Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 842

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : E. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de
l’assurance-emploi du Canada (479707) datée du
12 août 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 15 février 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 10 mars 2023
Numéro de dossier : GE-22-2948

Sur cette page

Décision

[1] E. F. est l’appelant dans cette affaire. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi parce que son employeur l’a suspendu en raison d’une inconduite. L’appelant fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de l’appelant. Je conclus que son employeur l’a suspendu en raison d’une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

Aperçu

[3] L’employeur de l’appelant a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. La politique exigeait que tous les membres du personnel prouvent qu’ils étaient vaccinés contre la COVID-19. Ces derniers pouvaient demander une exemption de la politique pour des raisons religieuses ou médicales. L’appelant a demandé à son employeur d’être exempté de politique, mais l’employeur a rejeté sa demande. L’appelant n’a pas fourni de preuve de vaccination à son employeur dans le délai prévu, de sorte que ce dernier l’a mis en congé sans solde.

[4] La Commission affirme que cela signifie que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite. Selon elle, cela s’explique par le fait parce qu’il était au courant de la politique de vaccination et qu’il savait que son employeur le suspendrait s’il ne la suivait pas. De plus, la Commission fait valoir qu’il a choisi délibérément de ne pas suivre la politique de l’employeur.

[5] L’appelant n’est pas d’accord. Il dit que son employeur aurait dû accepter sa demande d’exemption religieuse. Il affirme que son employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation en lui permettant de travailler de la maison. Il affirme également qu’il a le droit de prendre ses propres décisions relativement à ses traitements médicaux sans aucune contrainte.

Question que je dois examiner en premier

J’accepte les documents déposés après l’audience

[6] La Commission a envoyé des documents supplémentaires après l’audience. Elle répondait à une observation que l’appelant a présenté le jour de l’audience. L’appelant avait envoyé une copie d’une décision de la division générale qui, selon lui, était pertinente pour son appel.

[7] J’ai décidé d’accepter le document de la Commission. En effet, j’ai jugé que cela ne créerait pas d’injustice pour l’appelant.

Question en litige

[8] L’appelant a-t-il cessé de travailler en raison d’une inconduite?

Analyse

[9] Pour décider si l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison il a cessé de travailler. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelant a-t-il cessé de travailler?

[10] Je conclus que l’appelant a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendu. J’estime que l’employeur l’a suspendu parce qu’il n’a pas présenté de preuve de vaccination contre la COVID-19 dans le délai imparti par l’employeur.

[11] La Commission dit que je devrais traiter la perte d’emploi de l’appelant comme une suspension. Elle soutient aussi que l’employeur a suspendu l’appelant parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19.

[12] L’appelant affirme que son employeur l’a mis en congé sans solde. Il convient qu’il a cessé de travailler en raison de sa politique de vaccination.

[13] Je traiterai la perte d’emploi de l’appelant comme une suspension. En effet, l’appelant a toujours dit qu’il n’avait pas choisi de quitter son emploi et que son employeur avait choisi de le suspendre temporairement. Il est finalement retourné au travail en mars 2022.

[14] Je considère donc que la meilleure façon d’envisager la perte d’emploi de l’appelant est de la traiter comme une suspension.

[15] L’appelant et la Commission conviennent que l’employeur l’a suspendu en raison de sa politique de vaccination contre la COVID-19. L’employeur s’attendait à ce que l’appelant présente une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant la date limite. L’appelant ne l’a pas fait et son employeur a rejeté sa demande d’exemption de la politique. C’est la seule raison de la suspension de l’appelant.

[16] Je dois donc maintenant décider si les actions de l’appelant constituent une inconduite au sens de la loi.

La raison de la suspension de l’appelant est-elle une inconduite au sens de la loi?

[17] Je conclus que la raison de la suspension de l’appelant est une inconduite au sens de la loi.

[18] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres terme, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 1. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 2. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite au sens de la loiNote de bas de page 3.

[19] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu pour cette raisonNote de bas de page 4.

[20] La Commission doit prouver que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

[21] La Commission affirme que l’employeur a suspendu l’appelant en raison d’une inconduite. Elle dit qu’il était au courant de la politique de vaccination, qu’il savait que son employeur le suspendrait s’il ne la respectait pas et qu’il savait que son employeur n’avait pas approuvé sa demande d’exemption. La Commission affirme que l’appelante a agi délibérément lorsqu’il a décidé de ne pas suivre la politique de l’employeur.

[22] L’appelant n’est pas d’accord. Il avance que son employeur aurait dû accéder à sa demande d’exemption religieuse. Il dit que son employeur aurait pu lui offrir des mesures d’adaptation. Il affirme que son employeur ne pense pas qu’il a cessé de travailler en raison d’une inconduite et qu’il a le droit de prendre ses propres décisions relativement à ses traitements médicaux.

[23] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que l’appelant a perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[24] L’appelant et la Commission sont d’accord sur de nombreux faits fondamentaux de cet appel. Puisqu’ils s’entendent sur ces faits, je peux accepter les renseignements suivants sur la politique de l’employeur et les actions de l’appelant.

