Assurance-emploi (AE)

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Citation : AP c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 1073

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : A. P.
Représentant : Olivier Gentil
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décisions découlant des révision (531515, 545507 et 545503) datées des 14 et 15 septembre 2022 rendues par la Commission de l’assurance-emploi du Canada (communiquées par Service Canada)

Membre du Tribunal : Normand Morin
Mode d’audience : Vidéoconférence
Date de l’audience : Le 6 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : L’appelante
Le représentant de l’appelante
Date de la décision : Le 28 juillet 2023
Numéros des dossiers : GE-22-4203, GE-22-4205 et GE-22-4210

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Décision

[1] L’appel est accueilli en partie.

[2] Je conclus qu’une antidate de la demande initiale de prestations d’assurance-emploi de l’appelante doit lui être accordée à compter de la semaine ayant commencé le 12 décembre 2021, et non à partir du 30 janvier 2022, comme l’a déterminé la Commission de l’assurance-emploi du Canada (la Commission)Note de bas de page 1. L’appelante démontre qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations. Cela signifie que sa demande de prestations peut être traitée comme si elle avait été présentée plus tôt, soit à compter de la semaine ayant commencé le 12 décembre 2021 dans son cas.

[3] Je conclus que l’appelante démontre qu’elle était justifiée de quitter volontairement les emplois qu’elle a occupés chez deux employeurs différents les 27 et 28 janvier 2022, et au cours de la période du 1er avril 2022 au 8 mai 2022 inclusivementNote de bas de page 2. Les exclusions du bénéfice des prestations que lui a imposé la Commission à compter du 13 février 2022Note de bas de page 3, de même qu’à compter du 8 mai 2022Note de bas de page 4 ne sont donc pas justifiées.

Aperçu

[4] Le 13 décembre 2021, l’appelante communique avec la Commission pour l’aviser qu’une demande de prestations avait été faite à son nom sans qu’elle en soit à l’origineNote de bas de page 5.

[5] Les 27 et 28 janvier 2022, l’appelante a travaillé comme analyste en technologie pour le X et a cessé de travailler pour cet employeur après avoir effectué un départ volontaireNote de bas de page 6.

[6] Le 18 février 2022, elle présente une demande initiale de prestations d’assurance-emploi (prestations régulières). Dans sa demande, l’appelante indique avoir travaillé pour deux employeurs au cours des périodes du 14 mai 2020 au 13 août 2021 et du 12 au 26 octobre 2021Note de bas de page 7.

[7] Du 1er avril 2022 au 8 mai 2022 inclusivement, elle a travaillé comme préposée aux chambres à X et a cessé de travailler pour cet employeur après avoir effectué un départ volontaireNote de bas de page 8.

[8] Le 27 mai 2022, elle présente une demande d’antidate à la Commission afin que sa demande de prestations présentée le 18 février 2022 débute le 26 octobre 2021 (semaine commençant le 24 octobre 2021)Note de bas de page 9.

[9] Le 29 juin 2022, la Commission l’avise que les prestations d’assurance-emploi établies pour sa demande ne peuvent pas commencer à partir du 24 octobre 2021, parce qu’elle n’a pas pu démontrer que pour la période du 24 octobre 2021 au 12 février 2022, un motif valable justifiait son retard à présenter sa demande. La Commission l’avise également qu’elle n’a pas droit aux prestations à compter du 13 février 2022, car elle a volontairement quitté son emploi pour le X, le 28 janvier 2022 sans motif valable, au sens de la Loi. La Commission l’informe aussi qu’afin d’avoir droit à des prestations d’assurance-emploi, les heures qu’elle a accumulées pour son emploi à X ne seront pas prises en considération, car elle a volontairement quitté son emploi à cet endroit le 8 mai 2022, sans motif valable, au sens de la LoiNote de bas de page 10.

[10] Le 14 septembre 2022, à la suite d’une demande de révision, la Commission l’informe que la décision rendue à son endroit, en date du 28 juin 2022, concernant sa demande d’antidate est remplacée par une nouvelle décision. Elle lui explique que selon la nouvelle décision, sa période de prestations débute le 30 janvier 2022, mais qu’elle ne peut commencer le 24 octobre 2021, car elle n’a pas démontré un motif valable pour justifier son retard à présenter sa demandeNote de bas de page 11.

[11] Le 15 septembre 2022, suivant la demande de révision de l’appelante, laCommission l’informe, dans deux décisions similaires, qu’elle maintient les décisions rendues à son endroit en date du 28 juin 2022 concernant son départ volontaire effectué chez X, et celui effectué à XNote de bas de page 12.

[12] L’appelante soutient avoir un motif valable pour ne pas avoir présenté sa demande de prestations dans le délai prévu pour le faire. Elle affirme qu’au début de décembre 2021, elle a constaté dans son dossier d’assurance-emploi qu’une demande de prestations avait été présentée à son nom et que cette demande avait été acceptée alors qu’elle n’était pas à l’origine de cette demande. L’appelante indique que le 13 décembre 2021, elle a communiqué avec la Commission à ce sujet et celle-ci lui a expliqué que son identité avait été volée dans son dossier. Elle affirme que la Commission lui a aussi indiqué qu’elle avait peut-être le droit de recevoir des prestations, mais lui a recommandé de ne pas présenter sa demande de prestations à ce moment afin de ne pas nuire à l’enquête qu’elle menait au sujet de son vol d’identité. L’appelante déclare avoir communiqué à plusieurs reprises avec la Commission après le 13 décembre 2021 pour savoir à quel moment elle allait pouvoir présenter sa demande de prestations. Elle fait valoir que cette situation démontre qu’une antidate de sa demande de prestations devrait lui être accordée à compter du 13 décembre 2021 même si elle a précédemment demandé que cette antidate lui soit accordée avant ce moment (ex. : 26 octobre 2021, 6 décembre 2021).

[13] L’appelante soutient qu’elle était justifiée de quitter les emplois qu’elle a respectivement occupés chez X, les 27 et 28 janvier 2022, et à X, du 1er avril 2022 au 8 mai 2022 inclusivement. Elle explique présenter un trouble du spectre de l’autisme (TSA) et être suivie en psychiatrie, de même que par d’autres professionnels de la santé. L’appelante fait valoir qu’elle a tenté de trouver une solution avec les employeurs en question, mais que son état psychologique avait fait en sorte qu’elle ne se sentait plus capable de continuer de travailler pour eux.

[14] Le 15 décembre 2022, l’appelante conteste auprès du Tribunal de la sécurité sociale du Canada (le Tribunal) les décisions en révision de la Commission. Ces décisions font l’objet du présent recours devant le Tribunal.

Questions préliminaires

[15] Je précise que les appels portant les numéros de dossier GE-22-4203, GE-22-4205 et GE-22-4210 ont été joints en date du 30 mars 2023Note de bas de page 13 puisqu’ils « portent sur une question commune » et que « le fait de joindre les appels ne crée pas d’injustice pour les parties »Note de bas de page 14.

