Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 850

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelant : D. G.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (552121) datée du 14 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marisa Victor
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 17 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 25 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-4124

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec l’appelant.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a prouvé que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Autrement dit, il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension. L’appelant est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] L’appelant a été suspendu de son emploi. L’employeur de l’appelant affirme qu’il a été suspendu sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination qui exigeait que tous les employés attestent qu’ils étaient entièrement vaccinés.

[4] Même si l’appelant ne conteste pas que cela s’est produit, il affirme qu’aller à l’encontre de la politique de vaccination de son employeur ne constitue pas une inconduite.

[5] La Commission a accepté le motif de suspension invoqué par l’employeur. Elle a conclu que l’appelant avait été suspendu en raison de son inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que l’appelant était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi pendant sa suspension.

Questions que je dois examiner en premier

J’accepterai les documents déposés juste avant l’audience

[6] L’appelant m’a informé à l’audience qu’il avait déposé d’autres documents juste avant le début de l’audience. L’appelant m’a informé du contenu de ces documents supplémentaires et m’a dit qu’ils lui serviraient de guide pour sa présentation devant le Tribunal. Comme ces documents ont été mentionnés pendant l’audience, je les accepterai. La Commission s’est fait accorder un délai raisonnable pour examiner les observations de l’appelant et n’a pas fourni ses propres observations supplémentaires.

Question en litige

[7] L’appelant a‑t‑il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[8] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il est suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique lorsque l’employeur a congédié ou suspendu le prestataireNote de bas de page 2.

[9] Je dois décider si l’appelant a été suspendu de son emploi en raison de son inconduite. Pour ce faire, je dois trancher deux questions. D’abord, je dois déterminer le motif pour lequel l’appelant a été suspendu de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu de son emploi?

[10] Les parties conviennent que l’appelant a été suspendu de son emploi parce qu’il a choisi de ne pas se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Je conclus que c’est le cas. Je ne dispose d’aucun élément de preuve qui contredit cette conclusion.

Le motif du congédiement de l’appelant est‑il une inconduite au sens de la loi?

[11] Le motif de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi).

[12] La Loi sur l’assurance-emploi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence nous indique comment déterminer si la suspension de l’appelant constitue une inconduite. Elle énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères à prendre en considération dans l’examen de la question de l’inconduite.

[13] D’après la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 3. L’inconduite est aussi une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 4. L’appelant n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, il n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 5.

[14] Il y a inconduite si l’appelant savait ou devait savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses obligations envers son employeur et que, de ce fait, il était réellement possible qu’il soit suspenduNote de bas de page 6.

[15] La Commission doit prouver que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 7.

[16] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux pas décider si l’appelant a d’autres options au titre d’autres lois. Il ne m’appartient pas de trancher des questions comme celle de savoir si l’employeur aurait dû prendre des mesures d’adaptation raisonnables à l’égard de l’appelantNote de bas de page 8. Je ne peux examiner qu’une chose : si ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait est une inconduite au sens de la Loi.

[17] La Cour d’appel fédérale (CAF) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 9. M. McNamara a été congédié en application de la politique de dépistage de drogues de son employeur. Il a soutenu qu’il n’aurait pas dû être congédié parce que le test de dépistage de drogues n’était pas justifié dans les circonstances, c’est‑à‑dire qu’il n’existait aucun motif raisonnable de penser qu’il n’était pas en mesure de travailler en toute sécurité en raison de sa consommation de drogue et qu’il aurait dû être couvert par le test précédent auquel il s’était soumis. Essentiellement, M. McNamara a fait valoir qu’il devait toucher des prestations d’assurance‑emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement étaient inacceptables.

[18] En réponse aux arguments de M. McNamara, la CAF a affirmé que, selon la jurisprudence constante de la Cour, dans les cas d’inconduite, la question « [n’est pas] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié [mais] plutôt […] de dire si l’acte ou l’omission reproché à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ». La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ». Elle a indiqué que l’employé qui fait l’objet d’un congédiement injustifié « a, pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[19] La décision plus récente intitulée Paradis c Canada (Procureur général) suit l’affaire McNamaraNote de bas de page 10. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir eu un résultat positif à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur pertinent pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 11.

