Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : LM c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1111

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : L. M.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (460525) rendue le 9 mars 2022 par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Catherine Shaw
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant
Épouse de l’appelant
Date de la décision : Le 21 juin 2023
Numéro de dossier : GE-23-607

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, il n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 25 avril 2022 au 4 mai 2022

Aperçu

[3] L’appelant a été placé en congé sans solde. Selon son employeur, il a été suspenduNote de bas de page 1 pour non-respect de sa politique de vaccination.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas ces faits, il affirme que contrevenir à la politique de vaccination de son employeur n’est pas une inconduite. Il fait valoir que la vaccination obligatoire était une nouvelle condition d’emploi que l’employeur lui a imposé de façon unilatérale. Elle n’était pas dans son contrat de travail ni dans sa convention collective. Et la politique violait ses droits de la personne.

[5] La Commission a accepté la raison fournie par l’employeur pour expliquer la suspension. Elle a décidé que l’appelant avait été suspendu pour inconduiteNote de bas de page 2. Pour cette raison, elle a décidé qu’il n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

L’employeur n’est pas une partie à l’appel

[6] Le Tribunal a constaté qu’il pouvait peut-être mettre une autre partie en cause dans l’appel : l’employeur de l’appelant. Le Tribunal lui a fait parvenir une lettre pour lui demander s’il avait un intérêt direct dans l’appel et s’il voulait être mis en cause. L’employeur n’a pas répondu à la lettre.

[7] Comme rien dans le dossier n’indique que l’employeur a un intérêt direct dans l’appel, j’ai décidé de ne pas le mettre en cause.

L’appel a été renvoyé à la division générale

[8] L’appelant a d’abord fait appel à la division générale du Tribunal en avril 2022. Il contestait alors le refus de lui verser des prestations d’assurance-emploi. La membre de la division générale a rejeté son appel de façon sommaire parce qu’elle a conclu qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. En conséquence, il n’a pas eu l’occasion de parler de son appel dans le cadre d’une audience. Le Tribunal n’a donc pas examiné tous les arguments de l’appelant avant de rendre sa décision.

[9] L’appelant a porté la décision de rejet sommaire en appel à la division d’appel. La membre de la division d’appel a conclu que l’appel n’aurait pas dû être rejeté de façon sommaire. Elle a ordonné que l’appel soit renvoyé à la division générale pour qu’une audience ait lieu. La présente décision fait suite à cette audience.

J’ai accepté les observations que l’appelant a déposées après l’audience

[10] À l’audience, l’appelant et son épouse ont dit qu’ils n’avaient peut-être pas reçu tous les documents d’appel. Le dossier d’appel contenait 20 documents qui ont été envoyés à l’appelant à compter d’avril 2022. Après une courte discussion, nous avons décidé que je lui enverrais tous les documents après l’audience. Et si l’appelant et son épouse le souhaitaient, ils pourraient m’envoyer d’autres observations par écrit. Je leur ai demandé d’envoyer leurs observations au plus tard le 21 juin 2023.

[11] Le 17 juin 2023, l’appelant a fait parvenir un courriel au Tribunal. Il a écrit que son épouse et lui n’avaient rien à ajouter au sujet de son appel. J’ai donc rendu la décision en me fondant sur la preuve au dossier ainsi que sur les observations et les témoignages que j’ai entendus à l’audience.

Question en litige

[12] L’appelant a-t-il été suspendu en raison d’une inconduite?

Analyse

[13] La loi prévoit qu’on ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi si l’on perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique en cas de congédiement et en cas de suspensionNote de bas de page 3.

[14] Je dois décider deux choses pour savoir si l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a été suspendu. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu?

[15] Les deux parties conviennent que l’appelant a été suspendu parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur. Je ne vois rien qui prouve le contraire, alors j’accepte ce fait.

La raison de sa suspension est-elle une inconduite au sens de la loi?

[16] La raison pour laquelle l’appelant a été suspendu est une inconduite au sens de la loi.

