Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 885

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : S. C.
Représentant : J. W.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (471587) datée du 30 mai 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 12 janvier 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 16 février 2023
Numéro de dossier : GE-22-2195

Sur cette page

Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal est en désaccord avec la prestataireNote de bas de page 1.

[2] La Commission de l’assurance‑emploi du Canada a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’elle a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). La prestataire est donc inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploiNote de bas de page 2.

Aperçu

[3] La prestataire travaillait pour un employeur sous réglementation fédérale. L’employeur de la prestataire a mis en place une politique qui exigeait que tout le personnel atteste de son statut vaccinal contre la COVID-19. Le personnel qui n’avait pas été vacciné au 14 novembre 2021 et qui n’avait pas d’exemption de vaccination approuvée serait mis en congé administratif sans solde. L’employeur de la prestataire l’a mise en congé administratif sans solde à compter du 15 novembre 2021 parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politiqueNote de bas de page 3.

[4] La Commission a examiné les raisons pour lesquelles la prestataire ne travaillait pas. Elle a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi)Note de bas de page 4. C’est pourquoi la Commission a décidé que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[5] La prestataire n’est pas d’accord avec la Commission. Elle affirme que la Commission n’a pas satisfait aux éléments requis pour prouver l’inconduite. Elle n’a pas prouvé l’existence d’une obligation de se conformer à la politique. Elle affirme que toute politique non conforme au droit de common law à l’autonomie corporelle et au consentement éclairé serait illégale et qu’il ne peut donc y avoir aucune obligation de s’y conformer. Le représentant de la prestataire a présenté d’autres arguments à l’appui de cette position.

Questions que j’ai examinées en premier

L’audience a eu lieu par vidéoconférence

[6] La prestataire a demandé que son appel soit instruit en personne. Pour les motifs contenus dans une décision interlocutoire que j’ai rendu le 1er décembre 2022, l’audience a eu lieu par vidéoconférence.

La Commission a pris des décisions pendant que l’appel était en instance

[7] La prestataire a avisé le Tribunal le 18 novembre 2022 qu’en date du 13 novembre 2022, Service CanadaNote de bas de page 5 lui avait envoyé un avis de deux décisions dans son compte Mon dossier Service Canada. Selon la première, les prestations régulières d’assurance‑emploi n’étaient pas payables parce qu’elle a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Il a été statué dans la deuxième décision que sa demande avait été réévaluée et qu’il n’était plus considéré que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[8] J’ai demandé à la Commission de clarifier ces décisions.

[9] La Commission a répondu qu’un agent qui a examiné le relevé d’emploi et a annulé la suspension, mais l’a remplacée par un congédiement a commis une erreur. C’est cette action qui a donné lieu à des messages contradictoires.

[10] La Commission a dit qu’elle demeurait sur sa position : la prestataire est demeurée inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance‑emploi parce qu’elle a été suspendue en raison de son inconduite.

[11] Lorsqu’une erreur ne peut nuire ou porter préjudice, elle ne porte pas un coup fatal à la décision faisant l’objet de l’appelNote de bas de page 6. Comme l’erreur de la Commission s’est produite après que la prestataire a demandé la révision de la décision initiale de la Commission et qu’elle a interjeté appel de la décision de révision, je conclus que l’erreur ne lui nuit pas ni ne lui cause quelque préjudice que ce soit.

L’employeur n’est pas mis en cause dans l’appel

[12] Il arrive parfois que le Tribunal envoie à l’employeur d’un prestataire une lettre dans laquelle il demande s’il souhaite être mis en cause dans l’appel. Dans la présente affaire, le Tribunal a fait parvenir une lettre à l’employeur. Ce dernier n’y a pas répondu.

[13] Pour être mis en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme mis en cause dans le présent appel, car rien dans le dossier ne me laisse croire que ma décision imposerait une obligation juridique à l’employeur.

Le prestataire n’était pas en congé

[14] Dans le contexte de la Loi, une période de congé volontaire nécessite l’accord de l’employeur et d’un prestataire. Elle doit également comporter une date de fin convenue entre le prestataire et l’employeurNote de bas de page 7.

[15] Dans le cas de la prestataire, son employeur a mis fin à son emploi le 15 novembre 2021 lorsqu’elle a été mise en congé sans solde.

[16] Rien dans le dossier d’appel ne prouve que la prestataire ait demandé ou accepté de prendre une période de congé sans solde de son emploi. Elle a déclaré qu’on ne lui a pas demandé si elle voulait prendre un congé, qu’on ne lui a pas donné le choix de rester au travail et qu’elle a quitté le travail lorsqu’on le lui a demandé.   

[17] L’article de la Loi sur l’inadmissibilité en raison d’une suspension traite des actes d’un prestataire qui ont mené à son chômage. Il indique qu’un prestataire qui est suspendu de son emploi en raison de son inconduite n’a pas droit à des prestationsNote de bas de page 8.  

[18] Comme il est indiqué plus loin, la preuve montre que c’est la conduite de la prestataire, c’est‑à‑dire son refus de se conformer à la politique sur la vaccination, qui l’a amenée à ne pas travailler à compter du 15 novembre 2021. Je suis convaincue que, aux fins de la Loi, la situation de la prestataire pour la période de congé sans solde à compter du 15 novembre 2021 peut être considérée comme une suspensionNote de bas de page 9.

