Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 828

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (516830) datée du 9 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Lilian Klein
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 9 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 8 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-3646

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Décision

[1] Je rejette l’appel de la prestataire et j’explique pourquoi dans ma décision.

[2] La demande de révision de la prestataire était en retard. Elle a attendu au 24 juin 2022 pour demander la révision d’une décision qui était datée du 29 septembre 2021.

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a utilisé ses pouvoirs discrétionnaires correctement lorsqu’elle a rejeté la demande de révision.

[4] Quand la Commission utilise ces pouvoirs correctement, je ne peux pas intervenir. Autrement dit, je ne peux pas obliger la Commission à réviser sa décision.

Aperçu

[5] M. S. est la prestataire dans cette affaire. Le 4 octobre 2020, elle a demandé l’assurance-emploi et a reçu des prestations régulières à partir de cette date.

[6] Le 27 septembre 2021, la Commission a déclaré la prestataire inadmissible aux prestations de façon rétroactive après avoir conclu qu’elle n’était pas disponible pour travailler pendant qu’elle suivait un cours. Le 29 septembre 2021, la Commission a produit une lettre de décision à cet égard. La prestataire avait alors reçu des prestations en trop. Le 2 octobre 2021, un avis de dette lui a été envoyé, suivi de relevés mensuels.

[7] Le 24 juin 2022, la prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision du 29 septembre 2021 et de réévaluer le trop-payé qui en a découlé.

[8] La Commission affirme avoir rejeté la demande de révision de la prestataire parce qu’elle était en retard de 266 jours. Elle précise que la prestataire n’avait pas d’explication raisonnable pour son retard ni aucune intention constante de demander une révision.

[9] La prestataire affirme que le fait d’être occupée est une explication raisonnable pour le retard de sa demande. Elle est mère de deux enfants, elle travaillait et suivait un cours exigeant. Elle n’a donc pas eu le temps de s’occuper de son dossier avant la fin de son cours en juin 2022. Elle dit qu’elle n’était pas au courant du délai de 30 jours. Elle ajoute qu’elle était atteinte d’une dépression à ce moment-là.

Questions que je dois trancher

[10] La demande de révision de la prestataire était-elle en retard?

[11] Si oui, la Commission a-t-elle utilisé ses pouvoirs correctement lorsqu’elle a refusé de réviser sa décision d’inadmissibilité aux prestations?

Analyse

[12] Une personne a 30 jours pour demander à la Commission de réviser une décision, à compter du jour suivant celui où elle communique sa décisionNote de bas de page 1. C’est à la Commission de prouver qu’elle a bel et bien communiqué sa décision.

[13] Dans certains cas, la Commission peut accorder plus de temps à une personne pour demander une révisionNote de bas de page 2. C’est à cette personne de prouver qu’elle remplit les conditions requises.

[14] Si le retard de la demande est de moins d’un an, la personne doit démontrer qu’elle a une explication raisonnable pour son retard. Elle doit également démontrer qu’elle avait l’intention constante de demander une révisionNote de bas de page 3. Si le retard est de plus d’un an, il y a deux conditions de plus : la demande doit avoir des chances raisonnables de succès, et le délai supplémentaire ne doit pas porter préjudice à la CommissionNote de bas de page 4.

[15] Comme la demande de la prestataire avait moins d’un an de retard, seules les deux premières conditions s’appliquent.

Qu’est-ce qu’un pouvoir discrétionnaire?

[16] Lorsque la Commission refuse de réviser une demande qui est en retard, elle exerce son pouvoir discrétionnaireNote de bas de page 5. Lorsqu’elle rend ce type de décision, la Commission doit prouver qu’elle a utilisé son pouvoir discrétionnaire correctementNote de bas de page 6. Autrement dit, elle doit démontrer qu’elle a agi de bonne foi, qu’elle a tenu compte de tout facteur pertinent et qu’elle a ignoré tout facteur non pertinentNote de bas de page 7.

