Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BA c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 860

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demandeur : B. A.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 6 avril 2023
(GE-22-3694)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 28 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-433

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a perdu son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations. Après le rejet de ses demandes de révision, le prestataire a interjeté appel devant la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait perdu son emploi à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir qu’il était vraisemblable que l’employeur le congédie dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante et qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’interjeter appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision commise par la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialénonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit de la première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions, mais il doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Questions préliminaires

[12] Il est bien établi que, pour trancher la présente demande de permission d’en appeler, je dois tenir compte de la preuve qui a été présentée à la division générale.

[13] Un appel devant la division d’appel n’est pas une nouvelle audience au cours de laquelle une partie peut présenter de nouveau des éléments de preuve. Le rôle de la division d’appel est limité par la loiNote de bas de page 1.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[14] À l’appui de sa demande de permission d’en appeler, le prestataire fait valoir ce qui suit :

  1. a) Il a toujours démontré une volonté de s’acquitter de ses fonctions.
  2. b) Il était prêt à se soumettre à des tests de dépistage de la COVID-19 pour continuer à travailler, mais ceux-ci n’ont jamais été offerts.
  3. c) Il n’a pris connaissance de la possibilité de congédiement que le 21 octobre 2021, soit une semaine avant son congédiement.
  4. d) Il n’était pas pleinement au courant des conséquences de ne pas recevoir la deuxième dose du vaccin et il n’a pas eu suffisamment de temps pour se conformer parce que l’employeur n’a pas répondu à son courriel du 27 octobre 2021.
  5. e) Il soutient que l’employeur voulait seulement éviter de lui verser une indemnité de départ et de cessation d’emploi. Il a offert de le réembaucher s’il recevait la deuxième dose.
  6. f) L’employeur ne l’a pas informé des ingrédients médicaux du vaccin.
  7. g) Les vaccins disponibles avaient des effets secondaires et n’empêchaient pas la propagation du virus.
  8. h) La division générale n’a pas tenu compte de la conduite de l’employeur.
  9. i) Il a demandé à être mis en congé sans solde, mais l’employeur a refusé sa demande.
  10. j) La division générale a commis une erreur dans son interprétation des faits qui a mené à sa conclusion d’inconduite.

[15] La division générale devait décider si le prestataire avait perdu son emploi en raison d’une inconduite.

[16] Même si l’employeur n’avait pas accusé le prestataire d’inconduite, il incombait à la division générale de vérifier et d’interpréter les faits de la présente affaire et d’effectuer sa propre évaluation de la question dont elle était saisie.

[17] La notion d’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention fautive; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[18] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction imposée par l’employeur ni de savoir si l’employeur s’était rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de telle sorte que son congédiement était injustifié, mais plutôt de décider si le prestataire était coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement. Autrement dit, la division générale doit se concentrer sur la conduite du prestataire et non sur celle de son employeur.

[19] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a perdu son emploi parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il a été la cause directe de son congédiement. La division générale a conclu que le prestataire savait ou aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner son congédiement.

[20] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur constitue une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 2. Le non‑respect d’une politique dûment approuvée par un gouvernement ou un secteur d’activité est également considéré comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 3.

[22] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur est tenu de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a suivi les recommandations en matière de santé publique de Santé Canada et des administrations fédérale, provinciales et locales pour mettre en œuvre sa politique afin de protéger la santé de l’ensemble du personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été congédié.

[23] Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID‑19 étaient efficaces ou raisonnables.

[24] La question de savoir si l’employeur a omis de prendre des mesures d’adaptation à l’égard du prestataire, ou si l’employeur a porté atteinte à ses droits en matière d’emploi, ou si la politique a violé ses droits fondamentaux et ses droits constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas de page 4.

[25] La Cour fédérale du Canada a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID‑19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a‑t‑il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas de page 5.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 6. La Cour a affirmé que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[27] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act (loi sur les droits de la personne de l’Alberta). La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.

[29] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance‑emploi.

[30] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en congédiant le prestataire de sorte que son congédiement était injustifié, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a mené à son congédiement.

[31] Le prestataire soutient qu’il n’a pris connaissance de la possibilité de congédiement que le 21 octobre 2021, soit une semaine avant son congédiement. Il ajoute qu’il n’était pas entièrement au courant des conséquences de ne pas recevoir la deuxième dose du vaccin et n’a pas eu suffisamment de temps pour se conformer parce que l’employeur n’a pas répondu à son courriel du 27 octobre 2021.

[32] Le 21 octobre 2021, le prestataire a informé son employeur par courriel qu’il avait décidé de ne pas recevoir la deuxième dose et qu’il attendrait que le vaccin à vecteur viral soit approuvéNote de bas de page 7.

[33] Le prestataire a reçu une lettre de son employeur datée du 22 octobre 2021. Il y est indiqué qu’il était immédiatement mis en congé sans solde et qu’il serait congédié le 29 octobre 2021 s’il n’était pas entièrement vacciné d’ici là avec toutes les doses requises de la série de vaccins applicable approuvée par Santé CanadaNote de bas de page 8.

[34] Le 27 octobre 2021, le prestataire a réitéré par courriel qu’il avait décidé d’attendre un vaccin qui lui convient. Il écrit qu’il espère que l’employeur le traitera équitablement s’il décide de mettre fin à son emploiNote de bas de page 9.

[35] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision dans sa conclusion selon laquelle le prestataire avait clairement pris la décision de ne pas se conformer à la politique en connaissance des conséquences et qu’il avait eu suffisamment de temps pour décider s’il devait suivre la politique de son employeur. Le fait que l’employeur n’a pas répondu au courriel du prestataire daté du 27 octobre 2021 n’a pas d’incidence sur cette conclusion, le prestataire ayant déjà clairement indiqué à son employeur, à deux occasions distinctes, son choix de ne pas recevoir la deuxième dose.

[36] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné son congédiement.

[37] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 10.

[38] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établie. Cela ne change rien au fait qu’en application de la Loi la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été congédié en raison de son inconduite.

[39] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire n’a pas invoqué de motif relevant des moyens d’appel susmentionnés, susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision contestée.

Conclusion

[40] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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