Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1095

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. M.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision Commission de l’assurance-emploi du Canada (0) datée du 22 décembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gary Conrad
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 25 mai 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 17 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-106

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Lorsque la Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé de verser des prestations d’assurance-emploi à l’appelante à compter de novembre 2020 et après avoir pris connaissance de ses études en février 2021, elle a pris des décisions initiales.

[3] Toutefois, la Commission a le pouvoir de réviser ces décisions initiales, ce qu’elle a fait, et lorsqu’elle a exercé ce pouvoir, elle l’a fait de façon judiciaire. Par conséquent, je ne peux pas modifier sa décision d’examiner la demande de l’appelante.

[4] De plus, l’appelante n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité en tant qu’étudiante à temps plein et elle n’a pas prouvé qu’elle était disponible pendant ses études universitaires.

[5] Cela signifie que les inadmissibilités imposées par la Commission sont maintenues.

Aperçu

[6] L’appelante a demandé des prestations d’assurance-emploi en novembre 2020.

[7] En février 2021, l’appelante a téléphoné à la Commission et a discuté de ses études.

[8] En novembre 2021, la Commission a établi que l’appelante n’était pas disponible pour travailler en raison de ses études et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations.

[9] L’appelante a demandé à la Commission de réviser cette décision.

[10] Après avoir révisé sa décision et discuté avec l’appelante, la Commission a modifié sa décision. Elle a tout de même considéré que l’appelante n’était pas disponible pour travailler en raison de ses études, mais seulement pendant certaines périodes.

[11] L’appelante a porté cette décision en appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale.

[12] La division générale a rejeté son appel.

[13] L’appelante a ensuite porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel du Tribunal.

[14] Celle-ci a conclu que la division générale avait commis plusieurs erreurs lorsqu’elle a rendu sa décision, et elle a renvoyé l’affaire à la division générale pour réexamen.

Question que je dois examiner en premier

50(8) Inadmissibilité

[15] Dans ses observations, la Commission affirme qu’elle a déclaré l’appelante inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. L’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi sur le défaut d’une personne de prouver à la Commission qu’elle faisait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

[16] En examinant la preuve, je ne vois aucune demande de la Commission à l’appelante pour prouver ses démarches habituelles et raisonnables ni aucune explication de la Commission à l’appelante sur le type de preuve qu’elle devrait fournir pour prouver ses démarches habituelles et raisonnables.

[17] Même si je ne suis pas lié par le raisonnement de la décision TM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2021 TSS 11, je le trouve convaincant parce qu’il ne suffit pas que la Commission discute des démarches de recherche d’emploi avec l’appelante, elle doit plutôt demander expressément une preuve à l’appelante et lui expliquer quel type de preuve répondrait à la norme « habituelle et raisonnable ».

[18] Je ne vois pas non plus de discussion sur les démarches habituelles et raisonnables effectuées au cours du processusNote de bas de page 1 de révision ni de mention explicite de l’inadmissibilité de l’appelante au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi ni de quoi que ce soit sur l’absence de démarches habituelles et raisonnables de l’appelante dans la décision découlant d’une révision.

[19] Étant donné l’absence de preuve selon laquelle la Commission a demandé à l’appelante de prouver ses démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission n’a pas déclaré l’appelante inadmissible au titre de l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, ce n’est pas quelque chose dont je dois tenir compte.

Questions en litige

[20] La Commission a-t-elle pris les décisions initiales d’approuver la demande de prestations de l’appelante?

[21] Dans l’affirmative, peut-elle revenir en arrière et examiner ces décisions?

[22] Si elle peut les examiner, a-t-elle agi de façon judiciaire lorsqu’elle a rendu sa décision?

[23] L’appelante était-elle disponible pour travailler pendant ses études?

Analyse

La Commission a-t-elle rendu les décisions initiales?

