Assurance-emploi (AE)

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Citation : MM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 900

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (543304) datée du 24 octobre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 6 mars 2023
Personne présente à l’audience : L’appelante
Date de la décision : Le 14 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3876

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Je conclus que l’appelante ne démontre pas qu’elle est disponible à travailler à compter du 23 mai 2022Note de bas de page 1. Elle n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations à compter de cette date.

Aperçu

[2] Du 12 août 2021 au 28 avril 2022 inclusivement et du 5 au 20 mai 2022 inclusivement, l’appelante a travaillé comme agente administrative au X (X ou l’employeur)Note de bas de page 2.

[3] Le 24 mai 2022, elle présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 3. Une période de prestations a été établie à compter du 22 mai 2022Note de bas de page 4.

[4] Le 16 août 2022, la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) l’avise qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi à partir du 23 mai 2022, car elle l’a informée qu’elle serait seulement prête à accepter du travail comme agente administrative dans le secteur de la vaccination et de travailler pour le X. Elle lui précise que pour ces raisons, elle considère qu’elle n’est pas disponible à travailler. La Commission l’informe aussi qu’elle ne peut lui verser de prestations du 25 juillet 2022 au 9 août 2022 puisqu’elle l’a avisée qu’elle serait en vacances durant cette période. La Commission lui indique qu’elle ne pouvait pas démontrer qu’elle était disponible à travailler durant cette périodeNote de bas de page 5.

[5] Le 24 octobre 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe qu’elle maintient la décision rendue à son endroit le 16 août 2022Note de bas de page 6.

[6] L’appelante soutient qu’elle est disponible à travailler. Elle explique avoir pris sa retraite en 2009, après avoir travaillé comme agente administrative au XNote de bas de page 7. Elle est revenue sur le marché du travail en 2011. L’appelante précise qu’à son retour sur le marché du travail, elle a continué de travailler comme agente administrative pour cet employeur. Elle indique avoir travaillé à temps partiel, mais pouvoir le faire à temps plein, selon les besoins. L’appelante explique avoir travaillé lors des activités de vaccination de la pandémie de COVID-19Note de bas de page 8, dans un centre commercial. Elle s’est aussi rendue dans des localités à plusieurs dizaines de kilomètres de chez elle. Elle déclare avoir travaillé en juin, juillet et octobre 2022, de même qu’en février 2023. L’appelante précise être inscrite sur la liste de rappel de l’employeur pour travailler comme agente administrative. Elle soutient être admissible au bénéfice des prestations. Le 21 novembre 2022, l’appelante conteste auprès du Tribunal la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[7] Au début de l’audience, l’appelante réitère qu’elle ne conteste pas l’inadmissibilité au bénéfice des prestations qui lui a été imposée pour la période du 25 juillet 2022 au 9 août 2022, après avoir indiqué à la Commission qu’elle serait en vacances durant cette périodeNote de bas de page 9.

Questions en litige

[8] Dans le présent dossier, je dois déterminer si l’appelante démontre qu’elle est disponible à travailler à compter du 23 mai 2022Note de bas de page 10. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que l’appelante :
  • A manifesté le désir ou la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui était offert?
  • A exprimé ce désir par des efforts ou des démarches pour trouver cet emploi convenable?
  • A établi des conditions personnelles ayant pu limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail?

Analyse

[9] Deux articles de la Loi indiquent qu’un prestataire doit démontrer qu’il est disponible à travaillerNote de bas de page 11. Les articles en question traitent tous deux de la disponibilité, mais il s’agit de deux inadmissibilités distinctesNote de bas de page 12.

[10] D’une part, un prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel il ne peut prouver qu’il était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 13.

[11] D’autre part, pour démontrer la disponibilité à travailler, la Commission peut exiger du prestataire qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 14.

[12] Pour déterminer si un prestataire est disponible à travailler, je dois considérer les critères spécifiques énoncés dans la Loi permettant d’établir si ses démarches pour trouver un emploi convenable constituent des démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 15. Selon ces critères, les démarches doivent être : 1) soutenues, 2) orientées vers l’obtention d’un emploi convenable et 3) compatibles avec neuf activités spécifiques qui peuvent être utilisées pour aider les prestataires à obtenir un emploi convenableNote de bas de page 16. Ces activités sont entre autres, les suivantes : évaluer les possibilités d’emploi, s’inscrire à des outils de recherche d’emploi, des banques d’emploi en ligne ou auprès de bureaux de placement, communiquer avec des employeurs éventuels et présenter des demandes d’emploiNote de bas de page 17.

[13] Les critères servant à déterminer ce qui constitue un emploi convenable sont les suivants : 1) L’état de santé et les capacités physiques du prestataire lui permettent de se rendre au lieu de travail et d’effectuer le travail, 2) L’horaire de travail n’est pas incompatible avec les obligations familiales du prestataire ou ses croyances religieuses, 3) La nature du travail n’est pas contraire aux convictions morales ou aux croyances religieuses du prestataireNote de bas de page 18.

