Assurance-emploi (AE)

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Citation : AA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 135

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (495615) datée du 9 juillet 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 8 décembre 2022
Personne présente à l’audience : L’appelant
Date de la décision : Le 13 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-2374

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Je conclus que la somme de 6 070,00 $ que l’appelant a reçue de la part de X (l’employeur), à titre de salaire et d’indemnité de départ, constitue une rémunérationNote de bas de page 1. Cette somme doit donc être répartie ou déduite de ses prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 2. La Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission) a réparti cette rémunération sur les bonnes semaines de la période de prestations d’assurance-emploi de l’appelantNote de bas de page 3.

[3] Je conclus que la Commission est justifiée de réclamer une somme d’argent à l’appelant pour des prestations versées en trop (trop-payé)Note de bas de page 4.

Aperçu

[4] Du 17 septembre 2018 au 15 octobre 2019 inclusivement, l’appelant a travaillé comme programmeur-analyste en informatique pour l’employeur et a cessé de travailler pour lui en raison d’un manque de travailNote de bas de page 5. 

[5] Le 3 octobre 2019, l’appelant présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières)Note de bas de page 6. Une période de prestations a été établie à compter du 29 septembre 2019Note de bas de page 7.

[6] Dans son argumentation, la Commission explique que l’appelant a présenté une demande de prestations le 3 octobre 2019 en l’avisant qu’il avait eu un manque de travail à partir de cette date. Elle indique qu’un relevé d’emploi a été déposé au dossier de l’appelantNote de bas de page 8 et que son dernier jour de travail a été accepté comme étant le 30 septembre 2019. Cela explique que le début de sa période de prestations a été établi à partir du 29 septembre 2019. La Commission précise qu’un deuxième relevé d’emploi a été émis par l’employeur de l’appelant démontrant que son dernier jour de travail avait été le 15 octobre 2019Note de bas de page 9. Elle indique qu’à la suite d’une enquête, elle a conclu que la cessation d’emploi s’est produite le 15 octobre 2019. La Commission précise que le fait de postdater le début de la période de prestations de l’appelant au 15 octobre 2019 n’aurait aucun impact dans les calculs effectuésNote de bas de page 10.

[7] Le 9 mai 2022, la Commission informe l’appelant qu’elle a réparti ses gains, soit son salaire et une indemnité de départ provenant de son employeur, pour les semaines suivantes : 29 septembre 2019 au 5 octobre 2019 (1 231,00 $), 6 au 12 octobre 2019 (1 231,00 $) et 13 au 19 octobre 2019 (3 608,00 $). Elle lui indique qu’il recevra un avis de dette et qu’il devra rembourser le montant des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 11.

[8] Le 9 juillet 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’avise qu’elle maintient la décision rendue à son endroit, en date du 9 mai 2022Note de bas de page 12.

[9] L’appelant explique avoir reçu la somme d’argent ayant fait l’objet d’une répartition de la part de la Commission. Il soutient qu’il ne devrait pas avoir à rembourser la somme d’argent que celle-ci lui réclame pour des prestations versées en trop (trop-payé). L’appelant fait valoir que cela devrait être le cas, car il n’a pas reçu des prestations pour le nombre de semaines pour lesquelles il pouvait en recevoir.

[10] Le 18 juillet 2022, l’appelant conteste la décision en révision de la Commission. Cette décision fait l’objet de son recours devant le Tribunal.

Questions en litige

[11] Je dois déterminer si la somme de 6 070,00 $ que l’appelant a reçue de son employeur constitue une rémunérationNote de bas de page 13 et, le cas échéant, déterminer si la répartition de cette rémunération a été effectuée correctementNote de bas de page 14. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que la somme d’argent que l’appelant a reçue de son employeur représente une rémunération?
  • Si tel est le cas, est-ce que la Commission a correctement réparti la rémunération?

[12] Je dois également déterminer si la Commission est justifiée de réclamer à l’appelant la somme d’argent qui lui a été versée en trop en prestationsNote de bas de page 15.

Analyse

[13] L’article 35 du Règlement définit ce qui constitue un revenu et un emploi, et précise quels types de revenus doivent être considérés comme une rémunération. L’article 36 indique de quelle manière une rémunération doit être répartie ou déduite des prestations d’assurance-emploi d’un prestataire.

