Assurance-emploi (AE)

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Citation : IC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1018

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : I. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision (548893) datée du 16 novembre 2022 rendue par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Guillaume Brien
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 27 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 2 mai 2023
Numéro de dossier : GE-23-440

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec la prestataire.

[2] La prestataire n’a pas démontré qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestationsNote de bas de page 1. Un motif valable est une raison acceptable selon la loi pour expliquer le retard. Par conséquent, sa demande initiale ne peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Aperçu

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance‑emploi le 8 juillet 2022. Elle demande maintenant que la demande initiale soit traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit le 17 avril 2022. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a déjà rejeté cette demande.

[4] Je dois décider si la prestataire a prouvé qu’elle avait un motif valable de ne pas demander des prestations plus tôt.

[5] La Commission affirme que la prestataire n’avait pas de motif valable parce qu’elle a présenté deux versions opposées justifiant son retard. Elle n’a également pas écouté les conseils de son syndicat, qui lui a dit à au moins deux reprises de déposer une demande d’assurance-emploi rapidement.

[6] La prestataire n’est pas d’accord et affirme, tout d’abord, qu’elle attendait de retourner à son emploi d’enseignante. Elle dit ensuite qu’elle s’était inscrite à une formation et qu’elle ne voulait pas recevoir de prestations d’assurance-emploi et de prêts et bourses en même temps. Elle craignait de devoir rembourser de l’argent au gouvernement. Elle dit s’être présentée à Service Canada à environ quatre reprises et n’avoir jamais réussi à entrer. Elle dit ne pas avoir d’ordinateur chez elle et ne pas être apte à déposer une demande en ligne.

Question en litige

[7] La demande initiale de prestations peut‑elle être traitée comme si elle avait été présentée le 17 avril 2022? C’est ce qu’on appelle « antidater » la demande initiale.

Analyse

[8] Pour que sa demande initiale de prestations soit antidatée, une personne doit prouver les deux choses suivantesNote de bas de page 2 :

  1. a) qu’elle avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée. Autrement dit, qu’elle avait une explication acceptable selon la loi;
  2. b) qu’à la date antérieure (c’est-à-dire la date à laquelle elle veut que sa demande initiale soit antidatée), elle remplissait les conditions requises pour recevoir des prestations.

[9] Les arguments principaux dans cette affaire servent à décider si la prestataire avait un motif valable. C’est donc par cela que je commencerai.

[10] Pour démontrer qu’elle avait un motif valable, la prestataire doit prouver qu’elle a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 3. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi comme une personne raisonnable et réfléchie aurait agi dans une situation semblable.

[11] La prestataire doit le prouver pour toute la période du retardNote de bas de page 4. Cette période s’étend du jour où elle veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où elle a présenté cette demande. Par conséquent, la période de retard de la prestataire est du 17 avril 2022 au 2 juillet 2022 (la demande initiale ayant été déposée le 8 juillet 2022 mais ayant pris effet le 3 juillet 2022). Cela représente un retard d‘environ 76 jours.

[12] La prestataire doit aussi démontrer qu’elle a vérifié assez rapidement si elle avait droit à des prestations et quelles obligations la loi lui imposaitNote de bas de page 5. Cela veut dire que la prestataire doit démontrer qu’elle a fait de son mieux pour essayer de s’informer sur ses droits et ses responsabilités dès que possible. Si la prestataire ne l’a pas fait, elle doit alors démontrer les circonstances exceptionnelles qui l’en ont empêchéeNote de bas de page 6.

[13] La prestataire doit le démontrer selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable qu’elle avait un motif valable justifiant son retard.

Motifs #1 : la prestataire voulait retourner à son ancien travail

[14] La prestataire affirme premièrement qu’elle voulait retourner à son ancien travail comme enseignante malgré le fait qu’elle fut congédiée le 13 avril 2022. Elle est allée voir son syndicat pour leur en parler. En attendant, le syndicat lui a conseillé de faire sa demande d’assurance-emploi. Elle ne l’a pas fait car elle espérait revenir à son travail d’enseignante.

[15] Premièrement, je constate que le syndicat n’a jamais garanti à la prestataire qu’elle retrouverait son travail. Il ne s’agissait que d’une simple possibilité.

[16] Deuxièmement, bien que le syndicat ait conseillé à la prestataire de faire sa demande d’assurance-emploi, celle-ci ne l’a jamais fait car elle attendait un rappel éventuel.

[17] Je détermine donc que le fait que la prestataire voulait retourner à son ancien travail ne peut pas constituer un motif raisonnable de retard, la prestataire n’ayant jamais reçu de garantie qu’elle pourrait un jour retourner à son emploi d’enseignante duquel elle avait été récemment congédiée.

Motif #2 : la prestataire voulait suivre une formation

[18] La prestataire affirme ensuite qu’elle a tardé à déposer sa demande puisqu’elle voulait suivre une formation de préposé aux bénéficiaires. Elle dit qu’elle avait droit aux prêts et bourses, et qu’elle ne voulait pas toucher de prestations d’assurance-emploi afin de ne pas avoir à rembourser le gouvernement.

[19] Durant l’audience, la prestataire m’a confirmé que la formation était censée débuter le 21 août 2022. Elle ne se souvient plus de la date d’inscription. Elle dit que c’était après son retour de voyage aux États-Unis (du 17 avril 2022 au 20 avril 2022 environ).

[20] La prestataire n’a jamais commencé la formation. Elle est tombée malade le 22 août 2022, elle s’est rendue à l’hôpital le lendemain et fut opérée.

[21] Je constate que la formation de préposé aux bénéficiaires n’était pas une formation dirigée mais plutôt un choix personnel de la prestataire. La prestataire a fait un choix personnel de ne pas demander d’assurance-emploi car elle prévoyait réorienter sa carrière.