[17] Je peux remplacer la décision de la Commission par la mienne seulement si elle n’a pas utilisé correctement son pouvoir discrétionnaire.

[18] Dans cette affaire, la Commission a rendu une seule décision de révision jusqu’à maintenant : elle a refusé de réviser la décision d’inadmissibilité aux prestations. Par conséquent, la seule chose que je dois examiner est ce refus.

[19] Pour évaluer le tout, je dois d’abord me pencher sur les questions suivantes :

  1. a. La Commission a-t-elle communiqué sa décision à la prestataire? Quand?
  2. b. Lui a-t-elle expliqué le délai de 30 jours pour présenter une demande de révision?
  3. c. Quand la prestataire a-t-elle présenté sa demande de révision? Était-elle en retard?
  4. d. La Commission a-t-elle bien utilisé ses pouvoirs lorsqu’elle a rejeté la demande?

La Commission a communiqué sa décision à la prestataire

[20] La Commission affirme avoir d’abord communiqué verbalement sa décision d’inadmissibilité à la prestataire le 27 septembre 2021. Elle dit l’avoir informée à ce moment-là du délai de 30 jours pour présenter une demande de révision. Le dossier comprend une preuve de cette communication.

[21] La Commission affirme avoir ensuite envoyé sa décision à la prestataire par la poste dans une lettre datée du 29 septembre 2021. Le dossier comprend une preuve de cette lettre.

[22] Rien ne montre que Postes Canada n’a pas pu livrer la lettre à la prestataire. Si c’était arrivé, la lettre « non distribuable » aurait été retournée à l’expéditeur.

[23] Dans sa demande de révision, la prestataire n’a pas précisé quand elle a reçu la lettre de décision de la Commission. Cependant, elle n’a pas nié l’avoir reçue. Elle soutient seulement qu’elle était trop occupée et qu’elle n’était pas au courant du délai de 30 jours.

[24] Compte tenu de la preuve ci-dessus, je conclus que la prestataire a reçu la lettre de décision de la Commission datée du 29 septembre 2021. La Commission s’est donc acquittée de son fardeau de preuve : elle a bel et bien communiqué sa décision initiale à la prestataireNote de bas de page 8.

La prestataire a reçu la décision de révision au plus tard le 12 octobre 2021

[25] Je vais maintenant examiner quand la prestataire a reçu la décision d’inadmissibilité de la part de la Commission. La date est importante, car le délai de 30 jours pour demander une révision commence le jour suivant celui où la Commission a communiqué sa décision. Je dois donc établir la date à laquelle la lettre est parvenue à la prestataire.

[26] La prestataire ne se rappelle pas quand elle a reçu la lettre de décision de la Commission datée du 29 septembre 2021.

[27] Le calcul que la Commission a fait pour établir le retard de la prestataire est un élément qui a influencé le rejet de la demande.

[28] La Commission affirme que la prestataire a présenté sa demande de révision 266 jours trop tard. Cela voudrait dire que la lettre de décision initiale a été acheminée en une seule journée et qu’elle est donc parvenue à la prestataire le 30 septembre 2021. Par conséquent, le 1er octobre 2021 serait le jour suivant celui où la Commission a communiqué sa décision à la prestataire. C’est ainsi qu’elle explique son calcul du retard de 266 jours.

[29] J’arrive à un calcul différent. J’estime que le retard de la prestataire était de 255 jours.

[30] Selon Postes Canada, la livraison du courrier régulier peut prendre jusqu’à 10 jours. Mais comme il n’y a pas de livraison les fins de semaine ou les jours fériés, une lettre postée le 29 septembre 2021 aurait pu prendre plus de 10 jours pour être acheminée. Il est possible qu’elle soit arrivée à destination seulement le 12 octobre 2021, soit le lendemain du lundi de l’Action de grâces de cette année-là.