[16] Dans le cas présent, les trois dossiers concernent la même appelante.

[17] Dans l’un des trois dossiers (dossier GE-22-4203), la question en litige vise à déterminer si une antidate de la demande de prestations de l’appelante doit lui être accordée à compter du 30 janvier 2022Note de bas de page 15.

[18] Dans les deux autres dossiers (GE-22-4205 et GE-22-4210), la question en litige est la même dans chaque cas, soit déterminer si l’appelante était justifiée de quitter volontairement son emploi, mais réfère à deux employeurs différentsNote de bas de page 16.

Questions en litige

[19] Je dois déterminer si une antidate de la demande initiale de prestations de l’appelante doit lui être accordéeNote de bas de page 17. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que l’appelante a prouvé qu’elle remplissait les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande?
  • Est-ce que l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate?

[20] Je dois également déterminer si l’appelante était justifiée de quitter volontairement les emplois qu’elle a occupés chez deux employeurs différents les 27 et 28 janvier 2022, et au cours de la période du 1er avril 2022 au 8 mai 2022 inclusivementNote de bas de page 18. Pour cela, je dois répondre aux questions suivantes :

  • Est-ce que les fins d’emploi de l’appelante représentent des départs volontaires?
  • Si tel est le cas, est-ce que pour chacun des départs volontaires de l’appelante, il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas?

Analyse

Antidate de la demande de prestations de l’appelante

[21] L’antidate d’une demande de prestations d’assurance-emploi permet qu’une demande de prestations présentée en retard soit considérée comme ayant été formulée à une date antérieure à celle à laquelle elle a été déposée dans les faits.

[22] L’antidate d’une demande initiale de prestations s’appuie sur les deux conditions suivantes :

[23] Le prestataire doit prouver qu’il remplissait les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de la demande ;

[24] Le prestataire doit démontrer qu’il avait un motif valable justifiant son retard durant toute la période écoulée entre la date antérieure à laquelle il veut que sa demande soit considérée et la date à laquelle il présente sa demandeNote de bas de page 19.

[25] Un motif valable est une raison acceptable, selon la Loi, pour expliquer le retard. La présentation d’un motif valable signifie qu’une demande de prestations peut être traitée comme ayant été présentée plus tôt.

[26] La Cour d’appel fédérale (la Cour) a établi qu’un prestataire qui ne présente pas sa demande dans les délais prévus doit démontrer qu’il avait un motif valable pour justifier son retard à le faire et qu’il a agi comme une personne raisonnablement prudente l’aurait fait dans la même situationNote de bas de page 20.

[27] Selon la Cour, avoir un motif valable, c’est avoir agi comme l’aurait fait une « personne raisonnable », soucieuse de s’enquérir de ses droits et de ses obligations, en vertu de la LoiNote de bas de page 21.

[28] Le prestataire doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il avait un motif valable justifiant son retard.

[29] Le prestataire doit aussi le prouver pour toute la période du retardNote de bas de page 22. Cette période s’étend du jour où il veut que sa demande initiale soit antidatée au jour où il a présenté cette demande.

[30] Dans le cas présent, la période de retard de l’appelante est du 24 octobre 2021 au 30 janvier 2022, selon la décision rendue par la Commission le 14 septembre 2022Note de bas de page 23.

[31] La Cour indique aussi qu’à moins de circonstances exceptionnelles, une personne raisonnable doit vérifier assez rapidement si elle a droit à des prestations et quelles sont les obligations en vertu de la LoiNote de bas de page 24.

Question no 1 : Est-ce que l’appelante a prouvé qu’elle remplissait les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande?

[32] Je considère que les éléments de preuve au dossier démontrent que l’appelante remplit les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi à partir d’une date antérieure à celle de la présentation de sa demande de prestations, le 18 février 2022.

[33] Plusieurs relevés d’emploi indiquent que l’appelante a effectué des périodes d’emploi au cours de la période échelonnée du 25 novembre 2019 au 8 mai 2022Note de bas de page 25.

[34] Ces relevés d’emploi indiquent que durant ses périodes d’emploi, elle a accumulé le nombre suivant d’heures d’emploi assurable :

[35] L’appelante explique avoir été informée qu’elle pouvait avoir le droit de recevoir des prestations lorsqu’elle a communiqué avec la Commission concernant le vol d’identité dont elle a été victimeNote de bas de page 35. Elle indique que la Commission lui a demandé de ne pas présenter sa demande de prestations pendant l’enquête qu’elle menait au sujet de son vol d’identitéNote de bas de page 36.

[36] Dans son argumentation, la Commission explique que l’appelante aurait été admissible au bénéfice des prestations à compter du 24 octobre 2021 avec 1 023 heures d’emploi assurable si sa demande de prestations avait été présentée à l’intérieur du délai prévu par la LoiNote de bas de page 37.

[37] La Commission indique aussi que l’appelante serait admissible au bénéfice des prestations à compter du 5 décembre 2021 ou du 12 décembre 2021, avec 1 037 heures d’emploi assurableNote de bas de page 38.

[38] En fonction de l’analyse de la Commission, les périodes d’emploi effectuées par l’appelante démontrent qu’elle remplit les conditions requises pour toucher des prestations d’assurance-emploi si une période de prestations était établie, soit à compter du 24 octobre 2021, du 5 décembre 2021 ou du 12 décembre 2021.

[39] Je précise qu’une période de prestations débute, selon le cas, le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération ou le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestations, si cette semaine est postérieure à celle de l’arrêt de rémunération, comme le précise la LoiNote de bas de page 39. Ce qui explique les dates hypothétiques à partir desquelles la période de prestations pourrait être établie (ex. : 24 octobre 2021, 5 décembre 2021 ou 12 décembre 2021).

[40] Je dois maintenant déterminer si l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate.

Question no 2 : Est-ce que l’appelante avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations et pouvant ainsi justifier sa demande d’antidate?

[41] J’estime que les raisons invoquées par l’appelante de ne pas avoir présenté sa demande de prestations à l’intérieur du délai prévu pour le faire constituent un motif valable pouvant justifier un tel retard, au sens de la Loi.

[42] Je considère toutefois que ce n’est qu’à compter du 13 décembre 2021 (semaine ayant commencé le 12 décembre 2021), que l’appelante démontre qu’elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations, et non à partir du 24 octobre 2021.

[43] Le 3 juin 2022, dans un rapport de la Commission, il est indiqué qu’une demande de prestations a été présentée au nom de l’appelante par une « tierce partie », le 3 décembre 2021, qu’il s’agissait d’une demande « frauduleuse » et que les déclarations du prestataire avaient été remplies par la tierce partie en question pour les semaines échelonnées du 14 au 27 novembre 2021Note de bas de page 40.