J’accepte les documents envoyés après l’audience

[19] À l’audience, le représentant de la prestataire a fait référence à la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la Fonction publique du Canada (AFPC) qui porte sur la classification de la prestataire. La prestataire est membre de l’AFPC.

[20] La prestataire avait déjà présenté l’arrêt A.C. c Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), 2009 CSC 30, mais il était incomplet.

[21] Après l’audience, la prestataire a présenté la convention collective et une copie complète de l’arrêt A.C. c Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille).

[22] J’ai décidé d’accepter les documents en preuve, car les renseignements qu’ils contenaient ont été mentionnés à l’audience et sont pertinents à la question de savoir si la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite.

[23] Une copie des documents a été envoyée à la Commission. Au moment de la rédaction de la présente décision, elle n’a présenté aucune observation sur ces documents.

Question en litige

[24] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[25] Selon la loi, le prestataire ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi s’il perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que l’employeur ait congédié ou suspendu le prestataireNote de bas de page 10.

[26] Pour décider si la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois trancher deux questions. D’abord, je dois établir pourquoi la prestataire a été suspendue de son emploi. Je dois ensuite décider si la loi considère que la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue de son emploi constitue une inconduite.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi?

[27] Je conclus que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle ne s’est pas conformée à la politique de vaccination contre la COVID‑19 de son employeur.

[28] L’employeur de la prestataire a adopté une politique de vaccination contre la COVID‑19. La politique exigeait que tout le personnel soit entièrement vacciné en date du 15 novembre 2021.

[29] La prestataire a témoigné qu’elle avait dit à son employeur qu’elle ne se ferait pas vacciner contre la COVID-19. Elle n’a pas été vaccinée avant cette date limite. L’employeur a envoyé à la prestataire une lettre datée du 12 novembre 2021 indiquant qu’elle n’était pas entièrement vaccinée, qu’elle ne se conformait pas à la politique et qu’elle avait été mise en congé administratif sans solde.

[30] La preuve m’indique que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas été entièrement vaccinée, comme l’exigeait la politique de l’employeur.

Le motif du congédiement de la prestataire est‑il une inconduite au sens de la loi?

[31] Oui, le motif du congédiement de la prestataire est une inconduite en vertu de la loi et au sens de la Loi.

Ce que dit la loi

[32] La Loi ne dit pas ce que signifie une inconduite. Cependant, la jurisprudence (décisions des tribunaux judiciaires et administratifs) nous indique comment décider si le congédiement de la prestataire découle d’une inconduite au sens de la Loi. La jurisprudence énonce le critère juridique applicable à l’inconduite, à savoir les questions et les critères que je peux prendre en considération pour examiner la question de l’inconduite.

[33] Selon la jurisprudence, pour constituer une inconduite, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 11. L’inconduite comprend aussi une conduite si téméraire qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 12. La prestataire n’a pas à avoir une intention coupable (autrement dit, elle n’a pas à vouloir faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 13. Autrement dit, l’inconduite, comme le terme est utilisé dans le contexte de la Loi et du Règlement sur l’assurance-emploi (Règlement), n’exige pas qu’un employé agisse avec une intention malveillante, comme certains pourraient le supposer.

[34] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle qu’elle soit suspendue ou congédiée pour cette raisonNote de bas de page 14.

[35] Une violation voulue de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduiteNote de bas de page 15.

[36] La Commission doit prouver que la prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 16.

Questions que je peux trancher

[37] J’ai le pouvoir de trancher seulement les questions qui sont prévues dans la Loi. Je ne peux rendre aucune décision sur la question de savoir si la prestataire a d’autres options en vertu d’autres lois. Il ne m’appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si la convention collective de la prestataire a été enfreinte ou si l’employeur aurait dû adopter des mesures raisonnables (mesures d’adaptation) à l’égard de la prestataireNote de bas de page 17. Je ne peux examiner qu’une chose : la question de savoir si ce que la prestataire a fait ou a omis de faire constitue une inconduite au sens de la Loi.

[38] La Cour d’appel fédérale (CAF) s’est prononcée dans l’affaire intitulée Canada (Procureur général) c McNamaraNote de bas de page 18. M. McNamara a été congédié en application de la politique de dépistage de drogues de son employeur. M. McNamara a fait valoir qu’il devait toucher des prestations d’assurance‑emploi parce que les mesures prises par son employeur concernant son congédiement étaient inacceptables.

[39] En réponse aux arguments de M. McNamara, la CAF a déclaré avoir toujours affirmé que dans les cas d’inconduite, « il n’appartient pas [au conseil ou au juge‑arbitre] de dire si le congédiement d’un employé était ou non injustifié; plutôt [il leur appartient] de dire si l’acte ou l’omission reprochés à l’employé était effectivement constitutif d’une inconduite au sens de la Loi ».  La Cour a poursuivi en soulignant que, dans l’interprétation et l’application de la Loi, « ce qu’il convient à l’évidence de retenir ce n’est pas le comportement de l’employeur, mais bien celui de l’employé ».  Elle a souligné que les employés qui ont été congédiés à tort ont « pour sanctionner le comportement de l’employeur, d’autres recours qui permettent d’éviter que par le truchement des prestations d’assurance-emploi les contribuables canadiens fassent les frais du comportement incriminé ».

