Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 765

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. J.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (471306) datée du 13 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Leanne Bourassa
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 19 octobre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 20 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-1840

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] L’appelant n’a pas démontré qu’il était fondé à quitter son emploi (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) quand il l’a fait. L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que le départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] L’appelant est également inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’a pas démontré qu’il était disponible pour travailler pendant ses études à temps plein.

Aperçu

[4] L’emploi de l’appelant a pris fin. Le 7 décembre 2021, il a demandé des prestations d’assurance-emploi. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ de l’appelant. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[5] La Commission a également décidé que l’appelant n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler à partir du 6 décembre 2021 parce qu’il suivait un cours de formation de sa propre initiative et qu’il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[6] Je dois d’abord décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi et, dans l’affirmative, s’il a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Ensuite, je dois aussi décider s’il a démontré qu’il était disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein.

[7] La Commission affirme que l’appelant a mis fin à son emploi parce qu’il aurait pu retourner travailler ou rencontrer son employeur pour fixer une date de retour au travail. S’il avait un problème de santé, il aurait pu demander l’appui d’un médecin pour quitter son emploi.

[8] La Commission soutient également que puisque l’appelant était aux études à temps plein, on présume qu’il n’est pas disponible pour travailler.

[9] L’appelant affirme qu’il n’a pas quitté son emploi, mais que son employeur a mis fin à son poste lorsqu’il a pris congé en raison des conditions de travail stressantes.

[10] L’appelant fait également valoir que son travail d’assistant à l’enseignement n’a pas été considéré comme un travail par la Commission. En raison de cet emploi, il n’a pas voulu chercher un autre emploi. Il affirme avoir commencé à faire des recherches une fois que la Commission lui a dit qu’il devait prouver qu’il cherchait du travail pour démontrer qu’il était disponible.

Question que je dois examiner en premier

[11] Dans certains cas, les éléments de preuve ne permettent pas de déterminer clairement la cause du chômage de la partie appelante. Dans la présente affaire, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si l’appelant a quitté son emploi ou si l’employeur a mis fin à son emploi. La loi a établi que je dois traiter de la décision que la Commission a rendue, et non de celle qu’elle aurait pu rendreNote de bas de page 1.

[12] Dans la présente affaire, la Commission a décidé que l’appelant avait quitté volontairement son emploi. Pour les raisons que j’explique ci-dessous, je suis d’accord et je conclus que l’appelant a mis fin à son emploi.

Question en litige

[13] Il y a deux questions que je dois aborder dans le présent appel :

  1. Question en litige no 1 : L’appelant est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?
  2. Question en litige no 2 : L’appelant est-il inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler pendant qu’il étudiait à temps plein? 

[14] Pour répondre à ces questions, je dois d’abord examiner la question du départ volontaire de l’appelant. Je dois ensuite décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi. Enfin, je dois décider s’il a démontré qu’il était disponible pour travailler.

Analyse

Question en litige no 1 : L’appelant a quitté volontairement son emploi sans justification

J’estime que l’appelant avait le choix de conserver son emploi

[15] Je conclus que l’appelant a quitté volontairement son emploi. Il avait le choix de le conserver.

[16] La Cour d’appel fédérale affirme que la question à se poser pour décider si une personne a quitté volontairement son emploi est de savoir si l’employé avait le choix de rester ou de quitterNote de bas de page 2.

[17] L’appelant a fait valoir qu’il n’a pas quitté volontairement son emploi et qu’il n’appartient pas à l’employeur de décider qu’il a quitté son emploi. Il affirme que son emploi a pris fin lorsque l’employeur lui a demandé de remplir un questionnaire de départ.

[18] Je conviens qu’un employeur ne peut pas décider unilatéralement qu’un employé a quitté son emploi. Toutefois, dans le cas présent, l’appelant a dit à son employeur qu’il n’était pas disponible pour travailler. Par la suite, l’employeur a donné à l’appelant plusieurs occasions de discuter d’un retour au travail. L’employeur l’a averti que s’il ne revenait pas, il interpréterait cela comme une démission. Au bout du compte, l’appelant a agi d’une manière qui a mis fin à son emploi.

