Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : GF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 830

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : G. F.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (535133) datée du 7 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Raelene R. Thomas
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 13 décembre 2022
Personnes participant à l’audience : Appelant
Représentante de l’appelant
Date de la décision : Le 5 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3267

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec le prestataireNote de bas de page 1.

[2] Le prestataire n’a pas démontré qu’il avait été fondé (c’est-à-dire qu’il avait une raison acceptable selon la loi) à quitter son emploi. Le prestataire n’était pas fondé à quitter son emploi parce que son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, il est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] Le prestataire a quitté son emploi le 29 avril 2022 et demandé des prestations d’assurance-emploi. Il a quitté son emploi pour aller rejoindre sa petite amie, maintenant fiancée, là où elle vivait. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a examiné les raisons de son départ. Elle a ultimement décidé que le prestataire avait quitté volontairement son emploi (c’est-à-dire qu’il avait choisi de quitter son emploi) sans justification. Par conséquent, il ne pouvait pas recevoir de prestations.

[4] Je dois décider si le prestataire a prouvé que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas.

[5] La Commission affirme que le prestataire aurait pu trouver un nouvel emploi dans sa nouvelle région avant de quitter volontairement le sien.

[6] Le prestataire n’est pas d’accord. Il affirme qu’il avait effectivement essayé de trouver un emploi dans sa nouvelle province. Il dit qu’il avait fait des allers-retours vers la nouvelle province pour se renseigner sur des emplois en boucherie, cadrant avec son expérience. La représentante du prestataire estime que le prestataire a prouvé que son départ avait été fondé, vu la nécessité, comme conjoint, qu'il l'accompagne vers son lieu de résidence.

Question en litige

[7] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations parce qu’il a quitté volontairement son emploi sans justification?

[8] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider si ce départ était fondé.

Analyse

Les parties conviennent que le prestataire a quitté volontairement son emploi

[9] Les parties, soit le prestataire et la Commission, conviennent que le prestataire a quitté son emploi. J’admets que le prestataire a quitté volontairement son emploi. Le prestataire convient qu’il a démissionné le 29 avril 2022. Je ne vois aucune preuve à l’effet contraire.

Les parties ne s’entendent pas pour dire que le départ était fondé

[10] Les parties ne sont pas d’accord pour dire que le prestataire aurait été fondé à quitter volontairement son emploi.

[11] Selon la loi, une personne est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justificationNote de bas de page 2. Une bonne raison ne suffit pas à prouver qu’il y avait une justification au départ.

[12] La loi explique ce que signifie d’être « fondé à ». Selon la loi, une personne est fondée à quitter son emploi si son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. La loi dit aussi que je dois tenir compte de toutes les circonstancesNote de bas de page 3.

[13] C’est au prestataire qu’il revient de prouver qu’il a été fondé à quitter volontairement son emploiNote de bas de page 4. Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Il doit ainsi démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que son départ était la seule solution raisonnable dans son cas. Pour décider si le prestataire était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances présentes au moment de son départ.

[14] Le prestataire a expliqué qu’il avait renoué avec sa fiancée en 2021. Il travaillait dans une autre province depuis environ 40 ans, mais revenait régulièrement dans sa province natale. Le prestataire a déclaré qu’il louait sa résidence. Ils avaient décidé ensemble qu’il déménagerait pour la rejoindre. Ils ont commencé à vivre ensemble le 6 mai 2022, lorsqu’il a emménagé chez elle et qu’ils ont commencé à partager les obligations financières. 

[15] La fiancée du prestataire, qui est aussi sa représentante, a témoigné sous serment. Elle a affirmé qu’ils n’avaient pas l’intention de se marier au moment où le prestataire a emménagé avec elle. Ils se sont fiancés en octobre 2022. Ils ne sont toujours pas mariés.

[16] Le prestataire a travaillé dans la recherche et le développement de produits de viande et de viande fumée pour la vente au détail. Il a affirmé qu’il prenait régulièrement des vacances dans sa province natale. Il communiquait alors avec un boucher pour s’informer des possibilités d’emploi. En octobre 2021, il avait revérifié auprès du boucher, mais celui-ci lui avait dit que son équipe était complète. En janvier 2022, le prestataire a rapporté qu’on lui avait dit de se renseigner à nouveau lorsqu’il serait prêt à déménager.  Il avait également vérifié si d’autres détaillants en alimentation avec du travail pour lui.