[44] D’autres rapports produits par la Commission les 23 juin 2022 et 13 septembre 2022 font état de la fraude dont l’appelante a été victime dans son dossier d’assurance-emploiNote de bas de page 41.

[45] Le témoignage et les déclarations de l’appelante indiquent les éléments suivants :

  1. a) Elle précise demander une antidate de sa demande de prestations pour que celle-ci débute le 13 décembre 2021 (semaine ayant commencé le 12 décembre 2021) et non plus le 26 octobre 2021 (semaine ayant commencé le 24 octobre 2021), comme elle l’avait d’abord demandé ;
  2. b) Elle n’a pas présenté de demande de prestations dans le délai prévu par la Loi après avoir cessé de travailler le 26 octobre 2021 parce qu’elle ne pensait pas y avoir droitNote de bas de page 42 ;
  3. c) Au début de décembre 2021, elle a constaté dans son dossier d’assurance-emploi (« Mon dossier Service Canada ») qu’une demande de prestations avait été présentée à son nom et que cette demande avait été acceptée (réactivation d’une demande de prestations) alors qu’elle n’était pas à l’origine de cette demande. Un message lui indiquait comment elle devait remplir ses déclarationsNote de bas de page 43 ;
  4. d) Le 13 décembre 2021, elle a communiqué avec la Commission pour l’informer qu’une demande frauduleuse de prestations avait été présentée en son nom alors qu’elle n’avait pas présenté cette demande. La Commission lui a alors expliqué que son identité avait été volée relativement à son dossier d’assurance-emploi. La Commission lui a aussi indiqué qu’elle avait peut-être le droit de recevoir des prestations, mais lui a demandé de ne pas présenter sa demande de prestations à ce moment, pour ne pas nuire à l’enquête qu’elle menait au sujet de son vol d’identité. La Commission lui a indiqué qu’elle devait attendre un appel du « service d’intégrité » avant de présenter sa demandeNote de bas de page 44 ;
  5. e) Entre le 13 décembre 2021 et la fin de janvier 2022, l’appelante a communiqué à au moins trois reprises avec la Commission pour savoir si l’enquête qu’elle menait au sujet de son vol d’identité était terminée et savoir à quel moment elle allait pouvoir présenter sa demande de prestations. Lors de chacune de ses communications avec la Commission, un représentant lui a dit d’attendre l’appel du service d’intégrité avant de présenter sa demandeNote de bas de page 45 ;
  6. f) Dans sa déclaration du 27 janvier 2022 à la Commission, l’appelante indique qu’elle n’est pas en difficulté financière, mais qu’elle n’a rien reçu parce qu’une demande de prestations a été faite en son nom par une autre personneNote de bas de page 46 ;
  7. g) Le 18 février 2022, un représentant de la Commission l’a informée qu’elle pouvait présenter sa demande. Ce que l’appelante a faitNote de bas de page 47 ;
  8. h) Vers le mois de septembre 2022, la Commission lui a expliqué que sa demande d’antidate n’avait pas été acceptée. L’appelante a réitéré qu’elle n’avait pas présenté de demande de prestations parce que son identité avait été volée. La Commission lui a répondu que selon les notes au dossier, elle n’avait pas mentionné, avant la fin de janvier 2022, qu’elle voulait présenter une demande de prestations. Selon l’appelante, sa conversation avec la Commission du début de décembre 2021 n’a pas été entièrement prise en note dans son dossierNote de bas de page 48.

[46] Le représentant de l’appelante fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelante a un motif valable justifiant sa demande d’antidate afin que sa période de prestations débute à compter du 13 décembre 2021 (semaine ayant commencé le 12 décembre 2021). À compter de ce moment, elle a agi avec diligence comme une personne raisonnable l’aurait fait dans sa situationNote de bas de page 49 ;
  2. b) Le Guide de la détermination de l’admissibilité prévoit qu’il est possible de demander une antidate pour une partie de la période du retard lorsqu’une demande de prestations est présentée en retardNote de bas de page 50 ;
  3. c) L’appelante a voulu présenter une demande de prestations lorsqu’elle a communiqué avec la Commission en décembre 2021, pour lui signifier le vol d’identité dont elle avait été victime ;
  4. d) Il est plus probable que l’appelante a été informée qu’elle devait attendre avant de présenter sa demande de prestations, étant donné le vol d’identité dont elle avait été victime, bien que les résumés de ses conversations avec des représentants de la Commission ne réfèrent pas à cet élément. Les représentants de la Commission ne font pas toujours de résumés de leurs conversations avec des prestataires, s’il n’y a pas de décisions prises. Il y a également eu un très grand nombre de vols d’identité dans les dossiers d’assurance-emploi durant la période où l’appelante en a été victimeNote de bas de page 51 ;
  5. e) L’appelante n’a pas présenté sa demande de prestations avant le 18 février 2022 parce qu’elle a suivi les consignes données par la CommissionNote de bas de page 52 ;
  6. f) Une fausse information donnée par la Commission est un motif valable justifiant le retard à présenter une demande de prestationsNote de bas de page 53 ;
  7. g) Le Guide de la détermination de l’admissibilité donne l’indication suivante : « Pour déterminer si le motif est valable, on se fonde sur la vraisemblance des explications fournies et sur les mesures prises par Ie prestataire suite aux renseignements qu’il a reçus ou qu’il prétend avoir reçus »Note de bas de page 54 ;
  8. h) Entre décembre 2021 et la fin de janvier 2022, l’appelante a été très active pour se renseigner sur son dossier, en faire le suivi et tenter de résoudre le problème en lien avec son vol d’identité en communiquant avec la Commission à plusieurs reprisesNote de bas de page 55 ;
  9. i) La Commission n’explique pas pourquoi, à la suite de la demande de révision de l’appelante, elle a décidé que sa période de prestations pouvait commencer à compter du 30 janvier 2022Note de bas de page 56, et non plus après le 12 février 2022 (semaine ayant commencé le 13 février 2022), comme elle l’avait d’abord établiNote de bas de page 57 ;
  10. j) L’appelante a présenté une demande de prestations après avoir été informée par la Commission qu’elle pouvait le faire, à la suite de l’enquête menée par le service d’intégrité au sujet de son vol d’identité. Ce qui prouve que l’appelante voulait présenter une telle demande.