[14] La notion de « disponibilité » n’est pas définie dans la Loi. Des décisions rendues par la Cour ont établi des critères qui permettent d’établir la disponibilité d’une personne à travailler de même que son admissibilité ou non à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 19. Ces trois critères sont :

  • Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable est offert ;
  • La manifestation de ce désir par des efforts pour trouver cet emploi convenable ;
  • Le non-établissement ou l’absence de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 20.

[15] Dans le présent dossier, l’appelante ne satisfait pas les critères énoncés par la Cour pour démontrer sa disponibilité à travailler à compter du 23 mai 2022. Elle ne démontre pas que ses démarches pour trouver un emploi à compter de cette date étaient habituelles et raisonnables.

Question no 1 : Est-ce que l’appelante a manifesté le désir ou la volonté de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable lui aurait été offert?

[16] Je considère que l’appelante ne démontre pas son désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui aurait été offert, à compter du 23 mai 2022.

[17] L’appelante fait valoir qu’elle veut travailler, qu’elle est disponible à le faire en tout temps et que le travail ne lui fait pas peurNote de bas de page 21. Elle souligne être honnête et travaillanteNote de bas de page 22.

[18] L’appelante explique avoir pris sa retraite comme agente administrative en 2009, après 36 ans de service, et être revenue sur le marché du travail en avril 2011Note de bas de page 23. Elle précise qu’elle travaillait à l’accueil et à l’admission des patients (ex. : inscrire et diriger les patients au bon endroit dans l’établissement hospitalier), de même que comme téléphoniste (ex. : prise de rendez-vous).

[19] Elle indique que depuis son retour sur le marché du travail, elle travaille toujours comme agente administrative pour le X, soit le même employeur pour lequel elle a travaillé durant toute sa carrière, avant sa retraite. Elle souligne qu’il s’agit de son seul employeur depuis plus de 40 ans.

[20] L’appelante explique que lorsqu’elle est revenue sur le marché du travail, elle a travaillé à temps partiel, mais qu’elle peut aussi le faire à temps plein, selon les besoins (ex. : campagne de vaccination dans le cadre de la pandémie de COVID-19)Note de bas de page 24.

[21] Elle précise que durant les campagnes de vaccination liées à la pandémie de COVID-19, elle a travaillé comme « surveillante de symptômes », ce qui consistait à voir si les personnes ayant été vaccinées avaient des réactions à la dose leur ayant été administrée, ainsi que comme portière ou préposée à l’imprimanteNote de bas de page 25.

[22] L’appelante indique demeurer disponible à travailler pour son employeur habituel dans le secteur de la vaccinationNote de bas de page 26.

[23] Je considère que même si l’appelante fait valoir qu’elle est disponible à travailler pour le X, elle ne démontre pas son désir ou sa volonté de retourner sur le marché du travail pour occuper un emploi convenable, à l’exception de celui qu’elle a choisi d’occuper chez cet employeur.

[24] J’estime que l’intention de l’appelante est de continuer de travailler pour le X, son employeur habituel.

Question no 2 : Est-ce que l’appelante a exprimé ce désir par des efforts ou des démarches pour trouver cet emploi convenable?

[25] Je considère que l’appelante n’a pas manifesté son désir de retourner sur le marché du travail par des efforts ou des démarches pour trouver un emploi convenable, à compter du 23 mai 2022.

[26] L’appelante indique ne jamais avoir donné sa démission au X. Elle précise que dans une lettre du 16 novembre 2022, cet employeur confirme qu’elle a été embauchée le 1er avril 2012, qu’elle est toujours à son emploi un minimum de 15 heures par semaine et qu’elle a toujours été disponible pour la liste de rappelNote de bas de page 27.

[27] L’appelante indique que pour travailler, elle a effectué les démarches suivantes :

  1. a) Elle est inscrite sur la liste de rappel du X, comme agente administrative. Son inscription sur cette liste ne l’empêche pas de travailler pour d’autres employeurs potentielsNote de bas de page 28 ;
  2. b) Elle attend d’être rappelée par l’employeur. Elle est disponible pour travailler au secteur de la vaccination Note de bas de page 29 ;
  3. c) Cet employeur ne l’a pas appelée pour lui offrir d’autres types d’emploi ou pour lui demander de travailler ailleurs après le début de la campagne de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 30 ;
  4. d) Des changements ont été apportés à l’informatique, au département où elle travaillait. Elle ne veut pas réapprendre à travailler avec de nouveaux programmes ou de nouveaux logiciels. Elle dit ne pas être intéressée à suivre des formations afin de pouvoir travaillerNote de bas de page 31.

[28] L’appelante explique ne pas avoir fait d’autres démarches pour travailler auprès d’autres employeurs potentielsNote de bas de page 32. Elle précise qu’à son âge, elle ne fera pas de recherches pour trouver un autre emploiNote de bas de page 33.