[17] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Mais la jurisprudence explique comment savoir si la suspension de l’appelant constitue une inconduite au sens de la Loi. Elle établit le critère juridique de l’inconduite, c’est-à-dire les points et les critères à prendre en considération lorsqu’on examine la question de l’inconduite.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 4. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 5. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 6.

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers l’employeur et que la possibilité de se faire renvoyer pour cette raison était bien réelleNote de bas de page 7.

[20] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) que la perte d’emploi est due à l’inconduiteNote de bas de page 8.

[21] J’ai le pouvoir de trancher uniquement les questions mentionnées dans la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas décider si d’autres lois donnent d’autres options à l’appelant. Il ne m’appartient pas de décider si le congédiement de l’appelant est injuste ou si l’employeur aurait dû mettre en place des mesures d’adaptation raisonnables pour luiNote de bas de page 9. Je peux me pencher sur une seule question : ce que l’appelant a fait ou omis de faire est-il une inconduite au sens de la Loi?

[22] La Cour d’appel fédérale a jugé une affaire appelée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 10. M. McNamara a été congédié aux termes de la politique de son employeur sur le dépistage des drogues. Il a fait valoir qu’il n’aurait pas dû perdre son emploi parce que le test de dépistage n’était pas justifié dans les circonstances, notamment parce qu’aucun motif raisonnable ne permettait de croire qu’il était incapable de travailler en toute sécurité à cause de la consommation de drogue et parce que le dernier test qu’il avait passé était toujours valable. Essentiellement, M. McNamara disait qu’il devrait recevoir des prestations d’assurance-emploi parce que son employeur avait mal agi lorsqu’il a décidé de le congédier.

[23] En guise de réponse aux arguments de M. McNamara, la Cour d’appel fédérale a expliqué que, dans les affaires où il est question d’inconduite, elle a toujours maintenu ceci : « il n’appartient pas au conseil ou au juge-arbitre de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt, il leur appartient de dire si l’omission ou l’acte reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a ajouté que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a fait remarquer que les personnes dont le congédiement est injustifié disposent d’autres recours, « qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[24] La décision McNamara a été suivie dans une affaire plus récente : ParadisNote de bas de page 11 c Canada (Procureur général). Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas travaillé avec les facultés affaiblies et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et aux lois provinciales sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est appuyée sur la décision McNamara pour affirmer que la conduite de l’employeur n’est pas un élément déterminant lorsqu’il s’agit de décider de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 12.

[25] La Cour d’appel fédérale a tranché une autre affaire semblable : MishibinijimaNote de bas de page 13 c Canada (Procureur général). M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a fait valoir que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui fournir des mesures d’adaptation. Encore une fois, la Cour a précisé qu’il faut se pencher d’abord et avant tout sur ce que la personne employée a fait ou n’a pas fait. Elle a ajouté que le fait que l’entreprise n’a pas mis de mesures d’adaptation en place pour la personne qu’elle emploie n’est pas pertinentNote de bas de page 14.

[26] Ces affaires ne portent pas sur les politiques de vaccination contre la COVID-19, mais les principes qui s’y trouvent sont quand même pertinents. Dans une affaire très récente, où il était question d’une politique de vaccination contre la COVID-19, l’appelant a fait valoir qu’il n’avait jamais obtenu de réponse satisfaisante à ses questions sur la dangerosité et l’efficacité des tests antigéniques et des vaccins contre la COVID-19. Il a ajouté qu’aucune des décisions rendues n’abordait la question de savoir comment une personne pouvait être forcée de prendre un médicament non éprouvé ou de subir un test qui, d’une part, porte fondamentalement atteinte à l’intégrité physique et, d’autre part, constitue de la discrimination fondée sur les choix médicaux personnelsNote de bas de page 15.

[27] Lorsqu’elle a rejeté l’appel, la Cour fédérale a écrit ceci :

[traduction]
Même si le demandeur est visiblement frustré par le fait qu’aucune des décisions n’ait abordé ce qu’il considère comme les questions de droit ou de fait fondamentales qu’il soulève, [...] la principale faille dans l’argument du demandeur est qu’il critique les personnes qui ont rendu ces décisions parce qu’elles n’ont pas réglé un ensemble de questions qu’elles ne peuvent pas légalement examinerNote de bas de page 16.

