Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 789

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de permission de faire appel

Partie demanderesse : R. S.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 8 mars 2023
(GE-22-2588)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 15 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-371

Sur cette page

Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, R. S. (prestataire), fait appel de la décision de la division générale. La division générale a rejeté son appel. Elle a conclu que l’intimée, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, avait prouvé que l’employeur de la prestataire l’avait suspendue en raison d’une inconduite. Autrement dit, la prestataire a fait quelque chose qui a mené à sa suspension. En raison de cette inconduite, elle était inadmissible aux prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de procédure, de droit et de fait.

[4] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 1. Autrement dit, il faut que la cause soit défendable. Si l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 2.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Question en litige

[6] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure, de droit ou de fait?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission de faire appel

[7] La division d’appel accorde la permission de faire appel à moins que l’appel n’ait aucune chance raisonnable de succès. L’appel a une chance raisonnable de succès si la division générale a possiblement commis une erreur de compétence, de procédure, de droit ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 3.

[8] Pour ce qui est des erreurs de fait, il faut que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve portés à sa connaissance.

Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de procédure, de droit ou de fait?

[9] La prestataire fait valoir que la division générale a commis des erreurs de procédure, de droit et de fait.

La prestataire soutient que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle

[10] La prestataire affirme que la division générale n’a pas observé un principe de justice naturelle parce qu’elle n’a pas suivi l’une des recommandations du Comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations Unies.

[11] La prestataire affirme que le Comité a signalé que le régime d’assurance-emploi du Canada était un [traduction] « sujet de préoccupation majeureNote de bas de page 4 », en particulier en ce qui concerne les conditions d’admissibilité aux prestations qu’il considère comme très strictes. La prestataire note que le 23 mars 2016, dans son sixième rapport périodique, le Comité a recommandé ce qui suit :

[…] à l’État partie de revoir les seuils d’admissibilité à l’assurance-emploi et les prestations de cette assurance, afin que tous les travailleurs, y compris les travailleurs à temps partiel et les travailleurs étrangers temporaires, perçoivent des prestations d’assurance-emploi suffisantes, sans discrimination.

[12] Les manquements à la justice naturelle ont habituellement trait au caractère équitable du processus dans le contexte d’un tribunal administratif. Par exemple, ne pas donner un préavis suffisant d’une audience, divulguer des documents de manière inadéquate ou priver une partie prestataire de son droit d’être entendue ou de présenter ses arguments peut entraîner un manquement. Ces questions ne se posent pas dans cette affaire.

[13] La prestataire ne laisse pas non plus entendre que le membre de la division générale était partial ou qu’il avait préjugé de l’appel.

[14] Pour que l’appel ait une chance raisonnable de succès, les arguments de la prestataire doivent porter sur un type quelconque d’erreur de procédure. Ses arguments selon lesquels la division générale n’a pas suivi l’une des recommandations du Comité sont sans rapport avec les questions de procédure.

[15] De plus, les recommandations du Comité ne sont précisément que cela : des recommandations. Elles ne représentent pas la loi. Un autre organisme pourrait les examiner, mais la division générale n’a pas le pouvoir de les examiner ni de s’y conformer.

[16] Comme les arguments de la prestataire ne portent pas sur l’équité du processus de la division générale, je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès sur ce point.

La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait

[17] La prestataire soutient que la division générale a ignoré certains éléments de preuve portés à sa connaissance et qu’elle a mal interprété ce que signifie le terme suspension. Plus précisément, elle affirme que la division générale n’a pas pris en compte le document GD10 parce qu’elle n’y fait pas référence dans ses motifs. Elle dit que la division générale a peut-être ignoré le document parce qu’elle n’en avait pas reçu une copie avant l’audience.

[18] Lorsque la prestataire a déposé le document GD10 au Tribunal, elle a déclaré qu’il devait être discuté à l’audience plus tard ce jour-là.

[19] Le document GD10 contient des extraits de définitions tirées du Dictionary of Canadian Law [dictionnaire du droit canadien]. La prestataire a surligné les termes « congé » et « suspension » dans les extraits. Le dictionnaire les définit comme suit :

[traduction]
« congé » – Période pendant laquelle une personne employée est autorisée à s’absenter de son travail, généralement sans être rémunérée.

  1. « suspension » – 1. L’annulation des droits acquis et des obligations contractées pendant la suspension, à la suite de laquelle les parties se trouvent provisoirement dans la même situation que si le contrat n’avait pas existé […]
  2. 2. Le terme suspension est généralement utilisé dans le contexte d’un emploi pour dire qu’une mesure disciplinaire est imposée à une personne employée.
  3. 3. Un arrêt de travail temporaire à la demande de l’employeur, autre qu’un licenciement.

[20] La prestataire s’attendait à ce que le membre de la division générale non seulement tienne compte de ces définitions, mais les applique lorsqu’il examinerait si ses actions constituaient une inconduite.

[21] La prestataire fait valoir que si la division générale avait suivi ces définitions du Dictionary of Canadian Law, elle aurait conclu que son employeur l’avait simplement mise en congé parce qu’elle n’avait pas respecté sa politique de vaccination. Elle dit qu’elle aurait conclu qu’elle n’avait pas été suspendue de son emploi.

[22] À l’appui de cette affirmation, la prestataire souligne le relevé d’emploi que son employeur a préparé. L’employeur a déclaré qu’il le produisait en raison d’un congéNote de bas de page 5. La prestataire note également que les communications de son employeur faisaient référence à un congéNote de bas de page 6.