[47] De son côté, la Commission fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelante n’a pas agi comme une « personne raisonnable » l’aurait fait dans sa situation pour s’enquérir de ses droits et obligations en vertu de la LoiNote de bas de page 58 ;
  2. b) Elle a cessé de travailler le 26 octobre 2021, mais elle a attendu jusqu’au 18 février 2022 pour présenter une demande de prestations, car elle ne pensait pas avoir le droit d’en recevoir. Elle n’avait pas l’intention de présenter une demande de prestations à la suite de la fin de son emploi le 26 octobre 2021Note de bas de page 59 ;
  3. c) Elle ne s’est pas informée de ses droits avant le 18 février 2022Note de bas de page 60 ;
  4. d) Même si l’appelante soutient qu’elle n’a pas déposé de demande plus tôt parce qu’elle s’est fait dire qu’elle devait attendre, il n’y a aucune indication de la sorte au dossier. Au contraire, elle a plutôt indiqué qu’elle n’avait pas besoin de prestationsNote de bas de page 61 ;
  5. e) Ce n’est que le 18 février 2022 qu’elle a avisé la Commission qu’elle souhaitait faire une demande de prestationsNote de bas de page 62 ;
  6. f) Le fait que l’appelante ait contacté la Commission seulement lorsqu’elle a appris qu’une autre personne avait fait une demande de prestations à son nom démontre que son intention n’était pas de déposer une demande d’emblée, mais bien de signaler une demande potentiellement frauduleuse à son dossierNote de bas de page 63 ;
  7. g) Les faits au dossier démontrent que l’appelante n’a jamais mentionné avoir tardé à faire sa demande de prestations parce qu’elle s’est fait dire qu’elle devait attendre avant de le faireNote de bas de page 64 ;
  8. h) Les informations discutées lors de chaque conversation avec la Commission ont bien été inscrites au dossier de l’appelanteNote de bas de page 65.

[48] Dans le présent dossier, je considère qu’en tenant compte de l’ensemble des circonstances propres à son cas, l’appelante démontre qu’elle avait un motif valable d’avoir tardé à présenter sa demande de prestations pour une partie de son retard, soit pour la période du 13 décembre 2021 au 30 janvier 2022.

[49] J’estime qu’à compter du 13 décembre 2021, les gestes de l’appelante représentent ceux qu’une « personne raisonnable » aurait posés, si celle-ci avait été placée dans des circonstances similaires aux siennes.

[50] J’estime qu’à compter de ce moment, des circonstances exceptionnelles liées à la fraude dont l’appelante a été victime dans son dossier d’assurance-emploi ont fait en sorte que cette dernière a tardé à présenter sa demande de prestations.

[51] Je considère qu’il est plus probable qu’improbable que le 13 décembre 2021, lorsque l’appelante a communiqué avec la Commission pour lui signaler qu’elle avait été victime d’un vol d’identité ou qu’une demande frauduleuse de prestations avait été faite par une autre personne qu’elle, il a aussi été question, à ce moment, de son droit de recevoir des prestations.

[52] Bien que la Commission indique qu’il n’y avait aucune indication au dossier selon laquelle l’appelante s’était fait dire d’attendre avant de présenter sa demande de prestations et que cette dernière lui avait plutôt indiqué, le 13 décembre 2021, qu’elle n’avait pas besoin de prestationsNote de bas de page 66, je suis d’avis qu’à ce moment, elle ne s’est pas limitée à faire une telle affirmation, sans aborder la question se rapportant son droit de recevoir des prestations.

[53] Je trouve d’ailleurs laconique le résumé de la Commission de sa conversation du 13 décembre 2021 avec l’appelante en indiquant, dans une seule phrase, que l’appelante l’avait contactée pour l’aviser qu’une demande de prestations avait été faite en son nom et « qu’elle n’a (sic) [n’avait] pas besoin [de prestations] »Note de bas de page 67.

[54] Sur ce point, je ne trouve pas convaincant l’argument de la Commission selon lequel les informations discutées lors de chacune de ses conversations avec l’appelante avaient bien été inscrites au dossier de cette dernièreNote de bas de page 68.

[55] Je considère plus précis et plus complet le résumé fait par l’appelante de la teneur de sa discussion du 13 décembre 2021 avec un représentant de la Commission pour signaler qu’une demande de prestations avait été faite en utilisant son nom, sans qu’elle ne soit à l’origine de cette demande.

[56] Je n’ai d’ailleurs aucune raison de remettre en question le témoignage et les déclarations de l’appelante. Elle a été constante dans son témoignage et dans ses déclarations.

[57] Dans ce contexte, je considère qu’il est vraisemblable que la Commission ait recommandé à l’appelante d’attendre avant de présenter sa demande de prestations. Je suis d’avis qu’une telle recommandation a été faite à l’appelante, étant donné les renseignements donnés par cette dernière, selon lesquels elle avait été victime d’un vol d’identité dans son dossier d’assurance-emploi, et qu’elle a été informée, à ce moment, qu’elle pouvait être admissible au bénéfice des prestations.

[58] Je retiens également du témoignage de l’appelante qu’elle a communiqué à plusieurs reprises avec la Commission entre le 13 décembre 2021 et la fin de janvier 2022 pour se renseigner sur son dossier d’assurance-emploi et s’enquérir de ses droits et obligations, même s’il n’y a pas de résumés des communications en question dans le dossier.

[59] Dans une de ses décisions, la Division d’appel du Tribunal (la Division d’appel), se basant sur les déclarations et le témoignage du prestataire, étant donné qu’il n’y avait pas d’autres éléments de preuve disponible, a déterminé que ce dernier n’avait pas été informé par la Commission de l’importance de présenter sa demande de prestations en temps opportun ou de la présenter sans délaiNote de bas de page 69.

[60] Dans cette décision, la Division d’appel a conclu que le prestataire s’était renseigné adéquatement au sujet de ses obligations en suivant les recommandations qu’il avait reçues de la CommissionNote de bas de page 70.

[61] Bien que je ne sois pas lié par les décisions rendues par la Division d’appel, je considère que cette décision présente des similitudes avec le cas de l’appelante sur les démarches qu’elle indique avoir effectuées auprès de la Commission, le 13 décembre 2021 et par la suite, concernant sa demande de prestations et les renseignements que celle-ci lui a donnés en fonction de sa situation. J’adopte ainsi la même approche dans l’évaluation de son cas.

[62] Je considère que la déclaration de l’appelante à la Commission, en date du 27 janvier 2022, dans laquelle elle indique « n’avoir rien reçu » parce qu’une demande de prestations a été faite en son nom par une autre personneNote de bas de page 71 soutient également l’idée qu’elle a fait des démarches pour recevoir des prestations avant ce moment.

[63] Je ne retiens donc pas l’argument de la Commission selon lequel « ce n’est que le 18 février 2022 » qu’elle l’a avisée qu’elle souhaitait faire une demande de prestations et que cette dernière ne s’était pas informée de ses droits avant ce momentNote de bas de page 72.

[64] Je considère que l’explication de l’appelante selon laquelle elle n’a pas demandé de prestations dans le délai prévu par la Loi, après avoir cessé de travailler le 26 octobre 2021 parce qu’elle ne pensait pas y avoir droit, ne représente pas un motif valable pouvant justifier qu’une antidate lui soit accordée à compter du 24 octobre 2021.