[40] Une décision plus récente a été rendue dans l’affaire Paradis c Canada (Procureur général)Note de bas de page 19. Comme M. McNamara, M. Paradis a été congédié après avoir échoué à un test de dépistage de drogues. M. Paradis a fait valoir qu’il avait été congédié à tort, que les résultats des tests montraient qu’il n’avait pas les facultés affaiblies au travail et que l’employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation conformément à ses propres politiques et à la législation provinciale sur les droits de la personne. La Cour fédérale s’est fondée sur l’arrêt McNamara et a déclaré que la conduite de l’employeur n’est pas un facteur déterminant pour trancher la question de l’inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 20.

[41] Une autre décision semblable a été rendue par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Mishibinijima c Canada (Procureur général)Note de bas de page 21. M. Mishibinijima a perdu son emploi pour des raisons liées à une dépendance à l’alcool. Il a soutenu que, comme la dépendance à l’alcool a été reconnue comme une déficience, son employeur était tenu de lui offrir des mesures d’adaptation. La Cour a encore affirmé que l’accent est mis sur ce que l’employé a fait ou non, et que l’absence de mesures de l’employeur pour aider son employé n’est pas une question pertinenteNote de bas de page 22.

[42] Ces affaires ne portent pas sur des politiques de vaccination contre la COVID‑19. Cependant, les principes établis dans ces affaires demeurent pertinents. Mon rôle ne consiste pas à examiner la conduite ou les politiques de l’employeur et à décider s’il avait raison de placer la prestataire en congé sans solde (suspension), s’il a omis de prendre des mesures d’adaptation à son égard, ou si elle violait la convention collective de la prestataire. Je dois plutôt concentrer mon examen sur ce que la prestataire a fait ou n’a pas fait et sur la question de savoir si cela constitue une inconduite au sens de la Loi.

Les observations de la Commission

[43] La Commission affirme que dans la présente affaire, la prestataire a pris personnellement la décision de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur. Il est mentionné que parce que la prestataire a choisi de ne pas se faire vacciner, la Commission peut dire que la prestataire est à l’origine de sa cessation d’emploi parce qu’elle savait que le non-respect de la politique entraînerait sa perte d’emploi. La Commission affirme que si elle examine le motif de cessation d’emploi comme une suspension, elle peut également établir, parce que les actes de la prestataire étaient délibérés, insouciants et voulus, que la raison pour laquelle elle a perdu son emploi répond à la définition d’inconduite au sens de la Loi.

Les observations de la prestataire

[44] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la Commission n’a pas prouvé les éléments de l’inconduite. Il a déclaré que la Commission n’a pas prouvé l’existence d’une obligation de se conformer à la politique. Il fonde son argument sur la loi qui prévoit le droit à l’autonomie corporelle et au consentement éclairé.

[45] À l’appui de cette position, le représentant de la prestataire a cité l’arrêt Hopp c Lepp, [1980] 2 R.C.S. 192, où, à la p. 196, la Cour a déclaré que « [l]e principe fondamental est le droit d’un patient de décider à quelle intervention, le cas échéant, il devrait se soumettre : voir Parmley c Parmley et Yule [1945] R.C.S. 635 ». Il a également cité l’arrêt Parmley, à la p. 646 de cette décision [traduction] « Il semble inévitable de conclure que les deux parties aux présentes, en particulier en salle d’opération, n’aient pas reconnu le droit d’un patient, lorsqu’il consulte un professionnel dans l’exercice de sa profession, de subir un examen et d’obtenir un diagnostic, des conseils et des consultations, et qu’il incombe par la suite au patient de décider quelle opération ou quel traitement doit être effectué, le cas échéant. »

[46] Le représentant de la prestataire a fait remarquer que ces décisions portaient sur la profession médicale. Cependant, selon lui, il demeure qu’une personne a le droit de décider ce qu’il advient de son corps, des interventions qu’elle devrait subir. Il a de nouveau cité l’arrêt Parmley, à la page 646 : [traduction] « Il se peut qu’en salle d’opération, les parties aux présentes étaient d’avis qu’elles agissaient dans l’intérêt supérieur de Mme Yule […], mais cela ne justifie pas leur intervention sans son consentement ». Le représentant de la prestataire a fait valoir que le consentement éclairé est l’argument sous-jacent de l’autonomie corporelle et de l’identité de la personne qui peut ou ne peut pas faire quelque chose avec le corps d’une personne.

[47] Le représentant de la prestataire a renvoyé à A.C. c Manitoba (directeur des services à l’enfant et à la famille), 2009 CSC 30, paragraphes 101 et 102, qui traitent du droit à la liberté et à la sécurité de la personne. Il affirme que la prestataire a l’autonomie de décider par oui ou non. Il a soulevé la question du consentement éclairé parce que l’employeur a fourni tous les points positifs du vaccin contre la COVID-19, mais les documents ne soulignaient aucun effet secondaire possible ni aucune inconnue pouvant découler du vaccin. Il a dit que ces éléments ne figuraient pas non plus dans la vidéo de formationNote de bas de page 23.  