[19] Je comprends que l’appelant était très insatisfait de la façon dont les choses se déroulaient au travail et de la façon dont il était traité à son travail. Il a dit à sa gestionnaire qu’il avait besoin d’un congé d’une durée indéfinie et il affirme qu’elle a accepté. Je vois aussi dans les messages textes de sa gestionnaire que l’appelant allait être mis « en congé » à partir du 12 juillet 2021, ce qui signifie qu’il était toujours un employéNote de bas de page 3.

[20] Quelques jours plus tard, la gestionnaire de l’appelant lui a demandé d’indiquer par écrit la date de son retour de congé. L’appelant a répondu qu’il le ferait, mais rien ne prouve qu’il l’a fait. Un autre message texte de sa gestionnaire, daté du 29 juillet, lui demande s’il a oublié la lettre, et l’appelant répond à nouveau qu’il lui remettra la lettre bientôt. Encore une fois, je ne vois aucune preuve que l’appelant l’a réellement fait. Finalement, le 27 août, la gestionnaire de l’appelant lui a demandé de rentrer travailler et il a répondu qu’il n’était pas disponible pour le moment, à moins qu’elle soit prête à lui offrir 50 $ de l’heureNote de bas de page 4.

[21] L’appelant reconnait avoir également reçu des lettres de l’employeur lui demandant de se présenter au travail, faute de quoi il serait considéré comme ayant démissionné. La première lettre, datée du 17 septembre, lui demandait de se rendre sur le lieu de travail dans les 72 heures suivant la réception de la lettre pour discuter d’un éventuel retour au travail. La lettre indique aussi que s’il ne le faisait pas, il serait considéré comme ayant démissionnéNote de bas de page 5. L’appelant affirme avoir ignoré cette lettre.

[22] Le 28 septembre, l’employeur a envoyé à l’appelant une deuxième lettre comportant le même texteNote de bas de page 6. L’appelant a répondu à cette lettre le 2 octobre 2021 en indiquant qu’il avait avisé sa gestionnaire qu’il n’était pas disponible pour travailler. Toute son attention était portée sur ses études et seule une augmentation de son salaire de 17,50 $ à 50 $ de l’heure rendrait son retour possibleNote de bas de page 7.

[23] Ces deux lettres de l’employeur me démontrent que l’appelant a eu l’occasion de retourner au travail ou du moins de rencontrer son employeur pour discuter d’un éventuel retour. Il a choisi d’ignorer la première lettre. Ensuite, en réponse à la deuxième lettre, il a dit qu’il se concentrait sur ses études et qu’il n’était pas disponible pour travailler. Sa demande d’un salaire plus du double de celui qu’il touchait déjà ne peut pas être considérée comme une offre sérieuse de retourner au travail. Il m’a même dit qu’il voulait simplement [traduction] « tenter [s]a chance ». Ces actions m’amènent à croire qu’il n’avait pas l’intention de retourner au travail.

[24] J’ai pris note du fait que dans le courriel comportant le questionnaire de départ que l’employeur a envoyé à l’appelant, il est écrit [traduction] « Questionnaire de départ – Congédiement » et [traduction] « Appelant (congédié) ». J’accorde peu d’importance à ce document parce qu’il est incompatible avec ce que l’employeur a dit dans ses lettres à l’appelant, dans le relevé d’emploi et dans la déclaration qu’il a faite à la Commission au cours de son enquête. De plus, en remplissant sa demande de prestations, l’appelant a eu l’occasion de dire qu’il avait été congédié et il ne l’a pas fait.

[25] L’appelant soutient qu’il n’avait pas l’intention de quitter son emploi. Cependant, il avait le choix de rencontrer son employeur lorsqu’on le lui a demandé et il a choisi de lui dire qu’il n’était pas disponible. Même s’il voulait peut-être que son employeur lui demande plus de renseignements, on lui avait dit comment ses actions seraient interprétées. Il a choisi de ne pas rencontrer son employeur et de plutôt dire qu’il n’était pas disponible pour travaillerNote de bas de page 8. On lui a dit comment cela serait perçu. J’estime donc que l’appelant a choisi d’agir d’une manière qui permettrait à son employeur de comprendre qu’il avait quitté son emploi le 2 octobre 2021.

L’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi

[26] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que l’appelant était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait. J’estime que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas et qu’il n’était donc pas fondé à le faire.