[20] Une autre décision semblable a été rendue par la CAF dans l’affaire Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 12. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que l’absence de mesures de l’employeur pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 13.

[21] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID‑19. Cependant, les principes établis dans ces affaires demeurent pertinents. De plus, ces mêmes principes ont été confirmés dans une récente affaire devant la Cour fédérale portant directement sur l’inconduite fondée sur le non-respect de la politique de vaccination d’un employeur : décision Cecchetto c Canada (Procureur général) (en anglais seulement)Note de bas de page 14.

[22] Il ne m’appartient pas d’examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et de décider s’il a eu raison de suspendre l’appelant. Je dois plutôt me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir s’il s’agit d’une inconduite au sens de la Loi.

[23] La Commission affirme que l’employeur a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 qui exigeait que tous les employés attestent qu’ils avaient été entièrement vaccinés au plus tard le 29 octobre 2021. L’appelant a demandé une exemption religieuse. Cette demande a été refusée le 11 janvier 2022. L’appelant a ensuite eu jusqu’au 8 février 2022 pour se conformer à la politique. Il n’avait pas attesté avoir été entièrement vacciné à cette date. Il a ensuite été mis en congé sans solde.

[24] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination.
  • L’employeur a clairement informé l’appelant de ses attentes selon lesquelles tous les employés n’ayant pas d’exception approuvée devaient être entièrement vaccinés conformément à la politique.
  • L’employeur a communiqué directement avec l’appelant à de nombreuses reprises pour lui faire part de ses attentes.
  • L’employeur a rejeté la demande d’exemption religieuse de l’appelant avant la date limite pour se conformer à la politique de vaccination. L’employeur a rappelé à l’appelant ses obligations aux termes de la politique et les conséquences s’il ne s’y conformait pas, et l’a également invité à parler à son employeur de la question.
  • L’appelant savait qu’il pouvait être suspendu pour ne pas s’être conformé à la politique de vaccination.

[25] L’appelant affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite pour les raisons suivantes :

  • La politique de vaccination de l’employeur était fondée sur des renseignements périmés et la conformité à celle-ci n’empêcherait pas la propagation de la maladie.
  • L’appelant est un scientifique des données et il affirme qu’au moment de sa mise en œuvre, la politique était désuète et reposait sur de vieilles données.
  • L’appelant a utilisé des données publiques pour remettre en question l’efficacité et l’innocuité du vaccin contre la COVID-19.
  • L’appelant a présenté ses renseignements à l’employeur dans l’espoir que la politique soit modifiée, mais elle ne l’a pas été.
  • L’appelant s’est senti incapable de se conformer à la politique si son employeur ne lui fournissait pas de meilleurs renseignements sur le vaccin.
  • L’appelant travaillait entièrement de la maison et n’avait pas besoin d’interagir en personne avec ses collègues ou le public.
  • L’appelant croyait fermement que le vaccin était plus dommageable pour sa santé que la maladie.
  • L’appelant estimait qu’il était déjà immunisé parce qu’il avait reçu une dose du vaccin, qu’il avait également contracté la COVID-19 et qu’il s’était rétabli sans problème.
  • L’appelant ne croyait pas vraiment que l’employeur exercerait son droit de suspendre l’appelant prévu dans la politique de vaccination parce que cette mesure était tellement immorale.
  • La politique de vaccination de l’employeur constituait une violation des droits de l’appelant.
  • La politique de vaccination de l’employeur imposait une intervention médicale sans consentement et cela équivalait à une agression au sens du Code criminel.
  • La suspension sans solde de l’appelant pour inconduite imposée par l’employeur équivalait à de la torture au sens du Code criminel.

