Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : EF c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 841

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : E. F
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 10 mars 2023
(GE-22-2948)

Membre du Tribunal : Neil Nawaz
Date de la décision : Le 23 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-278

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Décision

[1] Je refuse au prestataire la permission de faire appel parce qu’il n’a pas de cause défendable. L’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire, E. F., est un fonctionnaire provincial. Le 30 novembre 2021, il a été mis en congé sans solde après avoir omis de présenter une preuve qu’il avait été vacciné contre la COVID-19. La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé qu’elle n’avait pas à lui verser de prestations d’assurance-emploi parce que le non-respect de la politique de vaccination de son employeur constituait une inconduite.

[3] La division générale du Tribunal a rejeté l’appel du prestataire. Elle a conclu qu’il avait délibérément enfreint la politique de vaccination de son employeur. Elle a estimé que le prestataire savait ou aurait dû savoir que le non-respect de la politique entraînerait probablement sa suspension ou son congédiement.

[4] Le prestataire demande maintenant la permission de faire appel de la décision de la division générale. Il soutient que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve selon lesquels il avait une raison légitime d’être exempté de la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

Question en litige

[5] Il y a quatre moyens d’appel à la division d’appel. La partie prestataire doit démontrer que la division générale :

  • a agi de façon inéquitable;
  • a outrepassé sa compétence ou a refusé de l’exercer;
  • a mal interprété la loi;
  • a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 1.

[6] Avant que l’appel du prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succèsNote de bas de page 2. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas de page 3. Si le prestataire n’a pas de cause défendable, l’affaire prend fin maintenant.

[7] À cette étape-ci, je dois décider s’il est possible de soutenir que la division générale a ignoré les raisons pour lesquelles le prestataire affirme qu’il pouvait être exempté de la politique de vaccination de son employeur.

Analyse

[8] J’ai examiné la décision de la division générale ainsi que le droit et les éléments de preuve qui l’ont menée à cette décision. J’ai conclu que la cause du prestataire n’est pas défendable.

On ne peut pas soutenir que la division générale a ignoré ou mal interprété la preuve

[9] Devant la division générale, le prestataire a soutenu qu’il n’était pas coupable d’inconduite parce qu’il n’avait rien fait de mal. Il a affirmé que la vaccination n’a jamais été une condition d’emploi. Il a présenté une lettre de son église décrivant ses objections religieuses au développement du vaccin.

[10] Étant donné le droit relatif à l’inconduite, ces arguments ne pouvaient pas être retenus. Après avoir examiné la preuve à sa disposition, la division générale a tiré les conclusions suivantes :

  • L’employeur du prestataire était libre d’établir et d’appliquer des politiques de vaccination et de dépistage comme il l’entendait.
  • L’employeur du prestataire a adopté une politique claire qu’il a communiquée à son personnel : chaque personne devait prouver qu’elle avait été vaccinée.
  • Le prestataire savait que le non-respect de la politique à une certaine date entraînerait la perte de son emploi.
  • Le prestataire a intentionnellement refusé de se faire vacciner dans les délais fixés par son employeur.
  • Le prestataire n’a pas réussi à convaincre son employeur qu’il remplissait les conditions requises pour obtenir une exemption religieuse au titre de la politique.

[11] Ces conclusions semblent refléter fidèlement le témoignage du prestataire ainsi que les documents au dossier. La division générale a conclu que le prestataire était coupable d’inconduite parce que ses gestes étaient délibérés et vraisemblablement susceptibles de mener à sa suspension. C’était tout ce qu’il fallait pour établir qu’il y a eu inconduite au sens de la loi.

On ne peut pas soutenir que la division générale a mal interprété la loi

[12] Lorsqu’il s’agit d’évaluer s’il y a eu inconduite, le Tribunal ne peut pas examiner le bien-fondé d’un différend entre une personne employée et son employeur. Cette interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi peut sembler injuste au prestataire, mais les tribunaux l’ont adoptée à maintes reprises et la division générale était tenue de suivre.

On entend par inconduite toute action intentionnelle et susceptible d’entraîner la perte d’un emploi

[13] Le prestataire soutient que la politique de vaccination obligatoire de son employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux. Il insiste sur le fait que rien dans la loi n’obligeait son employeur à mettre en œuvre une politique de vaccination obligatoire. Il allègue que la division générale n’a pas tenu compte des éléments de preuve montrant qu’il remplissait les conditions requises pour obtenir une exemption au titre de la politique.

[14] Je peux comprendre la frustration du prestataire, mais, compte tenu de la loi telle qu’elle existe, je suis d’avis que ses arguments ne sont pas fondés.

[15] Comme nous l’avons vu, la division générale a bel et bien abordé les éléments de preuve du prestataire selon lesquels il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption. Cependant, elle a décidé que son admissibilité à une exemption était strictement une question entre lui et son employeur.

[16] La division générale a défini l’inconduite comme suit :

[P]our qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelle. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibérée. Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (c’est‑à‑dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi.

Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspension pour cette raisonNote de bas de page 4.