[14] La rémunération est le revenu intégral du prestataire, c’est-à-dire le revenu entier provenant de tout emploiNote de bas de page 16. Une somme reçue ne sera pas considérée comme une rémunération si elle est visée par les exceptions prévues au RèglementNote de bas de page 17 ou si elle ne provient pas d’un emploi.

[15] Le revenu peut être tout ce qu’une personne a reçu ou recevra d’un employeur ou d’une autre personne. Ce n’est pas nécessairement une somme d’argent, mais cela est souvent le casNote de bas de page 18. L’emploi est tout travail qu’une personne a fait ou fera dans le cadre d’un contrat de travail ou de servicesNote de bas de page 19.

[16] La Loi prévoit que toute la rémunération doit être répartieNote de bas de page 20. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle la personne a reçu la rémunérationNote de bas de page 21.

[17] Le prestataire doit démontrer que la somme d’argent qu’il a reçue ou à laquelle il a droit n’est pas une rémunération. Il doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que la somme d’argent en question n’est pas une rémunération.

Question no 1 : Est-ce que la somme d’argent que l’appelant a reçue de son employeur représente une rémunération?

[18] Je considère que la somme de 6 070,00 $, que l’appelant a reçue de son employeur, constitue une rémunérationNote de bas de page 22. Il s’agit d’une somme d’argent qui lui a été versée en contrepartie du travail qu’il a accompli. Cette somme représente un revenu qui lui était dû après avoir travaillé pour l’employeur.

[19] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi qu’une somme d’argent sera considérée comme une rémunération si elle est gagnée par un travailleur grâce à son travail ou en contrepartie d’un travail, ou s’il existe un « lien suffisant » entre l’emploi du prestataire et la somme reçueNote de bas de page 23.

[20] La Cour précise qu’une indemnité de départ est une rémunérationNote de bas de page 24.

[21] La preuve au dossier indique que l’appelant a reçu une somme globale de 6 070,00 $ de la part de son employeurNote de bas de page 25. Cette somme comprend les montants suivants :

  • 1 231,00 $ (1 231,29 $) : rémunération (semaine du 29 septembre 2019 au 5 octobre 2019) ;
  • 1 231,00 $ (1 230,93 $) : rémunération (semaine du 6 au 12 octobre 2019) ;
  • 989,00 $ (988,89 $) : rémunération (semaine du 13 au 19 octobre 2019) ;
  • 2 619,00 $ (2 618,90 $) : paie de vacances versée le 15 octobre 2019Note de bas de page 26.

[22] Les quatre montants en question totalisent 6 070,00 $ (1 231,00 $ + 1 231,00 $ + 989,00 $ + 2 619,00 $ = 6 070,00 $). Il s’agit de la somme d’argent que la Commission considère comme un revenu et qui a été déduite des prestations versées à l’appelant pour les semaines suivantes : 29 septembre 2019 au 5 octobre 2019 (1 231,00 $), 6 au 12 octobre 2019 (1 231,00 $) et 13 au 19 octobre 2019 (989,00 $ + 2 619,00 $ = 3 608,00 $)Note de bas de page 27.

[23] L’appelant reconnaît avoir reçu la somme d’argent en questionNote de bas de page 28.

[24] Je considère que cette somme constitue une rémunération puisqu’elle fait partie du revenu intégral provenant de son emploi, comme l’indique le RèglementNote de bas de page 29.

[25] Cette somme est en lien avec l’emploi que l’appelant a occupé chez l’employeur en contrepartie du travail qu’il y a effectué.

[26] De plus, cette somme n’est pas visée par les exceptions prévues au Règlement qui permettrait de ne pas la considérer comme une rémunérationNote de bas de page 30.

Question no 2 : Est-ce que la Commission a correctement réparti la rémunération?

[27] Je considère que la somme de 6 070,00 $ que l’appelant a reçue de son employeur a été correctement répartie selon les dispositions prévues au Règlement puisque cette somme représente une rémunérationNote de bas de page 31.

[28] La Loi prévoit que la rémunération doit être répartie sur certaines semaines. Les semaines sur lesquelles la rémunération est répartie dépendent de la raison pour laquelle la personne a reçu la rémunération.

[29] Le Règlement prévoit que la rémunération payée ou payable à un prestataire en raison de son licenciement ou de sa cessation d’emploi est répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine du licenciement ou de la cessation d’emploiNote de bas de page 32.