[27] La loi prévoit qu’une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 9. Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’on était fondé à le faire.

[28] La loi explique ce que signifie « être fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La loi précise qu’il faut tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 10.

[29] C’est à l’appelant de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 11. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si l’appelant était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ.

[30] L’appelant affirme avoir quitté son emploi en raison des conditions de travail. Il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de prendre une pause à ce moment-là, car son niveau de stress avait augmenté. De nouveaux employés avaient été embauchés et des erreurs qu’il n’aurait jamais commises se répétaient. Il devait quitter son emploi pendant un certain temps jusqu’à ce que l’environnement devienne [traduction] « plus sain ».

[31] La Commission affirme que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi parce que d’autres solutions raisonnables s’offraient à lui. Plus précisément, elle affirme qu’il aurait pu reprendre son emploi lorsque son employeur l’a demandé ou au moins fournir une date de retour à la demande de l’employeur. S’il n’était pas satisfait des conditions de travail, il aurait pu signaler les problèmes à un supérieur, comme un directeur des ressources humaines. Si son emploi lui causait des problèmes de santé mentale, il aurait pu consulter un médecin pour obtenir un certificat médical lui permettant de demander un congé de maladie ou pour lui conseiller de quitter son emploi parce qu’il ne pouvait plus continuer à travailler dans cet état.

L’appelant n’a pas quitté son emploi pour ses études

[32] D’abord, j’estime que l’appelant n’a pas quitté son emploi en raison de ses études.

[33] À première vue, cela semble être le cas parce que l’appelant a déclaré dans sa demande de prestations qu’il ne travaillait pas parce qu’il suivait un programme d’apprentissage. Son employeur a également déclaré sur le relevé d’emploi que l’appelant avait démissionné pour retourner aux études et il a dit la même chose lorsque la Commission a communiqué avec lui. Ce n’est qu’après le rejet de sa demande de prestations que l’appelant a donné une explication différente.

[34] Malgré cette preuve documentaire, j’accorde plus d’importance aux déclarations que l’appelant a faites par la suite au sujet de ses sentiments à l’égard du milieu de travail, et surtout à son témoignage à l’audience. En effet, il a déposé des documents qui appuient ce qu’il dit dans son avis d’appel détailléNote de bas de page 12. De plus, au cours de l’audience, j’ai pu l’interroger de façon plus approfondie sur les circonstances entourant la fin de son emploi.

[35] Je souligne également que l’appelant a toujours été aux études alors qu’il travaillait pour cet employeur. Il travaillait à temps partiel et son horaire lui permettait de travailler tout en étudiant. Il ne travaillait qu’une journée par semaine lorsqu’il a décidé de prendre congé. Rien ne semble avoir changé dans sa situation scolaire au moment où il a décidé de cesser de travailler. Même s’il a peut-être dit à son employeur que les pressions de l’école faisaient partie des raisons pour lesquelles il avait pris une pause, je retiens de son témoignage que ce n’était pas la véritable raison pour laquelle il a quitté son emploi.

L’appelant a cessé de travailler parce qu’il n’était pas satisfait de son environnement de travail

[36] L’appelant a déclaré qu’il ne travaillait qu’une journée par semaine et qu’il estimait que même cela était trop lorsque les nouveaux employés ne contribuaient pas vraiment à l’environnement de travail. L’appelant avait l’impression que ses efforts étaient gaspillés et il était perturbé mentalement par ce qu’il estimait être une toxicité immuable au travail, peu importe ses plaintes. Il a fourni des messages textes échangés avec sa gestionnaire, dans lesquels il se plaint de situations qui ne lui plaisaient pas.

[37] L’appelant m’a dit que même s’il a affirmé être occupé par ses études, l’accumulation de stress dû au travail avait dépassé son entendement. Il s’était plaint auprès de sa gestionnaire et n’en pouvait plus. Sa gestionnaire lui avait demandé ce qu’il voulait et il lui avait répondu qu’il n’en pouvait plus et qu’il allait donc prendre congé.

[38] Après son départ en congé, la gestionnaire de l’appelant a communiqué avec lui pour lui demander de lui fournir une date de retour par écrit. Malgré quelques tentatives pour établir une date de retour au travail, l’appelant n’a jamais confirmé à son employeur quand il reviendrait. En fait, il a répondu qu’il n’était pas disponible pour travailler.

