Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AG c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2022 TSS 1617

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : A. G.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (459555) datée du 23 mars 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Teresa M. Day
Mode d’audience : Téléconférence
Dates des audiences : Les 16 août 2022 et 21 septembre 2022
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 22 septembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1271

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Décision

[1] L’appel est accueilli.

[2] Le prestataire (qui est l’appelant dans le présent appel) a prouvé qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi chez P le 27 septembre 2021.

[3] Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour avoir quitté volontairement son emploi sans justification.

Aperçu

[4] Le prestataire a été mis à pied de chez P le 23 avril 2021 et a demandé des prestations régulières d’assurance-emploi. En septembre 2021, pendant sa période de prestations, il a reçu une offre de rappel, mais a refusé de retourner au travail parce qu’on lui avait offert une rétrogradation. L’employeur a ensuite émis un relevé d’emploi (relevé) indiquant qu’il avait quitté son emploi chez P après son dernier jour de travail rémunéré le 27 septembre 2021. L’intimée (la Commission) a enquêté sur le motif de la cessation d’emploi du prestataire et a décidé qu’il avait quitté son emploi sans justification. La Commission a imposé une exclusion du bénéfice des prestations applicable à sa demande au motif qu’il avait quitté son emploi volontairement sans justification. Il ne pouvait donc pas toucher de prestations d’assurance-emploi à compter du 26 septembre 2021Note de bas de page 1.

[5] Le prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision. Il a dit qu’il avait été rétrogradé, que l’employeur lui avait intentionnellement causé de la détresse mentale et qu’il ne pouvait plus tolérer l’environnement de travail toxique. Il a également dit qu’il éprouvait des problèmes de santé mentale en raison de la conduite de l’employeur à son égard.

[6] La Commission a maintenu l’exclusion, et l’appelant a interjeté appel auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada.

[7] Je dois décider si le prestataire a démontré que son départ constituait la seule solution raisonnable au moment où il l’a fait.

[8] Le prestataire affirme qu’il a refusé l’offre de rappel parce qu’il s’agissait d’une rétrogradation importante au chapitre de la rémunération et des responsabilités et parce que l’employeur le harcelait au travail, ce qui a donné lieu à un environnement de travail toxique et a nui à sa santé mentale. Il affirme qu’il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi.

[9] La Commission affirme que le prestataire avait un certain nombre d’autres solutions raisonnables que de quitter son emploi lorsqu’il l’a fait : il aurait pu retourner au travail lorsqu’il a été rappelé, préservant ainsi son emploi; il aurait pu consulter son médecin pour obtenir une preuve médicale à l’appui de son départ; et il aurait pu obtenir un emploi plus convenable avant de quitter son emploi.

[10] Je suis d’accord avec le prestataire. Voici les motifs de ma décision.

Question en litige

[11] Le prestataire est-il exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification?

[12] Pour répondre à cette question, je dois d’abord traiter du départ volontaire du prestataire. Je dois ensuite décider s’il était fondé à quitter son emploi.

Analyse

Question en litige no 1 : Le prestataire a-t-il quitté volontairement son emploi?

[13] Oui, il l’a fait.

[14] Selon le relevé du prestataire, il était à l’emploi de P jusqu’au 27 septembre 2021, date à laquelle l’employeur a dit qu’il avait « démissionné » (page GD3-16).

[15] Les parties conviennent que le prestataire a volontairement quitté son emploi. Rien ne prouve le contraire.

[16] Le prestataire a amorcé la cessation de la relation d’emploi lorsqu’il a informé l’employeur qu’il n’accepterait pas l’offre de rappel. Ce faisant, le prestataire a refusé de reprendre son emploi à un moment où l’employeur avait du travail pour luiNote de bas de page 2.

[17] Je conclus donc qu’il a quitté volontairement son emploi après son dernier jour de travail rémunéré, le 27 septembre 2021.

Question en litige no 2 : Le prestataire était-il fondé à quitter son emploi volontairement?

[18] Les parties ne conviennent pas que le prestataire était fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a fait.

[19] La loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi s’il n’était pas fondé à quitter volontairement son emploi lorsqu’il l’a faitNote de bas de page 3.

[20] Le fait d’avoir une bonne raison de quitter un emploi ne suffit pas pour prouver l’existence d’une justification.

[21] La loi explique ce qu’elle entend par « justification ». Elle prévoit que le prestataire est fondé à quitter son emploi au moment où il le fait si son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[22] Il appartient au prestataire de prouver qu’il avait une justificationNote de bas de page 4.

[23] Il doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est probable que sa seule option raisonnable était de démissionner le 27 septembre 2021.

[24] Avant de décider s’il était fondé à quitter son emploi, je dois examiner toutes les circonstances au moment de son départNote de bas de page 5.

[25] Le prestataire affirme qu’il était fondé à quitter son emploi parce que l’offre de rappel était une rétrogradation et que le comportement de l’employeur à son égard a créé un milieu de travail toxique qui nuisait à sa santé mentale.