[28] La Cour a ajouté ceci :

[traduction]
La division générale et la division d’appel [du Tribunal de la sécurité sociale] ont un rôle important, mais restreint et précis à jouer dans le système juridique. Dans la présente affaire, ce rôle consistait à décider pourquoi le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduiteNote de bas de page 17 ».

[29] La jurisprudence clarifie les choses : mon rôle n’est pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur ni de décider s’il avait raison de suspendre l’appelant. Je dois plutôt me pencher sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait, puis voir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[30] La Commission et l’appelant s’entendent sur les principaux faits dans la présente affaire. Les principaux faits sont ceux que la Commission doit prouver pour démontrer que la conduite de l’appelant est une inconduite au sens de la Loi.

[31] Selon la Commission, il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qu’il a communiquée à l’appelant.
  • La politique obligeait l’appelant à se faire vacciner contre la COVID-19 ou à obtenir une exemption approuvée.
  • L’appelant savait ce que la politique lui demandait de faire.
  • Il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner.
  • L’employeur l’a suspendu parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[32] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • La politique ne faisait pas partie de son contrat de travail ou de sa convention collective.
  • Ce n’était pas une condition d’emploi à son embauche.
  • Aucune loi ne l’obligeait à se faire vacciner.
  • L’employeur aurait pu offrir des solutions de rechange à la vaccination obligatoire.
  • La politique était contraire à la loi et violait ses droits fondamentaux.

[33] La preuve est claire : l’employeur a mis en place une politique de vaccination obligatoire. L’appelant savait ce qu’il avait à faire pour respecter la politique de vaccination et ce qui se passerait s’il ne le faisait pas. L’employeur l’a informé des exigences de la politique et des conséquences du non-respect de la politique.

[34] L’appelant a demandé une exemption pour des motifs religieux. Il a répondu aux questions de l’employeur sur sa demande d’exemption. Peu de temps après, l’employeur lui a dit que sa demande d’exemption était refusée.

[35] Je conclus que l’appelant savait que son employeur avait mis en place une politique de vaccination obligatoire et qu’il savait ce qui se passerait s’il ne la respectait pas, car il a déclaré qu’il était au courant de la politique et des conséquences du non-respect de la politique.

[36] L’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le pouvoir d’élaborer et de mettre en place des politiques en milieu de travail. Lorsqu’il a mis en œuvre cette politique obligatoire pour tout le personnel, elle est devenue une condition expresse de l’emploi de l’appelantNote de bas de page 18.

[37] L’appelant soutient que la politique de l’employeur violait la loi et portait atteinte à ses droits de la personne.

[38] Au Canada, il existe un certain nombre de lois qui protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée et le droit à l’absence de discrimination. L’une d’elles est la Charte. La Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et plusieurs autres lois fédérales et provinciales, comme le projet de loi C-45Note de bas de page 19, protègent aussi les droits et libertés. Ces lois sont appliquées par différentes cours et divers tribunaux.

[39] Le Tribunal peut décider si une des dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi, de ses règlements ou d’une loi connexe porte atteinte aux droits que la Charte garantit aux prestataires. L’appelant n’a relevé aucun article dans la législation sur l’assurance-emploi ou une loi connexe que j’aurais le pouvoir d’examiner pour voir s’il viole les droits que la Charte lui garantit.

[40] Le Tribunal n’a pas le pouvoir de vérifier si une mesure prise par une employeuse ou un employeur viole les droits fondamentaux des prestataires au titre de la Charte. Une telle chose dépasse ma compétence. Le Tribunal n’est pas non plus autorisé à rendre des décisions fondées sur la Charte canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne ou sur les lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[41] La Cour d’appel fédérale a déclaré que le Tribunal n’a pas à décider si la politique d’une employeuse ou d’un employeur était raisonnable ni si la perte d’emploi des prestataires était justifiéeNote de bas de page 20.