[48] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la prestataire a exercé son droit à l’autonomie corporelle. Par conséquent, il affirme que lui et la prestataire ne croient pas que la politique de l’employeur donne effectivement naissance à une obligation à l’égard de son emploi.

[49] Le représentant de la prestataire a fait valoir que l’autonomie corporelle est protégée en vertu de la Déclaration canadienne des droits (L.C. 1960, ch. 44). Il a souligné qu’en vertu de l’art. 1a) de la Déclaration des droits, il est énoncé en partie : « le droit de l’individu à la vie, à la liberté, à la sécurité de la personne ainsi qu’à la jouissance de ses biens […] ». Il a également cité le préambule de l’article 2 de la Déclaration des droits et a déclaré que cet article s’appliquait à la situation de la prestataire.

[50] Le représentant de la prestataire a déclaré que la politique de l’employeur devait se conformer à la Déclaration des droits. Il a noté que la politique de l’employeur avait été produite en vertu des articles 7 et 11.1 de la Loi sur la gestion des finances publiques (L.R.C. 1985, ch. F-11) (LGFP). Il a déclaré que la politique de l’employeur était donc assujettie à la Loi sur les textes réglementaires (L.R.C., 1985, ch. S-22) (LTR). Il a fait remarquer que l’article 3(2)c) de la LTR exige que le greffier du Conseil privé examine tout projet de règlement pour s’assurer qu’il « n’empiète pas indûment sur les droits et libertés existants et, en tout état de cause, n’est pas incompatible avec les fins et les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés et de la Déclaration canadienne des droits ».

[51] Le représentant de la prestataire a fait valoir que même si la politique de l’employeur exige la vaccination, elle doit prévoir une mesure d’adaptation pour assurer la sécurité de la personne, ce qui comprend le consentement éclairé. Il a dit que la sécurité de la personne serait protégée par un consentement éclairé.

[52] Le représentant de la prestataire a fait valoir que, comme la politique de l’employeur découle de la LGFP, elle devait être examinée afin qu’elle n’enfreigne pas la Déclaration des droits. Il croit que la définition d’un « texte réglementaire » telle qu’elle est établie par la LTR s’applique à la politique de l’employeur parce que la politique a été produite en vertu de l’article 11 de la LGFP. Par conséquent, soutient-il, la politique doit être conforme à la Déclaration des droits.

[53] Compte tenu de ce qui précède, le représentant de la prestataire a déclaré que la prestataire attesterait que la politique de l’employeur elle-même n’est pas une obligation et que ce n’est pas quelque chose qui aurait une incidence sur sa capacité d’accomplir son travail.

[54] Le représentant de la prestataire a déclaré que la convention collective ne renferme aucune clause qui traite de la vaccination. Il dit qu’il n’y a pas eu de modifications à la convention collective ni de protocole d’entente ou de lettre d’entente sur la vaccination. Le représentant de la prestataire a déclaré que la simple existence d’une politique autorisée par la LGFP fait en sorte que la politique doit tenir compte de la capacité de la prestataire d’exercer ses droits naturels.

[55] Le représentant de la prestataire a fait valoir que selon la jurisprudence, la prestataire a la capacité de décider des interventions médicales qu’elle accepterait. Il soutient qu’il est redondant pour elle de devoir demander une mesure d’adaptation qui était déjà établie en droit.

[56] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la Commission n’a prouvé aucune obligation fondée sur l’exercice par la prestataire de ses droits. Il a déclaré que le simple fait de dire qu’une politique a été adoptée ne crée pas une obligation pour la prestataire.

[57] Le représentant de la prestataire a fait remarquer que l’article 17 de la convention collective de la prestataire portant sur les mesures disciplinaires énonce comment un employé est réputé avoir fait quelque chose de répréhensible. Selon lui, il y a des étapes dans la convention collective qui s’appliqueraient en cas d’acte répréhensible. Le représentant de la prestataire a déclaré qu’elles n’avaient jamais été appliquées. L’employeur a indiqué que l’article 17 ne s’appliquait pas et qu’il s’agissait d’un « acte administratif ». Le représentant de la prestataire a ajouté que la convention collective comporte un protocole d’entente à l’annexe G qui traite de l’arrêt de rémunération en cas de suspension administrative et qui décrit les étapes à suivre. Il affirme que cela a été ignoré et que la Commission n’a pas abordé la convention collective de quelque façon que ce soit.

[58] Le représentant de la prestataire a fait valoir que, compte tenu du fait que l’employeur n’a pas appliqué l’article 17 sur les mesures disciplinaires de la convention collective ou le protocole d’entente sur les suspensions administratives, l’employeur a démontré qu’il ne croyait pas qu’un geste répréhensible avait été commis.

[59] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la convention collective est la seule source du contrat de travail. Il a dit qu’il n’y a pas d’exigence en matière de vaccination dans la convention collective, de sorte que la prestataire n’est pas tenue de se conformer.