[26] Le prestataire a déclaré ce qui suit à l’audience :

  • Il n’a jamais voulu démissionner.
  • P a procédé à sa mise à pied « sans raison » en 2020 et de nouveau en avril 2021.
  • P n’avait pas l’intention de le rappeler après l’une ou l’autre des mises à pied parce qu’ils avaient décidé de se débarrasser de lui.
  • Lorsqu’ils l’ont rappelé en septembre 2021, ce n’est qu’après que son avocat eut avisé P qu’il avait l’intention d’intenter une poursuite pour congédiement injustifié et infliction intentionnelle de détresse mentaleNote de bas de page 6.
  • P ne voulait pas vraiment qu’il revienne au travail. Ils voulaient juste éviter de lui payer quoi que ce soit pour sa poursuite.
  • Il a commencé comme représentant commercial chez P en 2011, alors qu’il s’agissait d’une petite entreprise.
  • Après 1 an comme représentant commercial, il a été promu au poste de directeur adjoint des ventes. L’année suivante, il a été promu au poste de directeur des ventes. Par la suite, il a été promu au poste de directeur du développement des affaires.
  • En tant que directeur, il avait des représentants commerciaux sous ses ordres.
  • Après 10 ans de travail pour P, l’entreprise était « en plein essor » grâce à ses efforts. Il recevait des commissions pour des ventes importantes et attirait de nouveaux clients, et sa rémunération augmentait chaque année.
  • Au moment de ses mises à pied, il amenait des clients de très grande valeur et des commandes importantes pour P.
  • P appartient à deux personnes. Il relevait directement de celles-ci. Ces individus étaient ses patrons.
  • Les propriétaires ont décidé qu’ils voulaient son départ de l’entreprise afin qu’ils puissent économiser son salaire et « se saisir » de ses commissions en prenant pour eux-mêmes les clients générateurs de profits qu’il avait trouvés.
  • Ils l’ont donc mis à pied en mai 2020 pendant 1,5 mois. Cependant, ils n’avaient pas établi le lien personnel qu’il avait tissé avec les clients, alors ils l’ont ramené pour qu’il les présente à tous ses clients afin qu’ils puissent prendre la relève lorsqu’ils se débarrasseraient de lui.
  • Entre juillet 2020 et décembre 2020, les deux propriétaires de P l’ont forcé à leur présenter « chacun » de ses clients par téléphone ou par vidéoconférence.
  • Ainsi, les propriétaires ont commencé à établir les liens nécessaires pour travailler avec ses clients sans lui.
  • Pendant la majeure partie du temps qu’il a passé chez P, l’environnement de travail était stressant et « difficile » en raison du comportement des deux propriétaires. Ils criaient régulièrement après les gens, et ils étaient très impolis envers les employés.
  • Pendant environ 9 ans avant sa mise à pied en mai 2020, il a tenté de garder la tête baissée et de se concentrer sur son travail. P était en croissance et devenait plus rentable, et il voulait conserver son emploi.
  • Cependant, en décembre 2020, sa relation avec les deux propriétaires a pris une tournure étrange et inattendue.
  • Ce qu’il considérait auparavant comme un comportement « difficile » et grossier à son égard [traduction] « est soudainement passé de mauvais à intolérable ».
  • Les deux propriétaires ont commencé à l’humilier et à l’embarrasser délibérément au travail. En outre, ils se sont mis à crier davantage après lui au travail.
  • Il croit maintenant que les propriétaires étaient arrivés au point (après que le prestataire a eu présenté ces derniers à tous ses clients) où ils pensaient pouvoir se débrouiller sans lui et économiser ce qu’ils lui versaient. Ils ont donc décidé de se débarrasser de lui.
  • Dans un premier temps, il rédigeait ses vœux annuels de Noël et du Nouvel An à ses clients lorsque l’un des propriétaires est venu et a regardé ce que son écran affichait. Le propriétaire a bruyamment ri et l’a « rabaissé » pour sa formulation. Le propriétaire s’est moqué de lui pour avoir même envoyé une telle chose. Pourtant, ce propriétaire savait que le prestataire le faisait chaque année et n’avait jamais fait de commentaires auparavant. Mais cette fois — en décembre 2020 —, le propriétaire l’a ouvertement ridiculisé devant un groupe de collègues.
  • Les propriétaires savaient qu’il était « émotif » et qu’il se sentirait « blessé » par de tels événements.
  • Entre décembre 2020 et sa deuxième mise à pied en avril 2021, les propriétaires ont fait ce genre de choses « des centaines de fois par jour » pour l’amener à démissionner.
  • Dans un autre cas, le propriétaire a ouvertement commencé à parler de la rémunération du prestataire devant un groupe de collègues. Le salaire annuel de base du prestataire était alors de 52 000 $, salaire auquel des commissions se sont ajoutées. Le propriétaire a vigoureusement proclamé devant le groupe qu’il [traduction] « donnait » au prestataire un salaire annuel de 120 000 $.