[24] L’appelante affirme que sa demande de prestations a été approuvée par la Commission et que celle-ci était au courant de son inscription à l’université et a continué à lui verser des prestations même si elle a précisé dans ses déclarations qu’elle était à l’universitéNote de bas de page 2.

[25] La Commission affirme que lorsque l’appelante a demandé des prestations le 24 novembre 2020, elle a répondu « non » à la question de savoir si elle suivait une formation.

[26] La Commission affirme que c’est seulement en février 2021, lorsque l’appelante lui a fait part de sa formation, qu’elle a commencé à examiner sa disponibilité. Elle ajoute que la loi lui permet de vérifier l’admissibilité de l’appelante aux prestations à tout moment après le versement des prestations.

[27] J’estime que la Commission a effectivement rendu une décision initiale sur la disponibilité de l’appelante tant au début de la période de prestations de l’appelante (24 novembre 2020) qu’après avoir appris que l’appelante était aux études (22 février 2021) lorsqu’elle a décidé de continuer à lui verser des prestations.

[28] Je remarque que le texte de l’article 153.161(1) de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3 précise qu’une personne n’a pas droit au versement de prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations pour lequel elle n’est pas en mesure de prouver qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin. Cette disposition laisse entendre que la Commission ne peut pas verser de prestations sans la preuve qu’une personne était disponible pour travailler. Le paiement doit être fondé sur une preuve de disponibilité.

[29] De plus, je juge la décision de la division d’appel SF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1095 convaincante en ce qui concerne le fait que la Commission ne peut pas diviser sa responsabilité décisionnelle en deux parties et reporter indéfiniment la prise d’une décision sur l’admissibilité de l’appelant aux prestations.

[30] Je considère que la Commission a clairement pris la décision de verser des prestations à l’appelante au début de sa période de prestations, soit le 24 novembre 2020, puisqu’elle a commencé à lui verser des prestations d’assurance-emploi à compter de cette date et qu’elle devait donc considérer qu’elle était disponible. Cependant, à ce moment-là, la Commission dit qu’elle n’était pas au courant des études de l’appelante.

[31] J’estime qu’une fois que l’appelante a téléphoné à la Commission le 22 février 2021, celle-ci a pris connaissance de ses études, mais elle a continué de lui verser des prestations.

[32] À mon avis, cela démontre que la Commission a également pris une décision à ce moment-là (le 22 février 2021) sur la disponibilité de l’appelante puisqu’elle a continué de lui verser des prestations d’assurance-emploi jusqu’à la fin du mois d’octobre 2021, même si elle était au courant de ses études. Conformément à l’article 153.161(1) de la Loi sur l’assurance-emploi, le paiement doit être fondé sur une preuve de disponibilité.

[33] Je conclus donc que la Commission a rendu une décision initiale sur la disponibilité de l’appelante tant au début de sa période de prestations (24 novembre 2020) qu’après avoir appris que l’appelante était aux études (22 février 2021).

La Commission peut-elle revenir en arrière et réviser une décision antérieure?

[34] Oui, la Commission peut revenir en arrière et revoir sa décision initiale de verser des prestations à l’appelante.

[35] J’estime que la Commission peut, à tout moment après le versement des prestations, vérifier que l’appelante est disponible pour travailler au cours de sa période de prestations. Il n’y a pas de délai pour le faire, il n’y a aucune exigence à remplir pour lui permettre de le faire et aucune restriction n’est énoncée quant au pouvoir de la Commission d’examiner la disponibilité de l’appelanteNote de bas de page 4.

[36] Si la Commission veut examiner la demande de l’appelante, elle peut le faire, et c’est ce qu’elle a choisi de faire.

Ont-ils agi judiciairement lorsqu’ils ont rendu leur décision?

[37] Oui, la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a pris sa décision d’examiner la demande de l’appelante pour vérifier sa disponibilité.

[38] Bien que la loi permette à la Commission de revenir en arrière et de réviser ses décisions initiales, sa décision de le faire est discrétionnaire.