[60] Le représentant de la prestataire a fait remarquer que l’employeur a communiqué avec le syndicat pour apporter des modifications. Il affirme qu’il s’agit d’une preuve indiquant que l’employeur a décidé unilatéralement qu’il s’agit d’une condition d’emploi, sans égard à la loi. Selon lui, les deux parties doivent convenir d’une nouvelle condition d’emploi.

[61] Le représentant de la prestataire a fait valoir que, pour qu’une obligation existe, il doit être indiqué clairement qu’il s’agit d’une obligation envers l’employeur. Il affirme que la convention collective ne comprend pas de clause expresse pour la vaccination. Il affirme que l’obligation implicite est couverte par la capacité de la prestataire de choisir, ce qui renvoie au consentement éclairé de la prestataire. Le représentant de la prestataire a noté que le personnel devait se faire vacciner. Cette question n’a pas fait l’objet de discussions lorsque la prestataire a commencé à travailler. Jusqu’à ce que la politique soit mise en œuvre, il n’y a jamais eu de discussion sur la vaccination et elle n’était pas exigée par la convention collective.

[62] Le représentant de la prestataire a fait valoir que l’arrêt Canada (Procureur général) c Lemire, 2010 CAF 314 ne correspondait pas à la situation de la prestataire. Il souligne que l’arrêt Lemire accorde un certain poids à ce que dit la convention collective et aux attentes qui peuvent exister en dehors d’une convention collective. Toutefois, dans le cas de la prestataire, la politique de l’employeur marque la première occasion au cours de laquelle une intervention médicale est requise. Subsidiairement, il suggère que, dans le cas de la prestataire, on devrait accorder plus de poids à la convention collective.

[63] Le représentant de la prestataire souligne qu’aucune loi fédérale ou provinciale n’exige ou n’impose le vaccin contre la COVID-19. Sur cette base, il affirme que la vaccination est un choix. Selon lui, la vaccination ne peut être imposée en raison de l’autonomie personnelle.

[64] Le représentant de la prestataire a souligné une déclaration faite dans la demande de révision de la prestataire dans laquelle cette dernière a écrit : [traduction] « De plus, la section 1 du Rapport sur l’immunisation au Canada, 1996 mentionne que « Contrairement à ce que l’on observe dans certains pays, l’immunisation n’est pas obligatoire au Canada et ne peut le devenir en raison de la Constitution canadienne. » Il a dit que cela remonte à la capacité de la prestataire de choisir la vaccination et que l’employeur ne peut lui imposer d’être vaccinée. Le représentant de la prestataire a fait référence à l’article 1 du Code de Nuremberg, en vertu duquel le « consentement volontaire du sujet humain » doit être obtenu.

[65] Le représentant de la prestataire a renvoyé à Sa Majesté la Reine (appelante) c Steve Brian Ewanchuk (intimé) et Le procureur général du Canada, le Fonds d’action et d’éducation juridiques pour les femmes (« FAEJ »), le Réseau d’action des femmes handicapées du Canada (« DAWN Canada ») et le Sexual Assault Centre of Edmonton (intervenants) [1999 1 RCS 330Note de bas de page 24. Il a renvoyé à cette décision pour son analyse du consentement et de la façon dont le consentement doit être donné librement. Il soutient qu’il ne peut y avoir d’inconduite parce que la prestataire a la capacité de consentir ou de ne pas consentir.

[66] La prestataire a déclaré que, comme son employeur n’a pas utilisé le mot « inconduite », elle ne comprend pas comment ce mot peut être utilisé par la Commission. Dans la section des commentaires, le relevé d’emploi indique « veuillez traiter comme un code M », qui est le code de congédiement ou de suspension. Pourtant, dit la prestataire, l’employeur a clairement indiqué qu’il s’agissait d’un congé administratif et qu’il n’y avait aucune lettre à son dossier.

[67] Le représentant de la prestataire a noté que la décision de la Commission repose sur une inconduite et qu’elle affirme qu’il existe ou qu’il existait une obligation envers l’employeur en vertu de la politique. Toutefois, il affirme que la prestataire avait le droit de ne pas respecter la politique et qu’elle n’était donc pas tenue d’être vaccinée.

Le témoignage de la prestataire

[68] La prestataire a témoigné qu’elle avait lu la politique de l’employeur. Elle a déclaré que des rumeurs avaient circulé avant sa publication et que la politique avait été envoyée par courriel au personnel au début d’octobre 2021. La prestataire a rempli un formulaire d’attestation le 12 octobre 2021 au moyen de l’outil de déclaration en ligne de l’employeur. Dans le formulaire d’attestation, elle a indiqué que son statut vaccinal contre la COVID-19 était « pas vaccinée »Note de bas de page 25.

[69] La prestataire a également envoyé un courriel au chef des opérations par intérim le 18 octobre 2021. Dans son courriel, elle a écrit : [traduction] « Je ne prévois pas me faire vacciner contre la COVID-19 de sitôt. Je n’aime pas causer d’ennuis, mais je ne serai pas contrainte non plus à une procédure médicale dont je ne veux pas »Note de bas de page 26. L’employeur a accusé réception de son courriel et a dit qu’il lui reviendrait.