[17] Ces paragraphes montrent que la division générale a bien résumé le droit relatif à l’inconduite. Elle a ensuite conclu à juste titre que lorsqu’elle évalue l’admissibilité à l’assurance-emploi, elle n’a pas le pouvoir de décider si les politiques d’un employeur sont raisonnables, justifiables ou même légales.

Les contrats de travail n’ont pas à définir l’inconduite de façon explicite

[18] Devant la division générale, le prestataire a soutenu que rien dans son contrat de travail ne l’obligeait à se faire vacciner contre la COVID-19. Cependant, selon la jurisprudence, là n’est pas la question. Ce qui importe, c’est de savoir si l’employeur a adopté une politique de vaccination et si la personne employée l’a ignoré de façon délibérée. Dans sa décision, la division générale a formulé les choses ainsi :

De plus, la Cour d’appel fédérale et la Cour fédérale ont toujours affirmé dans leurs décisions que je ne peux pas examiner les actions de l’employeur lorsque je rends une décision sur une inconduite. Je ne peux pas regarder si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à l’appelant ou lui accorder une exemption. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur était équitable ou justifiée. Je ne peux qu’examiner les actions de l’appelant et décider si les raisons pour lesquelles il a été suspendu remplissent le critère de l’inconduiteNote de bas de page 5.

[19] Le prestataire dit qu’il s’oppose à la vaccination en raison de ses convictions religieuses profondes. Il accuse la division générale d’avoir ignoré cette objection ainsi que les éléments de preuve selon lesquels il remplissait les conditions requises pour bénéficier d’une exemption au titre de la politique de vaccination de son employeur.

[20] Toutefois, la division générale n’a pas ignoré la tentative du prestataire d’obtenir une exemption religieuse. Dans sa décision, elle a écrit ce qui suit :

Je comprends que l’appelant allègue que son employeur aurait dû lui accorder une exemption. Il dit que son employeur aurait dû lui offrir des mesures d’adaptation et qu’il ne considère pas ses actions comme une inconduite. Il affirme que la politique de son employeur est injuste.

Aucun de ces arguments ne me convainc. Ce n’est pas à l’employeur de décider si l’appelant a cessé de travailler en raison d’une inconduite. En effet, je dois examiner les faits et la loi et décider moi-même s’il y a eu inconduite. La jurisprudence dit que je ne peux pas accepter l’opinion de l’employeur sur la question de savoir s’il y a eu inconduite ou nonNote de bas de page 6.

[21] Le prestataire peut trouver cela injuste, mais la division générale ne pouvait pas examiner ce que son employeur a fait ou n’a pas fait. La division générale devait plutôt se concentrer sur le comportement du prestataire et sur la question de savoir si ce comportement constituait une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi et la jurisprudence connexe.

[22] Dans l’affaire Lemire, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

Il ne s’agit pas, cependant, de décider si le congédiement est justifié ou non au sens du droit du travail, mais plutôt de déterminer selon une appréciation objective de la preuve s’il s’agit d’une inconduite telle que son auteur pouvait normalement prévoir qu’elle serait susceptible d’entraîner son congédiementNote de bas de page 7.

[23] Dans l’affaire Lemire, la Cour fédérale a conclu qu’un employeur avait raison de considérer comme une inconduite le fait qu’un employé affecté à la livraison de nourriture organisait en parallèle la vente de cigarettes à sa clientèle. La Cour a conclu que c’était une inconduite même si l’employeur n’avait pas de politique interdisant de façon explicite une telle conduite.

Une nouvelle affaire valide l’interprétation de la division générale

[24] Une décision récente a réaffirmé cette approche permettant d’évaluer l’inconduite dans le contexte précis de l’obligation de se faire vacciner contre la COVID-19. Comme dans la présente affaire, l’affaire Cecchetto portait sur le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de son employeur sur la vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 8. La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle la loi n’autorise pas le Tribunal à trancher ces questions :

Malgré les arguments du demandeur, rien ne justifie l’annulation de la décision de la division d’appel parce qu’elle n’a pas évalué le bien-fondé, la légitimité ou la légalité de la directive no 6 [la politique du gouvernement de l’Ontario sur la vaccination contre la COVID-19] ni rendu de décision à ce sujet. Ce genre de conclusion ne relevait pas du mandat ou de la compétence du Tribunal de la sécurité sociale, que ce soit à la division d’appel ou à la division généraleNote de bas de page 9.

[25] La Cour fédérale a convenu qu’en choisissant délibérément de ne pas suivre la politique de vaccination de son employeur, M. Cecchetto avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. La Cour a précisé que le système juridique offrait d’autres voies par lesquelles le prestataire aurait pu porter plainte pour congédiement injustifié ou atteinte aux droits de la personne.

[26] Dans la présente affaire, tout comme dans l’affaire Cecchetto, les seules questions qui comptent sont de savoir si le prestataire a enfreint la politique de vaccination de son employeur et, dans l’affirmative, si cette infraction était délibérée et vraisemblablement susceptible d’entraîner sa suspension ou son congédiement. Dans la présente affaire, la division générale avait de bonnes raisons de répondre « oui » aux deux questions.

Conclusion

[27] Pour les raisons susmentionnées, je ne suis pas convaincu que l’appel ait une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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