Assurance-emploi (AE)

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Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : MA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 801

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Parties appelantes : M. A.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : D. M.

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le
17 mars 2023 (GE-23-339)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 30 mai 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Représentant de l’intimée
Date de la décision : Le 20 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-288

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est accueilli.

Aperçu

[2] La partie intimée (la Commission) a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi parce qu’il a quitté volontairement son emploi (il a choisi de démissionner) sans justification. Elle a décidé que le prestataire aurait pu donner aux ressources humaines le temps d’essayer de l’aider, plutôt que de démissionner immédiatement après avoir parlé avec eux. Après une révision infructueuse, le prestataire a porté la décision de révision en appel à la division générale.

[3] La division générale a conclu que le prestataire avait quitté son emploi. Elle a conclu que quitter son emploi n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. La division générale a conclu qu’il aurait été raisonnable pour le prestataire de continuer à travailler le temps d’obtenir un autre emploi. La division générale a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[4] La division d’appel a accordé au prestataire la permission de faire appel. Il soutient que la division générale a ignoré la preuve et commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu qu’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi.

[5] Je dois décider si la division générale a ignoré la preuve et si elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi.

[6] J’accueille l’appel du prestataire.

Question en litige

[7] La division générale a-t-elle ignoré la preuve et commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi?

Analyse

Le mandat de la division d’appel

[8] La Cour d’appel fédérale a établi que lorsque la division d’appel instruit des appels en vertu de l’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, le mandat de la division d’appel lui est conféré par les articles 55 à 69 de cette loi.Note de bas de page 1

[9] La division d’appel agit à titre de tribunal administratif d’appel pour les décisions rendues par la division générale et n’exerce pas un pouvoir de surveillance semblable à celui exercé par une cour supérieure.Note de bas de page 2

[10] Par conséquent, à moins que la division générale n’ait pas observé un principe de justice naturelle, qu’elle ait commis une erreur de droit ou qu’elle ait fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance, je dois rejeter l’appel.

La division générale a-t-elle ignoré la preuve et commis une erreur de droit lorsqu’elle a conclu que le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi?

[11] Le prestataire soutient que la division générale a ignoré la preuve présentée par son témoin au sujet de sa gestionnaire V. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait que son employeur lui demandait d’accomplir des tâches liées à son ancien poste en plus du travail lié à son nouveau poste de comptable général. Le prestataire soutient que cela n’a rien donné de discuter du problème avec sa gestionnaire V et les ressources humaines. Il a également cherché du travail avant de démissionner. Il soutient qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de partir quand il l’a fait parce qu’on ne faisait rien pour remédier à sa surcharge de travail.

[12] Décider si une personne est fondée à quitter volontairement son emploi dépend de la question de savoir si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstances.

[13] La division générale a décidé que le témoin du prestataire évoquait surtout le fait que le prestataire était quelqu’un de travaillant, et qu’il ne pouvait pas connaître précisément sa situation de travail. Elle a conclu que le fait que le prestataire était quelqu’un de travaillant ne l’aide pas à trancher la question de savoir s’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[14] Après avoir écouté l’enregistrement audio de l’audience de la division générale, je suis d’accord avec le prestataire pour dire que la division générale a ignoré les parties pertinentes du témoignage de son témoin.

[15] Il est vrai que le témoin a parlé du caractère du prestataire, mais, avec tout le respect que je dois à la division générale, le témoin a dit beaucoup plus que cela. Il a déclaré qu’il faisait partie de l’équipe de comptabilité et que la gestionnaire du prestataire était aussi sa gestionnaire. Il a indiqué qu’elle semblait sous-qualifiée pour le poste qu’elle occupait chez l’employeur. Le témoin a confirmé la version du prestataire selon laquelle il était dépassé par sa charge de travail parce qu’il faisait des tâches liées à son ancien poste en plus du travail lié au nouveau poste. Le témoin a également déclaré que la charge de travail excessive était toujours un problème dans l’équipe de comptabilité.

[16] En ignorant la preuve du prestataire, la division générale a également commis une erreur de droit dans son interprétation de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi

[17] Contrairement aux conclusions de la division générale, la preuve n’appuie pas la conclusion selon laquelle le prestataire aurait pu simplement cesser de faire des heures supplémentaires. Sa superviseure était de plus en plus exigeante et elle venait souvent l’interrompre. Il avait besoin de plus de temps pour s’adapter au rythme de travail. De plus, demander au prestataire d’obtenir un autre emploi tout en restant chez l’employeur dans ce type de milieu de travail va à l’encontre des exigences de l’article 29(c) de la Loi sur l’assurance-emploi.