[31] Par conséquent, je considère que la prestataire a reçu la lettre de décision initiale le 12 octobre 2021. Son retard a donc commencé le lendemain, soit le 13 octobre 2021. C’est ainsi que j’explique mon calcul du retard de 255 jours.

La lettre de la Commission précisait le délai de 30 jours

[32] La preuve de la Commission montre qu’elle a expliqué à la prestataire le délai de 30 jours de deux façons : premièrement, de façon verbale au téléphone le 27 septembre 2021 et deuxièmement, par écrit, dans la lettre de décision datée du 29 septembre 2021.

[33] Un avis verbal à lui seul ne suffirait pas à me convaincre que la prestataire comprenait le délai de 30 jours qu’elle avait pour exercer son droit de demander une révision. Cependant, je juge que l’explication dans la lettre de décision était claire.

La Commission a utilisé ses pouvoirs correctement

[34] J’estime que la Commission a bien utilisé ses pouvoirs discrétionnaires, car elle a tenu compte de tout facteur pertinent et a ignoré tout facteur non pertinent.

[35] Je me suis demandé si la Commission avait mal utilisé ses pouvoirs, car elle s’était trompée en calculant le retard de la prestataire.

[36] Je ne considère pas que la Commission a mal utilisé ses pouvoirs puisque son erreur de calcul mineure ne montre pas qu’elle a agi de mauvaise foi. Personne ne conteste que la demande de révision était en retard, que ce soit de 255 ou de 266 jours.

[37] La prestataire affirme qu’elle n’a pas présenté de demande en raison de l’explication verbale de la Commission au sujet de sa décision d’inadmissibilité. Elle dit que la personne a qui elle a parlé lui a donné l’impression qu’elle ne pouvait rien faire pour changer le résultat de la décision. Elle a seulement réagi après qu’une de ses connaissances lui a recommandé de faire une demande.

[38] J’en déduis que la prestataire avait décidé consciemment de ne pas demander de révision avant juin 2022. Cet élément contredit le témoignage de la prestataire selon lequel elle n’était pas au courant du délai de 30 jours pour présenter une demande. J’ai déjà établi que ce délai est expliqué clairement dans la lettre de décision datée du 29 septembre 2021.

[39] La prestataire soutient qu’elle était trop occupée pour présenter une demande de révision avant la fin de son cours en juin 2022. Selon elle, c’est une explication raisonnable pour son retard.

[40] Je conclus que la Commission a agi de bonne foi et a examiné tous les arguments pertinents avant de rejeter la demande tardive de la prestataire. Rien ne montre qu’elle aurait examiné des facteurs non pertinents ou qu’elle aurait agi de mauvaise foi lorsqu’elle a décidé que le fait d’être occupé n’était pas une explication raisonnable pour un retard.

[41] Je conclus également que la Commission a agi de bonne foi lorsqu’elle a décidé que la prestataire n’avait démontré aucune intention constante de demander une révision. La Commission s’est fondée sur les déclarations de la prestataire selon lesquelles elle était trop occupée avant juin 2022. Rien ne montre qu’elle avait une intention constante de faire un suivi, par exemple, en communiquant avec la Commission.

[42] La prestataire soutient maintenant qu’elle était atteinte d’une dépression pendant la durée de son retard. Selon elle, c’est une explication raisonnable.

[43] Je suis sensible à la situation de la prestataire. Cependant, aucune preuve médicale ne montre qu’elle n’avait pas au moins la capacité d’appeler la Commission pour faire un suivi durant la période où elle a pu suivre un cours.

Conclusion

[44] La demande de révision de la prestataire était en retard.

[45] La Commission a agi de bonne foi. Elle a tenu compte de tout facteur pertinent et a ignoré tout facteur non pertinent lorsqu’elle a rejeté la demande tardive de la prestataire. La Commission a donc utilisé ses pouvoirs discrétionnaires correctement.

[46] C’est pourquoi je n’ai pas le pouvoir d’intervenir pour modifier sa décision.

[47] Par conséquent, je dois rejeter l’appel de la prestataire.

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