Assurance-emploi (AE)

Informations sur la décision

Contenu de la décision

[TRADUCTION]

Citation : NG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1780

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : N. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (462128) datée du 5 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 16 août 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 18 août 2022
Numéro de dossier : GE-22-1359

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté.

[2] Le prestataire (qui est l’appelant dans le présent appel) ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison de son inconduite.

Aperçu

[3] Le prestataire travaillait comme radiothérapeute employé chez X. Le 12 novembre 2021, le prestataire a été suspendu parce qu’il n’a pas présenté de preuve montrant qu’il avait reçu sa première dose de vaccin contre la COVID-19, comme l’exigeait la politique de vaccination obligatoire de l’employeur. Le 29 novembre 2021, l’employeur a congédié le prestataire parce que celui-ci ne s’était toujours pas conformé à la politique.

[4] Le prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi. L’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a établi qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite et a imposé une exclusion à l’égard de sa demande. Il ne pouvait donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a admis avoir été congédié pour non-conformité à la politique, mais il a soutenu que la politique même était [traduction] « illégale » parce qu’elle violait ses croyances, ses droits constitutionnels et fondamentaux, ainsi que la convention collective régissant son emploi. La Commission n’a pas été convaincue et a maintenu l’exclusion à l’égard de sa demande. Il a porté cette décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[5] Je dois décider si le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 1. Pour ce faire, je dois examiner la raison de son congédiement, puis décider si la conduite qui a causé la perte de son emploi en est une que la loi considère comme une « inconduite » aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[6] La Commission affirme que le prestataire était au courant de la politique, des dates limites pour s’y conformer et des conséquences de la non-conformité, et qu’il a fait le choix conscient et délibéré de ne pas s’y conformer. Il savait qu’il pouvait perdre son emploi en faisant ce choix, et c’est ce qui s’est passé. La Commission affirme que ces faits prouvent que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, ce qui signifie qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

[7] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme avoir fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner en raison de ses croyances et fait valoir que l’employeur aurait dû lui accorder une exemption pour ce motif. Il affirme également que son congédiement était [traduction] « illégal » parce qu’il violait ses droits fondamentaux et la convention collective régissant son emploi. Il croit qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que l’employeur a agi illégalement et de façon déraisonnable.

[8] Je suis d’accord avec la Commission. Voici les raisons qui expliquent ma décision.

Question en litige

[9] Le prestataire a-t-il été congédié de son emploi chez X en raison de son inconduite?

Analyse

[10] Pour répondre à cette question, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison le prestataire a perdu son emploi. Ensuite, je dois décider si la Loi sur l’assurance-emploi considère ce motif comme une inconduite.

Question en litige no 1 : Pourquoi le prestataire a-t-il perdu son emploi?

[11] Le prestataire a été congédié parce qu’il a refusé de se faire vacciner, comme l’exige la politique de l’employeur.

[12] Voici ce que l’employeur a dit à la CommissionNote de bas de page 2 :

  • La politique est entrée en vigueur le 1er novembre 2021.
  • Aux termes de la politique, le prestataire avait jusqu’au 12 novembre 2021 pour présenter une preuve indiquant qu’il avait reçu une première dose de vaccin contre la COVID-19. S’il ne fournissait pas de preuve à cet effet, il serait placé en congé sans solde pendant deux semaines et aurait le temps d’obtenir sa première dose. S’il n’était toujours pas vacciné au plus tard le 26 novembre 2021, il serait congédié.
  • Le prestataire n’a fourni aucune preuve de vaccination en date du 12 novembre 2021. Il a été mis en congé sans solde pendant deux semaines à compter de ce jour-làNote de bas de page 3.
  • Lorsque l’employeur a rencontré le prestataire le 29 novembre 2021, celui-ci n’était toujours pas vacciné. Le prestataire a été congédié pour non-conformité à la politique à ce moment-làNote de bas de page 4.

[13] Le prestataire ne conteste aucun des faits mentionnés ci-dessus.

[14] À l’audience, il a souligné que son syndicat a contesté son congédiementNote de bas de page 5, mais il a reconnu et convenu qu’il a été congédié parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique exigeant que tout le personnel soit vacciné.

[15] Je conclus que la preuve démontre que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se faire vacciner, comme l’exige la politique de l’employeur.

Question en litige no 2 : Le motif du congédiement est-il une inconduite au sens de la loi?

[16] Oui, le motif du congédiement du prestataire est une inconduite aux fins des prestations d’assurance-emploi.

[17] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 6. L’inconduite comprend également une conduite si insouciante (ou négligente) qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 7 (ou qui démontre un mépris délibéré des répercussions de ses actes sur son rendement au travail).

[18] Le prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’est pas nécessaire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 8.

[19] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 9.

[20] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 10. Pour ce faire, elle s’appuie sur la preuve que les personnes représentant Service Canada obtiennent de l’employeur et du prestataire.

