Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : SC c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 884

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demanderesse : S. C.
Représentant : J. W.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 16 février 2023
(GE-22-2195)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 5 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-280

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Décision

[1] L’autorisation (permission) d’interjeter appel est refusée. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse, S. C. (la prestataire), a été mise en congé administratif par son employeur. L’employeur a instauré une politique exigeant que le personnel atteste son statut vaccinal contre la COVID-19. La politique exigeait que le personnel soit vacciné ou bénéficie d’une exemption approuvée avant une certaine date. La prestataire a été mise en congé sans solde parce qu’elle ne s’était pas conformée à la politique dans le délai imparti.

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance‑emploi. La défenderesse, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada, a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison de son inconduite. Elle l’a rendue inadmissible au bénéfice des prestations.

[4] La prestataire a interjeté appel de cette décision devant la division générale du Tribunal. La division générale a rejeté l’appel. Elle a jugé que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite.

[5] La prestataire demande maintenant d’en appeler de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Elle soutient que la division générale a commis plusieurs erreurs de droit, de fait et de compétence. La prestataire doit obtenir la permission pour que son appel puisse aller de l’avant.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur susceptible de contrôle sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli. Je refuse la permission d’en appeler parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. a) Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur en omettant de trancher une question?
  2. b) Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de décider si la prestataire était fondée à ne pas respecter la politique?
  3. c) Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de reconnaître les droits de la prestataire?
  4. d) Peut‑on soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de tenir compte des actions de l’employeur?
  5. e) La prestataire soulève-t-elle une autre erreur susceptible de contrôle de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Je n’accorde pas à la prestataire la permission d’interjeter appel

[8] Le critère juridique auquel la prestataire doit satisfaire dans une demande de permission d’en appeler est peu exigeant : Existe‑t‑il un moyen défendable sur le fondement duquel l’appel pourrait être accueilliNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, je me suis concentrée sur la question de savoir si la division générale aurait pu commettre une ou plusieurs des erreurs pertinentes (ou s’il existait des moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social (Loi sur le MEDS)Note de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle audition de la demande initiale. Je dois plutôt décider si la division générale :

  1. a) a omis d’offrir une procédure équitable;
  2. b) a omis de décider d’une question qu’elle aurait dû trancher ou a décidé d’une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3;
  4. d) a commis une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Avant que l’appel de la prestataire puisse passer à la prochaine étape, je dois être convaincue qu’au moins un des moyens d’appel ci‑dessus donne à l’appel une chance raisonnable de succès. Par « une chance raisonnable de succès », on entend qu’en faisant valoir ses arguments, la prestataire pourrait avoir gain de cause. Je devrais également connaître d’autres moyens d’appel possibles qui n’ont pas été mentionnés avec précision par la prestataireNote de bas de page 5.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur en omettant d’examiner une question en litige

[12] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de compétence lorsqu’elle a conclu qu’elle ne peut se prononcer sur le bien‑fondé des directives ou des politiques gouvernementales qui traitent de la pandémie de COVID-19. Elle renvoie à la Loi sur le MEDS et fait valoir que le Tribunal a le pouvoir de trancher toute question de droit ou de fait nécessaire pour statuer sur un appelNote de bas de page 6.

[13] La prestataire affirme que la division générale aurait dû décider si la politique de vaccination était légitime afin d’établir si ses actions répondaient ou non à la définition d’inconduiteNote de bas de page 7.

[14] Je conclus que rien ne permet de soutenir que la division générale a commis une erreur en ne tranchant pas cette question. Il a été bien établi dans la jurisprudence que les questions concernant la conduite de l’employeur, y compris la légitimité d’une politique introduite par celui-ci, doivent être abordées dans une autre tribuneNote de bas de page 8.

[15] La loi mentionnée par la prestataire indique que le Tribunal peut trancher toute question de fait ou de droit nécessaire pour statuer sur l’appelNote de bas de page 9. Elle n’exige pas que le Tribunal rende une décision sur chaque question soulevée par un prestataire. Dans la présente décision, il n’était pas nécessaire pour trancher l’appel que la division générale ait rendu une décision sur le bien‑fondé de la politique de vaccination de l’employeur. Comme l’a confirmé la division générale, les questions portant sur la validité de la politique ne relèvent pas de sa compétence décisionnelle.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en omettant de décider si la prestataire avait une justification

[16] La prestataire invoque l’article 29 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) et affirme que la division générale a commis une erreur en omettant de décider si la prestataire était fondée à ne pas respecter la politique de l’employeurNote de bas de page 10.

[17] La disposition de la Loi invoquée par la prestataire s’applique aux situations dans lesquelles un prestataire quitte volontairement son emploi, et non à une suspension ou un congédiement pour inconduite. La division générale n’a pas commis d’erreur en omettant de décider si la prestataire était fondée à ne pas respecter la politique. Cette question ne s’inscrit pas de façon pertinente dans l’analyse de l’inconduite.