[17] La représentante du prestataire a dit qu’elle lui avait envoyé des liens pour des emplois affichés sur Guichet-Emplois et Career Beacon. Le prestataire avait créé un CV en octobre 2021, mais il ne l’avait envoyé à aucun employeur avant de quitter son emploi.  Le prestataire a dit qu’il s’était aussi renseigné sur des occasions d’emplois auprès de ses amis et des membres de sa famille lorsqu’il revenait les visiter. C’était pour du travail en construction. Le prestataire n’a postulé à aucun emploi avant de cesser de travailler. Compte tenu de son expérience, il a dit qu’il avait aussi envisagé de se lancer en affaires comme consultant en recherche et développement. Il avait une connaissance qui lui serait utile pour démarrer une entreprise d’installation de fumoirs commerciaux.

[18] Selon la Commission, le prestataire n’avait pas été fondé à quitter son emploi puisque son départ n’était pas la seule solution raisonnable dans son cas. Plus précisément, elle dit que le prestataire aurait pu trouver un emploi dans sa nouvelle province avant de quitter le sien.

[19] Parmi les circonstances à considérer, la loi nomme la « nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidenceNote de bas de page 5 ».

[20] Pour l’application de la Loi sur l’assurance-emploi, le prestataire doit avoir cohabité avec sa conjointe depuis au moins un an pour qu’elle soit considérée comme sa conjointe de faitNote de bas de page 6.  Le prestataire a témoigné que sa fiancée et lui entretenaient une relation à distance. Ils vivaient ensemble lorsqu’ils se rendaient visite. Le prestataire et sa fiancée n’avaient pas l’intention immédiate de se marier au moment où il a quitté son emploi. Ils ne prévoyaient pas d'avoir un enfant et n’avaient pas d’enfant ensemble. Comme le prestataire et sa fiancée ne cohabitaient pas depuis un an quand il a quitté son emploi, elle n’était pas son épouse ni sa conjointe de fait aux yeux de la Loi. Par conséquent, je conclus que le prestataire n’avait pas la nécessité d’accompagner une épouse ou une conjointe de fait vers un autre lieu de résidence lorsqu’il a quitté son emploi.

[21] Je souligne par ailleurs la distinction entre les concepts de « motif valable » et de « justification » en matière de départ volontaire. Il ne suffit pas que le prestataire prouve qu’il a agi raisonnablement en quittant son emploi. Le fait d’être raisonnable peut constituer un motif valable, mais pas une justification au départ. Il faut plutôt démontrer que le départ du prestataire était la seule solution raisonnable dans son cas, compte tenu de toutes les circonstancesNote de bas de page 7.

[22] Dans la plupart des cas, le prestataire a l’obligation de montrer qu’il a fait des efforts pour trouver un autre emploi avant de décider unilatéralement de quitter le sienNote de bas de page 8. 

[23] Je juge que le prestataire n’a pas prouvé selon la prépondérance des probabilités que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas. J’admets que le prestataire croyait fermement que d’emménager avec sa petite amie était la meilleure décision pour eux deux. Même si son déménagement vers une autre province a pu être un bon choix sur le plan personnel, il demeure que son départ n’était pas sa solution raisonnable et qu’il n’avait donc pas été fondé à quitter son emploi. Compte tenu de toutes les circonstances, je pense qu’une solution raisonnable à son départ aurait été de faire un effort sérieux pour trouver un emploi dans sa nouvelle province avant de faire le choix personnel de déménager. Même si certaines conversations avaient eu lieu, avec un seul employeur, ils avaient discuté de façon hypothétique sur la possibilité qu’il y ait du travail quand le prestataire se déciderait à déménager. Il n’avait postulé à aucun emploi dans sa nouvelle province avant de quitter le sien. À mon avis, il ne s’agit pas là d’un effort sérieux pour trouver un emploi avant de quitter celui qu’on occupe. Par conséquent, compte tenu de toutes les circonstances, je conclus que le prestataire n’était pas arrivé au bout des solutions raisonnables dont il disposait. Le prestataire n’a donc pas démontré que son départ avait été la seule solution raisonnable dans son cas. Par conséquent, je conclus que le départ volontaire du prestataire ne remplit pas le critère de la justification au départ volontaire, comme l’exigent la Loi et la jurisprudence vues plus haut.

Conclusion

[24] Je conclus que le prestataire est exclu du bénéfice des prestations.

[25] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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