Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 802

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale — section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (561071) datée du
10 janvier 2023 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 17 mars 2023
Numéro de dossier : GE-23-339

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il était fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi quand il l’a fait. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il ne peut pas recevoir les prestations d’assurance-emploi qu’il demande.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi et a demandé des prestations d’assurance-emploi.  

[4] Le prestataire affirme avoir démissionné parce que sa charge de travail était accablante, ce qui a entraîné un stress très élevé.

[5] Il dit avoir parlé à sa gestionnaire à plusieurs reprises pour qu’elle lui offre une formation plus approfondie dans son nouveau poste et l’aide à composer avec sa charge de travail. Elle aurait répondu qu’il n’avait qu’à mieux gérer son temps.

[6] Il dit avoir parlé aux ressources humaines. On lui a répondu qu’on ne pouvait pas garantir qu’on allait satisfaire ses demandes.    

[7] Comme la charge de travail et le stress continuaient à s’accumuler, le prestataire a décidé de démissionner, car il voyait que rien n’allait changer.  

[8] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons du départ du prestataire. Elle a décidé qu’il avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification, parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Elle a donc décidé qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations.

[9] Je dois décider si le prestataire a prouvé que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas.

Question que je dois examiner en premier

Témoin du prestataire

[10] Le prestataire avait un témoin. J’ai tenu compte du témoignage du témoin du prestataire pour rendre ma décision, mais ce n’était pas extrêmement utile, car le témoin n’a pas travaillé avec le prestataire et n’a pas été en mesure de parler beaucoup de sa situation de travail.

[11] Le témoin a surtout parlé du fait que le prestataire était quelqu’un de travaillant, ce que je peux accepter comme un fait, toutefois cela ne m’aide pas beaucoup à déterminer s’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

Question en litige

[12] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[13] Pour répondre à cette question, je dois d’abord aborder la question du départ volontaire du prestataire. Ensuite, je dois décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Les parties conviennent que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[14] J’accepte le fait que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire affirme avoir démissionné, et je ne vois aucune preuve contredisant cela.

Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi

[15] Les parties ne sont pas d’accord sur le fait que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi au moment où il l’a fait.

[16] La loi prévoit que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il a quitté volontairement son emploi et qu’il n’était pas fondé à le faire.Note de bas de page 1 Il ne suffit pas d’avoir une bonne raison de quitter un emploi pour prouver qu’il était fondé à le faire.

[17] La loi explique ce que signifie « être fondé ». Selon la loi, pour que le prestataire soit fondé à quitter son emploi, il faut que son départ soit la seule solution raisonnable dans son cas.Note de bas de page 2 

[18] Il incombe au prestataire de prouver qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.Note de bas de page 3 Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances entourant son départ.

Contexte

[19] Le prestataire a commencé à travailler pour son employeur à titre de réceptionniste de nuit et a fini par occuper le poste de superviseur de nuit.

[20] À l’été 2022, son employeur lui a proposé de travailler dans les comptes débiteurs. Le prestataire a accepté l’offre.

[21] Cependant, il n’y avait pas eu d’employé à temps plein dans ce poste depuis plusieurs mois, seulement quelqu’un travaillant à temps partiel. Le prestataire affirme que lorsqu’il a commencé à occuper le poste, il y avait un arriéré considérable de travail.

[22] Il affirme qu’en plus de cela, les deux premières semaines suivant son entrée en fonction, il exerçait toujours le poste de superviseur de nuit le temps que ce poste soit pourvu.

Pourquoi le prestataire est-il parti

[23] Le prestataire affirme que, même s’il est titulaire d’un diplôme en comptabilité et qu’il a effectué des travaux de comptabilités pour son employeur pendant des années à titre de réceptionniste de nuit et de superviseur de nuit, il y avait de nouveaux systèmes à apprendre dans son poste de commis des comptes débiteurs.

[24] Lorsqu’il a commencé à occuper son nouveau poste, il a été formé par une gestionnaire, mais il y avait des choses que la gestionnaire ne savait pas faire et elle lui a dit de parler à V, la directrice des finances.

[25] Le prestataire a dit qu’il s’agissait d’un problème, car V travaillait de la maison 2 jours par semaine. Il y avait alors des moments où elle ne pouvait pas l’aider, ce qui a mené à une accumulation de travail puisque personne ne pouvait lui montrer comment le faire.

[26] Le prestataire a déclaré que V gérait trop les détails de son travail; elle pouvait l’interrompre lorsqu’il travaillait sur une tâche pour lui demander pourquoi il n’avait pas immédiatement répondu à ses courriels. Selon lui, il rétorquait qu’il répondrait à ses courriels dès qu’il aurait terminé ses tâches. Elle voulait toujours qu’il mette de côté son travail pour répondre à ses courriels.  