  • C’était non seulement faux, mais également humiliant parce que le prestataire devait alors le corriger en disant que sa rémunération totale n’avait jamais totalisé 120 000 $. Tout l’échange s’est révélé stressant et inapproprié, et il s’est senti humilié par la façon dont le propriétaire « répandait ce chiffre » et de fausses informations devant des collègues.
  • Les propriétaires ont aussi commencé à utiliser régulièrement des grossièretés avec lui, ce qui était « très condescendant ».
  • Dans un autre cas, l’un des propriétaires s’est adressé à un groupe d’employés de vente et s’est montré « furieux » à propos de la baisse de ses chiffres de vente, mais ces chiffres étaient faux. Le prestataire, en tant que directeur des ventes, a envoyé un courriel au propriétaire par la suite pour le corriger. Dans ce même courriel, il a demandé pourquoi le propriétaire avait tendance à humilier le prestataire dans son envolée. Le prestataire a demandé d’avoir une discussion pour régler les choses, mais cela ne s’est jamais produit.
  • Cette escalade de laideur envers lui était un nouveau comportement de la part des propriétaires. Les propriétaires se faisaient un devoir de le rabaisser tous les jours.
  • De plus, à compter de décembre 2020, les propriétaires sont soudainement devenus réticents à lui verser ses commissions. Ils ont commencé à l’interroger « sur tout ».
  • Ses clients lui ont donné des « références élogieuses » et étaient très satisfaits. Et il obtenait encore de nouveaux clients, « même en période de Covid ».
  • Les propriétaires ont cependant commencé à « refuser carrément » de payer des commissions sur ses nouvelles références, même s’il avait lui-même obtenu ces clients. Les propriétaires ont dit qu’ils ne considéraient pas qu’il s’agissait de ses clients et ont catégoriquement refusé de payer des commissions sur ces comptes.
  • Entre décembre 2020 et avril 2021, les propriétaires lui ont intentionnellement causé de la détresse mentale par ce nouveau comportement et ces changements unilatéraux. Cela nuisait à sa santé mentale et il avait l’impression qu’il [traduction] « ne pouvait même pas respirer » au travail.
  • Il a consulté son médecin de famille qui l’a dirigé vers un psychiatre.
  • Le psychiatre n’a jamais dit qu’il devait quitter son emploi. Il lui a conseillé [traduction] « de parler à l’employeur et d’essayer de résoudre ces problèmes ou de trouver un autre emploi ».
  • Puis en avril 2021, P l’a mis à pied.
  • Il n’y a eu aucune communication avec P pendant plus de quatre mois — jusqu’à ce que l’avocat du prestataire les avise qu’il allait les poursuivre pour l’avoir congédié de manière injustifiée et pour lui avoir infligé intentionnellement de la détresse mentale.
  • Par la suite, P l’a rappelé au travail en septembre 2021.
  • Cependant, quand ils l’ont fait, c’était une rétrogradation.
  • L’offre de rappel indiquait qu’il passerait du poste de directeur des ventes à celui de « représentant commercial interne ».
  • Il s’agit du rôle de vente le plus bas. C’est encore plus bas que le rôle qu’il avait lorsqu’il a commencé 10 ans plus tôt.
  • Le titulaire d’un poste de représentant commercial interne n’occupe pas un poste de direction, ce qui signifie que dans la hiérarchie, il serait inférieur aux représentants qui travaillaient sous sa direction.
  • Cela signifiait également qu’il ne ferait affaire qu’avec les « clients internes » de P et qu’il ne serait pas autorisé à « aller chercher d’autres clients » pour lesquels il pourrait toucher des commissions.
  • Et cela signifiait qu’il n’aurait pas droit aux commissions sur les commandes des clients qu’il avait avant sa mise à pied. Il s’agissait de la clientèle qu’il avait bâtie au cours de ses 10 ans d’emploi chez P.
  • Son salaire annuel de base serait toujours de 52 000 $, sans plus. Il ne pourrait pas gagner des commissions.
  • Cette rétrogradation représentait une baisse de rémunération importante.
  • Ses gains de commission avaient augmenté en 2020, même s’il avait été mis à pied pendant 1,5 mois cette année-là. Ils avaient grimpé « encore plus » en 2021. Il serait maintenant limité au salaire de base de 52 000 $.
  • C’était une insulte.
  • Les propriétaires savaient qu’il n’accepterait jamais ce poste inférieur ou cette rémunération.
  • Et il savait qu’il ne pouvait pas continuer d’être traité comme ça, qu’il ne pouvait pas continuer à éprouver les problèmes de santé mentale qu’il avait développés et qu’il ne pouvait pas accepter une baisse de ses revenus aussi importante.
  • Il n’avait d’autre choix que de refuser l’offre de rappel et a dit à l’employeur qu’il ne retournerait pas au travail.
  • Alors ils ont obtenu ce qu’ils souhaitaient. Il ne travaillait plus pour P et les propriétaires avaient maintenant tous ses clients et ses commissions — sans avoir à lui verser quoi que ce soit.