[22] Le fait que ses plans personnels ne se soient pas réalisés n’est pas un motif raisonnable du retard à soumettre la demande initiale. La prestataire a plutôt fait le choix de ne pas soumettre de demande car elle prévoyait étudier. Ce n’est que plus tard, lorsque sa situation financière s’est dégradée, que celle-ci a décidé de déposer la demande en date du 8 juillet 2022.

[23] Je détermine donc que le fait que la prestataire souhaitait retourner aux études n’est pas un motif raisonnable justifiant le retard à déposer la demande initiale.

Motifs #3 : la prestataire a tenté de se rendre chez Service Canada mais n’a jamais pu entrer

[24] À son Avis d’appel, la prestataire écrit avoir tenté d’aller à Service Canada à environ 4 reprises, mais n’avoir jamais été capable d’entrer. Il faisait froid, il pleuvait, elle n’a pas pu déposer la demandeNote de bas de page 7.

[25] Durant l’audience, j’ai demandé à la prestataire de me préciser quand elle avait tenté de se rendre à Service Canada. Après plusieurs tentatives d’obtenir une réponse claire, la prestataire dit qu’elle a tenté de s’y rendre le mercredi, le jeudi et le vendredi suivant son retour de voyage aux États-Unis. Il s’agit donc de trois tentatives effectuées les 27-28-29 avril 2022. La prestataire m’a dit que la file était trop longue. Il faisait froid et elle ne pouvait pas rester. Elle n’a pas fait d’autres tentatives par la suite.

[26] Après avoir entendu la prestataire, je détermine que le fait que celle-ci ait fait la file trois fois au bureau de Service Canada, mais qu’elle fut incapable d’entrer, n’est pas un motif raisonnable pouvant expliquer le retard à déposer la demande initiale.

[27] Premièrement, la prestataire dit qu’il pleuvait et qu’il faisait froid, et que la file était longue. Je constate que les dates données par la prestataire, les 27-28-29 avril 2022, sont en période de printemps. La prestataire aurait pu bien s’habiller et faire la file comme tout le monde. Elle aurait pu arriver tôt afin de s’assurer de pouvoir rentrer. Elle revenait d’un voyage aux États-Unis, ce qui démontre qu’elle était apte à voyager et à faire la file.

[28] Deuxièmement, le fait d’avoir tenté à seulement 3 reprises d’aller à Service Canada sur une période de retard de 76 jours n’est pas raisonnable et ne démontre pas des efforts soutenus afin de déposer une demande de prestation à temps. Cela ne démontre certainement pas un motif raisonnable couvrant toute la période du retard.

Motif #4 : la prestataire n’a pas d’ordinateur et elle n’est pas bonne en informatique

[29] La prestataire écrit à son Avis d’appel qu’elle n’a pas d’ordinateur. Elle n’a qu’un téléphone portable. Elle doit se rendre à la bibliothèque afin d’utiliser internet. Elle ne pouvait donc pas faire une demande en ligneNote de bas de page 8.

[30] La prestataire m’a expliqué en audience que le personnel de la bibliothèque ne pouvait pas l’aider à déposer sa demande d’assurance-emploi en ligne.

[31] Ensuite, la prestataire me parle de sa fille qui l’aide dans plusieurs de ses démarches personnelles.

[32] Je demande alors à la prestataire pourquoi sa fille ne l’avait pas aidé à déposer sa demande d’assurance-emploi en ligne. Celle-ci me répond que ni elle ni sa fille ne connaissent le processus, et qu’elles ne sont pas capables.

[33] Je demande à la prestataire si elle sait combien de temps ça prend environ pour déposer une demande en ligne. Elle me répond ne pas le savoir. Elle me dit que sa fille est trop occupée à travailler. Elle est chimiste. Elle travaille sur les heures de bureau.

[34] Après avoir entendu la prestataire, je détermine que le fait que celle-ci n’ait pas d’ordinateur n’est pas un motif raisonnable justifiant le retard à déposer la demande initiale. En effet, celle-ci aurait pu faire la demande sur son téléphone portable. Elle aurait également pu demander à sa fille, qui est chimiste, de l’aider. Le fait que celle-ci travaille sur les heures de bureau n’explique en rien pourquoi elle ne pouvait pas aider la prestataire à remplir une demande le soir ou encore la fin de semaine.  

Conclusion quant aux motifs invoqués par la prestataire

[35] Après avoir étudié le dossier en profondeur et après avoir entendu la prestataire, je détermine que les motifs invoqués par celle-ci ne sont pas suffisants afin de justifier le retard durant l’entièreté de la période de retard.

[36] De plus, la prestataire fut avisée à plusieurs reprises par son syndicat de déposer la demande d’assurance-emploi rapidement mais elle ne l’a jamais fait.

[37] La prestataire n’a pas non plus démontré de circonstance exceptionnelle pouvant justifier le retard. Elle a déclaré à plusieurs reprises qu’elle était apte au travail durant cette période. Ce n’est que le 22 août 2022 que la prestataire a consulté un médecin pour la première fois en se rendant directement à l’urgence. Le motif de maladie ne peut donc pas expliquer son retard à soumettre sa demande initiale d’assurance-emploi.

[38] Je n’ai pas besoin d’examiner si la prestataire remplissait les conditions requises, à la date antérieure, pour recevoir des prestations. Si elle n’a pas de motif valable, sa demande initiale ne peut pas être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt.

Conclusion

[39] La prestataire n’a pas prouvé qu’elle avait un motif valable justifiant le retard de sa demande initiale de prestations pendant toute la période écoulée.

[40] L’appel est rejeté.

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