[27] Le prestataire affirme que cela posait problème lorsqu’il essayait de faire de la comptabilité complexe.

[28] V a continué à lui donner plus de travail, et il avait de la difficulté à s’adapter au rythme. Il dit qu’il lui demandait de l’aide, mais qu’elle lui répondait qu’il n’avait qu’à mieux gérer son temps. Cette accumulation de travail, le manque d’aide de V et ses interruptions constantes ont fait que le prestataire était de plus en plus stressé.  

[29] Il est allé parler de ses problèmes aux ressources humaines quelques jours avant de démissionner. Les ressources humaines lui ont demandé ce dont il avait besoin, et il leur a dit que la quantité de travail à son poste exigeait deux personnes. Il affirme que les ressources humaines lui ont dit qu’elles ne pouvaient pas garantir l’embauche d’une deuxième personne.

[30] Le prestataire affirme que lors de son dernier jour de travail, V lui demandait constamment pourquoi il ne faisait pas telle ou telle tâche et que vers la toute fin de son quart de travail, elle lui a donné plus de travail qu’elle voulait qu’il accomplisse ce jour-là. Il lui a répété que la charge de travail était trop élevée et qu’il était stressé, mais elle a seulement répondu qu’il devait mieux gérer son temps. Il dit avoir ensuite dit à V qu’il démissionnait, car il s’est rendu compte que ses problèmes ne seraient jamais résolus.Note de bas de page 4

Solutions raisonnables

[31] Le prestataire affirme avoir tenté de parler à sa gestionnaire et aux ressources humaines, mais cela n’a rien donné. Comme la situation n’allait pas changer, il a décidé de démissionner.

[32] La Commission affirme que le prestataire aurait pu donner le temps aux ressources humaines d’essayer de l’aider, plutôt que de démissionner immédiatement après avoir discuté avec eux.Note de bas de page 5

[33] La Commission affirme qu’elle peut comprendre que le prestataire soit contrarié par le fait que V lui ai donné plus de travail juste avant la fin de son quart de travail et lui ait demandé de répondre aux courriels immédiatement après les avoir reçus. Toutefois, elle soutient que ces gestes ne sont pas graves au point que le prestataire a eu raison de quitter immédiatement son emploi.Note de bas de page 6  

[34] La Commission affirme également que si le prestataire était très stressé, il aurait pu parler à un médecin pour voir s’il y avait quelque chose à faire pour l’aider à composer avec le stress.Note de bas de page 7

[35] Je conclus que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que, compte tenu de toutes les circonstances au moment de son départ, son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Il aurait pu continuer à travailler jusqu’à ce qu’il obtienne un autre emploi.

[36] Je signale que le prestataire faisait des heures supplémentaires, mais il dit que c’était son choix, et non quelque chose que son employeur lui a demandé de faire, car il voulait essayer d’alléger un peu sa charge de travail. Il a expressément dit à la Commission que le fait qu’il avait choisi de faire des heures supplémentaires n’était pas la raison pour laquelle il avait démissionné.Note de bas de page 8

[37] J’estime que le fait qu’il ait choisi de faire des heures supplémentaires ne justifie pas son départ parce que c’était son choix, il aurait pu cesser de travailler à tout moment.

[38] Je peux comprendre la frustration du prestataire à l’idée que V ajoute constamment à sa charge de travail, qu’elle ne soit pas toujours là pour l’aider et qu’elle essaie de gérer tous les détails de sa journée en lui demandant de répondre instantanément à ses courriels. Malgré cette situation frustrante pour le prestataire, il n’y avait rien d’urgent, il aurait pu continuer à travailler le temps de chercher et obtenir un autre emploi qui lui plaisait davantage.

[39] Je comprends qu’il était stressé, mais il n’y a aucune information objective qui montre que son stress était si grave qu’il ne pouvait pas continuer à travailler. Je signale qu’il a même déclaré qu’il avait l’intention de continuer à travailler, malgré la charge de travail et le stress croissant, mais que la conduite de V le dernier jour l’a frustré à un tel point qu’il a démissionné.

[40] J’ai conclu que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu des circonstances entourant sa démission. Il aurait pu continuer à travailler le temps de trouver un nouvel emploi. Par conséquent, le prestataire n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

Conclusion

[41] L’appel est rejeté.

[42] D’autres solutions raisonnables s’offraient au prestataire au lieu de démissionner. Il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi. Par conséquent, il ne peut pas recevoir les prestations d’assurance-emploi qu’il demande.

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