[30] La Cour a établi que les sommes qui constituent une rémunération aux termes de l’article 35 du Règlement doivent être réparties aux termes de l’article 36 du RèglementNote de bas de page 33.

[31] La Cour nous indique que les sommes versées en raison d’une cessation d’emploi qui constituent une rémunération au sens de l’article 35 du Règlement doivent être réparties selon l’article 36(9) du RèglementNote de bas de page 34.

[32] La Cour nous informe aussi que pour calculer le montant à déduire des prestations, le revenu intégral du prestataire provenant de tout emploi doit être pris en considérationNote de bas de page 35.

[33] L’appelant ne présente pas d’arguments concernant la répartition que la Commission a faite relativement à la rémunération reçue de son employeur. Ses arguments visent avant tout à démontrer qu’il ne devrait pas avoir à rembourser la somme d’argent que lui réclame la Commission pour des prestations versées en trop (trop-payé), car il devrait avoir le droit de recevoir des prestations pendant plus de semaines que celles pour lesquelles il en a reçues.

[34] Concernant le relevé d’emploi émis par l’employeur, en date du 5 novembre 2019, indiquant que son dernier jour de travail avait été le 15 octobre 2019Note de bas de page 36, l’appelant explique que s’il a présenté sa demande de prestations le 3 octobre 2019, c’est parce qu’il avait cessé de travailler au moment de présenter cette demande.

[35] De son côté, la Commission donne les explications suivantes :

  1. a) L’employeur a émis un premier relevé d’emploi (relevé d’emploi émis le 26 septembre 2019). Il indiquait que le dernier jour de travail payé de l’appelant avait été le 30 septembre 2019Note de bas de page 37. L’appelant a présenté une demande de prestations le 3 octobre 2019 indiquant qu’il avait cessé de travailler le 3 octobre 2019 (dernier jour travaillé)Note de bas de page 38. Ces éléments expliquent pourquoi le début de la période de prestations a été établi à compter du 29 septembre 2019Note de bas de page 39 ;
  2. b) À la suite d’une enquête, la Commission a déterminé que c’est le 15 octobre 2019 que l’appelant a cessé de travaillerNote de bas de page 40. L’employeur a émis un deuxième relevé d’emploi indiquant que le dernier jour de travail de l’appelant a été le 15 octobre 2019Note de bas de page 41 ;
  3. c) Postdater le début de la période de prestations de l’appelant au 15 octobre 2019 n’aurait aucun impact dans le calcul visant à répartir sa rémunérationNote de bas de page 42 ;
  4. d) La rémunération de l’appelant a été répartie à compter de la semaine ayant commencé le 29 septembre 2019, en se basant sur sa rémunération hebdomadaire normale, établie à 1 250,00 $Note de bas de page 43.

[36] Je considère que la somme de 6 070,00 $ doit être répartie selon les dispositions prévues à l’article 36(9) Règlement puisque cette somme représente une rémunération qui a été payée à l’appelant en raison de son licenciement ou de sa cessation d’emploiNote de bas de page 44.

[37] Cet article prévoit que la rémunération de l’appelant doit être répartie sur un nombre de semaines qui commence par la semaine de la cessation d’emploi, et ce, abstraction faite de la période pour laquelle elle est présentée comme payée ou payableNote de bas de page 45.

[38] J’accepte l’explication de la Commission selon laquelle elle a réparti la rémunération de l’appelant à compter de la semaine ayant commencé le 29 septembre 2019, même s’il a cessé de travailler le 15 octobre 2019, étant donné qu’il n’y a pas d’impact dans le calcul qu’elle a effectué en procédant de cette manière.

[39] Je souligne que lors de son témoignage, l’appelant précise qu’il avait cessé de travailler lorsqu’il a présenté sa demande de prestations, le 3 octobre 2019.

[40] Je considère que dans ce contexte, la Commission a correctement établi le moment à partir duquel la répartition de la rémunération de l’appelant a été effectuée, soit à compter de la semaine ayant commencé le 29 septembre 2019, en fonction des dispositions prévues au Règlement.

[41] En résumé, je considère que la rémunération de 6 070,00 $ payée à l’appelant a été répartie sur les bonnes semaines de sa période de prestationsNote de bas de page 46.

Remboursement des prestations versées en trop.