[65] J’estime que rien ne démontre que l’appelante avait un empêchement pour présenter sa demande de prestations à l’intérieur du délai prévu pour le faire, après avoir cessé de travailler, le 26 octobre 2021, et ce, jusqu’au 13 décembre 2021.

[66] Je considère toutefois que l’appelante démontre qu’à compter du 13 décembre 2021 (semaine ayant commencé le 12 décembre 2021), elle s’est conduite comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances similaires aux siennes pour s’assurer de ses droits et de ses obligations.

[67] Je souligne que le Guide de la détermination de l’admissibilité indique qu’un retard à présenter une demande de prestations peut être justifié pour une partie de la période de retard dans les cas où cette partie précède immédiatement le jour où la demande de prestations a été présentéeNote de bas de page 73.

[68] Dans le cas présent, l’appelante a présenté sa demande de prestations le 18 février 2022. J’estime qu’elle démontre que son retard à présenter sa demande est justifié pour la période échelonnée du 13 décembre 2021 au jour où elle a présenté sa demande de prestations.

[69] Je considère que l’appelante démontre qu’à compter de la semaine ayant commencé le 12 décembre 2021, elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations.

[70] Une antidate de sa demande de prestations doit lui être accordée à compter du 12 décembre 2021.

[71] L’appel est partiellement fondé sur cette question.

Départs volontaires

[72] La Loi prévoit qu’un prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il quitte volontairement son emploi sans justification. Il ne suffit pas d’avoir un motif valable, c’est-à-dire une bonne raison de quitter un emploi, pour prouver que le départ était fondé.

[73] Des décisions rendues par la Cour d’appel fédérale (la Cour) indiquent que le critère qui détermine si le prestataire est fondé de quitter son emploi consiste à se demander si en tenant compte de toutes les circonstances, le prestataire n’avait pas d’autre choix raisonnable que de le quitterNote de bas de page 74.

[74] Le prestataire est responsable de prouver que son départ était fondéNote de bas de page 75. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que quitter son emploi était la seule solution raisonnable.

[75] Pour prendre une décision, je dois examiner toutes les circonstances en cause lorsqu’un prestataire quitte son emploi.

Question no 1 : Est-ce que les fins d’emploi de l’appelante représentent des départs volontaires?

[76] J’estime que pour les deux périodes d’emploi en cause, les fins de l’emploi de l’appelante représentent bien des départs volontaires au sens de la Loi.

[77] Je considère que l’appelante a eu le choix de continuer de travailler pour les employeurs X et X, mais qu’elle a décidé de quitter volontairement son emploi dans chaque cas.

[78] La Cour nous informe que dans le cas d’un départ volontaire, il faut d’abord déterminer si la personne avait le choix de conserver son emploiNote de bas de page 76.

[79] Dans le présent dossier, le témoignage et les déclarations de l’appelante indiquent qu’elle a décidé de quitter les emplois qu’elle occupait chez les employeurs en questionNote de bas de page 77.

[80] L’appelante ne conteste pas le fait qu’elle a quitté volontairement son emploi chez chacun de ces deux employeurs. Je n’ai aucune preuve du contraire.

[81] Je dois maintenant déterminer si l’appelante était justifiée de quitter volontairement les emplois qu’elle a occupés et s’il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas pour chacun des emplois en question.

Question no 2 : Est-ce que pour chacun des départs volontaires de l’appelante, il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas?

[82] Pour les deux emplois en cause, je considère que l’appelante démontre qu’elle était justifiée de les quitter au moment où elle l’a fait. Elle avait une raison acceptable selon la Loi pour le faire.

[83] L’appelante démontre, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle était justifiée de quitter chacun des emplois en question en raison de « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité »Note de bas de page 78.

[84] Je suis d’avis que chacun de ses départs volontaires représentait la seule solution raisonnable dans son cas.

[85] J’estime le témoignage de l’appelante crédible et j’y accorde une valeur prépondérante. L’appelante dresse un portrait détaillé des circonstances l’ayant menée à quitter volontairement les emplois qu’elle a occupés, étant donné son état psychologique. L’appelante ne se contredit pas. Elle fournit une preuve documentaire convaincante concernant le fait qu’elle vit avec le TSA et les conséquences que ce trouble peut avoir dans un contexte de travail.

[86] Les déclarations recueillies par la Commission auprès de l’employeur X indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’appelante a travaillé deux jours, soit les 27 et 28 janvier 2022. Elle a informé l'employeur qu'elle quittait son emploi après ses deux jours de travailNote de bas de page 79 ;
  2. b) L’appelante lui a expliqué qu’il y avait une incompatibilité de caractère entre elle et la formatriceNote de bas de page 80 ;
  3. c) L’appelante ressentait de la pression et ne se sentait pas bien dans cette situationNote de bas de page 81 ;
  4. d) L’appelante est timide, tandis que la formatrice est plus en mode actionNote de bas de page 82 ;
  5. e) L’employeur a essayé de trouver une solution, mais l’appelante a maintenu sa décision de quitter son emploiNote de bas de page 83 ;
  6. f) Il n’a pas eu le temps de discuter avec la formatrice ni de voir les options pour assigner l’appelante dans une autre équipe ou avec une autre formatrice au besoin. L’appelante ne lui a pas laissé la chance d’examiner toutes les options avant son départNote de bas de page 84.

[87] Les déclarations de l’employeur X à la Commission indiquent les éléments suivants :

  1. a) L’appelante a été embauchée comme préposée aux chambres pour la période estivale. Elle a travaillé du 1er avril 2022 au 8 mai 2022Note de bas de page 85 ;
  2. b) Au début de son emploi, l’appelante lui a indiqué qu'elle n'aimait pas ses tâches. Après quelques jours de travail, elle l’a informé qu’elle poursuivrait son emploiNote de bas de page 86 ;
  3. c) Elle a donné sa démission au début du mois de mai 2022. Elle lui a indiqué qu’elle n’en pouvait plusNote de bas de page 87 ;
  4. d) L’appelante lui a aussi dit qu’elle quittait son emploi pour en occuper un autreNote de bas de page 88 ;
  5. e) L’appelante n’a pas discuté avec lui pour occuper un autre poste. L’employeur aurait pu lui trouver autre chose, étant donné la pénurie de main-d’œuvreNote de bas de page 89.