[39] Cela signifie qu’elle n’a pas à faire d’examen, mais qu’elle peut choisir d’en faire un si elle le souhaite, comme la loi dit que la Commission « peut » vérifier la disponibilité d’une partie prestataire après le versement des prestations, et non qu’elle « doit » examiner la disponibilité après le versement des prestationsNote de bas de page 5.

[40] Comme sa décision de réviser une demande est discrétionnaire, je peux seulement intervenir dans la décision de la Commission, c’est-à-dire la modifier, si elle n’a pas exercé son pouvoir discrétionnaire correctement lorsqu’elle a rendu la décisionNote de bas de page 6.

[41] Pour que la Commission ait utilisé son pouvoir discrétionnaire correctement, elle ne doit pas avoir agi de mauvaise foi, dans un but ou pour un motif irrégulier, avoir tenu compte d’un facteur non pertinent, ignoré un facteur pertinent ou agi de façon discriminatoire lorsqu’elle a décidé de réviser sa décision initiale.

Mauvaise foi

[42] L’appelante affirme que la Commission a agi de mauvaise foi. Elle dit qu’elle a attendu beaucoup trop longtemps après lui avoir versé des prestations pour prendre sa décision. Elle affirme également que la personne avec qui elle a parlé à la Commission était très peu communicative, qu’elle n’a pas écouté ce qu’elle disait et qu’elle lui a donné l’impression que la décision avait déjà été prise.

[43] La mauvaise foi est un terme juridique qui désigne un acte malhonnête intentionnel commis en ne remplissant pas une obligation légale ou en trompant intentionnellement une personne. J’estime que la Commission n’a fait aucune de ces choses.

[44] Dans sa demande, l’appelante n’a mentionné aucunes étudesNote de bas de page 7. Elle a seulement parlé de ses études le 22 février 2021.

[45] Les études peuvent avoir une incidence sur la disponibilité d’une personne. J’estime qu’il ne serait pas malhonnête ou trompeur que la Commission décide de réviser sa décision initiale de verser des prestations à l’appelante pour voir si les renseignements qu’elle lui a fournis au sujet de ses études auraient une incidence sur sa disponibilité.

[46] J’estime que le fait que la Commission ait retardé sa décision de vérification de la disponibilité de l’appelante pendant ses études de plus de huit mois à partir du moment où elle a été informée de ses études pour la première foisNote de bas de page 8 ne signifie pas non plus que sa décision a été rendue de mauvaise foi.

[47] Je ne vois pas assez d’éléments de preuve pour me convaincre que la Commission a tardé à prendre la décision d’examiner la demande de l’appelante afin de vérifier sa disponibilité parce qu’elle avait l’intention de l’induire en erreur ou parce qu’elle était intentionnellement malhonnête.

[48] J’estime également que le fait qu’elle ait fini par parler à quelqu’un qui était moins qu’agréable à la Commission ne prouve pas non plus qu’elle était de mauvaise foi. Il faut beaucoup plus qu’un représentant sûr de la Commission pour prouver qu’elle a commis un acte malhonnête intentionnel en ne s’acquittant pas d’une obligation légale ou en trompant intentionnellement l’appelante.

[49] Donc, même si je peux comprendre la frustration de l’appelante, après avoir tout dit à la Commission de ses études et s’être ensuite fait dire par la Commission huit mois plus tard qu’elle n’est pas admissible, il est important de se rappeler que mon rôle n’est pas d’examiner la décision de la Commission de lui verser des prestations ou la question de savoir si cela a été fait de mauvaise foi. Je cherche à savoir si la décision de la Commission d’examiner la demande de l’appelante pour vérifier sa disponibilité a été prise de mauvaise foi.

[50] Je juge que le choix de la Commission de vérifier la disponibilité de l’appelante en examinant les renseignements qu’elle lui a fournis, même s’ils ont été fournis de nombreux mois après, n’est pas intentionnellement malhonnête ou trompeur et qu’il s’agit d’un aspect pertinent de son rôle d’administration du programme d’assurance-emploi pour veiller à ce que les personnes qui reçoivent des prestations y aient réellement droit.

