Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 849

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demandeur : D. G.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 25 avril 2023
(GE-22-4124)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 27 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-556

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a statué que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations. Après le rejet de sa demande de révision, le prestataire a interjeté appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était vraisemblable que l’employeur le suspende dans ces circonstances. Elle a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante et qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’interjeter appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit de la première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions, mais il doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.  

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli? 

[12] Le prestataire soutient qu’il a demandé à plusieurs reprises à l’employeur de lui fournir la formation et les renseignements nécessaires pour qu’il puisse prendre une décision éclairée, car il était de son obligation de le faire. Toutefois, l’employeur n’a pas été en mesure de s’acquitter de cette obligation. Il aurait donc pu continuer à travailler de la maison jusqu’à ce que les renseignements demandés soient fournis. De plus, le concept de congé sans solde ne lui a pas été présenté comme une mesure punitive, mais plutôt comme une mesure accommodante ou administrative, selon la définition du congé sans solde dans sa convention collective. Le prestataire soutient que l’employeur lui a unilatéralement imposé sa politique et a violé son contrat de travail. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte du fait qu’il est guidé par ses croyances religieuses et qu’elle n’a pas reconnu la nature protégée des libertés religieuses.

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[14] Même si l’employeur n’avait pas accusé le prestataire d’inconduite, il incombait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire et d’effectuer sa propre évaluation de la question dont elle était saisie.

[15] Il n’était pas nécessaire que la division générale décide si l’employeur avait imposé au prestataire un congé administratif plutôt qu’une suspension disciplinaire. Il est bien établi que la procédure disciplinaire de l’employeur n’est pas pertinente pour décider de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas de page 1.

[16] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[17] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[18] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption pour motifs religieux. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il s’agissait de la cause directe de sa suspension.

[19] La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[20] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 2. Le non‑respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activité est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[22] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur est tenu de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations de Santé Canada pour mettre en œuvre sa politique visant à protéger la santé de l’ensemble du personnel pendant la pandémieNote de bas de page 4. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[23] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables. Autrement dit, il n’appartient pas au Tribunal de décider s’il était raisonnable pour l’employeur d’étendre cette protection au personnel qui travaille de la maison pendant la pandémie.

[24] La question de savoir si l’employeur n’a pas pris de mesures d’adaptation à l’égard du prestataire, ou si la politique a contrevenu à sa convention collective ou a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas de page 5.

[25] La Cour fédérale du Canada a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a‑t‑il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 6.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 7. La Cour a déclaré que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[27] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act (loi sur les droits de la personne de l’Alberta). La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.

[29] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance‑emploi.

[30] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[31] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a suivi la formation de l’employeur en octobre 2021. Il n’a pas jugé que les renseignements fournis étaient suffisants pour répondre à ses questions. À la suite du refus de sa demande d’exemption, le prestataire a continué de faire ses propres recherches pour déterminer s’il pouvait prendre une décision et prendre la deuxième dose. D’après ses constatations, il a finalement décidé qu’il ne pouvait pas se faire vaccinerNote de bas de page 8.

[32] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[33] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 9.

[34] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas de page 10. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison de l’inconduite.

[35] Le prestataire présente une décision de la division générale qu’il estime être semblable à son cas et dans laquelle la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il demande que le Tribunal suive cette décisionNote de bas de page 11.

[36] Il importe de rappeler que la décision de la division générale dont il est question ne lie pas la division d’appelNote de bas de page 12. Celles de la Cour fédérale sont exécutoires et ont été suivies par la division d’appel. De plus, les faits diffèrent en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait une disposition précise lui permettant de refuser toute vaccination. Le prestataire n’a présenté aucune preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale dont il est question a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[37] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire n’a pas invoqué de motifs relevant des moyens d’appel susmentionnés, susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[38] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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