[18] Les arguments de la prestataire sur la question de la justification sont liés à son droit de refuser de se conformer à la politique parce qu’elle est illégale et qu’elle viole son autonomie corporelleNote de bas de page 11. Il est question de ces points ci-après.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur en omettant de reconnaître les droits de la prestataire

[19] Bon nombre des arguments de la prestataire portent sur sa position selon laquelle la division générale n’a pas reconnu ses droits. Elle renvoie à un certain nombre d’arrêts de la Cour suprême du Canada au sujet des droits d’une personne de refuser un traitement médical et du consentement éclairé.

[20] La prestataire fait valoir que la division générale a annulé les arrêts de la Cour suprême du Canada auxquels elle a renvoyé à l’appui de sa position. Ces arrêts portent sur le droit d’une personne de refuser un traitement médical et sur l’illégalité de la menace, de la coercition et de la contrainte appliquées à une personne. La prestataire soutient également que la division générale n’a pas reconnu la Déclaration canadienne des droits.

[21] On ne peut soutenir que la division générale n’a pas tenu compte du droit de la prestataire de refuser un traitement médical. La division générale a discuté des arrêts de la Cour suprême du Canada soulevés par l’appelante et de son argument selon lequel elle a droit à l’autonomie corporelleNote de bas de page 12.

[22] La division générale a expliqué dans sa décision qu’elle n’a pas compétence pour trancher les questions d’autonomie corporelle, de consentement et de validité de la politiqueNote de bas de page 13. Elle a mentionné et expliqué la jurisprudence pertinente de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale qui étayent cette décision.

[23] La division générale a également tenu compte de l’argument de la prestataire selon lequel la politique devait être conforme à la Déclaration des droitsNote de bas de page 14. Elle a expliqué que d’autres tribunaux administratifs et judiciaires tranchent les questions concernant les violations présumées des droits individuelsNote de bas de page 15.

[24] La division générale a examiné en détail les arguments de la prestataire et la jurisprudence invoquée par celle-ci. Elle a expliqué pourquoi ces arguments ne l’ont pas convaincue et elle n’a pas trouvé la jurisprudence pertinente à la question de l’inconduite. On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur.

On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur en omettant de tenir compte des actions de l’employeur

[25] La prestataire fait valoir qu’elle n’avait pas d’obligation envers son employeur parce que la politique de vaccination était illégale. Elle affirme que la division générale n’a pas analysé comment l’employeur était autorisé à appliquer des menaces, de la coercition et de la contrainte à la prestataire. La prestataire soutient qu’il s’agissait d’une erreur de droit de ne pas expliquer comment la Commission a établi qu’il existait une obligation envers l’employeurNote de bas de page 16.

[26] La division générale a examiné les arguments de la prestataire. Elle a conclu, en se fondant sur de la jurisprudence d’application obligatoire, qu’elle ne peut prendre en considération la conduite de l’employeur ni prendre de décisions à ce sujetNote de bas de page 17. Elle devait examiner la conduite de la prestataire et décider s’il s’agissait d’une inconduite.

[27] La division générale a conclu que l’employeur a le droit de gérer ses activités quotidiennes. Lorsque l’employeur a mis en œuvre la politique de vaccination, celle-ci est devenue une condition expresse de l’emploi de la prestataire. La division générale a expliqué dans ses motifs pourquoi elle a conclu que la prestataire avait bel et bien une obligation envers son employeurNote de bas de page 18. On ne peut soutenir que la division générale a commis une erreur de droit en rendant cette décision.

[28] La division générale a discuté de la décision récente de la Cour fédérale intitulée Cecchetto c Canada (Procureur général) (en anglais seulement) dans ses motifs. Dans cette affaire, l’appelant a soulevé des questions similaires concernant l’autonomie corporelle et le droit de l’employeur de mettre en œuvre une politique de vaccination. Cette décision a confirmé que le Tribunal ne peut tenir compte de la conduite de l’employeur ni de la validité de la politique de vaccinationNote de bas de page 19.

[29] Dans l’affaire Cecchetto, la Cour a convenu qu’un employé qui avait délibérément décidé de ne pas respecter la politique de vaccination de son employeur avait perdu son emploi en raison d’une inconduite. Ce demandeur a également présenté des arguments au sujet de la sécurité de l’autonomie corporelle. La Cour a confirmé qu’en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à régler ces questionsNote de bas de page 20.

[30] Outre les arguments de la prestataire, j’ai également examiné l’autre moyen d’appel. La prestataire n’a relevé aucune injustice procédurale de la part de la division générale et je ne vois aucune preuve d’une telle injustice.

[31] La prestataire n’a signalé aucune erreur de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli. Par conséquent, je refuse l’autorisation d’en appeler.

Conclusion

[32] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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