[39] À l’audience, l’appelant m’a dit qu’il ne reviendrait pas de son congé tant que l’employeur n’aurait pas pris le temps de restructurer le lieu de travail pour le rendre plus raisonnable. Son retour éventuel ne dépendait pas de ses études, car cela n’avait pas été un facteur dans sa décision d’arrêter de travailler. Il avait suivi son programme pendant la majeure partie de la période où il travaillait pour son employeur.

[40] Je considère que l’appelant a quitté son emploi parce qu’il n’aimait pas la façon dont les choses étaient gérées dans l’entreprise. Il estimait que ses collègues faisaient des erreurs qui n’étaient pas corrigées et que le fait qu’il travaillait dur n’était pas reconnu. Il dit que son milieu de travail était toxique et que ses plaintes et ses interventions ne menaient nulle part. Il a donc annoncé à son employeur qu’il ne travaillerait pas pendant une période indéterminée.

[41] J’estime qu’au moment où l’appelant a quitté son emploi, il était confronté à des situations au travail dans lesquelles il estimait que ses collègues n’étaient pas professionnels et que la gestion ne tenait pas compte des plaintes qu’il avait formulées au sujet des problèmes rencontrés sur le lieu de travail.

L’appelant avait d’autres solutions raisonnables

[42] J’estime que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans le cas de l’appelant.

[43] Premièrement, l’appelant aurait pu simplement répondre à la demande de sa gestionnaire du 15 juillet 2021, qui lui demandait d’indiquer par écrit la date de son retour au travail. Il aurait pu le faire lorsqu’elle lui a demandé de le faire pour la première fois ou lorsqu’elle lui a redemandé de le faire le 29 juillet. S’il n’était pas en mesure de fournir une date, il aurait tout de même pu lui donner une date de retour approximative.

[44] La gestionnaire de l’appelant lui a aussi demandé de se présenter au travail le 27 août 2021. L’appelant a répondu qu’il n’était pas disponible pour le moment, à moins qu’elle lui offre 50 $ de l’heure. À ce moment-là, il aurait pu fournir une date de retour, plutôt que de dire clairement qu’il n’était pas disposé à travailler. Si son salaire était en cause, il aurait pu demander une augmentation raisonnable et accepter d’en discuter.

[45] L’appelant aurait également pu répondre à la lettre de l’employeur du 17 septembre 2021. L’employeur lui a demandé de se présenter dans les 72 heures pour discuter d’une éventuelle date de retour. Il était clair dans la lettre que s’il ne se présentait pas, il serait considéré comme ayant démissionné de son poste. L’appelant a ignoré cette lettre. Répondre à cette lettre était une solution raisonnable au lieu de quitter son emploi.

[46] En fait, l’appelant a répondu à la deuxième lettre de son employeur, datée du 28 septembre 2021. Dans sa lettre du 2 octobre, au lieu de dire qu’il reviendrait travailler, il explique en détail ses obligations académiques et confirme que toute son attention est dirigée vers l’enseignement à l’université et la rédaction de sa thèse de doctorat. Il dit qu’il avait déjà avisé sa gestionnaire qu’il n’était pas disponible pour travailler. Il demande de façon déraisonnable à être payé plus du double de son salaire habituel comme condition de son retour.

[47] J’ai interrogé l’appelant au sujet de cette lettre adressée à son employeur et il a expliqué qu’il avait l’impression de défendre ses droits. Il faisait quelque chose de bien pour lui-même en ne se soumettant pas aux exigences de son employeur. L’appelant a déclaré qu’il était heureux de ne pas être retourné au travail parce qu’il avait besoin d’être rassuré sur le fait que les choses allaient changer – la situation était inacceptable pour lui. Il s’attendait à ce que l’employeur l’appelle pour lui parler des conditions de travail.

[48] Il existait plusieurs solutions raisonnables autres que la rédaction de ce qui semble être une lettre de démission. L’appelant aurait pu se présenter au travail pour discuter de la situation avec son employeur. Il aurait pu fixer une date de retour au travail. Il aurait pu répondre à son employeur en lui fournissant des détails sur les situations qui, selon lui, devaient être réglées par sa gestionnaire mais ne l’étaient pas. Il aurait pu faire une demande de salaire raisonnable et se présenter au travail pour en discuter.