[27] J’ai demandé au prestataire s’il avait commencé à chercher un autre emploi une fois que les problèmes avec les propriétaires ont commencé à s’aggraver en décembre 2020. Ou après sa mise à pied en avril 2021. Voici sa réponse :

  • Le contrat de travail qu’il avait initialement signé avec P contenait une « clause de non-concurrence de 6 mois », il devait donc en être conscient.
  • Nous étions aussi « en période de Covid » et il était difficile de chercher du travail. Il n’y avait pas non plus d’emplois disponibles.
  • Il a cependant commencé à regarder autour de lui en décembre 2020 et a des relevés électroniques de ses démarches de recherche d’emploi.
  • Après avoir refusé le rappel le 28 septembre 2021, il a trouvé un nouvel emploi à compter de novembre 2021.
  • Cependant, comme ses témoins (voir les paragraphes 30 et 31 ci-dessous), il a également découvert qu’il avait reçu une « mauvaise » référence de la part de P, ce qui nuisait à ses perspectives d’emploi depuis sa mise à pied.

[28] J’ai convenu d’accepter la preuve des démarches de recherche d’emploi du prestataire à compter de décembre 2020. Le prestataire a présenté 478 pages de preuve de recherche d’emploi le 19 août 2022 (aux pages GD15 et GD15A) et une copie a été fournie à la Commission.

[29] Le prestataire a également demandé à 2 témoins de témoigner à l’appui de son appel (MMNote de bas de page 7) et (RSNote de bas de page 8). Ces témoins ont fourni des déclarations écrites (que le prestataire a déposées avant l’audience à GD12-4 et GD12-5, respectivement) et ont témoigné à l’audience.

[30] MM a dit ce qui suit dans son témoignage :

  • Elle a travaillé pour les 2 propriétaires de P pendant environ 15 ans, avant de partir en mai 2020. Pendant 9 de ces années, elle a été une collègue de travail du prestataire.
  • Le prestataire est un collègue très calme, respectueux et serviable.
  • Le milieu de travail chez P était « un environnement toxique » et le comportement des 2 propriétaires était « ridicule ». Leur façon habituelle de traiter avec les employés était de crier et d’utiliser des grossièretés. Ils ont régulièrement affronté un employé devant tous les autres employés — même s’il y avait une salle de conférence qui aurait pu être utilisée à des fins de confidentialité. Cela se révélait humiliant pour l’employé concerné et bouleversant pour le reste du personnel.
  • Chaque fois qu’un employé s’opposait à un tel traitement, les propriétaires avaient une réponse toute faite : « Vous savez où est la porte. »
  • Tout le monde à P voulait juste garder son boulot, alors ils ont gardé la tête baissée et se sont éloignés.
  • Les gens voulaient tous partir, mais les occasions se faisaient rares.
  • Dans son cas, ils l’ont laissée partir « sans indemnité ni quoi que ce soit » après 15 ans, après un désaccord avec l’un des propriétaires. Ils lui ont dit qu’elle pouvait chercher un autre emploi si elle n’aimait pas la décision à laquelle elle s’était opposée.
  • Puis, elle a été licenciée.
  • Par la suite, ils lui ont donné « de mauvaises références », de sorte qu’elle n’a pas pu obtenir un emploi pendant très longtemps. Elle a découvert que les propriétaires lui avaient donné de très mauvaises références après avoir été en « entrevues multiples » avec un employeur sans être embauchée. Elle a communiqué avec l’employeur pour lui demander pourquoi, et ils ont dit que sa référence de P était « mauvaise ».
  • Telle est la nature des propriétaires. Ils sont vindicatifs. En plus de se débarrasser d’un employé par l’humiliation et sans verser l’indemnité de départ appropriée, ils donnent à l’employé une très mauvaise référence afin que la personne ne puisse obtenir un emploi nulle part.

[31] RS a dit ce qui suit dans son témoignage :

  • Elle a travaillé comme graphiste pour P pendant 2 ans, soit de 2014 à 2016.
  • Le prestataire était le « directeur du marketing » pendant cette période et elle a travaillé en étroite collaboration avec lui.
  • Elle aimait travailler avec le prestataire et les clients, mais le milieu de travail n’était [traduction] « pas amical ».
  • Bien qu’elle n’ait pas personnellement eu beaucoup d’interaction avec les 2 propriétaires, elle a observé leur [traduction] « comportement abusif » envers le prestataire et MM. Elle a constaté « les cris » et « tout ce qui s’est passé ».
  • Mais tout le monde voulait simplement garder son emploi.
  • En 2016, elle a été mise à pied « à l’improviste ». L’un des propriétaires « m’a simplement dit de ne pas venir le lendemain ».
  • Ils lui ont dit que c’était dû à un manque de travail, mais elle savait que ce n’était pas le cas. Une de ses collègues lui a dit qu’il ne manquait pas de travail.
  • Elle n’a pas reçu sa paie de vacances accumulée ni aucune indemnité de cessation d’emploi lorsqu’elle a été mise à pied, même si ce qu’ils ont fait était effectivement un licenciement.
  • Elle a été « chanceuse » que son prochain employeur n’ait jamais demandé de référence à P.