[42] L’appelant a peut-être d’autres recours pour faire valoir ses prétentions, soit que l’employeur a fait preuve de discrimination à son égard. Ces questions doivent être traitées par la cour ou le tribunal approprié. La Cour fédérale a clairement établi ce principe dans la décision CecchettoNote de bas de page 21.

Autres décisions du Tribunal

[43] L’appelant et son épouse ont déposé trois décisions du Tribunal qui, d’après eux, sont pertinentes dans la présente affaire. Je les appellerai ainsi : AL c CommissionNote de bas de page 22, TC c CommissionNote de bas de page 23 et JS c CommissionNote de bas de page 24.

[44] Selon l’appelant, je devrais suivre ces décisions parce qu’elles sont toutes récentes et que les prestataires qu’elles visent se trouvaient dans des circonstances semblables aux siennes sans toutefois avoir perdu leur emploi en raison d’une inconduite. Pour les raisons ci-dessous, j’ai choisi de ne pas suivre ces décisions.

Voici pourquoi je n’ai pas suivi la décision du Tribunal dans l’affaire AL c Commission

[45] Dans cette affaire, AL travaillait au service de l’administration de l’hôpital. Elle a été suspendue, puis congédiée par l’hôpital parce qu’elle ne s’est pas conformée à sa politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19. À la lumière de la preuve et des arguments présentés dans cette affaire, le membre du Tribunal a conclu qu’AL n’avait pas perdu son emploi pour une raison que la loi considère comme une inconduite.

[46] Le membre du Tribunal a conclu que l’employeur avait modifié les modalités du contrat de travail d’AL et imposé une nouvelle condition d’emploi sans son consentement et sans modifier la convention collective.

[47] Selon le raisonnement du membre, une employeuse ou un employeur pouvait imposer une nouvelle condition d’emploi à son personnel seulement « lorsque la loi exige une mesure précise de la part de l’employeur et la conformité d’un membre du personnel ». Il a ajouté qu’aucune loi semblable n’existait. Ainsi, le membre a conclu que la politique de vaccination de l’employeur n’était pas une condition explicite ni implicite de l’emploi d’AL. Par conséquent, son refus de se faire vacciner n’était pas une inconduite.

[48] Le membre a aussi conclu que les prestataires ont le droit d’accepter ou non un traitement médical. Il a ajouté que, même si le choix de la prestataire contredit la politique de son employeur et mène à son congédiement, l’exercice de ce « droit » ne peut pas être considéré comme un acte répréhensible ou une conduite indésirable qui permettrait de conclure qu’il s’agit d’une inconduite digne de sanction ou d’exclusion au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 25.

[49] Je n’ai pas à suivre les autres décisions rendues par le TribunalNote de bas de page 26. Je peux me laisser guider par elles lorsque je les trouve convaincantes et utiles. Je n’adopterai pas le même raisonnement que dans la décision AL. Voici pourquoi.

[50] Premièrement, les faits présentés par l’appelant dans l’appel que je dois trancher sont très différents de ceux décrits dans l’affaire AL. Il est important de souligner que AL avait une convention collective qui abordait l’obligation de recevoir d’autres vaccins que celui contre la COVID-19. Le membre s’est appuyé sur ce fait pour conclure que l’employeur d’AL et le syndicat (les parties qui ont conclu la convention collective) avaient encadré l’exigence de recevoir d’autres vaccins dans la convention collective. Suivant le raisonnement du membre, l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19 aurait dû passer par le même processus.

[51] Dans l’appel que je dois trancher, l’appelant n’a présenté aucune preuve montrant que sa convention collective comportait une disposition sur la vaccination obligatoire. En conséquence, je conclus que la situation du prestataire est différente des faits décrits dans la décision AL.