[70] La prestataire a témoigné qu’elle croyait ne pas avoir à consentir. Elle a déclaré que d’autres membres du personnel continuaient de travailler avec une exemption. Toutefois, aucune option ne lui a été donnée d’effectuer un test de dépistage de la COVID-19 et ils portaient déjà des masques. Elle a déclaré que la seule exemption autorisée concernait le motif des droits de la personne, soit la religion et non la conscience. La prestataire a déclaré qu’elle n’avait pas demandé d’exemption à la politique. Elle a dit qu’elle n’avait pas de raison médicale justifiant une exemption. La prestataire a déclaré qu’elle exerçait ses droits protégés légalement.

[71] La prestataire a affirmé qu’elle n’avait pas déposé de grief au sujet d’une mise en congé sans solde. Au début, son syndicat a exprimé sa frustration à l’égard de l’employeur. Elle a intenté une poursuite contre son employeur. En décembre 2022, le syndicat lui a dit qu’elle pouvait déposer un grief, mais que ce ne serait pas rétroactif. Le syndicat a déposé un grief de principe lorsque la politique de l’employeur n’a pas été examinée après six mois comme l’exige la politique. Cependant, le grief ne portait pas sur le contenu de la politique elle‑même.

[72] Selon elle, au fil des ans, il y a eu différents virus comme le SRAS et le H1N1. Le personnel a été encouragé à se faire vacciner, mais on ne s’attendait pas à ce qu’il le fasse ou on ne lui a pas demandé son statut vaccinal pour tout vaccin.

[73] La prestataire a témoigné qu’elle a bel et bien suivi la séance de formation en ligne sur la vaccination contre la COVID-19. Elle dit ne pas s’être fait vacciner.

[74] La prestataire a témoigné que le surintendant lui a remis une lettre le 12 novembre 2022. La lettre indiquait ce qui suit : [Traduction] « Comme vous n’êtes pas entièrement vaccinée, vous ne vous conformez pas à la politique et vous serez mise en congé administratif sans solde à compter du 15 novembre 2021 jusqu’à ce que vous respectiez la politique ou jusqu’à ce que celle-ci ne s’applique plus ». La prestataire a déclaré qu’il s’agissait du premier élément de communication non généralisée qu’elle a obtenu de son employeur.

Mes conclusions

[75] Je conclus que la Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Voici les motifs pour lesquels je suis arrivée à cette conclusion.

[76] Avant d’expliquer mes motifs, j’aborderai les arguments et la jurisprudence présentés par le représentant de la prestataire pour étayer la position de cette dernière.

[77] Une décision très récente de la Cour fédérale portait sur les arguments d’un demandeur, Anthony Cecchetto, selon lesquels les décisions prises par la division générale et la division d’appel du Tribunal ne portaient pas sur ses questions fondamentales concernant la légalité d’exiger des employés qu’ils se soumettent à des procédures médicales (c.-à-d. la vaccination et les tests) lorsque l’efficacité et l’innocuité de telles procédures n’ont pas été établiesNote de bas de page 27. Il a soutenu qu’il avait été congédié en raison de ses choix médicaux personnels, et les décideurs dans son cas n’ont pas abordé la question de savoir si cela était légalNote de bas de page 28.

[78] À la Cour fédérale, M. Cecchetto a soutenu qu’aucun des décideurs précédents n’avait répondu à ses deux questions : (i) Quelle était son inconduite? (ii) Comment une personne peut-elle être forcée de prendre des médicaments ou de subir des tests non vérifiés parce que cela viole l’intégrité corporelle fondamentale de chacun et équivaut à de la discrimination fondée sur des choix personnelsNote de bas de page 29?

[79] En rejetant la cause de M. Cecchetto, la Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

« Le demandeur est manifestement frustré parce qu’aucun des décideurs n’a abordé ce qu’il considère comme les questions juridiques ou factuelles fondamentales qu’il a soulevées, par exemple en ce qui concerne l’intégrité corporelle, le consentement à des tests médicaux, et l’innocuité et l’efficacité des vaccins contre la COVID‑19 ou des tests antigéniques, mais la décision de la division d’appel n’est pas déraisonnable pour autant. Le problème principal de l’argument du demandeur est qu’il reproche aux décideurs de ne pas traiter un ensemble de questions qu’ils ne sont pas autorisés à aborder en vertu de la loiNote de bas de page 30. » 

[80] La Cour fédérale a déclaré ce qui suit :

[Traduction]

Comme il a été mentionné précédemment, le demandeur trouve probablement ce résultat frustrant, car mes motifs ne traitent pas des questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales qu’il soulève. Cela s’explique par le fait que bon nombre de ces questions ne relèvent pas de cette affaire. Il n’est pas déraisonnable pour un décideur de ne pas traiter d’arguments juridiques qui ne relèvent pas de son mandat juridiqueNote de bas de page 31.

[81] La Cour fédérale a également déclaré ce qui suit :

[Traduction]

La division générale du Tribunal de la sécurité sociale et la division d’appel ont un rôle important, mais étroit et précis à jouer dans le système juridique. Dans cette affaire, ce rôle consistait à établir pour quel motif le demandeur avait été congédié de son emploi et si ce motif constituait une « inconduite »Note de bas de page 32.