[32] J’ai examiné les observations de la Commission à la page GD10 avec le prestataire et je lui ai demandé de répondre aux préoccupations de la Commission. Je lui ai aussi demandé :

  1. a) Pourquoi a-t-il initialement dit à P qu’il retournerait au travail si le lieu de travail toxique était toxiqueNote de bas de page 9? Il a répondu ce qui suit :
    • Après sa mise à pied en avril 2021, il n’a eu aucune nouvelle de P.
    • Il a présenté une demande d’emploi auprès de « nombreuses entreprises »Note de bas de page 10, mais n’a pas eu de chance.
    • Finalement, il a consulté un avocat au sujet de ses droits. Son avocat a envoyé à P une lettre le 12 août 2021 pour l’informer que le prestataire avait l’intention d’intenter une poursuite pour congédiement injustifié et pour lui avoir infligé intentionnellement de la détresse mentale.
    • L’offre de rappel est arrivée le 14 septembre 2021Note de bas de page 11.
    • Il a reconnu qu’il s’agissait d’un « poste de moindre importance », mais le 23 septembre 2021, il a « accepté »Note de bas de page 12 parce qu’il devait nourrir sa famille et qu’il n’avait pas encore trouvé d’emploi.
    • Mais la situation concernant les commissions pour sa liste de clients existante n’était pas claire au départ. Ils discutaient encore des modalités du rappel.
    • Sa date de retour au travail a été fixée au vendredi 24 septembre 2021.
    • Cependant, au cours des 2 jours suivants, les propriétaires ont commencé à lui donner des renseignements au sujet de son nouveau rôle. Ils ont dit qu’il travaillerait de la maison et non au bureau. Ils ont dit qu’il devrait utiliser son propre ordinateur — ils ne lui permettraient pas d’utiliser son ordinateur au travail. Ils ont affirmé qu’il devrait utiliser son propre téléphone — ils ne lui remettraient pas son téléphone cellulaire de travail. Ils ont dit que sa première tâche serait d’élaborer un plan d’affaires, mais qu’ils ne lui permettraient pas d’accéder à la liste des clients ni aux autres outils et renseignements dont il aurait besoin pour s’acquitter de cette tâche.
    • Puis, ils lui ont dit qu’il ne gagnerait aucune commission, même pour ses propres clients.
    • Le 27 septembre 2021, il était clair pour lui, de la façon dont les propriétaires interagissaient avec lui, qu’ils avaient l’intention de continuer à l’humilier et à l’isoler. Leur attitude envers lui n’avait pas changé. En fait, elle s’était aggravée. Il ne pouvait pas subir une humiliation encore pire qu’avant – c’était tout simplement impossible.
    • Il a dit aux propriétaires qu’il s’agissait d’une rétrogradation et que la situation en lien avec ses commissions était inacceptable. Mais ils n’ont abordé ni l’un ni l’autre des problèmes.
    • Il s’est rendu compte qu’ils venaient de faire l’offre de rappel pour éviter la poursuite que son avocat avait menacé d’intenter.
    • Et il a vu qu’il avait été placé dans une situation telle qu’il échouerait. Il a donc modifié sa réponse et, le 28 septembre 2021, il leur a dit qu’il ne retournerait pas au travail après toutNote de bas de page 13.
    • Il conteste le relevé et maintient catégoriquement qu’il n’a jamais travaillé en vertu de l’offre de rappel.
  2. b) Quels efforts a-t-il déployés pour résoudre les relations conflictuelles entre l’employeur et lui? Il a répondu ce qui suit :
    • Il a bien parlé aux propriétaires de leur comportement « à de nombreuses reprises », mais la réponse a toujours été la même : s’écarter du sujet et suggérer qu’il puisse aller ailleurs.
    • Il a également envoyé des courriels pour tenter de désamorcer et de résoudre des choses. Ces courriels sont inclus dans son avis d’appel (page GD2).
    • En avril 2021, les propriétaires ont simplement refusé de dialoguer avec lui parce qu’ils voulaient qu’il parte. Il n’y avait aucun espoir de régler quoi que ce soit.
    • Puis, ils l’ont mis à pied.
    • Auparavant, les propriétaires avaient ouvertement recruté un nouvel employé pour le remplacer. Ils avaient recours à une « société de recrutement » et les entrevues « se déroulaient devant moi ».
    • « Dès que » le prestataire a refusé le rappel, un nouvel employé a immédiatement assumé ce rôle. Il s’agissait d’une économie d’environ 30 000 $ pour P. Les propriétaires ne modifieraient jamais leur véritable désir de se débarrasser du prestataire.
  3. c) Pourquoi ne pouvait-il pas accepter le rappel et travailler jusqu’à ce qu’il trouve un autre emploi plus convenable? Il a répondu ce qui suit :
  • La rétrogradation était insultante et humiliante. En tant que représentant commercial interne, il se situait à un niveau inférieur au poste qu’il avait commencé à occuper 10 ans plus tôt, qui était un poste de représentant commercial à commission.
  • La rétrogradation n’était que la poursuite du harcèlement, des abus et de la détresse mentale que les propriétaires lui infligeaient depuis décembre 2020.
  • On ne lui a pas donné les outils nécessaires pour accomplir la tâche qu’ils lui demandaient d’effectuer lors de son rappel, à savoir préparer un plan d’affaires (comme il l’a déjà mentionné précédemment).
  • S’il a accepté l’emploi et « est allé jusqu’à accepter d’être rétrogradé au poste de représentant commercial interne », comment aurait-il pu postuler — ou voir sa candidature être sérieusement envisagée — à un emploi à son niveau véritable, soit celui d’un directeur? Il lui a fallu 10 ans pour atteindre le niveau de directeur du développement des affaires chez P, et il n’était pas acceptable pour lui d’accepter un poste qui signifierait qu’il devrait tout recommencer dans son prochain emploi.
  • Il s’est avéré qu’il a obtenu un emploi au niveau de directeur en novembre 2021, car dans son curriculum vitæ, il a pu mentionner que son dernier emploi était celui de directeur du développement des affaires, et non celui de représentant commercial interne.