But ou motif irrégulier

[51] L’appelante affirme que la Commission a agi dans un but ou pour un motif irrégulier parce qu’elle a continué de lui verser des prestations pendant si longtemps et qu’elle a ensuite décidé de lui demander de les rembourser. Elle a dit qu’elle avait l’impression que la Commission faisait son examen simplement pour essayer de trouver de l’argent auprès des gens.

[52] J’estime que la Commission n’a pas agi dans un but ou pour un motif irrégulier.

[53] La Commission est responsable de l’administration du programme d’assurance-emploi. L’une des choses qu’elle doit faire à ce titre est d’établir si une personne peut être admissible à l’établissement d’une période de prestations et si elle peut recevoir des prestations.

[54] L’admissibilité à l’établissement d’une période de prestations et la possibilité de recevoir des prestations sont deux concepts différents. Il se peut qu’une partie prestataire remplisse les exigences pour établir une période de prestations, mais il peut y avoir quelque chose qui l’empêche de recevoir des prestations.

[55] Dans le cas de l’appelante, il a été conclu qu’elle pouvait être admissible à l’établissement d’une période de prestations et, au moment où elle a présenté sa demande, elle n’a rien mentionné au sujet de ses études, de sorte que la Commission ne semblait avoir aucun problème avec sa capacité à recevoir des prestations à ce moment-là.

[56] La loi prévoit que si l’appelante est aux études, elle ne peut pas recevoir de prestations pour tout jour ouvrable d’une période de prestations où elle n’est pas en mesure de prouver qu’elle était capable de travailler et disponible pour le faire ce jour-làNote de bas de page 9.

[57] L’appelante a bel et bien déclaré à la Commission qu’elle allait à l’école.

[58] Puisque la Commission est l’administratrice du programme d’assurance-emploi, c’est à elle de décider si l’appelante pourrait recevoir des prestations pendant ses études. Pour ce faire, il faudrait voir si elle avait prouvé qu’elle était capable de travailler et disponible à cette fin les jours ouvrables où elle était aux études.

[59] Vérifier la disponibilité de l’appelante pour voir s’il y a quelque chose qui l’empêcherait de recevoir des prestations, ce que la Commission est autorisée à faire au titre de la loi, n’est pas agir dans un but ou pour un motif irrégulier, mais plutôt agir en sa capacité d’administrer le programme d’assurance-emploi pour veiller à ce que seules les personnes qui satisfont aux exigences pour recevoir des prestations reçoivent des prestations d’assurance-emploi, ce qui est un but approprié. Le fait que la Commission ait attendu si longtemps pour le faire ne signifie pas non plus qu’elle a agi pour une raison ou un motif irrégulier.

Ignorer un facteur pertinent

[60] L’appelante affirme que la Commission a ignoré un facteur pertinent lorsqu’elle a pris sa décision d’examiner sa demande. Elle dit que la Commission a ignoré le fait qu’elle a travaillé pendant plusieurs périodes au cours de sa période de prestations.

[61] Je conclus que la Commission n’a pas ignoré un facteur pertinent.

[62] J’estime que la Commission a bel et bien tenu compte de tous les renseignements concernant le travail de l’appelante, car ils faisaient partie de l’information qu’elle lui a donnée le 22 février 2021Note de bas de page 10, et la Commission affirme que ce sont ces renseignements qui ont mené à sa décision de réviser sa demandeNote de bas de page 11.

Tenir compte d’un facteur non pertinent

[63] L’appelante affirme que la Commission a tenu compte d’un facteur non pertinent, car elle a décidé qu’elle n’était pas disponible puisqu’elle ne pouvait pas occuper un emploi de 9 h à 17 h.

[64] J’estime que la Commission n’a pas tenu compte de facteurs non pertinents lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelante.

