Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : JB c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 787

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. B.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (544206) datée du
20 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Guillaume Brien
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 2 mars 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 16 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3706

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné la perte de son emploi). Par conséquent, la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] La prestataire a perdu son emploi. Son employeur a affirmé qu’elle a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[4] Même si la prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé, elle affirme qu’elle a été congédiée injustement parce qu’elle [traduction] « n’a jamais pu consentir de façon éclairée à recevoir un vaccin qui, en fin de compte, n’est même plus nécessaire ». Elle dit aussi qu’on [traduction] « ne lui a donné aucune autre option » que de démissionnerNote de bas de page 2.

[5] La Commission a accepté la raison du congédiement fournie par l’employeur. Elle a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle l’a donc exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cela s’applique si l’employeur l’a congédiée ou suspendueNote de bas de page 3.

[8] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle perdu son emploi?

[9] J’estime que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur : elle ne s’est pas fait vacciner contre la COVID-19.

[10] La prestataire et la Commission sont toutes deux d’accord sur le fait qu’elle a été congédiée pour cette raison. J’accepte donc ce fait.

La raison du congédiement de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[11] Selon la loi, la raison du congédiement de la prestataire est une inconduite.

[12] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, la jurisprudence (l’ensemble des décisions que les tribunaux ont rendues) aide à décider si le congédiement de la prestataire est le résultat d’une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi. La jurisprudence établit le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les questions et les critères à prendre en compte quand on examine la question de l’inconduite.

[13] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Pour qu’il y ait inconduite au sens au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 6.

[14] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas de page 7.

[15] La loi ne dit pas que je dois tenir compte du comportement de l’employeurNote de bas de page 8. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelante a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si sa façon d’agir constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[16] Je dois m’appuyer uniquement sur la Loi. Mon rôle n’est pas de décider si des lois offrent d’autres options à la prestataire. Je n’ai pas à décider si son employeur l’a injustement congédiée ou aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas de page 10. Je peux seulement évaluer une chose : si ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[17] Dans une décision de la Cour d’appel fédérale qui s’intitule McNamara, un prestataire a affirmé qu’il devrait avoir droit à des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’avait injustement congédié. Il avait perdu son emploi à cause de la politique de son employeur sur le dépistage de drogues. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié, car le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances. Il a dit qu’il n’y avait aucun motif raisonnable de croire qu’il était incapable de travailler de façon sécuritaire parce qu’il aurait consommé de la drogue. De plus, les résultats de son test de dépistage précédent auraient dû être toujours valides.

[18] La Cour d’appel fédérale a répondu en faisant remarquer qu’elle a toujours affirmé que, dans les dossiers d’inconduite, la question est de savoir si ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi, que la personne ait été injustement congédiée ou non.

[19] La Cour d’appel fédérale a aussi dit que l’interprétation et l’application de la loi se concentrent sur le comportement de la personne employée, et non sur celui de l’employeur. Elle a fait remarquer qu’il y avait d’autres solutions pour les personnes injustement congédiées. Ces solutions pénalisent le comportement de l’employeur au lieu de faire en sorte que les actions de l’employeur coûtent de l’argent aux contribuables en versements de prestations.

[20] Dans une affaire plus récente intitulée Paradis, un prestataire a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de droguesNote de bas de page 11. Le prestataire a soutenu qu’il avait été injustement congédié, car les résultats du test montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies. Il a affirmé que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à sa politique et à la loi provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara et a dit que le comportement de l’employeur n’était pas un facteur pertinent pour évaluer s’il y avait eu une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[21] Dans une autre affaire semblable intitulée Mishibinijima, un prestataire a perdu son emploi en raison de son trouble lié à la consommation d’alcoolNote de bas de page 12. Le prestataire a soutenu que son employeur devait lui offrir des mesures d’adaptation parce que le trouble lié à la consommation d’alcool est considéré comme une déficience. La Cour d’appel fédérale a encore une fois affirmé qu’il fallait se concentrer sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur ne lui avait pas offert de mesures d’adaptation n’était pas pertinent.