[33] J’accepte le témoignage du prestataire à l’audience comme étant crédible dans son intégralité. Il était franc, logique et détaillé. Il était également conforme à ce qu’il a dit à la Commission tout au long de ses enquêtes et amplement étayé par le témoignage de ses témoins et la preuve documentaire qu’il a présentée dans le cadre du présent appel. Et il a répondu à toutes mes questions directement et complètement, même lorsqu’il était remis en question.

[34] J’accorde moins de poids à la preuve que la Commission a obtenue de l’employeur. Il semble s’agir d’un échantillonnage sélectif de renseignements. La preuve semble également avoir été présentée dans le but d’éviter toute responsabilité en lien avec la cessation de l’emploi du prestataire plutôt que de brosser un tableau complet de la relation d’emploi et des raisons pour lesquelles elle a pris fin.

A) Le prestataire était-il fondé à quitter son emploi parce qu’il a été rétrogradé?

[35] Oui, il l’était.

[36] La loi prévoit qu’un employé est fondé à quitter son emploi lorsqu’il y a des changements importants aux conditions d’emploi concernant le salaire ou le traitementNote de bas de page 14 ou des changements importants dans ses fonctionsNote de bas de page 15 — et que son départ constitue la seule solution raisonnable dans son cas.

[37] La loi prévoit également qu’il existe une justification si l’employeur exerce des pressions indues sur un employé pour qu’il quitte son emploi et que ce dernier n’a d’autre solution raisonnable que de le faireNote de bas de page 16.

[38] Je conclus que toutes ces circonstances existaient pour l’appelant au 27 septembre 2021.

Changements importants apportés à la rémunération et aux fonctions

[39] La Cour a déclaré que si les conditions d’emploi sont considérablement modifiées, un prestataire pourrait être fondé à quitter son posteNote de bas de page 17. Le tribunal a conclu à l’existence d’une justification si l’employeur a agi unilatéralement d’une manière qui modifie fondamentalement les conditions d’emploi telles qu’elles existaient avant la cessation d’emploiNote de bas de page 18.

[40] Je dois examiner les questions suivantesNote de bas de page 19 : la version des faits de l’appelant appuie-t-elle une conclusion selon laquelle il y a eu des changements importants dans sa rémunération et ses fonctions au sens de la loi et, dans l’affirmative, n’y avait-il pas d’autre solution raisonnable que de démissionner le 27 septembre 2021?

[41] Lorsqu’il a quitté son emploi pour la première fois en raison de la mise à pied survenue en avril 2021, le prestataire était un directeurNote de bas de page 20 ayant des représentants commerciaux sous ses ordres. Sa rémunération était composée d’un salaire de base de 52 000 $ plus les commissions gagnées sur les ventes. Selon ses feuillets T4, il avait un revenu d’emploi de 71 381,89 $ en 2019Note de bas de page 21 et de 76 100,76 $ en 2020Note de bas de page 22.

[42] L’employeur ne l’a pas rappelé au même poste ni pour toucher la même rémunération. P lui a plutôt offert le poste de vendeur débutant le plus bas, soit celui de représentant commercial interne, un poste inférieur à celui des employés qui travaillaient sous sa direction au moment de sa mise à piedNote de bas de page 23. Et sa rémunération serait limitée à un salaire de 52 000 $, sans possibilité de toucher des commissions. Il ne s’agissait pas de changements mineurs. Il s’agissait de changements très importants, bien en dehors de la norme pour un employé occupant le poste du prestataire.

[43] Le changement d’une année à l’autre en matière de rémunération (de 76 000 $ à 52 000 $) et le changement de nature du poste (de directeur du développement des affaires à représentant commercial interne) ont été imposés unilatéralement par l’employeur et ont fondamentalement modifié les conditions d’emploi du prestataire à P.