[88] Le témoignage et les déclarations de l’appelante concernant ses départs volontaires indiquent les éléments suivants :

  1. a) Ses départs volontaires sont liés au fait qu’elle vit avec le TSANote de bas de page 90 ;
  2. b) Dans ses emplois chez X et à X, elle a ressenti de l’anxiété de façon si forte ou à un point intolérable qu’elle a dû quitter les emplois en question pour le bien de sa santé mentaleNote de bas de page 91 ;
  3. c) En mars 2020, elle a reçu un diagnostic posé par une docteure en psychologie (neuropsychologue) relativement à sa conditionNote de bas de page 92 ;
  4. d) En novembre 2022, un autre rapport relativement à sa condition a été rédigé par la docteure en psychologie ayant produit celui de mars 2020Note de bas de page 93 ;
  5. e) La condition de l’appelante fait en sorte qu'elle a de la difficulté à conserver ses emploisNote de bas de page 94 ;
  6. f) Compte tenu de son diagnostic, quand cela ne va pas au travail, elle ne peut pas faire autrement, elle panique, elle fait un « meltdown » (« effondrement autistique ») et elle démissionneNote de bas de page 95 ;
  7. g) Elle est suivie en psychiatrie et par d’autres professionnels de la santé du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle pour les troubles du spectre de l’autisme (CRDI-TSA) ;
  8. h) Lorsqu’elle a reçu son diagnostic en 2020, elle a été un peu laissée à elle-même, avant de changer de psychiatre, il y a environ six mois ;
  9. i) La psychiatre qui l’a suivie jusque vers l’automne 2022, soit durant les périodes où elle a travaillé pour différents employeurs, n’était pas très à jour sur ce qu’est le TSA. Elle ne lui a pas offert d’aide ou de soutien relativement à sa condition médicale. Si elle l’avait référée au CRDI-TSA à ce moment-là, elle aurait pu obtenir de l’aide plus tôt ;
  10. j) Son nouveau psychiatre ne la connaissait pas au moment où elle a quitté les emplois occupés chez X et à X Il ne se sentait pas à l’aise de recommander des arrêts de travail « rétroactifs » (ex. : périodes d’emplois effectuées en 2022). Ce fut la même chose avec les médecins qu’elle a rencontrés (ex. : sans rendez-vous). Ils n’étaient pas à l’aise de le faire non plus puisqu’ils ne faisaient pas de suivi auprès d’elle ;
  11. k) L’appelante indique que des certificats médicaux démontrent qu’elle a été dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales (ex. : trouble d’adaptation, gestion difficile des émotions) du 28 septembre 2022 au 30 octobre 2022 inclusivement, qu’elle pouvait effectuer un retour progressif au travail à compter du 31 octobre 2022 au 20 novembre 2022 puis à temps plein à compter du 21 novembre 2022Note de bas de page 96 et qu’elle a été à nouveau dans l’incapacité à travailler pour des raisons de santé (ex. : trouble de l’adaptation, TSA, symptômes affectifs anxieux) du 10 janvier 2023 au 27 mars 2023 inclusivementNote de bas de page 97 ;
  12. l) Le CRDI-TSA lui apporte de l’aide pour son développement personnel depuis l’automne 2022 ;
  13. m) L’organisme « Univers Emploi » de La Pocatière l’aide aussi pour faciliter son insertion en emploi, un peu comme le SEMO-CA ;
  14. n) Les aspects relevant de son état psychologique ou de sa condition médicale n’ont pas été abordés avec les employeurs X et X avant de commencer à travailler pour eux ni pendant ses périodes d’emploi ni au moment de quitter les emplois en question. Elle précise qu’elle n’aurait pas su quoi demander aux employeurs comme accommodement, étant donné sa situation.

[89] Concernant spécifiquement son emploi chez X, l’appelante fournit les précisions suivantes :

  1. a) Elle a quitté son emploi en raison d’un conflit de personnalités (« clash » de personnalités) avec sa formatrice. Cette dernière lui mettait énormément de pression et n’était pas patiente envers elle. La formatrice la faisait sentir incompétente. Cette situation a causé beaucoup de stress à l’appelanteNote de bas de page 98 ;
  2. b) Lors de sa première journée de travail, l’appelante a discuté avec le gestionnaire des problèmes liés à sa formation. Le gestionnaire lui a dit d’en parler avec la formatrice. Ce que l’appelante a fait. Lors de sa discussion avec la formatrice, celle-ci lui a dit qu’elle n’avait pas le temps de lui montrer les choses deux fois, qu’elle avait dû mettre des projets de côté pour pouvoir la former et qu’elle devait donc rester attentive et écouterNote de bas de page 99 ;
  3. c) Après sa première journée de travail, l’appelante s’est dit qu’elle ne pouvait pas travailler dans un tel environnement, mais qu’elle allait essayer une dernière journéeNote de bas de page 100 ;
  4. d) Lors de sa deuxième journée de travail, la formatrice lui a de nouveau fait des commentaires semblables à ceux faits lors de la première journée. La formatrice la juge, la fait sentir mal de ne pas savoir ou de ne pas comprendre des choses. L’appelante a constaté qu’elle ne s’entendait pas du tout avec elleNote de bas de page 101 ;
  5. e) Lors de cette deuxième journée, l’appelante relate l’événement suivant : la formatrice, qui était en télétravail avec l’appelante, lui demande s’il y a des billets à traiter dans le centre de requêtes (demandes présentées par des utilisateurs (clients) pour régler un problème technique). La formatrice lui souligne qu’il y a une demande urgente à traiter. L’appelante lui demande si elle voulait faire un partage d’écran pour lui montrer de quoi il s’agissait. La formatrice lui répond : « Te montrer quoi? […] Et tu n’as pas pris en charge le billet donc je l’ai fait »Note de bas de page 102 ;
  6. f) L’appelante a discuté avec l’employeur (le gestionnaire) du fait qu'il y avait un conflit de personnalités entre elle et sa formatrice et qu’elle ne se sentait pas à l’aise dans cette situation. L’employeur lui a dit qu’il allait d'abord discuter avec la formatrice à ce sujet, mais que c’était la seule personne qui pouvait la former et qu’il n’y avait pas d’autres solutions. L’appelante indique que ce n’était pas possible pour elle d’avoir un autre posteNote de bas de page 103 ;
  7. g) L’appelante a décidé de quitter son emploi, sans attendre que l’employeur parle à la formatrice, car la pression qu’elle ressentait l’avait beaucoup trop stressée. Elle s’est sentie paniquée à l’idée de devoir terminer sa journée. Elle ne se sentait pas capable de continuer de travailler à cet endroitNote de bas de page 104.