[82] La Cour a ajouté ce qui suit :

[Traduction]

Malgré les arguments du demandeur, il n’existe aucun fondement pour infirmer la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la Directive no 6 ni statué à ce sujet. Ce genre de conclusion ne s’inscrivait pas dans le mandat ou la compétence de la division d’appel ni de la division générale du Tribunal (Canada (Procureur général) c Caul, 2006 CAF 251 au para 6; Canada (Procureur général) c Lee, 2007 CAF 406 au para 5)Note de bas de page 33.

[83] Je dois me conformer aux décisions de la Cour fédérale. Je commettrais une erreur de droit si je m’attardais à la conduite de l’employeur, notamment en rendant des décisions en application d’autres lois ou d’une convention collective, sur les questions de savoir si l’employeur a agi à juste titre ou légalement en créant, en mettant en œuvre et en appliquant une politique. Je n’ai pas compétence pour le faire. Le Tribunal possède une expertise dans l’interprétation et l’application de la Loi et du Règlement à la situation d’un prestataire et à la décision de la Commission. Selon les décisions des Cours fédérales, y compris sa plus récente décision dans l’affaire Cecchetto, c’est tout ce que le Tribunal devrait faire.

[84] Les questions juridiques, éthiques et factuelles fondamentales au sujet des vaccins contre la COVID-19 et les obligations liées à la COVID-19 mises en place par les gouvernements et les employeurs dépassent la portée des appels devant le Tribunal.

[85] Le Tribunal n’a pas le mandat ou la compétence d’évaluer le bien‑fondé, la légitimité ou la légalité des directives gouvernementales et des politiques de l’employeur visant à lutter contre la pandémie de COVID-19 ou de statuer à cet égard. Un prestataire dispose d’autres moyens de contester ces directives et politiques.

[86] La prestataire fonde son argument selon lequel il n’y a pas eu d’inconduite en grande partie sur les notions de consentement éclairé et d’autonomie corporelle. Les cas présentés à l’appui de sa position portent sur le consentement éclairé à l’égard des traitements médicaux et sur l’obligation des professionnels de la santé de veiller à ce que les patients aient la possibilité de donner un consentement éclairé.

[87] Je n’ai pas compétence pour décider si la politique de l’employeur aurait dû ou non offrir la possibilité de donner un consentement éclairé. Pour rendre cette décision, je devrais examiner les mesures prises par l’employeur en évaluant les choix qu’il a faits quant aux exigences qu’il a choisi d’inclure dans sa politique et non me pencher sur les mesures prises par la prestataire. La décision Cecchetto et les autres décisions judiciaires auxquelles j’ai renvoyé précédemment me disent qu’une décision fondée sur les actions de l’employeur ne relève pas de ma compétence et que si je devais rendre une décision fondée sur une évaluation des actions de l’employeur, je commettrais une erreur de droit.

[88] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la politique de l’employeur ne peut créer une obligation à l’égard de son emploi parce que la prestataire a droit à l’autonomie corporelle. La Cour a déclaré dans la décision Cecchetto qu’en droit, je ne suis pas autorisé à aborder cet argumentNote de bas de page 34.

[89] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la politique de l’employeur doit être conforme à la Déclaration canadienne des droits parce qu’elle a été émise en vertu de la LGFP et qu’elle était donc assujettie à la LTR.

[90] Au Canada, un certain nombre de lois protègent les droits d’une personne, comme le droit à la vie privée ou le droit à l’égalité (non‑discrimination). La Charte canadienne des droits et libertés (Charte) n’est que l’une de ces lois. Il y a aussi la Déclaration canadienne des droits, la Loi canadienne sur les droits de la personne et un certain nombre de lois provinciales qui protègent les droits et libertés.

[91] Divers tribunaux judiciaires et administratifs appliquent ces lois, et la prestataire peut demander réparation dans ces lieux.

[92] Le Tribunal peut examiner si une disposition de la Loi ou de son règlement d’application (ou d’une loi connexe) porte atteinte aux droits garantis à un prestataire par la Charte. Cependant, ce n’est pas ce que soutiennent la prestataire ou son représentant.

[93] Le Tribunal n’est pas autorisé à décider si une mesure prise par un employeur viole les droits fondamentaux d’un prestataire garantis par la Charte. Cela dépasse ma compétence. L’argument de la prestataire ne reconnaît pas que le gouvernement du Canada a adopté sa politique de vaccination contre la COVID-19 dans son rôle d’employeur et non dans son rôle de gouvernement.

[94] Le représentant de la prestataire a fait valoir que la convention collective n’exige pas que la prestataire soit vaccinée et qu’il n’y a pas eu de modification à cet effet. Il affirme qu’il s’agit de la seule source du contrat de travail. Il soutient également que les dispositions de l’entente concernant les mesures disciplinaires n’ont pas été respectées lorsque l’employeur a placé la prestataire en congé sans solde. Cet argument exige que j’examine et applique les modalités de la convention collective de la prestataire pour rendre ma décision sur la question de savoir si la prestataire a été suspendue au sens de la Loi.

[95] Les dispositions de la convention collective de la prestataire ne sont pas pertinentes à la question dont je suis saisie. En effet, toute allégation de violation d’une convention collective est formulée et tranchée au moyen d’un processus prévu dans la convention collective (convenu par les parties à cette convention collective). Les critères juridiques appliqués dans les arbitrages pour décider des sanctions disciplinaires diffèrent de ceux qui servent à décider s’il y a eu inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 35.