[44] Je n’accepte pas les observations de la Commission selon lesquelles le prestataire aurait pu retourner au travail en vertu de l’offre de rappel et continuer à chercher un autre emploi — ou qu’il aurait pu tenter de résoudre ces problèmes avec les propriétaires. Je conviens avec le prestataire que ces changements involontaires et extrêmes aux conditions de son emploi correspondaient au maintien d’un comportement isolant et humiliant de la part des propriétaires qui visait en fin de compte à forcer le prestataire à quitter son emploi. Je ne vois aucune preuve que le prestataire a eu la moindre chance de régler les problèmes et il n’est pas raisonnable de l’obliger à subir d’autres comportements abusifs continus de la part des propriétaires.

[45] Je conclus donc que le prestataire a prouvé qu’il a subi des changements importants à sa rémunération et à ses fonctions de sorte qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de refuser l’offre de rappel le 27 septembre 2021.

[46] Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[47] Après avoir tiré cette conclusion, il n’est pas nécessaire que j’en tire d’autres. Cependant, je terminerai l’analyse des autres circonstances soulevées par le prestataire.

Pression indue de quitter

[48] Lorsqu’un employeur rend les conditions de travail d’un prestataire si stressantes qu’il est probable que le prestataire quitte l’emploi, il est fondé à le faireNote de bas de page 24.

[49] Je dois examiner les questions suivantes : la version des faits du prestataire appuie-t-elle une conclusion selon laquelle l’employeur a exercé des pressions indues pour l’amener à quitter son emploi au sens de la loi et, dans l’affirmative, n’y avait-il pas d’autre solution raisonnable que de démissionner le 27 septembre 2021?

[50] Le témoignage du prestataire, que j’ai accepté comme crédible, démontre que les propriétaires de P ne souhaitaient pas continuer de l’employer. Cependant, ils n’avaient pas de motif valable de le licencier. Il continuait d’attirer de nouveaux clients et sa rémunération a démontré que ses commissions de vente augmentaient d’une année à l’autre. Les propriétaires ont donc dû envoyer un message au prestataire : « Si ça ne vous plaît pas ici, alors partez. »

[51] Ils ont communiqué ce message de nombreuses façons. Ils lui ont demandé de faciliter l’établissement de leurs propres relations indépendantes avec ses clients, ils ont ouvertement interviewé des candidats pour son poste, ils ont intensifié ce qui était auparavant un simple comportement grossier en en faisant une campagne de comportement humiliant et ils ont cessé de lui verser des commissions sur de nouveaux clients. Le prestataire n’étant pas parti en avril 2021, ils l’ont mis à pied et ont cessé toute communication jusqu’à ce qu’il les menace de les poursuivre en justice pour congédiement injustifié et détresse mentale. Pour éviter cela, ils ont fait une offre de rappel qui est revenue au message initial : « Si ça ne vous plaît pas ici, alors partez », en lui offrant une rétrogradation majeure.

[52] Le prestataire considérait tout à fait raisonnablement le comportement et les actions des propriétaires comme une pression importante et indue pour l’amener à quitter son emploi. On ne peut donc pas dire que sa décision de refuser le rappel a été précipitée de quelque façon que ce soit. C’était plutôt la seule réponse à ce qui était devenu pour lui un scénario impossible.

[53] Je conclus donc que le prestataire a fait l’objet d’une pression indue pour quitter son emploi chez P et que le fait de demeurer en poste tout en cherchant un autre emploi ne constituait pas un choix raisonnable pour le prestataire dans les circonstances.

[54] Cela signifie que le prestataire a prouvé qu’il a subi des pressions indues pour quitter son emploi de sorte qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de refuser l’offre de rappel le 27 septembre 2021.

[55] Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

B) L’appelant était-il fondé à quitter son emploi en raison du milieu de travail toxique?

[56] Oui, il l’était.

[57] Selon la loi, un prestataire qui vit des conditions de travail qui constituent un danger pour sa santé ou sa sécurité est fondé à quitter son emploi s’il n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 25.

[58] Je conclus que, pour l’appelant, de telles circonstances n’existaient pasNote de bas de page 26.

[59] Cependant, la loi prévoit également qu’un prestataire victime de harcèlement est fondé à quitter son emploi s’il n’avait d’autre solution raisonnable que de démissionnerNote de bas de page 27.

[60] Elle prévoit en outre que des conditions de travail insatisfaisantes ne justifient un départ volontaire que si elles sont si manifestement intolérables que le prestataire n’avait d’autre choix que de partirNote de bas de page 28.

[61] Je conclus que ces deux circonstances existaient pour l’appelant.