[21] Voici ce que le prestataire a déclaré à l’audience :

  • La politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 a été communiquée à tout le personnel le 1er novembre 2021. Les personnes employées avaient deux semaines pour se faire vacciner, à défaut de quoi elles seraient suspendues sans salaire. Si elles n’étaient pas vaccinées après deux semaines supplémentaires, elles seraient congédiées.
  • Aux termes de cette politique, l’employeur disait [traduction] « Faites-vous vacciner, sinon vous devrez partir ».
  • Le syndicat du prestataire a déposé son grief [traduction] « dès le 1er novembre » parce que la politique le [traduction] « privait » de ses droits fondamentaux et de ses droits garantis par la Charte canadienne des droits et libertés.
  • Il a fait un choix délibéré et intentionnel de ne pas se faire vacciner contre la COVID-19 en raison de ses croyances.
  • Le prestataire croit à un [traduction] « mode de vie sain et holistique » et évite tous les produits pharmaceutiques.
  • Le 12 novembre 2021, il a été [traduction] « suspendu » pour n’avoir pas fourni de preuve de vaccination.
  • Le 29 novembre 2021, une rencontre a eu lieu pour savoir si le prestataire s’était conformé à l’exigence de vaccination. Il ne l’avait pas fait, alors l’employeur a dit qu’il avait été [traduction] « congédié » parce qu’il n’avait pas été vacciné comme l’exigeait la politique.
  • Le prestataire a dit à l’employeur qu’il avait rédigé une déclaration solennelleNote de bas de page 11 dans laquelle il décrit ses croyances, la façon dont il les respecte au quotidien. Il dit aussi pourquoi il croit que la politique exigeant qu’il se fasse vacciner violait ses croyances.
  • L’employeur a dit [traduction] « donnez-la-nous maintenant » et a accepté sa demande d’exemption à la politique. Le prestataire a compris qu’il avait été congédié, mais il espérait que cela pourrait éventuellement mener à sa réintégration.
  • Auparavant, l’employeur avait pris des mesures d’adaptation quand le prestataire avait refusé de se faire vacciner.
  • Pendant des années, il a refusé de se faire vacciner contre l’hépatite, de recevoir le [traduction] « vaccin RORNote de bas de page 12 » et le vaccin annuel contre la grippe. Au lieu de se conformer à la politique de l’employeur et de recevoir ces vaccins, il a été autorisé à signer une déclaration, à porter le masque et à porter une vignette d’identification indiquant aux autres personnes qu’il n’était pas vacciné.
  • Le prestataire n’a jamais eu de réponse de l’employeur au sujet de sa demande d’exemption à la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19.
  • L’employeur aurait facilement pu lui offrir des mesures d’adaptation en lui permettant de travailler de la maison ou de continuer à porter un masque et à passer les tests de dépistage de la COVID qu’il effectuait deux fois par semaine avant la mise en œuvre de la politique.
  • Cependant, l’employeur accepte seulement les exemptions médicales, et non les exemptions pour raisons philosophiques ou liées aux croyances dans le cadre de la vaccination contre la COVID-19.
  • Ce n’est pas raisonnable. On devrait lui accorder les mêmes mesures d’adaptation que lorsqu’il a refusé d’obtenir les autres vaccins que l’employeur lui a demandés.

[22] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si la politique de l’employeur était raisonnable, s’il aurait fallu que l’employeur accepte la demande d’exemption du prestataire fondée sur ses croyances ou si le licenciement infligé était trop sévèreNote de bas de page 13. Le Tribunal doit se concentrer sur la conduite qui a entraîné le congédiement du prestataire et décider s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[23] J’ai déjà conclu que la conduite qui a mené au congédiement du prestataire était son refus de se faire vacciner conformément à la politique en milieu de travail mise en place par l’employeur en réponse à la pandémie de COVID-19.

[24] Les éléments de preuve non contestés obtenus de l’employeur, ainsi que le témoignage du prestataire à l’audience, constituent le fondement des conclusions supplémentaires suivantes :

  1. a) Le prestataire a été informé de la politique de vaccination obligatoire et a eu le temps de s’y conformer.
  2. b) Son refus de se conformer à la politique était délibéré et intentionnel.  Son refus était donc volontaire.
  3. c) Il savait que son refus pouvait entraîner la perte de son emploi. Cela signifie qu’il a accepté les conséquences possibles.
  4. d) Son refus de se conformer à la politique était la cause directe de son congédiement.

[25] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 14. Mes conclusions appuient également la conclusion selon laquelle le refus délibéré du prestataire de se faire vacciner conformément à la politique constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[26] L’espoir du prestataire d’être réintégré après son congédiement le 29 novembre 2021 ne change rien au fait qu’il savait qu’il pouvait perdre son emploi parce qu’il avait refusé de fournir une preuve de vaccination et de se conformer à la politique dans les deux semaines suivant son congé sans solde.

[27] Le prestataire soutient que la politique de l’employeur était illégale et qu’elle violait les termes de sa convention collective, ainsi que ses droits fondamentauxNote de bas de page 15 et constitutionnels.

[28] Je ne tire aucune conclusion concernant la validité de la politique ou toute violation des droits du prestataire. Il est libre de présenter ces arguments et de demander réparation devant les instances compétentes appropriéesNote de bas de page 16. Aucun de ces arguments ne change le fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’il a été congédié en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[29] Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[30] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[31] L’appel est rejeté.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.