[96] Je tiens également à souligner que, même si la convention collective contient des conditions d’emploi, il existe, à mon avis, d’autres documents, comme les descriptions de travail et les politiques, qui peuvent imposer une obligation à un employé. De plus, la convention collective de la prestataire contient une clause sur les responsabilités de gestion qui stipule ce qui suit : [traduction] « Sauf dans la mesure prévue aux présentes, la présente convention ne limite aucunement le pouvoir des responsables de la gestion dans la fonction publique ».  Je ne m’appuie pas sur cette condition de la convention collective pour rendre ma décision, mais je la fournis ici pour illustrer que la convention collective reconnaît qu’il existe des responsabilités de gestion qui pourraient ne pas être visées par la convention collective.

[97] Le représentant de la prestataire a fait valoir que pour qu’une obligation soit imposée à la prestataire, elle doit être expresse ou implicite. Je crois qu’un employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes, ce qui comprend le droit d’élaborer et d’instaurer des politiques en milieu de travail. Quand l’employeur de la prestataire a fait de cette politique une exigence pour l’ensemble de son personnel, elle est devenue du même coup une condition expresse d’emploi pour l’appelanteNote de bas de page 36.

[98] Le représentant de la prestataire a renvoyé à l’arrêt R c Ewanchuk pour l’analyse du « consentement implicite » par la Cour. Dans l’arrêt R c Ewanchuk, le juge de première instance l’a acquitté d’agression sexuelle au motif que la plaignante avait implicitement consenti à l’activité sexuelle en question. C’est dans ce contexte que la Cour suprême a analysé le « consentement implicite ». Étant donné que ces circonstances sont si éloignées de celles de la prestataire, je ne considère pas que l’analyse de la Cour est pertinente à la question dont je suis saisie.

[99] La prestataire a soutenu que son employeur n’avait pas utilisé le mot « inconduite » et a clairement indiqué qu’elle avait été placée en congé administratif sans solde. Elle ne voit pas comment la Commission peut utiliser le mot « inconduite ». La Cour d’appel fédérale a examiné cette question et a conclu que la qualification par un employeur des motifs de suspension ou de congédiement d’un employé n’est pas déterminante pour établir si l’employé a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 37. Par conséquent, la qualification par l’employeur de la raison pour laquelle le prestataire ne travaillait pas n’est pas déterminante de la question faisant l’objet de l’appel.

La prestataire a été suspendue en raison de son inconduite

[100] Le 6 octobre 2021, l’employeur de la prestataire a instauré une politique exigeant que tout le personnel atteste son statut vaccinal contre la COVID‑19 avant la date limite d’attestation du 29 octobre 2021. Les membres du personnel qui ont déclaré que leur statut vaccinal était non vacciné devaient, dans les deux semaines suivant la date limite d’attestation, suivre une séance de formation en ligne sur la vaccination contre la COVID-19. Deux semaines après la date limite d’attestation, le personnel qui n’était pas vacciné serait mis en congé administratif sans solde.

[101] La prestataire a attesté le 12 octobre 2021 qu’elle n’était pas vaccinée. Le 18 octobre 2021, elle a envoyé un courriel à un superviseur indiquant [traduction] « Je ne prévois pas me faire vacciner contre la COVID-19 de sitôt ».

[102] La prestataire a témoigné qu’elle avait lu la politique de l’employeur. La prestataire a témoigné que la politique indiquait ce qui se passerait et ce qui pourrait se passer si elle n’était pas entièrement vaccinée. Elle a lu la politique lorsqu’elle a été émise. Selon la politique, une personne qui est demeurée non vaccinée après la date limite d’attestation serait mise en congé administratif sans solde. Elle savait que son employeur exigeait qu’elle soit vaccinée et que des exemptions à la politique pouvaient être accordées. Elle n’a pas demandé d’exemption. La preuve démontre clairement que la prestataire savait qu’elle serait suspendue (mise en congé administratif sans solde) si elle n’était pas vaccinée dans les deux semaines suivant la date limite d’attestation.  

[103] La prestataire a rempli le formulaire d’attestation indiquant qu’elle n’était pas vaccinée, a dit à son employeur qu’elle ne le serait pas et elle est demeurée non vaccinée dans le délai prévu. Par conséquent, je conclus que la prestataire a fait le choix conscient, voulu et délibéré de ne pas se conformer à la politique de l’employeur alors qu’elle savait qu’en agissant de la sorte, elle pouvait vraiment être suspendue (mise en congé sans solde) et ne pas être en mesure de s’acquitter des fonctions qui lui incombaient. En conséquence, je conclus que la Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite au sens de la Loi et de la jurisprudence décrite ci‑dessus.

Alors, la prestataire a‑t‑elle été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite?

[104] Compte tenu de mes conclusions ci‑dessus, je juge que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

[105] La Commission a prouvé que la prestataire a été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite. C’est pourquoi elle a décidé que la prestataire est exclue du bénéfice des prestations d’assurance‑emploi.

[106] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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