Harcèlement par les propriétaires

[62] Le terme « harcèlement » n’est pas défini dans la Loi. Cependant, le concept de harcèlement sous forme d’intimidation en milieu de travail est généralement perçu comme des actes ou des commentaires verbaux qui pourraient blesser mentalement, embarrasser ou isoler une personne sur le lieu de travail. Il s’agit souvent d’incidents répétés ou d’un modèle de comportement visant à intimider, offenser, dégrader ou humilier une personne ou un groupe de personnes en particulier. L’examen de la jurisprudence dans laquelle les juges-arbitres ont conclu que l’employé était fondé à quitter son emploi en raison d’un harcèlement au sens de l’article 29(c)(i) de la Loi envisage de nombreux incidents ou un modèle de comportement couvrant une certaine périodeNote de bas de page 29.

[63] La division d’appel du Tribunal s’est penchée sur la question du harcèlement au travail et a énoncé une série de « principes clés »Note de bas de page 30 pour m’aider à décider si un prestataire a été harcelé. Les principes directeurs sont les suivants :

  1. a) les auteurs du harcèlement peuvent agir seuls ou en groupe et n’occupent pas nécessairement un poste de supervision ou de gestion;
  2. b) le harcèlement peut prendre plusieurs formes, notamment un acte, un comportement, un propos, de l’intimidation et une menace;
  3. c) parfois, un seul incident suffit pour être considéré comme du harcèlement;
  4. d) l’accent est mis sur le prétendu auteur du harcèlement et sur le fait de savoir si celui-ci savait ou aurait raisonnablement dû savoir que son comportement pourrait offenser, embarrasser ou humilier une autre personne ou lui causer toute autre blessure psychologique ou physique.

[64] Les circonstances décrites par le prestataire relèvent clairement de la jurisprudence relative au harcèlement aux fins de l’article 29(c)(i) de la Loi.

[65] Le prestataire a fait l’objet de commentaires verbaux et de gestes visant à l’humilier et à l’isoler au travail. Les personnes concernées n’étaient pas seulement ses superviseurs directs, elles étaient les propriétaires de l’entreprise qui l’employait. Il y a eu une tendance continue de comportement abusif à compter de décembre 2020, qui a culminé par un dernier incident typique : l’insulte de la rétrogradation lors du rappel. Et les auteurs du harcèlement auraient dû raisonnablement savoir que leur comportement était offensant et causait un stress psychologique au prestataire.

[66] Je conclus donc que le prestataire a été victime de harcèlement au sens de la loi parce qu’il était visé par une série continue d’actes insultants et humiliants de la part de ses superviseurs. Ceux-ci savaient ou auraient raisonnablement dû savoir que cette conduite l’offenserait, l’embarrasserait et lui causerait d’autres blessures psychologiques.

[67] Je conclus en outre que le harcèlement subi par le prestataire constituait une justification pour qu’il quitte son emploi lorsqu’il l’a fait en refusant l’offre de rappel. Étant donné que le comportement abusif était celui des propriétaires de l’entreprise, il n’y avait personne vers qui il pouvait se tourner pour faire part de ses préoccupations. De plus, il n’est pas raisonnable de s’attendre à ce que l’appelant continue de subir ce niveau d’hostilité croissant alors qu’il n’y avait aucun recours ni aucune réparation.

[68] N’ayant pas d’autres solutions raisonnables, le prestataire était fondé à refuser le rappel lorsqu’il l’a fait. Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conditions de travail manifestement intolérables

[69] Dans son témoignage, le prestataire a décrit comment les propriétaires de P l’ont manipulé pour les contacts avec les clients qu’il avait établis, l’ont exploité en refusant de payer des commissions valides et l’ont humilié régulièrement devant des collègues. Il était presque à la limite de ce qu’il pouvait endurer après avoir subi cette situation de décembre 2020 jusqu’à sa mise à pied en avril 2021. Lorsque toutes les conséquences de la rétrogradation ayant été mentionnées dans l’offre de rappel ont été révélées entre le 24 et le 27 septembre 2021, il savait définitivement qu’il ne pouvait pas retourner au travail dans de telles conditions. J’accepte son témoignage selon lequel le milieu de travail était devenu véritablement intolérable pour lui à ce moment-là.

[70] Pour les motifs énoncés au paragraphe 67 qui précède, je conclus en outre que le départ du prestataire constituait la seule solution raisonnable dans son cas et qu’il était donc fondé à refuser le rappel lorsqu’il l’a fait.

[71] Je conclus donc que le prestataire s’est acquitté du fardeau de prouver qu’il vivait des conditions de travail si manifestement intolérables qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de refuser l’offre de rappel le 27 septembre 2021. En d’autres termes, il a prouvé qu’il était fondé à quitter son emploi parce que son milieu de travail était devenu intolérable.

[72] Cela signifie qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

Conclusion

[73] Le prestataire a prouvé qu’il n’avait d’autre solution raisonnable que de refuser l’offre de rappel le 27 septembre 2021.

[74] Cela signifie qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi et, par conséquent, qu’il n’est pas exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi pour ce motif.

[75] La Commission doit supprimer l’exclusion imposée à sa demande de prestations d’assurance-emploi à compter du 26 septembre 2021.

[76] L’appel est accueilli.

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