Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : T.T. c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 701

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — Section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : T. T.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (514598) datée du 25 août 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Elizabeth Usprich
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3369

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle était fondée (c’est-à-dire qu’elle avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand elle l’a fait. La prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, elle est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] La prestataire a commencé un emploi dans le domaine de la vente au détail en octobre 2020. Après avoir attrapé la grippe en décembre 2020, elle a commencé à avoir peur de contracter la COVID-19. La prestataire a donc choisi de prendre un congé volontaire de son emploi. Elle a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de la prestataire. Elle a décidé qu’elle avait volontairement pris congé de son emploi sans justification et qu’elle n’avait donc pas droit aux prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 1 La Commission affirme que la prestataire n’était pas fondée à prendre congé parce qu’il y avait d’autres solutions raisonnables.Note de bas de page 2

[5] La prestataire convient qu’elle a volontairement pris un congé. Pourtant, elle affirme qu’elle n’avait pas d’autre choix. Elle dit qu’elle trouvait dangereux de travailler à son emploi parce qu’elle pouvait contracter la COVID-19. Elle dit qu’elle aurait dû avoir le choix de rester à la maison, comme l’ont eu de nombreux Canadiens.Note de bas de page 3

[6] La Commission affirme qu’au lieu de partir quand elle l’a fait, la prestataire aurait pu consulter son médecin, communiquer avec une agence pour voir si son employeur respectait tous les protocoles ou continuer à travailler le temps de trouver un autre emploi.

Questions que je dois examiner en premier

La prestataire a demandé la modification de la date de l’audience

[7] Le 5 avril 2023, la prestataire a déclaré qu’elle ne serait pas en mesure d’assister à l’audience prévue à 10 h en raison de ses études. On a donc reporté l’audience à 16 h pour que cela convienne à la prestataire.

La prestataire a demandé du temps pour lire des documents

[8] La prestataire a déclaré qu’elle avait lu les documents de la Commission il y a quelque temps. Elle a demandé du temps pour parcourir les documents au début de l’audience. Après mes remarques préliminaires, j’ai donné à la prestataire le temps de relire le dossier de révision de la Commission (GD3) et les observations de la Commission (GD4).

Question en litige

[9] La prestataire a-t-elle volontairement pris congé de son emploi en décembre 2020?

[10] Si oui, la prestataire était-elle fondée à prendre congé au moment où elle l’a fait? Y avait-il d’autres solutions raisonnables?

Analyse

[11] Une partie appelante n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi si elle prend volontairement un congé sans justification.Note de bas de page 4

[12] La Commission doit d’abord prouver que la prestataire a volontairement pris congé.

[13] Ensuite, la prestataire doit prouver qu’elle était fondée à prendre volontairement congé en démontrant que, compte tenu de toutes les circonstances, son départ était la seule solution raisonnable dans son cas.

[14] Un congé volontaire doit répondre à certains critères.Note de bas de page 5 La prestataire doit avoir demandé le congé et l’employeur doit l’autoriser. Ensuite, la prestataire et l’employeur doivent s’entendre sur une date de retour à l’emploi.

La prestataire a volontairement pris congé de son emploi

[15] Je conclus que la prestataire a volontairement pris congé de son emploi. La prestataire ne conteste pas cette conclusion. Je ne vois aucune preuve qui contredise cela.

[16] En décembre 2020, la prestataire a fait part à son employeur de son intention de prendre un congé. L’employeur a écrit une lettre à la prestataire confirmant le congé et une date de retour prévue.Note de bas de page 6

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi

[17] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que la prestataire était fondée à quitter volontairement son emploi au moment où elle l’a fait.

[18] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification.Note de bas de page 7 Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on était fondé à le faire.

[19] La loi explique ce que signifie « être fondé ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Elle dit qu’il faut tenir compte de toutes les circonstances.Note de bas de page 8

[20] Il incombe à la prestataire de prouver qu’elle était fondée à quitter volontairement son emploi. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que sa seule option raisonnable était de prendre un congé.Note de bas de page 9

[21] Pour décider si la prestataire était fondée à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ. La loi énonce certaines des circonstances que je dois examiner.Note de bas de page 10

[22] Après avoir cerné les circonstances qui s’appliquent au cas de la prestataire, je dois voir si elle a démontré que son départ était la seule solution raisonnable à ce moment-là.Note de bas de page 11

Les circonstances entourant la démission de la prestataire

[23] La prestataire affirme que l’une des circonstances prévues par la loi s’applique à sa situation. Plus précisément, elle affirme que les conditions de travail constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité.Note de bas de page 12

[24] La prestataire a été embauchée en octobre 2020, alors que les conséquences découlant de la pandémie mondiale de la COVID-19 était bien connues.