[29] L’appelante déclare être seulement disponible pour travailler au secteur de la vaccination au XNote de bas de page 34.

[30] L’appelante fait valoir que depuis qu’elle a cessé de travailler en mai 2022, elle a effectué plusieurs périodes d’emploi pour cet employeur. Elle explique avoir travaillé en juin 2022, mais que les activités de vaccination étaient au ralenti durant cette période. L’appelante indique avoir aussi travaillé pour lui en juillet et en octobre 2022, ainsi qu’en février 2023Note de bas de page 35. Elle précise avoir, entre autres, travaillé dans un centre commercial et dans des localités situées à des dizaines de kilomètres de son lieu de résidenceNote de bas de page 36 .

[31] L’appelante explique que le X lui a envoyé un courriel, en date du 13 février 2023, lui indiquant qu’il n’avait pas besoin de ses servicesNote de bas de page 37.

[32] Dans une déclaration à la Commission, en date du 19 juillet 2022, le X indique avoir un « besoin criant » d’agents administratifs dans beaucoup de départementsNote de bas de page 38. L’employeur déclare que l’appelante donne ses disponibilités pour travailler seulement au secteur de la vaccination, ce qui explique pourquoi elle est inscrite sur la liste de rappel et que ces heures ne sont pas garantiesNote de bas de page 39.

[33] Dans le cas présent, j’estime que l’appelante n’a pas effectué des « démarches
habituelles et raisonnables » dans la « recherche d’un emploi convenable », soit des démarches soutenues, orientées vers l’obtention d’un emploi convenable et compatible avec neuf activités spécifiques pouvant être utilisées pour aider les prestataires à obtenir un emploi convenableNote de bas de page 40.

[34] Je considère que même si l’appelante déclare être disponible à travailler, ses démarches pour trouver de l’emploi ne démontrent pas qu’elle est prête à travailler pour un autre employeur que le X.

[35] Il ressort de son témoignage et de ses déclarations que depuis le 23 mai 2022, elle a choisi de donner la priorité à cet employeur qui lui procure du travail depuis son retour sur le marché du travail plutôt que de chercher, d’une manière soutenue, un autre emploi.

[36] La Cour nous informe que la disponibilité d’une personne s’apprécie par jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel elle peut prouver qu’elle était, ce jour-là, capable de travailler et disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 41.

[37] Je considère que la disponibilité à travailler de l’appelante ne s’est pas traduite par des recherches d’emploi soutenues auprès d’employeurs potentiels, dans le but de trouver un emploi convenable.

[38] La Cour nous informe qu’il appartient au prestataire de prouver sa disponibilité à travailler. Afin d’obtenir des prestations d’assurance-emploi, un prestataire doit chercher activement un emploi convenable, même s’il lui semble raisonnable de ne pas le faireNote de bas de page 42.

[39] La Cour nous indique aussi que le fait de ne pas rompre le lien d’emploi et de demeurer sur le marché du travail ne rend pas nécessairement une personne disponible à travailler tous les jours ouvrables d’une période de prestationsNote de bas de page 43.

[40] L’appelante avait la responsabilité de chercher activement un emploi convenable afin de pouvoir obtenir des prestations d’assurance-emploi.

[41] Je considère qu’elle ne s’acquitte pas de cette responsabilité depuis le 23 mai 2022.

Question no 3 : Est-ce que l’appelante a établi des conditions personnelles ayant pu limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail?

[42] J’estime que l’appelante a établi des « conditions personnelles » ayant pour effet de limiter indûment ses chances de retour sur le marché du travail pour occuper un emploi convenable à compter du 23 mai 2022.

[43] Je considère que les conditions personnelles que l’appelante impose sont avant tout liées au fait qu’elle se limite à travailler pour son employeur habituel, le X, depuis son retour sur le marché du travail.

[44] J’estime que l’appelante veut travailler, mais qu’elle ne veut pas offrir de disponibilité auprès d’un employeur autre que celui pour lequel elle travaille depuis son retour sur le marché et pour lequel elle a travaillé durant toute sa carrière avant sa retraite.

[45] De plus, elle n’accepte de travailler que comme agente administrative au secteur de la vaccination au X, alors que cet employeur indique avoir un « besoin criant » d’agents administratifs dans plusieurs de ses départementsNote de bas de page 44. Je suis d’avis qu’elle pourrait travailler comme agente administrative dans plusieurs départements chez cet employeur.

[46] Je considère que l’appelante est très sélective dans le type d’emploi qu’elle accepterait d’occuper, ce qui démontre aussi qu’elle limite indûment ses chances de retour sur le marché du travail.

[47] Je considère que depuis le 23 mai 2022, l’appelante impose des conditions personnelles ayant pour effet de limiter de manière excessive ses chances de réintégrer le marché du travail pour occuper un emploi convenable

Conclusion

[48] Je conclus que l’appelante ne démontre pas sa disponibilité à travailler au sens de la Loi à compter du 23 mai 2022. Elle n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date.

[49] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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