[26] L’appelant savait ce qu’il devait faire aux termes de la politique de vaccination et ce qui se passerait s’il ne s’y conformait pas. L’appelant a convenu qu’on lui avait parlé de la politique et des conséquences de ne pas la suivre. L’appelant a communiqué avec son employeur à de nombreuses reprises pour tenter de l’amener à modifier sa politique ou à accorder une exemption de dépistage aux personnes qui ne voulaient pas être entièrement vaccinées. Ces efforts ont été infructueux.

[27] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’employeur avait une politique de vaccination selon laquelle tous les employés devaient attester qu’ils étaient entièrement vaccinés, à moins qu’ils n’obtiennent une mesure d’adaptation ou une exemption approuvée.
  • L’appelant a demandé une exemption pour des motifs religieux, mais elle a été refusée.
  • L’appelant ne répondait pas à la définition de personne entièrement vaccinée selon la politique.
  • L’employeur a dit à l’appelant ce qu’il attendait de ses employés en ce qui concerne le processus d’attestation et ce que voulait dire le fait d’être entièrement vacciné.
  • L’employeur a fourni à l’appelant une vidéo de formation sur les éléments fondamentaux du vaccin contre la COVID-19.
  • L’employeur a communiqué fréquemment avec l’appelant et lui a parlé en personne de ses préoccupations et de ses attentes.
  • L’appelant connaissait ou aurait dû connaître les conséquences du non‑respect de la politique de vaccination de l’employeur.

[28] L’appelant a soulevé plusieurs décisions antérieures du Tribunal qui, selon lui, étaient semblables à sa situationNote de bas de page 15. Je conclus que les faits de ces affaires ne sont pas les mêmes que ceux en l’espèce. Dans la décision AL, le Tribunal a conclu qu’AL était une employée syndiquée et que l’employeur n’avait pas intégré la politique de vaccination au contrat de travail. AL a été congédiée de son emploi. La présente affaire est différente. En l’espèce, l’appelant n’a pas été congédié, mais suspendu. De plus, la politique a été mise en œuvre conformément à la loi. L’appelant a présenté un grief pour contester sa suspension et a échoué au premier palier. Je ne dispose d’aucun élément de preuve selon lequel le syndicat a rejeté la politique parce qu’elle ne faisait pas partie du contrat de travail.

[29] Dans les affaires TC et CG, la question était de savoir si les appelants dans ces affaires avaient été informés en bonne et due forme de la politique de vaccination de leur employeur et des conséquences de ne pas s’y conformer. Ce n’est pas le cas en l’espèce, où l’appelant était au courant de la politique et savait qu’il pourrait être suspendu s’il ne s’y conformait pas.

[30] L’appelant était manifestement frustré et contrarié par la politique de vaccination de l’employeur. Je comprends que l’appelant estimait qu’il avait le droit de refuser la vaccination. Néanmoins, la question de savoir si l’employeur a été injuste ou déraisonnable dans l’adoption de sa politique de vaccination dépasse ma compétenceNote de bas de page 16. Bref, l’appelant dispose d’autres moyens de présenter ces arguments.

[31] Les raisons pour lesquelles l’appelant ne s’est pas conformé à la politique de vaccination de son employeur peuvent être de bonnes raisons pour lesquelles l’appelant ne souhaitait pas être vacciné, mais cela ne signifie pas qu’il ne s’agit pas d’une inconduite au sens de la Loi. Ce qui importe en l’espèce, c’est que l’appelant a délibérément choisi de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en sachant qu’il pouvait être suspendu conformément à la politique.

Donc, l’appelant a-t-il perdu son emploi en raison d’une inconduite?

[32] Selon les conclusions que j’ai tirées plus haut, je conclus que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[33] C’est parce que le choix de l’appelant de ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur a mené à sa suspension. Il a agi délibérément. Il savait que le refus de se faire entièrement vacciner pouvait entraîner sa suspension de son emploi.

Conclusion

[34] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi l’appelant est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[35] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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