[25] L’appelant reconnaît qu’il était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il convient que l’employeur l’a avisé de la politique en la lui envoyant par courriel. L’appelant reconnaît que son employeur s’attendait dans le cadre de cette politique à ce qu’il présente une preuve de vaccination contre la COVID-19. La politique permettait aux membres du personnel de demander une exemption pour certaines raisons. L’appelant a donc demandé à son employeur une exemption de la politique pour des raisons religieuses.

[26] L’employeur de l’appelant a rejeté la demande d’exemption de l’appelant. L’appelant reconnaît qu’il savait que son employeur avait rejeté sa demande avant la date limite. Il pas présenté à son employeur de preuve de vaccination dans le délai prévu.

[27] La politique prévoit que l’employeur mettrait les membres du personnel non vaccinés en congé sans solde à compter du 30 novembre 2021. L’appelant convient que cela figurait dans la politique. Cependant, il a déclaré à l’audience qu’il n’était pas sûr de ce qu’il adviendrait de son emploi après la date limite. En effet, il a dit que son employeur ne lui avait donné aucune chance de discuter de la politique.

[28] Même si l’appelant dit qu’il n’était pas certain que son employeur le suspendrait après la date limite, je pense qu’il aurait raisonnablement dû savoir qu’il était probable que l’employeur le suspende. En effet, la politique de l’employeur prévoit clairement la suspension des employés non vaccinés.

[29] Je comprends que l’appelant allègue que son employeur aurait dû lui accorder une exemption. Il dit que son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation et qu’il ne considère pas ses actions comme une inconduite. Il affirme que la politique de son employeur est injuste.

[30] Aucun de ces arguments ne me convainc. Ce n’est pas à l’employeur de décider si l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite. En effet, je dois examiner les faits et la loi et décider moi-même s’il y a eu inconduite. La jurisprudence dit que je ne peux pas accepter l’opinion de l’employeur sur la question de savoir s’il y a eu inconduite ou nonNote de bas de page 6.

[31] Je comprends également que l’appelant pense que je devrais suivre le raisonnement d’un autre membre du Tribunal dans la décision qu’il a présentée après l’audienceNote de bas de page 7.

[32] Je ne suis pas convaincue par cette décision. Je ne la suivrai pas dans ma décision.

[33] Le Tribunal essaie de rendre des décisions cohérentes. Autrement dit, les membres du Tribunal doivent essayer de suivre les décisions de leurs collègues. Mais certaines décisions sont aberrantes. Il arrive que la loi y soit interprétée différemment et qu’elles se fondent sur la même jurisprudence pour parvenir à une nouvelle conclusion. Les membres du Tribunal n’ont pas l’obligation de suivre les autres décisions du Tribunal. Cependant, les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale font partie du droit et je suis obligée de les suivre.

[34] De plus, la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont toujours affirmé dans leurs décisions que je ne peux pas examiner les actions de l’employeur lorsque je rends une décision sur une inconduite. Je ne peux pas regarder si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à l’appelant ou lui accorder une exemption. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur était équitable ou justifiée. Je ne peux qu’examiner les actions de l’appelant et décider si les raisons pour lesquelles il a été suspendu remplissent le critère de l’inconduiteNote de bas de page 8.

[35] Et même si d’autres décisions du Tribunal ne font pas partie du droit, je tiens à souligner que, dans de nombreuses décisions, la division générale et la division d’appel ont examiné des situations semblables à la présente affaire et ont décidé que le refus de se faire vacciner contre la COVID-19 peut constituer une inconduite. Plus précisément, de nombreuses décisions de la division d’appelNote de bas de page 9 conviennent qu’il y a inconduite dans les circonstances suivantes :

  • L’employeur a une politique claire sur la vaccination contre la COVID-19.
  • L’employeur avise son personnel de la politique et lui donne assez de temps pour s’y conformer.
  • La politique précise clairement les conséquences d’un refus de la suivre.
  • Par conséquent, les membres du personnel savent ou devraient raisonnablement savoir que les personnes qui ne respectent pas la politique perdront probablement leur emploi ou seront suspendues.
  • Malgré cela, la personne fait le choix délibéré de ne pas suivre la politique.

[36] Je juge que toutes ces circonstances sont réunies dans le présent appel.

[37] L’appelant connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Il a été avisé de la politique avant la date limite. Il savait que la politique prévoyait que l’employeur le suspendrait s’il ne présentait pas de preuve de vaccination. Il savait que l’employeur avait refusé sa demande d’exemption de la politique. Malgré cela, il a délibérément choisi de ne pas suivre la politique.

[38] Je conclus donc que l’employeur a suspendu l’appelant en raison d’une inconduite. Ma décision est conforme à la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale. Elle concorde aussi avec de nombreuses autres décisions du Tribunal.

Conclusion

[39] Je rejette l’appel de l’appelant. Je conclus que son employeur l’a suspendu en raison d’une inconduite. Par conséquent, il ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

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