[90] Pour ce qui est de son emploi à X, l’appelante donne les précisions suivantes :

  1. a) Elle n’aimait pas ses tâchesNote de bas de page 105 ;
  2. b) Elle ne se voyait pas travailler à cet endroit tout l’été, comme elle s’était engagée à le faire, car elle serait probablement tombée malade avant la fin de l’été. Elle ressentait de l’anxiété à l’idée de continuer de travailler à cet endroit, ce qu’elle ne pouvait pas supporter. Elle était rendue à un point où chaque fois qu’elle terminait une tâche et en commençait une nouvelle, elle se sentait extrêmement malheureuse et démotivéeNote de bas de page 106 ;
  3. c) Au début de mai 2022, elle a donné un préavis de départ de deux semaines à l'employeur. L’appelante espérait pouvoir respecter cet avis. À la suite de cet avis, l’employeur a réduit ses heures de travailNote de bas de page 107 ;
  4. d) Malgré cet avis, elle a quitté son emploi le 8 mai 2022Note de bas de page 108 ;
  5. e) Avant son départ, elle n'a pas demandé de transfert de poste (ex. : travailler à la cuisine ou comme serveuse)Note de bas de page 109 ;
  6. f) Cela l’a dérangée d’avoir renoncé à sa parole puisqu’elle avait dit à l’employeur qu’elle voulait occuper un emploi pour l’été. Elle avait l’impression de ne pas être fiableNote de bas de page 110 ;
  7. g) Il s’agissait de son quatrième emploi en moins d’un an. L’appelante souligne que travailler est important pour elle, mais qu’en une année, elle n’a travaillé qu’environ deux moisNote de bas de page 111 ;
  8. h) À la suite de sa dernière journée de travail, elle a fait des démarches pour demander des prestations d’aide socialeNote de bas de page 112.

[91] Le représentant fait valoir les éléments suivants :

  1. a) L’appelante était justifiée de quitter les emplois qu’elle a occupés chez X et à XNote de bas de page 113. Il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas pour chacun des emplois en question ;
  2. b) La Commission aurait dû considérer l’état psychologique de l’appelante et sa « réalité médicale »Note de bas de page 114, dont le fait qu’elle vit avec le TSA pour évaluer si ses départs volontaires étaient justifiés et prendre en compte qu’il s’agit d’une « circonstance atténuante »Note de bas de page 115 ;
  3. c) Le représentant dit trouver incompréhensible le fait que la Commission ait exclu de son argumentation tout ce qui concerne la condition psychologique de l’appelante ;
  4. d) La Commission devrait aussi prendre en considération la difficulté qu’une personne vivant avec le TSA peut avoir à s’intégrer dans le marché du travail pour déterminer si elle était justifiée de quitter volontairement son emploiNote de bas de page 116 ;
  5. e) Le diagnostic de l’appelante indiquant qu’elle vit avec le TSA a été posé en 2020 ;
  6. f) Elle a effectué des départs volontaires chez les deux employeurs en question dans un contexte de « meltdown » (« effondrement autistique » ou « overdose [surdose] d’émotions »). Elle a ainsi vécu une « crise émotionnelle intense » qui a eu un impact sur sa santé mentale et son bien-être. N’eut été le « meltdown » qu’elle a fait dans chacun des emplois en question, elle n’aurait pas effectué de départs volontairesNote de bas de page 117 ;
  7. g) Le représentant est en désaccord avec l’argument de la Commission selon lequel aucune information au dossier ne permet de conclure, au sujet de l’emploi occupé par l’appelante chez X, que la situation de cette dernière « était intolérable ou sérieuse au point qu’elle devait quitter subitement sans attendre la suite des choses avec le gestionnaire »Note de bas de page 118 ;
  8. h) Compte tenu des circonstances, il était raisonnable pour elle de quitter cet emploi pour préserver sa santé, étant donné ce qui s’était passé avec sa formatrice ;
  9. i) Il semble évident que la formatrice était « rude » avec l’appelante. Selon le représentant, la situation était intolérable pour l’appelante et pouvait lui créer un préjudice ou aggraver sa situation en continuant de travailler chez cet employeur ;
  10. j) Elle a tenté de trouver une solution en discutant avec son supérieur immédiat (ex. : changement de poste ou de formatrice)Note de bas de page 119 ;
  11. k) La Loi prévoit qu’une personne est en droit de quitter son emploi en raison de « relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur »Note de bas de page 120 ;
  12. l) La Commission a unilatéralement retenu la version de l’employeurNote de bas de page 121 ;
  13. m) Pour ce qui est de l’emploi à X, l’appelante était également justifiée de le quitter étant donné son état de santé psychologique et sa « réalité médicale »Note de bas de page 122 ;
  14. n) La nature des tâches qu’elle effectuait et le milieu de travail dans lequel elle se trouvait au moment où elle a annoncé sa démission ont contribué à l’aggravation de son état émotionnelNote de bas de page 123 ;
  15. o) Elle a montré avoir fourni des efforts pour arranger la situation avec l’employeur. Elle a décidé de quitter son emploi pour préserver sa santé mentale ;
  16. p) Il ne s’agissait pas d’un emploi convenable pour elleNote de bas de page 124. Il ne convenait pas à sa condition médicale. Ses capacités physiques et son état de santé ne lui permettaient pas d’effectuer ce travailNote de bas de page 125 ;
  17. q) L’appelante détient un baccalauréat en administration des affaires et a déjà travaillé dans ce domaine ;
  18. r) L’appelante avait des difficultés à réintégrer le marché du travail. Elle était de bonne foi pour retourner sur le marché du travail après une période de maladie qui l’avait amenée à quitter un emploi qu’elle avait occupé dans le passé. Elle a accepté l’emploi qui s’est offert à elle ;
  19. s) Elle a fait une tentative très honnête pour réintégrer le marché du travail, mais cela n’a pas fonctionné. L’appelante ne pouvait pas le savoir jusqu’au moment de l’occuper. Un des rapports rédigés par une neuropsychologue et décrivant la condition de l’appelante indique que celle-ci a des difficultés à comprendre la nature de l’emploi qu’elle accepte et que c’est seulement lorsqu’elle l’occupe qu’elle le comprendNote de bas de page 126 ;
  20. t) Le programme de l’assurance-emploi devrait être adapté de manière à pouvoir offrir une meilleure protection aux personnes vivant avec le TSA lorsque cela ne fonctionne pas dans les emplois qu’elles occupent et qu’elles les quittent volontairement, alors qu’elles font beaucoup d’efforts pour s’intégrer au marché du travailNote de bas de page 127.

[92] Je considère que les motifs évoqués par l’appelante pour avoir quitté ses emplois chez X et à X, démontrent qu’elle était justifiée de le faire au sens de la Loi.

[93] J’estime qu’étant donné l’état psychologique de l’appelante, liée au fait qu’elle présente un TSA, il pouvait être néfaste ou dommageable pour sa santé ou sa sécurité de continuer de travailler pour les employeurs en question.

[94] L’appelante explique être suivie en psychiatrie et par d’autres professionnels de la santé du Centre de réadaptation en déficience intellectuelle pour les troubles du spectre de l’autisme (CRDI-TSA).

[95] Je retiens ses explications selon lesquelles les symptômes qu’elle a ressentis lorsqu’elle a travaillé pour les employeurs en question étaient si intenses (ex. : stress, anxiété, « meltdown »), qu’elle a dû quitter les emplois qu’elle occupait pour le bien de sa santé mentaleNote de bas de page 128.

