Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MJ c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 799

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : M. J.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 mars 2023 (GE-22-2604)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 19 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-398

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi, puis congédiée parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Elle n’a pas eu d’exemption. Elle a finalement décidé de demander des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission de l’assurance-emploi) a conclu que la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduite. Elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. Après une révision infructueuse pour la prestataire, celle-ci a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a établi que la prestataire avait été suspendue, puis congédiée après avoir refusé de se conformer à la politique de son employeur. Elle a jugé que la prestataire savait que son employeur pouvait la suspendre et la congédier dans ces circonstances. En fin de compte, elle a conclu que la prestataire avait été suspendue et congédiée en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel.Elle soutient qu’il n’y a eu aucune inconduite de sa part. Son dossier d’employée était parfait.Elle ajoute que le fait de ne pas participer à des essais de médicaments ayant d’horribles effets secondaires et causant de nombreux décès n’est pas une inconduite.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social établit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Il s’agit des erreurs révisables suivantes :

  1. 1. La procédure de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. 2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a décidé d’une question qui dépassait sa compétence.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape qui vient avant l’examen sur le fond. C’est une première étape que la partie prestataire doit franchir, où la barre est moins haute que durant l’appel sur le fond. Lors de la demande de permission de faire appel, la partie prestataire n’a pas à prouver ce qu’elle avance. Elle doit plutôt montrer que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit établir qu’une erreur susceptible de révision a été commise et peut permettre à l’appel d’être accueilli.

[11] Alors, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés ci-dessus et qu’au moins un de ces motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait permettre à l’appel d’être accueilli?

[12] La prestataire soutient que la politique de son employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels. Elle avait le droit de refuser de se faire vacciner. Elle soutient que le fait de ne pas participer à des essais de médicaments ayant d’horribles effets secondaires et causant de nombreux décès n’est pas une inconduite. Elle fait valoir que son dossier d’employée était parfait et que son employeur a tenté de la forcer à se faire vacciner.Elle ajoute que son employeur lui a offert une entente de cessation d’emploi qui devrait lui permettre de recevoir des prestations d’assurance-emploi.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été congédiée en raison d’une inconduiteNote de bas de page 1.

[14] Dans la notion d’inconduite, ce n’est pas nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, l’acte reproché doit être délibéré ou, du moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne a délibérément décidé d’ignorer les répercussions de cet acte sur son travail.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de se prononcer sur la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir s’il a mal agi en congédiant la prestataire, de sorte que sa perte d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite lui a fait perdre son emploi Note de bas de page 2.

[16] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que la prestataire a été congédiée parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de l’employeur. La prestataire avait été informée de cette politique et aurait eu le temps de s’y conformer. Elle n’a pas eu d’exemption. Son refus était intentionnel. Elle a agi de façon délibérée. C’est la cause directe de son congédiement. La division générale a établi que la prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pourrait entraîner son congédiement.

[17] La division générale a conclu, à partir de la preuve prépondérante, que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[18] Selon un principe bien établi, une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au titre de Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 3. On dit aussi que le non-respect d’une politique approuvée par un gouvernement ou une entreprise est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 4.

[19] On s’entend pour dire qu’un employeur doit prendre toutes les précautions raisonnables pour veiller à la santé et à la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre une politique pour préserver la santé de tout son personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendueNote de bas de page 5.

[20] Il n’appartient pas au Tribunal de la sécurité sociale de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Il revient à une autre instance de décider si l’employeur a enfreint les droits de la prestataire en matière de travail ou si la politique a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire rechercheNote de bas de page 6.

[22] Récemment, la Cour fédérale a rendu une décision dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19. Ce prestataire a fait valoir que le refus de se plier à une politique vaccinale imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a avancé que rien ne prouvait que le vaccin était sûr et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé par son choix médical personnel. Il a ajouté qu’il avait le droit de préserver son intégrité physique et que ses droits avaient été violés selon la loi canadienne et internationaleNote de bas de page 7.

[23] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel, selon laquelle le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas légalement autorisé à traiter ce genre de questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique vaccinale de son employeur, le prestataire dans l’affaire Cecchetto avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 8 La Cour a déclaré que le prestataire avait d’autres options dans le système de justice pour faire valoir ses revendications.

[24] Dans une affaire précédente qui s’intitule Paradis, un prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Selon lui, il n’y avait aucune inconduite de sa part, puisque la politique de son employeur avait violé ses droits garantis par l’Alberta Human Rights Act [loi albertaine sur les droits de la personne]. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[25] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[26] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur a mal agi en congédiant la prestataire, de sorte que sa perte d’emploi serait injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa perte d’emploi.

[27] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique que son employeur avait établie en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. C’est ce qui a entraîné son congédiement.

[28] La division générale ne semble avoir commis aucune erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement d’après les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite conformément à la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[29] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 10. Cela ne change rien au fait qu’aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé qu’il est plus probable qu’improbable (selon la prépondérance des probabilités) que la prestataire a été congédiée en raison d’une inconduite.

[30] La prestataire soutient que son employeur lui a offert une entente de cessation d’emploi qui devrait lui permettre de recevoir des prestations d’assurance-emploi. Cette entente ne change pas la nature de l’inconduite qui a mené à son congédiementNote de bas de page 11.

[31] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur la question de l’inconduite.

Conclusion

[32] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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