[49] L’appelant a également laissé entendre que la situation au travail lui causait du stress et des problèmes de santé mentale. Dans ce cas, une solution raisonnable, au lieu de refuser de retourner au travail, aurait été d’obtenir l’appui d’un médecin pour obtenir un congé d’une durée déterminée.

[50] D’après le témoignage de l’appelant et la preuve dont je dispose, je conclus qu’il était possible pour l’appelant de régler ses problèmes avec son employeur et de retourner au travail. Cependant, ses actions montrent qu’il ne s’intéressait pas vraiment à ces solutions. Puisqu’il avait d’autres solutions raisonnables, il a quitté volontairement son emploi sans justification.

L’appelant était-il disponible pour travailler?

La loi sur la disponibilité

[51] Deux articles de loi différents exigent que la partie appelante démontre qu’elle est disponible pour travailler. La Commission a décidé que l’appelant était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[52] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 13. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que l’on entend par « démarches habituelles et raisonnables »Note de bas de page 14.

[53] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie appelante doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 15. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie appelante doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 16. Je vais examiner ces éléments ci-dessous.

La présomption de non-disponibilité des personnes aux études

[54] Avant d’examiner les éléments permettant de démontrer la disponibilité, la Cour d’appel fédérale a déclaré que les parties appelantes qui sont aux études à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 17. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie qu’on peut supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles sont aux études à temps plein.

[55] Je vais d’abord voir si la présomption de non-disponibilité des personnes aux études s’applique ou non à l’appelant.

La présomption de non-disponibilité s’applique à l’appelant

[56] Dans sa demande de prestations datée du 7 décembre 2021, l’appelant a déclaré qu’il suivait un cours ou un programme de formation et qu’il consacrait 25 heures ou plus par semaine à ses études. Il a dit que son programme était considéré comme un programme à temps plein. Il a également dit que s’il trouvait un emploi à temps plein, il terminerait son cours ou son programme. Il avait investi environ 15 000 $ dans son programme et il était sur le point de le terminer.

[57] Le formulaire de demande de prestations indique également que toutes les obligations de cours de l’appelant se déroulaient en dehors de ses heures normales de travail. Il affirme qu’il était disponible pour travailler et capable de le faire dans les mêmes conditions ou dans de meilleures conditions qu’avant de commencer son cours. Il a dit avoir fait des démarches pour se trouver du travail depuis le début de son programme.

[58] À l’audience, j’ai interrogé l’appelant au sujet de ces déclarations. Il a précisé qu’il n’avait pas 25 heures de cours, mais qu’il faisait des activités liées à la recherche, des travaux de laboratoire et de la rédaction, ainsi qu’un travail à temps partiel comme assistant à l’enseignement. Il était étudiant au doctorat et prévoyait de terminer son programme en décembre 2022.

[59] L’appelant a également confirmé qu’il n’était pas sur le point d’abandonner ses études. Il était prêt à travailler à temps partiel. Il n’a jamais travaillé à temps plein pendant ses études, mais il a travaillé comme assistant à l’enseignement.

[60] J’ai tenu compte du fait que les engagements scolaires de l’appelant sont un peu flexibles étant donné qu’il en était aux derniers stades de ses études de troisième cycle dans un domaine fortement axé sur la recherche. Cependant, comme il a lui-même déclaré que ses études ne lui permettaient pas de travailler à temps plein, je considère qu’il étudiait à temps plein. Il s’engageait également à terminer son programme plutôt qu’à trouver du travail. La présomption de non-disponibilité s’appliquerait donc à l’appelant.

[61] La présomption de non-disponibilité peut être réfutée si une personne aux études peut démontrer qu’elle a déjà travaillé à temps plein tout en étudiantNote de bas de page 18 ou si elle fait état de circonstances exceptionnellesNote de bas de page 19.

[62] L’appelant a expliqué qu’il avait été étudiant à temps plein pendant toute la durée de son travail à temps partiel. Il n’a donc pas démontré qu’il avait l’habitude de travailler à temps plein tout en étudiant.