[22] Bien que ces affaires ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19, ce qui en ressort est tout de même pertinent. Mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de congédier la prestataire. Je dois plutôt me concentrer sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait mis en place une politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.
  • La prestataire était au courant de la politique et elle savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne la respectait pas.
  • La prestataire n’avait pas été vaccinée à la date limite fixée.
  • La prestataire a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de l’employeur.

[24] La prestataire est d’accord avec les points soulevés par la Commission, mais elle affirme qu’elle n’a pas commis d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • Elle n’a rien fait de mal, elle a été congédiée honorablement.
  • Son contrat de travail ne précisait pas qu’elle devait se faire vacciner contre la COVID-19.
  • Son employeur n’a jamais répondu à ses questions sur le vaccin, donc elle ne pouvait pas consentir de façon éclairée à se faire vacciner.
  • Son employeur a injustement refusé ses demandes d’exemption de vaccination.

[25] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait en place une politique de vaccination obligatoire.
  • L’employeur a clairement communiqué ses attentes à la prestataire : il s’attendait à ce que le personnel soit vacciné.
  • La prestataire connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.
  • La prestataire a été congédiée parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire.

[26] La preuve montre très clairement que les actions de la prestataire ont mené à son congédiement. Elle a agi délibérément. Elle savait que son refus de se faire vacciner allait probablement lui faire perdre son emploi.

[27] La prestataire soutient que sa façon d’agir ne constituait pas une inconduite pour quatre raisons.

Raison no 1 : La prestataire n’a rien fait de mal, elle a été congédiée honorablement

[28] La prestataire soutient que, comme elle n’a rien fait de mal, son refus de se faire vacciner ne devrait pas constituer une inconduite. Elle dit avoir été congédiée honorablement. Elle affirme avoir payé ses cotisations à l’assurance-emploi pendant 20 ans. Lorsqu’elle a finalement eu besoin de prestations d’assurance-emploi, elle ne les a pas reçues. Elle dit qu’elle ne s’est pas fait vacciner parce qu’elle pensait que le vaccin allait la tuer. Elle trouve cela très injuste.

[29] Même si la prestataire estime qu’elle a fait ce qui était bon pour elle, cela ne veut pas dire que sa façon d’agir ne constitue pas une inconduite au sens de la loi. Elle a volontairement choisi de ne pas se faire vacciner, et elle savait qu’elle pouvait perdre son emploi en faisant ce choix.

[30] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Raison no 2 : Le contrat de travail de la prestataire ne précisait pas qu’elle devait se faire vacciner contre la COVID-19

[31] La prestataire soutient qu’elle a signé un contrat de travail de 25 ans et que son contrat ne précisait pas qu’elle aurait besoin d’un vaccin contre la COVID-19 pour conserver son emploi.

[32] Les droits de gestion permettent à l’employeur d’élaborer et de mettre à jour des politiques d’emploi comme bon lui semble. Les nouvelles politiques et les politiques mises à jour deviennent alors des conditions d’emploi.

[33] La prestataire était au courant de la politique de vaccination obligatoire et elle savait qu’elle pouvait être congédiée si elle ne la respectait pas. Elle a volontairement choisi de ne pas se faire vacciner. Elle a donc été congédiée.

[34] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Raison no 3 : La prestataire affirme que son employeur n’a jamais répondu à ses questions au sujet du vaccin

[35] Comme je l’ai expliqué plus haut, mon rôle n’est pas d’évaluer le comportement ou les politiques de l’employeur et d’établir s’il a eu raison de congédier la prestataire.

[36] L’employeur a mis en œuvre la politique. La politique et les conséquences de son non-respect étaient également claires.

[37] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Raison no 4 : L’employeur a refusé injustement les demandes d’exemption de vaccination de la prestataire

[38] Comme je l’ai déjà mentionné, la Cour d’appel fédérale a déclaré que, dans les dossiers d’inconduite, on se concentre sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Le fait que l’employeur n’ait pas offert de mesures d’adaptation à la prestataire n’est pas pertinent.

[39] Je conclus que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Alors, la prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[40] Selon mes conclusions précédentes, je suis d’avis que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[41] La Commission a prouvé que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[42] Par conséquent, l’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.