[52] Deuxièmement, je ne suis pas d’accord avec ce que le membre a choisi de faire : il a interprété et appliqué la convention collective. Sa conclusion voulant que l’employeur n’avait pas le pouvoir d’obliger son personnel à se faire vacciner contre la COVID-19 découle de ce choix. Ce type d’analyse dépasse la portée du mandat et de l’autorité du TribunalNote de bas de page 27. La Cour fédérale a clairement expliqué que je dois me concentrer sur la conduite du prestataire quand j’évalue si son comportement était une inconduite. La loi ne me donne pas le pouvoir d’interpréter et d’appliquer les lois relatives au travail, celles visant la protection des renseignements personnels, les lois régissant les droits de la personne, les lois internationales, le Code criminel ou d’autres lois.

Voici pourquoi je n’ai pas suivi la décision du Tribunal dans l’affaire TC c Commission

[53] Cette décision explique que TC a été placé en congé pour non-respect de la politique de vaccination au travail.

[54] Fait important dans cette affaire, l’employeur a avisé TC de la politique de vaccination deux jours avant la date limite pour se faire vacciner. TC n’a pas vu de copie de la politique et il ne savait pas quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique. Il n’a pas non plus eu l’occasion de demander d’être exempté de la politique. Deux jours plus tard, l’employeur l’a placé en congé.

[55] La membre du Tribunal a conclu que l’employeur avait le droit d’élaborer et d’imposer des politiques en milieu de travail, mais que le personnel doit avoir la possibilité de comprendre la politique, de savoir ce qu’il faut faire, d’examiner la politique ou de poser des questions et il faut que le personnel ait assez de temps pour s’y conformer.

[56] Le présent appel et celui de TC soulèvent la même question de droit : y a-t-il eu suspension en raison d’une inconduite? Par contre, les faits importants sont différents. Dans le présent appel, l’appelant a eu assez de temps pour se conformer à la politique de l’employeur. Il a choisi de ne pas la respecter.

[57] Étant donné ces différences, je juge que l’affaire TC n’est pas assez convaincante pour régler la question de savoir si l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Les éléments sur lesquels la membre du Tribunal qui a tranché l’affaire TC s’est fondée pour accueillir l’appel sont absents du présent dossier.

Voici pourquoi je n’ai pas suivi la décision du Tribunal dans l’affaire JS c Commission

[58] Cette décision a été rendue par la division d’appel du Tribunal. Dans cette affaire, la division générale a rejeté l’appel de JS de façon sommaire parce qu’elle a conclu qu’il n’avait aucune chance raisonnable de succès. JS a porté cette décision en appel.

[59] La membre de la division d’appel a conclu que la membre de la division générale n’aurait pas dû rejeter l’appel de façon sommaire. Elle a ordonné le renvoi de l’appel à la division générale pour qu’une ou un autre membre la réexamine.

[60] Je juge que cette décision n’est pas pertinente dans le cadre de la présente affaire. La division d’appel n’a pas vérifié si JS avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle a mis l’accent sur l’équité du processus et sur la question de savoir si la membre de la division générale avait appliqué le bon critère juridiqueNote de bas de page 28.

[61] Pour cette raison, je juge que cette décision n’est pas assez convaincante pour régler la question de savoir si l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite.

Somme toute, l’appelant a-t-il été suspendu pour inconduite?

[62] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait adopté une politique de vaccination qui obligeait le personnel à se faire vacciner ou à obtenir une exemption approuvée.
  • L’employeur a clairement dit à l’appelant ce qu’il attendait de son personnel en ce qui concerne la vaccination.
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non-respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[63] Compte tenu des conclusions que je viens de tirer, je juge que l’appelant a été suspendu pour inconduite.

[64] En effet, la suspension découle de ses faits et gestes. Il a agi de façon délibérée. Il savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique de l’employeur était susceptible d’entraîner sa suspension et il a choisi de ne pas s’y conformer.

[65] L’appelant est retourné au travail le 15 avril 2022, après que son employeur a levé la politique de vaccination obligatoire. Son inadmissibilité prend donc fin à cette dateNote de bas de page 29.

Conclusion

[66] L’appel est rejeté.

[67] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. L’appelant n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi durant sa suspension, c’est-à-dire du 3 janvier 2022 au 15 avril 2022.

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