[18] Compte tenu de ces erreurs, je suis justifié d’intervenir.

Réparation

[19] Comme les parties ont eu l’occasion de présenter leurs arguments à la division générale, je rendrai la décision que celle-ci aurait dû rendre.Note de bas de page 3

[20] La preuve prépondérante montre que le prestataire a commencé à travailler pour son employeur comme réceptionniste de nuit et qu’il a fini par occuper le poste de superviseur de nuit. Durant l’été 2022, son employeur lui a offert un poste dans les comptes débiteurs. Le prestataire a accepté l’offre. Cependant, un employé à temps plein n’avait pas occupé ce poste depuis plusieurs mois, seulement quelqu’un travaillant à temps partiel. Lorsque le prestataire a commencé à occuper son nouveau poste, il y avait déjà un important arriéré de travail.

[21] L’arriéré de travail a augmenté les deux premières semaines suivant son entrée en fonction, car il devait continuer à faire des tâches liées à son ancien poste jusqu’à ce qu’il soit pourvu. Il faisait des heures supplémentaires juste pour se rattraper.

[22] La gestionnaire du prestataire (V) a continué à ajouter à sa charge de travail, et il avait de la difficulté à suivre. Lorsqu’il lui demandait de l’aider, elle répondait simplement qu’il devait mieux gérer son temps. Cette accumulation de travail, le manque d’aide de la part de V et ses interruptions constantes pour essayer de diriger son travail ont fait en sorte que le prestataire était de plus en plus stressé.

[23] Le prestataire est allé parler à la division des ressources humaines de ses problèmes quelques jours avant de démissionner. Les ressources humaines lui ont demandé ce dont il avait besoin, et il leur a dit qu’il avait besoin d’une description d’emploi et de responsabilités claires et fixes, et qu’il devait s’en tenir à ses heures de travail sans heures supplémentaires. Les ressources humaines lui ont dit qu’elles ne pouvaient pas garantir qu’une deuxième personne serait embauchée et qu’il devait leur donner un préavis de deux semaines s’il voulait démissionner.

[24] Lors de son dernier jour de travail, V demandait constamment au prestataire pourquoi il ne faisait pas telle ou telle tâche, et vers la toute fin de son quart de travail, elle lui a assigné plus de travail. Il lui a répété que la charge de travail était trop élevée et qu’il était stressé, mais elle a seulement répondu qu’il devait mieux gérer son temps. Selon lui, il a ensuite dit à V qu’il démissionnait, car il s’est rendu compte que ses problèmes de travail ne seraient jamais résolus.

[25] Le témoin du prestataire a confirmé sa version selon laquelle il était dépassé et stressé par sa charge de travail excessive. Le témoin a également déclaré que la charge de travail excessive était toujours un problème au service de la comptabilité.

[26] Le témoignage du témoin remet en doute la position de l’employeur selon laquelle s’il avait su qu’il avait des soucis, il aurait aidé le prestataire en lui fournissant des ressources.

[27] La preuve prépondérante montre que le prestataire a quitté son emploi parce que l’employeur a apporté des modifications importantes à ses fonctions. Il a accepté le nouveau poste de comptable, mais on lui a par la suite demandé de faire des tâches liées à son ancien emploi pendant un bon moment. Cela a créé un important arriéré de travail dans son nouveau poste. Il a essayé de suivre le rythme, mais ne pouvait plus suivre étant donné les ajouts constants à ses tâches et les exigences croissantes de sa gestionnaire. Les ressources humaines ne l’ont pas aidé en clarifiant la description de son poste et ses responsabilités.

[28] Le prestataire avait-il d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi?

[29] Je suis d’avis que le départ volontaire du prestataire était la seule solution raisonnable dans sa situation. La preuve prépondérante appuie le témoignage du prestataire et de son témoin selon lequel l’employeur n’avait pas l’intention de modifier les conditions de travail de ses employés. Il a essayé d’obtenir de l’aide de sa gestionnaire et des ressources humaines, mais sans succès. Il a cherché un autre emploi avant de quitter celui qu’il occupait. Le fait d’aller voir un médecin ou de demander un congé temporaire n’aurait pas modifié ses conditions de travail à son retour.

[30] Je suis d’avis que, compte tenu de toutes les circonstances de la présente affaire, le prestataire était fondé à quitter son emploi lorsqu’il l’a fait.

Conclusion

[31] L’appel est accueilli.

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