[25] Aux alentours du 10 décembre 2020,Note de bas de page 13 la prestataire est tombée malade. Elle dit qu’elle a consulté son médecin et qu’il lui a diagnostiqué une grippe. Elle a déclaré que son médecin lui avait dit qu’elle ne devrait pas travailler pendant qu’elle était malade.

[26] La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas pensé à sa santé ni à celle de sa mère avant de contracter la grippe. Après avoir attrapé la grippe, elle dit avoir eu peur de la COVID-19. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait aucun problème de santé sous-jacent. Elle a dit à la Commission que son médecin ne l’avait jamais avisée qu’elle ne pouvait pas retourner travailler.Note de bas de page 14 Autrement dit, une fois qu’elle s’est rétablie de la grippe, il n’y avait pas de raison médicale de ne pas retourner au travail. Lors de l’audience, la prestataire a déclaré qu’elle ne se souvenait pas de ce que son médecin avait dit, car c’était il y a plus de deux ans.

[27] La prestataire affirme que sa mère est immunodéprimée et qu’elle craignait de la rendre malade. Elle dit que cela faisait partie des raisons pour lesquelles elle ne voulait pas retourner au travail.

[28] La prestataire a déclaré que son emploi était considéré comme un service essentiel. Elle dit qu’elle était préoccupée par tous les contacts physiques avec la clientèle malgré les mesures de protection qui étaient en place (p. ex. masquage, désinfection). La prestataire affirme que de nombreux clients et certains collègues de travail ne portaient pas le masque. Elle estimait que cela était dangereux.

[29] La prestataire a demandé à son gestionnaire si elle pouvait passer à un poste moins orienté vers la clientèle, soit dans l’emballage ou dans le stockage. Cependant, son gestionnaire a dit qu’il n’y avait pas d’autres postes vacants et qu’étant donné qu’elle avait été embauchée comme associée aux ventes, c’était la seule option pour elle à ce moment-là.

[30] La prestataire et son gestionnaire ont décidé que la meilleure option pour la prestataire était de prendre un congé. La prestataire a communiqué avec le service des ressources humaines et un congé sans solde volontaire lui a été accordé.Note de bas de page 15

[31] Par conséquent, la prestataire n’est jamais retournée au travail après avoir attrapé la grippe en décembre 2020.

[32] La prestataire a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi.Note de bas de page 16

[33] La circonstance qui existait lorsque la prestataire a quitté son emploi était qu’elle était préoccupée par le virus de la COVID-19 et par les effets possibles de ce virus sur elle et sur sa mère.

La prestataire avait des solutions raisonnables

[34] Je dois maintenant vérifier si la seule solution raisonnable dans le cas de la prestataire était de quitter son emploi au moment où elle l’a fait.

[35] La prestataire affirme qu’elle n’avait pas d’autre solution raisonnable parce que son employeur mettait sa santé et sa sécurité en danger. Elle ne voulait pas s’exposer à la COVID-19 ni exposer, d’ailleurs, sa mère. La prestataire affirme avoir demandé à son employeur de changer d’emploi pour passer d’un poste de vendeuse à un poste dans le stockage afin qu’elle n’ait pas autant de contact avec les clients. Elle affirme que l’employeur n’avait pas de poste vacant dans le stockage.

[36] La Commission n’est pas d’accord. Elle affirme que la prestataire aurait pu faire ce qui suit :

  • parler à son médecin de la santé et de la sécurité de son lieu de travail;
  • communiquer avec le ministère ou l’organisme compétent au sujet de ses préoccupations en matière de santé et de sécurité;
  • continuer à travailler le temps de chercher et d’obtenir un autre emploi convenable.

[37] La prestataire affirme qu’elle n’avait que 16 ans lorsque cela s’est produit et qu’elle n’envisageait pas de faire d’autres démarches à ce moment-là.

[38] J’estime que quitter son emploi au moment où elle l’a fait n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas.

[39] Je reconnais que la prestataire avait seulement 16 ans. Pourtant, elle savait qu’il y avait une pandémie mondiale lorsqu’elle a été embauchée en octobre 2020.

[40] La prestataire affirme qu’elle ne se souciait pas vraiment de tomber malade avant d’attraper la grippe. Elle dit que c’est à ce moment-là qu’elle s’est rendu compte du danger réel. Je suis sensible à la situation de la prestataire, mais le fait qu’elle a constaté éventuellement qu’elle pourrait tomber malade pendant une pandémie ne signifie pas qu’elle était fondée à quitter son emploi.

[41] La prestataire convient qu’elle savait – avant d’accepter l’emploi – qu’il y avait une pandémie mondiale. Aucune modification n’a été apportée à ses conditions de travail pendant sa courte période d’emploi. Elle dit qu’il y avait des problèmes de santé et de sécurité parce qu’il était dangereux pour elle de travailler en raison de la COVID-19. Pourtant, elle a accepté l’emploi pendant la pandémie et, par conséquent, elle aurait dû être au courant du risque.