[96] Ses explications sont d’ailleurs soutenues par une preuve documentaire convaincante à cet égardNote de bas de page 129.

[97] Un rapport rédigé par une docteure en psychologie en mars 2020 décrit de manière exhaustive la condition psychologique de l’appelanteNote de bas de page 130.

[98] Ce document précise que l’appelante présente des particularités qui répondent aux critères diagnostiques du TSANote de bas de page 131.

[99] Ce document réfère également à un diagnostic médical spécifique de l’appelante, posé par une psychiatreNote de bas de page 132.

[100] Ce document précise aussi que dans le cadre d’emplois que l’appelante a occupés à compter de 2018, elle a bénéficié d’un service de soutien pour faciliter son intégration au marché du travail et son maintien en emploi, soit par le biais d’un programme spécifique de soutien en santé mentale (ex. : programme intégré de soutien à l’emploi – PISE) (Programme d’intégration sur le marché du travail destiné à des personnes ayant des problèmes de santé mentale) ou de la part du Service externe de main-d’œuvre (ex. : Service externe de main-d’œuvre de Chaudière-Appalaches - SEMO-CA), un organisme œuvrant auprès de personnes vivant avec un handicapNote de bas de page 133.

[101] Je retiens également du témoignage de l’appelante qu’elle n’a pas bénéficié de soutien de cette nature lorsqu’elle a travaillé chez X et à X Elle précise qu’à la suite du rapport rédigé en mars 2020, elle a été laissée à elle-même, et ce, jusqu’au moment de changer de psychiatre, à l’automne 2022.

[102] J’estime qu’en plus du fait que l’appelante vive avec le TSA, elle n’a pas bénéficié d’un soutien adéquat de la part d’intervenants en santé pour faciliter son intégration et son maintien en emploi. Je suis d’avis que cette situation soutient l’idée que sa santé ou sa sécurité pouvait être compromise si elle continuait de travailler pour les employeurs en question.

[103] En novembre 2022, un autre rapport, toujours par la docteure en psychologie qui avait rédigé celui de mars 2020, fournit des précisions sur l’état psychologique de l’appelante, dont le fait qu’elle vive avec le TSA, et qu’elle présente des difficultés sur le plan de la compréhension sociale, de même que sur le plan des habiletés socialesNote de bas de page 134.

[104] Ce rapport précise aussi que l’état psychologique de l’appelante est à considérer comme affectant ses compétences au travailNote de bas de page 135.

[105] Bien que ce rapport ait été rédigé à la suite des départs volontaires de l’appelante, j’estime que les conditions décrites quant au besoin pour cette dernière d’avoir du soutien pour faciliter son intégration et son maintien en emploi prévalaient déjà lorsqu’elle a travaillé pour les employeurs en cause en 2021.

[106] La Commission fait valoir que l’appelante n’aurait pas dû quitter spontanément les emplois qu’elle a occupés avant d’avoir épuisé les solutions raisonnables, même si elle « pouvait éprouver certaines difficultés en lien avec un diagnostic »Note de bas de page 136.

[107] La Commission précise que cela avait été le cas lorsque l’appelante a travaillé chez X, même si cette dernière considérait qu’il y avait un conflit de personnalités avec sa formatriceNote de bas de page 137. Elle considère qu’il en va de même lorsque l’appelante a travaillé à X, bien que dans ce cas, celle-ci a indiqué qu’elle serait probablement tombée malade avant la fin de l’été et qu’elle avait fait un « meltdown »Note de bas de page 138.

[108] Pour les deux départs volontaires, la Commission fait également valoir qu’il n’y a « aucun certificat médical attestant qu’elle devait quitter définitivement son emploi en raison de son état de santé »Note de bas de page 139.

[109] Je ne retiens pas les arguments de la Commission sur ces aspects.

[110] Je considère que dans son analyse, la Commission occulte le contenu d’un rapport très détaillé, rédigé en mars 2020 par une docteure en psychologie, et portant spécifiquement sur l’état psychologique de l’appelante, en lien avec le fait qu’elle présente un TSANote de bas de page 140.

[111] Je souligne que ce même document réfère aussi à un diagnostic de santé posé par une psychiatreNote de bas de page 141.

[112] Je considère que la Commission n’a pas non plus pris en compte le fait que l’appelante soit suivie en psychiatrie et par d’autres intervenants du milieu de la santé (ex. : CRDI-TSA).

[113] J’estime que même si l’appelante n’a pas présenté de preuve médicale démontrant de manière spécifique qu’elle n’était pas en mesure de continuer de travailler chez les deux employeurs en cause pour des raisons de santé, elle fournit des explications détaillées et convaincantes des symptômes qu’elle a ressentis lorsqu’elle a occupé chacun des emplois en question. Elle décrit les risques que pouvait poser pour sa santé le fait de continuer de les occuper, sans soutien adéquat.

[114] Ses explications sont soutenues par des éléments de preuve tout aussi convaincants que sont les rapports rédigés par une docteure en psychologieNote de bas de page 142.

[115] De plus, la preuve au dossier indique que l’appelante a été dans l’incapacité de travailler à plusieurs reprises pour des raisons médicales, dont des raisons liées au fait qu’elle présente un TSA, avant et après ses périodes d’emploi chez X et à XNote de bas de page 143.

[116] Je suis d’avis que ces éléments de preuve soutiennent également le fait que pour les deux emplois en question, l’appelante a ressenti des symptômes similaires à ceux décrits dans des certificats médicaux pour déterminer qu’elle a été dans l’incapacité de travailler pour des raisons médicales durant des périodes postérieures à ces deux emplois.

[117] J’estime qu’objectivement, l’appelante n’était pas tenue de continuer à occuper des emplois qui auraient pu compromettre sa santé ou sa sécurité.

[118] Je considère que l’appelante était justifiée de quitter volontairement ses emplois en raison de « conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité »Note de bas de page 144.

[119] J’estime qu’elle démontre qu’il n’existait aucune autre solution raisonnable que celle de quitter ses emplois au moment où elle l’a fait.

[120] L’appel est fondé sur la question des départs volontaires de l’appelante.

Conclusion

[121] Je conclus que l’appelante démontre qu’à compter de la semaine ayant commencé le 12 décembre 2021, elle avait un motif valable justifiant son retard à présenter sa demande de prestations d’assurance-emploi.

[122] Je conclus, compte tenu de toutes les circonstances, que l’appelante était justifiée de quitter les emplois qu’elle a occupés les 27 et 28 janvier 2022 et au cours de la période du 1er avril 2022 au 8 mai 2022. Pour chacun des emplois en question, il s’agissait de la seule solution raisonnable dans son cas.

[123] Les exclusions de l’appelante du bénéfice des prestations à compter du 13 février 2022, de même qu’à compter du 8 mai 2022, ne sont pas justifiées.

[124] Par conséquent, l’appel est accueilli en partie.

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