pu consulter un médecin avant de démissionner.

Disponibilité et qualité de l’EPI

[35] On lui a demandé s’il avait déjà tenté de communiquer avec la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) au sujet de ses préoccupations en matière d’EPI. Le prestataire a répondu [traduction] : « NON : le processus est imposant, compliqué et long. C’est une forme de harcèlement, selon moi. Ça ne marche pas avec moi. »

[36] Je n’accepte pas les explications du prestataire. L’un des mandats de la CNESST est de protéger les travailleurs au Québec. Si le prestataire s’inquiétait vraiment de la disponibilité ou de la qualité de l’EPI fourni, il aurait dû communiquer avec la CNESST pour signaler la situation ou déposer une plainte. Il s’agissait d’une solution raisonnable au lieu de quitter son emploi. D’ailleurs, communiquer avec la CNESST pour s’assurer que l’équipement de protection d’un employeur est adéquat ne constitue pas du tout du harcèlement.

[37] Lorsqu’on lui a demandé s’il avait tenté de changer d’emploi au sein de la même entreprise avant de partir, le prestataire a répondu [traduction] : « NON, parce que je suis finisseur d’armoires d’avion. Je suis formé dans ce domaine. Je suis trop vieux pour transporter 50 livres. Je ne peux pas faire un travail physique. Je n’ai pas d’autre expérience. »

[38] Je n’accepte pas les réponses du prestataire puisqu’il s’agit de conjectures. Au lieu de quitter son emploi, une solution raisonnable aurait été d’essayer d’être transféré à un autre emploi au sein de la même entreprise. Le prestataire n’a même pas essayé de le faire.

Préoccupations médicales

[39] On a demandé au prestataire s’il avait consulté un médecin avant de quitter son emploi, et il a répondu [traduction] : « NON : nous n’avons pas de médecin de famille. Quand j’ai une urgence, je me rends à l’hôpital. Je ne suis pas allé à l’hôpital avant de démissionner parce qu’ils n’acceptent que les patients à l’urgence. »

[40] Encore une fois, je n’accepte pas ces explications. Avant de démissionner, une solution raisonnable aurait été d’obtenir une lettre médicale au sujet de ses prétendus problèmes de santé. Le prestataire aurait pu se rendre à l’hôpital ou prendre un rendez-vous en utilisant le portail gouvernemental Clic Santé, qui offre des rendez-vous médicaux aux personnes sans médecin de famille. Consulter un médecin avant de démissionner était clairement une solution raisonnable dans la présente affaire.

[41] On a demandé au prestataire s’il avait demandé un congé de maladie avant de démissionner, et il a répondu [traduction] : « NON, ils s’en fichent. S’ils s’en souciaient, ils auraient fourni les masques et les combinaisons que j’avais demandés. »

[42] Encore une fois, les explications du prestataire justifiant le fait de ne pas avoir demandé un congé de maladie ne sont pas acceptables. Il suppose que son employeur ne s’en souciait pas. Pourtant, il n’a même pas demandé à son superviseur s’il était envisageable de lui accorder un congé de maladie. S’il est vrai que le prestataire se sentait malade, j’estime qu’une solution raisonnable aurait été de demander un congé de maladie, plutôt que de simplement démissionner avant même de consulter un médecin.

[43] Compte tenu de toutes les circonstances entourant la démission du prestataire, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées ci-dessus. Il aurait pu faire ce qui suit :

  1. a) communiquer avec la CNESST;
  2. b) demander à être transféré au sein de la même entreprise;
  3. c) consulter un médecin avant de démissionner;
  4. d) demander un congé le temps de trouver un autre emploi.

[44] Cela signifie que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

Conclusion

[45] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[46] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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