[42] La prestataire dit aussi qu’elle s’inquiétait du fait qu’elle mettait sa santé et celle de sa mère en danger. Pourtant, il n’y a aucun document médical d’un médecin indiquant que la prestataire n’aurait pas dû être au travail. Il est convenu que le médecin de la prestataire lui a dit de ne pas travailler pendant qu’elle avait la grippe. Cela est logique. Une personne qui sait qu’elle est malade et contagieuse ne devrait pas être au travail.

[43] Lors de l’audience, la prestataire a dit que son médecin lui avait peut-être dit de ne pas retourner au travail en raison de la COVID-19. Pourtant, elle a dit à la Commission que son médecin ne lui avait pas donné ce conseil.Note de bas de page 17 Lorsque je lui ai posé des questions au sujet de cette contradiction quant à son récit des faits, elle a dit qu’elle ne se souvenait pas parce qu’elle avait parlé à son médecin il y a plus de deux ans. Je préfère la déclaration initiale de la prestataire, car celle-ci est plus proche chronologiquement du moment où tout s’est passé.

[44] Si le médecin de la prestataire ne pensait pas qu’elle devrait être au travail parce que sa santé était en danger, il lui aurait dit de prendre un congé de maladie.

[45] La prestataire affirme qu’elle n’a communiqué avec aucune agence au sujet de l’espace de travail de son employeur. La prestataire n’a pas dit précisément que son employeur ne respectait pas les protocoles relatifs à la COVID-19. La prestataire a bel et bien déclaré que certains clients et collègues ne portaient pas de masques. On ne sait pas si la prestataire avait soulevé ce problème auprès de son employeur. La prestataire ne se souvenait pas des détails de sa conversation avec son gestionnaire en raison du temps qui s’est écoulé. C’est compréhensible. Encore une fois, la prestataire a mentionné qu’elle n’avait que 16 ans à ce moment-là et qu’elle ne savait pas qu’elle devait communiquer avec quelqu’un d’autre. Encore une fois, c’est compréhensible. Pourtant, si elle affirme que son employeur ne s’est pas conformé aux protocoles de santé et de sécurité et que cela lui a donné une justification pour quitter son emploi, elle doit alors prouver le fondement de la justification.

[46] Je considère également que la prestataire aurait pu continuer à travailler le temps de trouver un autre emploi. La prestataire affirme qu’après être tombée malade, mais avant de demander des prestations d’assurance-emploi, elle a cherché un autre emploi. Pourtant, la prestataire affirme qu’elle est tombée malade aux alentours du 10 décembre 2020, puis qu’elle a demandé des prestations d’assurance-emploi le 22 décembre 2020. La prestataire affirme dans son appel [traduction] « que comme beaucoup d’autres Canadiens, [elle] ne pouvait pas se rendre au travail pendant la pandémie et devait demander une aide financière gouvernementale pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille ».Note de bas de page 18 Pourtant, la prestataire avait un emploi jugé essentiel et aurait pu se présenter au travail. Elle a fait le choix personnel de ne pas travailler pendant cette période.

[47] La prestataire a dit que la plupart des autres emplois disponibles pendant cette période étaient également en contact direct avec la clientèle et qu’elle estimait qu’elle aurait été encore en danger.

[48] Quitter son emploi pour une « bonne raison » ne signifie pas nécessairement qu’une partie prestataire a démontré l’existence d’une « justification » au sens de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi. Note de bas de page 19

[49] Je comprends que la prestataire estimait qu’elle ne devrait pas avoir à travailler si elle trouve que c’était dangereux en raison de la COVID-19. Toutefois, le régime d’assurance-emploi est en place pour aider les personnes qui se retrouvent sans emploi pour des raisons indépendantes de leur volonté. En l’espèce, je conclus que la prestataire a choisi de prendre un congé même si d’autres solutions s’offraient à elle.

[50] Compte tenu des circonstances qui existaient au moment où la prestataire a pris congé, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, pour les raisons mentionnées ci-dessus.

[51] Par conséquent, la prestataire n’était pas fondée à quitter son emploi.

[52] La prestataire a signalé qu’elle ne peut pas se permettre de rembourser le trop-payé qui a été créé. Je n’ai pas le pouvoir d’ordonner l’annulation d’une dette. La prestataire peut demander à la Commission d’envisager l’annulation de sa dette. Elle peut aussi demander à l’Agence du revenu du Canada d’annuler la dette ou de conclure une entente de remboursement.

Conclusion

[53] Je conclus que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations.

[54] Cela signifie que l’appel est rejeté.

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