[65] Je conclus que la question de savoir si l’appelante est disponible parce qu’elle était incapable d’occuper un emploi de 9 h à 17 h était, selon le témoignage de l’appelante, liée à la décision de la Commission sur la disponibilité de l’appelante. Ce n’est pas ce que je dois examiner.

[66] Ce que je vérifie ici, c’est si sa décision de réviser la demande a été rendue de façon judiciaire. Je ne vois aucun facteur non pertinent dont la Commission a tenu compte lorsqu’elle a décidé de réviser la demande.

Victime de discrimination

[67] L’appelante dit qu’elle estime avoir été victime de discrimination, car elle a l’impression d’avoir été ciblée parce qu’elle était étudiante et qu’on ne lui a pas donné l’occasion de réfuter la présomption qu’elle n’était pas disponible parce qu’elle était étudiante.

[68] Je conclus que la Commission n’a pas fait preuve de discrimination à l’égard de l’appelante lorsqu’elle a décidé de réviser sa demande. Je ne vois aucun élément de preuve qui démontre que la Commission a ciblé l’appelante en raison d’une caractéristique particulière.

[69] Le fait que la Commission ait examiné sa demande parce qu’elle était étudiante n’est pas discriminatoire, car la vérification de la disponibilité d’une personne aux études est nécessaire pour que la Commission sache si cette personne est admissible aux prestationsNote de bas de page 12.

[70] Je conclus également que le fait de réfuter la présomption de non-disponibilité pour les personnes qui étudient à temps plein est lié à la décision sur la disponibilité de l’appelante et ce que je vérifie ici est la décision d’examiner sa demande. Par conséquent, le fait qu’elle ait eu ou non l’occasion de tenter de réfuter la présomption auprès de la Commission n’est pas discriminatoire, car cela n’est pas lié à la décision de la Commission de réviser sa demande.

La Commission a-t-elle agi judiciairement?

[71] J’estime que la Commission a agi de façon judiciaire lorsqu’elle a décidé de réexaminer la demande de l’appelante pour vérifier sa disponibilité, car elle n’a pas agi de mauvaise foi ni pour un motif ou un but inapproprié, elle n’a pas tenu compte d’un facteur non pertinent ou ignoré un facteur pertinent, et elle n’a pas agi de façon discriminatoire lorsqu’elle a pris la décision de réviser sa décision initiale.

[72] Par conséquent, je ne peux pas modifier sa décision de réexaminer la demande de l’appelante.

Disponibilité pour travailler

L’appelante était étudiante

[73] Avant de commencer mon analyse de la disponibilité à travailler de l’appelante, je dois tenir compte du fait qu’elle était inscrite à un cours.

[74] La Cour d’appel fédérale a déclaré que les personnes qui suivent un cours à temps plein sont présumées ne pas être disponibles pour travaillerNote de bas de page 13. C’est ce qu’on appelle la « présomption de non-disponibilité ». Cela signifie que je peux supposer que les personnes qui étudient ne sont pas disponibles pour travailler lorsque la preuve montre qu’elles suivent un cours à temps plein.

[75] Toutefois, comme cette hypothèse s’applique seulement aux personnes qui étudient à temps plein, je dois d’abord établir si l’appelante était étudiante à temps plein.

[76] L’appelante affirme qu’elle était étudiante à temps plein. La Commission dit la même chose. J’accepte le fait que l’appelante était étudiante à temps plein, car les deux parties sont d’accord et je ne vois rien qui démontrerait le contraire.

[77] Comme l’appelante est étudiante à temps plein, on présume qu’elle n’est pas disponible. Toutefois, elle peut réfuter la présomption de deux façons. Elle peut démontrer qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein tout en étant aux étudesNote de bas de page 14, et elle peut aussi démontrer qu’il y a des circonstances exceptionnelles dans son casNote de bas de page 15.