[63] Je ne vois pas non plus de preuve de circonstances exceptionnelles qui réfuteraient la présomption légale selon laquelle l’appelant n’était pas disponible pour travailler pendant ses études à temps plein. Par conséquent, la présomption de non-disponibilité n’a pas été réfutée et s’applique à l’appelant.

[64] La Cour d’appel fédérale ne nous a pas encore dit en quoi la présomption et les articles de loi traitant de la disponibilité sont liés. Comme ce n’est pas clair, je vais continuer à me prononcer sur les articles de loi qui traitent de la disponibilité, même si j’ai déjà conclu que l’appelant est présumé ne pas être disponible.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[65] Je considère que l’appelant n’a pas prouvé qu’il faisait des démarches habituelles et raisonnables pour se trouver un emploi.

[66] Le premier article de loi sur la disponibilité dont je vais tenir compte dit que les parties appelantes doivent prouver que leurs démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 20.

[67] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches de l’appelant étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 21. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, l’appelant doit avoir continué à chercher un emploi convenable.

[68] Je dois aussi tenir compte des démarches de l’appelant pour trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi dresse la liste des neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. En voici quelques exemplesNote de bas de page 22 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • rédiger un curriculum vitae ou une lettre de présentation;
  • communiquer avec des employeurs potentiels;
  • postuler pour des emplois.

[69] La Commission affirme que l’appelant n’en a pas fait assez de démarches pour essayer de se trouver un emploi. Elle dit cela parce que l’appelant a affirmé que ses cours étaient à temps plein et qu’il n’était pas disponible pour travailler depuis que son emploi avait pris fin. Il a dit qu’il ne serait disponible pour travailler à temps plein qu’après avoir terminé son doctorat. L’appelant a également déclaré à la Commission qu’il ne cherchait pas de travail ni d’emploi à temps plein depuis le 6 octobre 2021 parce qu’il se concentrait sur ses études.

[70] Même si je constate que la Commission n’a pas demandé à l’appelant de lui fournir un relevé de ses activités de recherche d’emploi, ses notes montrent que l’appelant a clairement indiqué en mars 2022 qu’il ne cherchait pas vraiment d’emploi parce qu’il se concentrait sur ses études. Il a répété cette information à la Commission en mai 2022. Elle n’avait donc aucune preuve que l’appelant faisait des démarches pour trouver un emploi et n’a pas jugé nécessaire de lui demander des détails sur sa recherche d’emploi.

[71] Avec son avis d’appel, l’appelant a déposé des captures d’écran de cinq demandes d’emploi. Je remarque que ces demandes semblent toutes avoir été présentées le 13 mai 2022. C’est bien après avoir soumis sa demande de prestations initiale. En fait, ce n’est qu’après que des prestations lui ont été refusées à la suite d’une révision que l’appelant a présenté ces demandes d’emploi. Cela ne démontre donc pas qu’il a prouvé qu’il est disponible pour travailler depuis le 6 décembre 2021.

[72] L’appelant a également envoyé des copies de courriels qui, selon lui, témoignent de ses démarches pour trouver du travail. Encore une fois, je remarque que ces quelques échanges ont tous eu lieu en août, en septembre et en octobre 2022, c’est-à-dire longtemps après qu’on lui a refusé des prestations.

[73] Il est clair pour moi que l’appelant n’était pas à la recherche d’un emploi. Même s’il dit avoir discuté d’un retour au travail avec son employeur en avril 2022, il a aussi expliqué qu’il négociait pour faire modifier son relevé d’emploi comme condition de retour au travail une journée par semaine. Cela me démontre que son objectif n’était pas nécessairement de retourner travailler.

[74] L’appelant n’a pas prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible pour le faire

[75] Je dois aussi vérifier si l’appelant était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 23. La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour rendre ma décision. L’appelant doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 24 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire beaucoup trop) ses chances de retourner travailler.

[76] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de l’appelantNote de bas de page 25.

Vouloir retourner travailler

[77] L’appelant a déclaré qu’il voulait retourner travailler et qu’il n’avait pas l’intention d’arrêter de travailler.

[78] Comme l’appelant a eu l’occasion de retourner travailler chez son employeur, mais qu’il a refusé de le faire lorsqu’on le lui a demandé, je ne suis pas convaincue qu’il voulait retourner travailler.

