Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MD c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 835

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelant : M. D.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada
Représentant : Jared Porter

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 novembre 2022
(GE-22-1664)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 17 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 23 juin 2023
Numéro de dossier : AD-22-974

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] L’appelant (prestataire) a été suspendu et a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). L’employeur ne lui a pas accordé d’exemption médicale ou religieuse. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] L’intimée (Commission) a déterminé que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a jugé que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a jugé que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était vraisemblable que l’employeur le suspende et le congédie dans ces circonstances. Elle a conclu que le prestataire a été suspendu et a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La division d’appel a accordé au prestataire la permission d’en appeler. Le prestataire soutient que la division généralen’a pas tenu compte de la preuve et a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’il avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[6] Je dois décider si la division générale n’a pas tenu compte d’éléments de preuve et a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison de son inconduite.

[7] Je rejette l’appel du prestataire.

Question en litige

[8] La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve et a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[9] La Cour d’appel fédérale a conclu que, lorsqu’elle entend des appels conformément à l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, la division d’appel n’a d’autre mandat que celui qui lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loiNote de bas de page 1.

[10] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel eu égard aux décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance de la nature de celui qu’exerce une cour supérieureNote de bas de page 2.

[11] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle omis de tenir compte de la preuve et a-t-elle commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire avait été suspendu et avait perdu son emploi en raison de son inconduite?

[12] Le prestataire soutient que la division générale a mentionné l’acceptation de documents postérieurs à l’audience, notamment la convention collective conclue entre le syndicat, l’employeur et l’employé. Il soutient que, dans son compte-rendu de la réunion sur l’avis de congé non payé (du 15 novembre 2021), il a souligné que l’article 22.02 de sa convention collective prévoit qu’il a le droit de refuser toute vaccination requise. Le prestataire fait valoir que cet élément de preuve n’a jamais été examiné ni soulevé dans la décision de la division générale.

[13] Le prestataire soutient en outre que la division générale a commis une erreur de droit dans son interprétation de l’inconduite parce qu’il n’a jamais manqué à une obligation expresse ou implicite envers son employeur. Il n’avait pas l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu et congédié en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins procéder d’une insouciance ou négligence telle que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de sorte que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais bien de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à sa suspension et à son congédiement.

[17] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu et a été congédié parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption médicale ou religieuse. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. C’était la cause directe de sa suspension et de son congédiement.

[18] La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension et son congédiement.

[19] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi que le non-respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 3. Le non-respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activités est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 4.

[21] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur est tenu de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. En l’espèce, l’employeur a suivi la directive du gouvernement de l’Ontario de mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de tous les employés et des patients pendant la pandémie de COVID-19Note de bas de page 5. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu et congédié.

[22] Le prestataire soutient que, selon l’article 22.02 p. c) de sa convention collective, il a le droit de refuser toute vaccination requise. Le prestataire fait valoir que cet élément de preuve n’a jamais été examiné ni soulevé dans la décision de la division générale.

[23] Bien que la division générale n’ait pas expressément mentionné la disposition de la convention collective dans sa décision, elle a indiqué que son rôle n’était pas d’examiner la conduite de l’employeur et de déterminer s’il avait raison de suspendre et de congédier le prestataire. Autrement dit, il n’appartenait pas à la division générale de déterminer si l’employeur a violé les droits du prestataire prévus dans la convention collective en modifiant sa convention de travail initiale.

[24] Je remarque que l’article 22.02 p. c) fait partie d’une section concernant le vaccin contre la grippe. La division générale n’avait pas compétence pour interpréter la convention collective du prestataire et déterminer si le droit de refus s’appliquait également aux vaccins contre la COVID-19.

[25] La question de savoir si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation à l’égard du prestataire ou si la politique de l’employeur violait ses droits fondamentaux et ses droits constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeurNote de bas de page 7.

[27] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a-t-il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et international.

[28] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 8. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[29] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[30] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais de ce comportement.

[31] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance-emploi.

[32] Comme je l’ai indiqué précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant et en congédiant le prestataire de manière telle que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés, mais bien de savoir si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension et son congédiement.

[33] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire, après s’être fait refuser une exemption, a fait le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[34] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 9.

[35] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu et congédié en raison de son inconduite.

[36] Le prestataire présente une décision de la division générale qu’il estime être semblable à son cas et dans laquelle la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 10. Il demande à la division d’appel de suivre cette décision parce que la prestataire dans cette affaire avait également une clause lui permettant de refuser toute vaccination.

[37] Il importe de rappeler que la décision rendue par la division générale dans l’affaire AL ne lie pas la division d’appelNote de bas de page 11. Les décisions de la Cour fédérale sont exécutoires et doivent être suivies par le Tribunal.

[38] Je réitère que la division générale ne pouvait pas se concentrer sur la relation en droit du travail, la conduite de l’employeur et la sanction imposée par l’employeur. Elle devait s’en tenir à la conduite du prestataire.

[39] Le prestataire soutient en outre que la directive 6 a été invalidée en février 2022. Ce fait ne modifie pas la nature de l’inconduite, qui a initialement mené à la suspension et au congédiement du prestataireNote de bas de page 12.

[40] Pour ces motifs, je n’ai d’autre choix que de rejeter l’appel du prestataire.

Conclusion

[41] L’appel est rejeté.

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