Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1776

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : M. S.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (480440) datée du 24 juin 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 21 décembre 2022
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 30 décembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-2456

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Décision

[1] M. S. est la prestataire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme que la prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. La prestataire porte donc cette décision en appel au Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de la prestataire. Je conclus qu’elle a cessé de travailler parce qu’elle s’est fait suspendre de son emploi. De plus, j’estime que son employeur l’a suspendue en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Par conséquent, elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

Aperçu

[3] L’employeur de la prestataire avait mis en place une politique sur la COVID-19, qu’il appelait une « pratique ». Selon la politique de l’employeur, tout le personnel devait présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 à la date d’échéance fixée. La prestataire n’a pas présenté de preuve de vaccination à son employeur. Son employeur l’a donc mise en congé sans solde.

[4] Selon la Commission, cela signifie que l’employeur a suspendu la prestataire. La Commission ajoute que la prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Elle affirme que la prestataire était au courant de la politique et qu’elle aurait dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne la respectait pas. La Commission dit que la prestataire a agi délibérément lorsqu’elle a décidé de ne pas suivre la politique.

[5] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que son employeur ne l’a pas suspendue puisqu’il l’a forcée à prendre un congé sans solde. Elle dit qu’il a enfreint les conditions de sa convention collective et qu’il ne peut pas la forcer à se faire vacciner. Elle dit que l’employeur aurait dû lui offrir des solutions autres que la vaccination. Elle ne pense pas que le vaccin contre la COVID-19 est sécuritaire.

Question en litige

[6] La prestataire a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour rendre une décision dans le cadre du présent appel, je dois examiner quelques questions. D’abord, je dois décider pour quelle raison la prestataire a cessé de travailler. La prestataire a-t-elle volontairement pris congé ou son employeur l’a-t-il suspendue? Si je conclus que son employeur l’a suspendue, je dois déterminer la raison de sa suspension. Ensuite, je dois décider si cette raison est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

La prestataire a-t-elle volontairement pris congé de son emploi ou son employeur l’a-t-il suspendue?

[8] La prestataire et la Commission ont présenté des arguments différents sur les raisons pour lesquelles la prestataire a cessé de travailler. Cependant, je conclus que la prestataire a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendue.

[9] La Commission avait d’abord décidé que la prestataire avait volontairement pris congé de son emploi. Cependant, après avoir révisé sa décision, elle a conclu que l’employeur de la prestataire l’avait suspendue. Dans les arguments qu’elle a présentés au Tribunal, la Commission affirme que l’employeur a suspendu la prestataire.

[10] La prestataire a dit à la Commission qu’elle n’avait pas choisi de quitter son emploi. Elle a également écrit une lettre à son employeur dans laquelle elle affirme aussi qu’elle n’avait pas choisi de quitter son emploi. Dans son appel au Tribunal, elle a dit que son employeur lui avait imposé le congé sans son accord. Cependant, à l’audience, la prestataire a présenté des arguments sur les raisons pour lesquelles elle croyait être fondée à quitter son emploi.

[11] Cela signifie que je dois décider si la prestataire a cessé de travailler parce qu’elle a volontairement pris congé ou parce que son employeur l’a suspendue. Selon la jurisprudence, je peux examiner ces deux questions ensembleNote de bas page 1. En effet, elles ont toutes deux le même effet sur l’admissibilité aux prestations d’assurance-emploi.

[12] J’accorde beaucoup d’importance à la lettre que la prestataire a écrite à son employeur. Elle a écrit cette lettre le jour même où elle a cessé de travailler. Je pense donc que cette lettre me donne une bonne idée de la raison pour laquelle la prestataire a cessé de travailler.

[13] Dans sa lettre, la prestataire a dit qu’elle voulait travailler, mais que l’employeur refusait qu’elle travaille. Elle a déclaré qu’elle n’avait pas choisi de partir en congé et que l’employeur l’avait forcée à le faire.

[14] J’accorde également de l’importance à la lettre que l’employeur a remise à la prestataire. La lettre informe la prestataire qu’elle est mise en congé sans solde par l’employeur. Il n’y a rien dans la lettre de l’employeur qui indique que c’est le choix de la prestataire.

[15] Selon la preuve dans le présent dossier d’appel, je ne pense pas que la prestataire a choisi de quitter son emploi. Elle n’a pas choisi de partir en congé. Elle n’a pas volontairement pris congé de son emploi.

[16] J’estime plutôt que son employeur a décidé de mettre fin temporairement à son emploi. Par conséquent, je suis d’avis que son employeur l’a suspendue.

[17] Je dois donc maintenant décider quels sont les gestes posés par la prestataire qui ont entraîné sa suspension. Je dois ensuite examiner si ces gestes constituent une inconduite au sens de la loi.

Pourquoi l’employeur a-t-il suspendu la prestataire?

[18] La Commission affirme que l’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle n’a pas respecté sa politique sur la COVID-19. Elle n’a pas fourni de preuve de vaccination à son employeur à la date d’échéance fixée.

