Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 839

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Demanderesse : B. C.
Représentant : E. H.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 avril 2023 (GE-22-2665)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 23 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-420

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a perdu son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). Elle n’a pas obtenu d’exemption. La prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. La prestataire a interjeté appel de la décision en révision devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait perdu son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a en outre jugé que la prestataire savait qu’il était possible que l’employeur la congédie dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. La prestataire soutient que la politique était illégale, coercitive, injuste et immorale. Elle n’a rien fait de mal parce que ses actes découlent directement de la nouvelle politique de l’employeur. Elle soutient qu’une conclusion d’inconduite dans la présente affaire laisserait croire que tous les employeurs peuvent mettre en œuvre des politiques coercitives et menaçantes pour la sécurité des employés sans conséquence. La prestataire soutient que l’« inconduite », qui n’est pas définie, ne peut pas inclure le refus de se conformer aux politiques de l’employeur ou aux directives gouvernementales qui portent atteinte aux droits d’une personne en vertu des droits conférés par Dieu et de la common law. Elle soutient que le refus d’une intervention médicale dangereuse ne peut être interprété comme une « inconduite » justifiant de priver un citoyen d’une aide ou d’un service gouvernemental.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’interjeter appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit d’une première étape que la prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, la prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, elle doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission d’en appeler, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] La prestataire soutient que la politique était illégale, coercitive, injuste et immorale. Elle n’a rien fait de mal parce que ses actes découlent directement de la nouvelle politique de l’employeur. Elle soutient qu’une conclusion d’inconduite dans la présente affaire laisserait croire que tous les employeurs peuvent mettre en œuvre des politiques coercitives et menaçantes pour la sécurité des employés sans conséquence. La prestataire soutient que l’« inconduite », qui n’est pas définie, ne peut pas inclure le refus de se conformer aux politiques de l’employeur ou aux directives gouvernementales qui portent atteinte aux droits d’une personne en vertu des droits conférés par Dieu et de la common law. Elle soutient que le refus d’une intervention médicale dangereuse ne peut être interprété comme une « inconduite » justifiant de priver un citoyen d’une aide ou d’un service gouvernemental.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins être d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiementNote de bas page 1.

[16] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a perdu son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique. Elle avait été informée de la politique de l’employeur et avait eu du temps pour s’y conformer. Elle n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. La prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[17] Elle a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[18] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas page 2. Le non‑respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activités est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 3.

[19] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur est tenu de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi la directive du médecin hygiéniste en chef de l’Ontario pour mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de l’ensemble du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été congédiéeNote de bas page 4.

[20] La prestataire soutient que la division générale n’a pas évalué l’efficacité et le caractère raisonnable de la politique de l’employeur.

[21] Le Tribunal n’a pas compétence pour décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables. Autrement dit, le Tribunal n’a pas compétence pour décider si la politique de vaccination de l’employeur menaçait la santé et la sécurité des employés.

[22] La question de savoir si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à l’égard de la prestataire en acceptant sa demande d’exemption fondée sur des motifs religieux, ou de savoir si l’employeur contrevenait à la convention collective de la prestataire ou portait atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle la prestataire peut obtenir la réparation qu’elle rechercheNote de bas page 5.

[23] La Cour fédérale a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a‑t‑il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas page 6.

[24] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 7. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[25] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[26] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.

[27] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance‑emploi.

[28] Comme je l’ai déjà mentionné, le rôle de la division générale n’est pas de déterminer si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant la prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais bien de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement.

[29] La preuve prépondérante dont dispose la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[30] Devant la division générale, la prestataire a fait référence à une décision du tribunal semblable à sa situation où la demanderesse a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas page 8. Il importe de rappeler que la décision de la division générale ne lie pas la division d’appelNote de bas page 9. Les décisions de la Cour fédérale sont exécutoires et ont été suivies par la division d’appel. De plus, la décision de la division générale dont il est question a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[31] La division générale ne pouvait pas se concentrer sur la relation d’emploi, la conduite de l’employeur et la sanction imposée par l’employeur. Elle devait s’en tenir à la conduite de la prestataire.

[32] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 10.

[33] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas page 11. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que la prestataire ait été congédiée en raison de l’inconduite.

[34] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[35] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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