Réfuter la présomption

[78] Je remarque que l’appelante n’a pas soutenu qu’il y avait des circonstances exceptionnelles dans son cas. Je ne vois pas non plus de circonstances exceptionnelles dans son cas qui réfuteraient la présomption selon laquelle une personne qui étudie à temps plein n’est pas disponible.

[79] L’appelante fait plutôt valoir qu’elle a l’habitude de travailler à temps plein pendant ses études.

[80] L’appelante affirme qu’elle travaille de façon constante tout en fréquentant l’université depuis 2018. Elle dit qu’elle travaillait le nombre d’heures qu’elle pouvait en dehors de son horaire de cours, car elle avait besoin d’argent pour payer son loyer et ses factures. Ses heures variaient, mais elle travaillait toujours de 20 à 35 heures par semaine.

[81] L’appelante affirme qu’elle travaillait habituellement dans des cafés, car les heures d’ouverture allaient bien avec son horaire de cours.

[82] Elle dit qu’elle essayait de choisir ses cours de façon à maximiser ses quarts de travail (parfois, elle avait plus d’un emploi à la fois). Un endroit où elle travaillait n’était pas ouvert le lundi, alors elle suivait deux cours ce jour-là.

[83] L’appelante affirme qu’il y a eu une période où elle travaillait le vendredi, le samedi, le dimanche et le lundi en faisant des quarts de huit heures à l’extérieur de ses cours. Elle dit l’avoir fait pendant six mois consécutifs.

[84] Je conclus que l’appelante n’a pas réfuté la présomption en démontrant un historique de travail à temps plein pendant ses études universitaires.

[85] Premièrement, ce que je considère, ce sont les jours ouvrables, et les jours de fin de semaine ne sont pas des jours ouvrablesNote de bas de page 16, de sorte que le fait qu’elle ait pu travailler le samedi et le dimanche ne serait pas pris en considération pour réfuter cette présomption.

[86] Deuxièmement, j’estime que l’appelante n’a pas démontré que, sans tenir compte de la fin de semaine, elle a toujours travaillé ce qui serait considéré comme des heures à temps plein pendant ses études universitaires. Même si j’admettais qu’il y a peut-être eu certaines semaines où les heures auraient pu être proches de ce qui est considéré comme étant à tempsNote de bas de page 17 plein sans inclure les heures de fin de semaine, cela ne suffit pas à réfuter la présomption.

[87] Travailler certaines semaines, ici et là, des heures équivalant quasiment à des heures à temps plein ne démontre pas des antécédents de travail à temps plein. Cela montre plutôt que le fait de travailler à temps plein pendant ses études serait l’exception plutôt que la norme.

[88] Troisièmement, l’appelante a toujours déclaré qu’elle n’était pas prête à quitter son cours, car son objectif est de trouver un emploi à temps plein en dehors de son horaire de cours.

[89] Quatrièmement, le fait que l’appelante planifie toutes ses heures de travail en fonction de ses études ne l’aide pas à réfuter la présomption de non-disponibilité pendant ses études à temps plein. Il appuie plutôt la présomption selon laquelle elle n’est pas disponible pendant qu’elle étudie à temps pleinNote de bas de page 18.

[90] Cinquièmement, même si les cours de l’appelante étaient en ligne pendant la plupart des trimestres pertinents, elle avait quand même l’obligation d’être présente à ces cours en ligne.

[91] Comme l’appelante n’a pas réfuté la présomption de non-disponibilité pendant ses études à temps plein, elle est présumée comme n’étant pas disponible.

[92] Toutefois, cela signifie seulement qu’on ne présume pas que l’appelante n’est pas disponible pour travailler. Je dois tout de même décider si elle est en fait disponible.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[93] Je dois vérifier si l’appelante est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 19. La jurisprudence établit trois éléments dont je dois tenir compte pour rendre ma décision. L’appelante doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 20 :

  1. a) Elle voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Elle faisait des démarches pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Elle n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire excessivement) ses chances de retourner travailler.