[79] Je prends note du fait que l’appelant travaillait comme assistant à l’enseignement pendant ses études de doctorat. Toutefois, le relevé d’emploi relatif à ce travail indique seulement 120 heures de travail sur une période de 33 semaines. Il s’agit également d’un emploi qui est intimement lié à ses études, donc cela ne me convainc pas qu’il avait le désir de retourner travailler.

[80] J’ai également tenu compte du fait que l’appelant avait parlé à son employeur de son retour au travail en avril 2022. Comme je l’ai mentionné plus haut, ses commentaires m’amènent à croire que l’objet de ces discussions n’était pas nécessairement un retour au travail, mais plutôt une modification du relevé d’emploi. Cela ne me convainc donc pas qu’il était plus probable qu’improbable qu’il voulait retourner travailler. 

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[81] L’appelant n’a pas fait assez de démarches pour trouver un emploi convenable.

[82] J’ai tenu compte de la liste des activités de recherche d’emploi donnée ci-dessus pour décider de ce deuxième élément. Pour cet élément, cette liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 26.

[83] Les démarches de l’appelant pour trouver un emploi convenable semblent avoir seulement commencé après qu’on lui a refusé des prestations. Il a fourni des éléments de preuve montrant qu’il avait postulé en ligne pour cinq emplois en une soirée. Je note aussi qu’il a présenté quelques demandes pour des postes non spécifiques dans des cégeps et pour une bourse postdoctorale dans une université au Japon, le tout à l’automne 2022.

[84] Bien que la Commission fasse valoir que l’appelant aurait dû chercher un emploi à temps plein, étant donné que l’appelant occupait un emploi à temps partiel avant de quitter son emploi en octobre 2021, je considérerais qu’un emploi à temps partiel était convenable pour l’appelant pendant qu’il était aux études à temps plein. Cependant, je ne vois aucune preuve montrant qu’il se cherchait un nouvel emploi, même à temps partiel, au-delà de ses obligations d’enseignement, de décembre 2021 à mai 2022. À ce moment-là, il n’a fait que des démarches minimales pour trouver un emploi.

[85] Ces démarches n’étaient pas suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément parce qu’elles étaient minimales et n’ont été entreprises qu’après que l’appelant s’est vu refuser des prestations. Je ne suis donc pas convaincue que l’appelant faisait des démarches suffisantes pour se trouver un emploi.

Limiter indûment ses chances de retourner travailler

[86] L’appelant a également établi des conditions personnelles qui ont peut-être indûment limité ses chances de retourner travailler.

[87] L’appelant affirme ne pas avoir fait cela, car il était prêt à retourner chez son employeur une journée par semaine et qu’il cherchait des emplois à temps partiel qu’il pouvait occuper en dehors de son horaire de cours.

[88] La Commission affirme que l’appelant limitait considérablement sa disponibilité pendant qu’il suivait ses cours à temps plein et qu’il était seulement prêt à accepter un travail à temps partiel en dehors de ses heures de cours.

[89] Je vois quelques façons dont l’appelant limitait ses chances de retourner sur le marché du travail : il ne cherchait qu’un emploi à temps partiel, il cherchait du travail qui pouvait être fait en fonction de ses engagements scolaires et il limitait sa recherche d’emploi à des emplois liés à son domaine d’études.

[90] Bien que ces limites soient toutes compréhensibles parce que l’appelant priorisait ses études et son expérience antérieure lorsqu’il cherchait un emploi, elles ont réduit ses chances de retourner sur le marché du travail. De plus, le seul poste qu’il aurait considéré en dehors de son domaine d’études était celui qu’il occupait chez son ancien employeur. Même dans ce cas, il n’était disposé à revenir qu’un jour par semaine, à condition que son relevé d’emploi soit modifié. 

[91] Ainsi, en raison de ces éléments, je conclus que l’appelant avait des conditions personnelles qui limitaient ses chances de retourner travailler.

Alors, l’appelant était-il capable de travailler et disponible pour le faire?

[92] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je suis d’avis que l’appelant n’a pas démontré qu’il était capable de travailler et disponible pour le faire, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[93] Je conclus que l’appelant est exclu du bénéfice des prestations. Il a quitté volontairement son emploi sans justification. Il n’a pas prouvé qu’il était disponible pour travailler.

[94] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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