[42] Je considère que la Commission est justifiée de réclamer à l’appelant la somme d’argent qui lui a été versée en trop en prestationsNote de bas de page 47.

[43] Si une personne a reçu des prestations d’assurance-emploi auxquelles elle n’était pas admissible ou parce qu’elle était exclue du bénéfice de ces prestations, elle est tenue de les rembourser ou de rembourser le versement excédentaire qui en a découléNote de bas de page 48.

[44] La Commission dispose d’un délai de 36 mois pour examiner de nouveau toute demande au sujet de prestations payées ou payables à un prestataire, incluant les prestations de la PAEU, et ce délai est de 72 mois, si elle estime qu’une déclaration ou affirmation fausse ou trompeuse a été faite relativement à une demande de prestationsNote de bas de page 49.

[45] L’appelant soutient qu’il ne devrait pas avoir à rembourser la somme d’argent que lui réclame la Commission pour des prestations versées en trop, étant donné qu’il n’en a pas reçu pour toutes les semaines pour lesquelles il y avait droitNote de bas de page 50.

[46] Il affirme avoir reçu des prestations pendant 31 semaines, alors qu’il avait le droit d’en recevoir pour 36 semainesNote de bas de page 51.

[47] L’appelant fait valoir qu’il n’a pas été en mesure de remplir ses déclarations du prestataire après la semaine s’étant terminée le 13 juin 2020 en raison d’un problème technique, sans quoi, il aurait continué de les remplirNote de bas de page 52.

[48] Il explique avoir présenté une demande d’antidateNote de bas de page 53 à la Commission dans le but de recevoir des prestations pour les semaines manquantesNote de bas de page 54.

[49] Malgré le désaccord de l’appelant avec le fait qu’il doive rembourser la somme d’argent qui lui est réclamée pour des prestations versées en trop, il demeure qu’il doit rembourser cette somme. Elle représente un versement excédentaire qui doit être remboursé.

[50] La Cour nous informe que le montant du versement excédentaire indiqué dans un avis de dette devient remboursable à la date de notification et que la personne qui reçoit un versement excédentaire de prestations est tenue d’en restituer immédiatement le montantNote de bas de page 55.

[51] La situation de l’appelant ne peut avoir pour effet de l’exempter de son obligation de rembourser le montant du trop-payé réclamé pour des prestations qui lui ont été versées en trop.

[52] Même si l’appelant fait valoir qu’il a le droit de recevoir des prestations pour une période de 36 semaines alors qu’il n’en a reçu que pendant 31 semaines, je ne peux me prononcer sur cette question spécifique puisqu’il ne s’agit pas de la question en litige. Il en est de même de la demande que l'appelant a adressée à la Commission pour qu’une antidate lui soit accordée.

[53] Je précise que la décision initialement rendue par la Commission le 9 mai 2022, porte sur la répartition des gains de l’appelant et la demande qui lui est faite de rembourser le montant des prestations auxquelles il n’avait pas droitNote de bas de page 56.

[54] Je souligne que la décision en révision de la Commission, en date du 9 juillet 2022, indique qu’elle maintient celle rendue à l’endroit de l’appelant, en date du 9 mai 2022Note de bas de page 57.

[55] C’est la décision en révision qui a été portée en appel devant le Tribunal. Je dois donc rendre une décision sur cette question. Les questions portant sur le nombre de semaines de prestations pour lesquelles l’appelant peut en recevoir et la demande d’antidate qu’il a adressée à la Commission ne sont pas abordées dans cette décision.

[56] Sur ce point, je précise également qu’à titre de membre du Tribunal, je ne peux me prononcer sur une question dont je n’ai pas été saisi. Le Tribunal ne peut entendre que les appels des décisions de révision prises par la CommissionNote de bas de page 58.

[57] Je considère que la Commission est justifiée de réclamer le montant du trop-payé à l’appelant. Il appartient à la Commission d’examiner les modalités de remboursement de la somme d’argent qu’elle lui réclame.

Conclusion

[58] Je conclus que la somme de 6 070,00 $ que l’employeur a versée à l’appelant constitue une rémunération. Cette rémunération doit être répartie ou déduite des prestations de l’appelant. La Commission a correctement réparti cette rémunération.

[59] La Commission est justifiée de réclamer à l’appelant la somme d’argent représentant les prestations qui lui ont été versées en trop.

[60] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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