[94] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite de l’appelanteNote de bas de page 21, pour toutes les périodes d’inadmissibilité (du 23 novembre 2020 au 24 avril 2021 et du 8 septembre 2021 au 18 décembre 2021).

Vouloir retourner travailler

[95] Je conclus que l’appelante a démontré qu’elle voulait travailler pendant les deux périodes d’inadmissibilité.

[96] Je juge que le fait qu’elle ait travaillé pendant des périodes durant les périodes d’inadmissibilité, ainsi que ses efforts pour trouver un autre emploi lorsqu’elle a été mise à pied ou pour compléter ses heures de travail, démontre son désir de travailler.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[97] L’appelante a fait des démarches suffisantes pour trouver un emploi convenable pendant les deux périodes d’inadmissibilité.

[98] Je peux comprendre que l’appelante n’ait peut-être pas trouvé beaucoup d’endroits où présenter une demande d’emploi en raison de l’incidence des confinements liés à la COVID-19 sur l’économie, mais les demandes d’emploi ne sont pas le seul critère selon lequel les démarches de recherche d’emploi sont évaluées.

[99] J’accepte le témoignage de l’appelante comme étant crédible, à savoir qu’elle cherchait d’autres emplois en ligne sur Indeed.com, qu’elle cherchait en personne des endroits où on embauchait, et qu’elle faisait du réseautage avec d’autres au moyen d’un babillard d’emploi local sur Instagram.

[100] J’estime que les démarches qu’elle a faites pour trouver du travail étaient suffisantes, car elles étaient continues, et qu’il s’agissait de façons raisonnables de chercher du travail.

Limiter excessivement ses chances de retourner travailler

[101] L’appelante a établi une condition personnelle qui limiterait excessivement ses chances de retourner au travail, car ses études universitaires étaient une condition personnelle qui la limitait excessivement.

[102] Je comprends l’argument de l’appelante selon lequel elle ne voulait pas quitter son cours pour un emploi parce que cela n’était pas nécessaire étant donné qu’elle estime pouvoir travailler à temps plein en dehors de ses cours, mais cela ne démontre pas sa disponibilité.

[103] La Cour fédérale a déclaré qu’une personne aux études qui est seulement disponible en dehors de son horaire de cours restreint sa disponibilité et n’est pas disponibleNote de bas de page 22.

[104] L’appelante a déclaré qu’elle planifiait son travail en fonction de son horaire de cours et qu’elle cherchait un emploi qui conviendrait à son horaire de cours. C’est pourquoi elle aimait travailler dans les cafés, car leurs heures d’ouverture convenaient bien à ses études.

[105] De plus, même si les cours de l’appelante étaient en ligne pendant la majeure partie du trimestre pertinent, elle avait toujours l’obligation d’y assister, alors elle devait tout de même travailler en respectant son horaire de cours.

[106] Par conséquent, comme il fallait que tout emploi soit offert en dehors de son horaire de cours, je juge que ses études limiteraient trop ses chances de retourner sur le marché du travail, car elles limiteraient les emplois qu’elle pourrait accepter.

L’appelante est-elle donc capable de travailler et disponible à cette fin?

[107] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que l’appelante n’a pas démontré qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

[108] L’appel est rejeté.

[109] La Commission a pris des décisions initiales lorsqu’elle a décidé de verser des prestations à l’appelante.

[110] La Commission a le pouvoir de réviser ces décisions initiales, ce qu’elle a fait, et lorsqu’elle a exercé ce pouvoir, elle l’a fait de façon judiciaire. Par conséquent, je ne peux pas modifier sa décision d’examiner la demande de l’appelante.

[111] L’appelante n’a pas non plus réfuté la présomption de non-disponibilité comme étudiante à temps plein, et elle n’a pas prouvé qu’elle est disponible pour travailler.

[112] Cela signifie que je maintiens les inadmissibilités imposées par la Commission.

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