[19] La prestataire a dit à la Commission que son employeur l’avait forcée à prendre un congé parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Elle a convenu qu’elle n’avait pas fourni de preuve de vaccination à son employeur. Elle a indiqué la même chose dans son avis d’appel au Tribunal.

[20] De plus, dans la lettre qu’il a remise à la prestataire, l’employeur indique qu’il la met en congé sans solde parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[21] Je conclus que, selon la preuve dans le présent dossier d’appel, l’employeur a suspendu la prestataire parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19. Rien dans le dossier d’appel ne me porte à croire qu’elle a cessé de travailler pour une autre raison.

La raison de la suspension de la prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[22] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la façon d’agir doit être délibérée. Cela signifie qu’elle est consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 2. Une inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 3. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle a voulu faire quelque chose de mal)Note de bas page 4.

[23] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 5.

[24] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite, selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 6.

[25] La Commission affirme que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle dit que la prestataire était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle ajoute que la prestataire savait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique, et qu’elle a agi de façon délibérée lorsqu’elle a refusé de suivre la politique de l’employeur.

[26] La prestataire n’est pas d’accord. Elle affirme que son employeur a agi illégalement en mettant en place une politique de vaccination contre la COVID-19. Elle dit que son employeur a enfreint les conditions de sa convention collective. Elle ajoute que son employeur aurait dû lui offrir des solutions autres que la vaccination. Elle soutient qu’elle a le droit de prendre ses propres décisions concernant sa santé. Elle ne pense pas que le vaccin contre la COVID-19 est sécuritaire ou efficace.

[27] Je suis d’accord avec la Commission. J’estime que la prestataire a cessé de travailler en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[28] À l’audience, la prestataire a dit que son employeur n’avait pas été clair quant aux conséquences du non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19. Elle a déclaré qu’elle avait entendu des rumeurs selon lesquelles elle pouvait perdre son emploi, mais que son employeur ne l’avait jamais clairement informée des conséquences.

[29] Cependant, dans la lettre que l’employeur a remise à la prestataire, il est indiqué qu’elle a été avisée de la politique. La lettre précise que l’employeur a communiqué avec les membres du personnel et qu’il a envoyé des lettres à leur domicile pour les aviser des conséquences du non-respect de la politique.

[30] À l’audience, j’ai demandé à la prestataire si elle avait reçu les lettres de son employeur. Elle a convenu que son employeur lui avait envoyé des lettres, mais elle a dit qu’elle avait décidé de ne pas les lire.

[31] Je ne suis donc pas d’accord avec la prestataire lorsqu’elle dit que son employeur n’a pas été clair quant aux conséquences du non-respect de la politique. Je pense qu’il est probable que l’employeur a avisé la prestataire qu’elle pourrait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique. Je pense que la prestataire a agi de façon insouciante, comme si elle ne se souciait pas de son emploi, lorsqu’elle a décidé de ne pas lire les lettres de son employeur au sujet de la politique.

[32] J’estime que la prestataire aurait dû raisonnablement savoir qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi si elle ne respectait pas la politique sur la COVID-19.

[33] Bon nombre des arguments de la prestataire portent sur les gestes de son employeur. Cependant, mon rôle n’est pas d’examiner les gestes de l’employeur. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur était raisonnable ou justifiée. Je ne peux pas non plus décider si l’employeur aurait dû offrir à la prestataire d’autres options ou l’exempter de la politique. Je ne peux pas décider si l’employeur a enfreint les conditions de la convention collective de la prestataire lorsqu’il a mis en place sa politique sur la COVID-19Note de bas page 7.

[34] Je peux seulement examiner les gestes de la prestataire et décider si elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi. Je conclus que ses gestes constituent une inconduite pour les raisons suivantes :

  • Elle savait que son employeur avait une politique de vaccination contre la COVID-19. Elle savait que son employeur s’attendait à ce que tout le personnel présente une preuve de vaccination contre la COVID-19 à la date d’échéance fixée.
  • Elle aurait dû raisonnablement savoir qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique de l’employeur. Même si elle affirme qu’elle ne savait pas qu’elle risquait de perdre son emploi, je suis d’avis qu’elle a agi de façon insouciante lorsqu’elle a décidé de ne pas lire les lettres que son employeur a envoyées à son domicile.
  • La prestataire a agi délibérément lorsqu’elle a décidé de ne pas suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle n’a pas fourni de preuve de vaccination à son employeur à la date d’échéance fixée.
  • Le fait que la prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur est la cause directe de sa suspension.

[35] Je conclus donc que la raison pour laquelle la prestataire a perdu son emploi satisfait à tous les volets du critère juridique relatif à l’inconduite. La raison de sa suspension est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[36] Je rejette l’appel de la prestataire. Je conclus qu’elle a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendue. J’estime que la raison de sa suspension est une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, elle n’est pas admissible aux prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

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