[23] Premièrement, il existe une présomption générale en droit selon laquelle le décideur tient compte de l’ensemble de la preuve qui lui est présentée. Comme l’a affirmé la Cour d’appel fédérale, un décideur ne formule que les conclusions de fait les plus importantes et leurs justificationsNote de bas de page 7.

[24] Deuxièmement, la division générale doit interpréter tout terme conformément à la Loi sur l’assurance-emploi. Cela peut signifier qu’elle doit se référer à la jurisprudence pour décider si les tribunaux ont pu définir des termes (comme suspension ou inconduite) aux fins de la Loi. Ainsi, même si les définitions du Dictionary of Canadian Law ou d’autres sources peuvent être utiles, elles ne sont pas contraignantes et ne font pas autorité pour définir des termes précis au sens de la Loi.

[25] Cela dit, je note que le Dictionary of Canadian Law donne plusieurs sens au mot « suspension ». L’un d’eux est assez large : une suspension peut être un arrêt de travail temporaire à la demande de l’employeur, autre qu’un licenciement. Cette définition pourrait très bien s’appliquer à la situation de la prestataire et est plus appropriée que la définition donnée pour un « congé ».

[26] Selon le Dictionary of Canadian Law, la définition d’un « congé » suppose que la personne employée demande le congé. Il en est ainsi parce qu’elle doit obtenir la permission de s’absenter. Ce n’est pas le cas ici parce que la prestataire n’a pas demandé à s’absenter du travail.

[27] Ainsi, même si la division générale ne s’est pas référée au document GD10, les définitions que donne le Dictionary of Canadian Law des termes « congé » et « suspension » n’auraient pas aidé la prestataire.

[28] La division générale a tenu compte de l’argument de la prestataire voulant que son employeur ne l’ait pas suspendue et qu’il l’avait plutôt mise en congéNote de bas de page 8. Elle a également examiné l’argument de la Commission selon lequel un congé sans solde est considéré comme une suspension pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[29] La division générale a décidé qu’elle devait examiner la preuve sous l’angle de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle a conclu que la preuve montrait que l’employeur avait dit à la prestataire de ne pas retourner au travail parce qu’elle n’était pas vaccinée. La division générale a également conclu que son employeur ne l’avait pas payée pendant son congé. Ainsi, même si la prestataire et son employeur considéraient sa cessation d’emploi comme un « congé », la division générale a conclu que la Loi définissait ce scénario comme une suspension.

[30] La prestataire avance également que la division générale a commis d’autres erreurs :

  1. i. La division générale a écrit que le relevé d’emploi indiquait que son employeur l’avait mise en « congé involontaire sans soldeNote de bas de page 10 », mais l’employeur a en fait simplement écrit « congé ».
  2. ii. La division générale a écrit que la Commission avait noté que les documents GD3-15, GD3-18 et GD3-19 indiquaient que la prestataire avait été mise en congé sans solde, mais aucun de ces documents n’affirme cela et il n’y a aucune mention d’un congé « sans solde ».

[31] Pour qu’il y ait une erreur de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur cette erreur.

[32] Il importe peu que la division générale ait mal interprété cet élément de preuve parce qu’elle n’a pas fondé sa décision sur le fait que la cessation d’emploi de la prestataire était non rémunérée ou non. En effet, la division générale a déclaré qu’elle interprétait de la même façon une suspension, un congé et un congé sans soldeNote de bas de page 11.

[33] De plus, la preuve selon laquelle la cessation d’emploi de la prestataire était involontaire n’est pas contestée. Elle aurait préféré continuer à travailler, mais comme elle parce qu’elle n’avait pas respecté la politique de vaccination de son employeur, celui-ci ne lui a pas permis de le faire.

[34] La prestataire fait également valoir que si sa cessation d’emploi avait effectivement été une suspension, son employeur aurait produit un nouveau relevé d’emploi. Elle affirme qu’il aurait corrigé le relevé pour indiquer qu’il s’agissait d’une suspension et non d’un congé.

[35] Comme la division générale l’a souligné, le contenu d’un relevé d’emploi (ou d’une politique de vaccination) n’est pas déterminant quant à la question de savoir si une personne employée a été suspendue ou mise en congé. La division générale a dû examiner l’ensemble de la preuve et voir quelles dispositions de la Loi sur l’assurance-emploi s’appliquaient.

[36] Enfin, la prestataire soutient que la division générale n’a pas tenu pleinement compte de sa capacité à exercer ses fonctions. Elle dit avoir eu des étourdissements qui l’ont empêchée de se rendre au travail et d’en revenir, et même de travailler.

[37] Si la prestataire suggère que la division générale aurait dû examiner si elle était admissible aux prestations de maladie de l’assurance-emploi, la division générale n’était pas saisie de cette question. Il n’y avait aucun élément de preuve devant la division générale montrant que la prestataire avait demandé des prestations de maladie ou que la Commission avait rendu une nouvelle décision sur son admissibilité à ces prestations.

[38] La prestataire laisse entendre qu’elle était en congé en raison de son état de santé. Cependant, il est clair que la division générale n’a pas accepté cette raison, car la preuve montre que l’employeur avait mis la prestataire en congé parce qu’elle ne respectait pas sa politique de vaccination. L’employeur a également signalé à la Commission que la prestataire pourrait reprendre son travail après s’être fait vaccinerNote de bas de page 12.

[39] De plus, la question de l’état de santé de la prestataire n’était pas pertinente pour décider si ses actions constituaient une inconduite, même si elle essayait d’établir de quels problèmes de santé elle était atteinte pour voir s’il était sécuritaire pour elle de se faire vacciner. La prestataire avait peut-être une raison légitime d’éviter de se faire vacciner, mais celle-ci n’était pas pertinente pour évaluer s’il y avait eu inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[40] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès.

[41] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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