Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : AS c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 813

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : A. S.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (515752) datée du 15 août 2022 (publiée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience  : Le 18 janvier 2023
Personnes participant à l’audience : Partie appelante
Observateur (époux de la partie appelante)
Date de la décision : Le 25 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3260

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel, avec modification à la date de fin de l’inadmissibilité.

[2] Je ne suis pas d’accord avec l’appelante, A.S. (prestataire).

[3] La Commission de l’assurance-emploi du Canada (Commission) a démontré que la prestataire avait été suspendue en raison de son inconduite. Autrement dit, la prestataire a fait quelque chose ayant entraîné sa suspension.

[4] La période de prestations a débuté le 12 décembre 2021. La suspension de la prestataire a pris fin le 10 mars 2022. La prestataire était donc inadmissible aux prestations d’assurance-emploi (AE) du 13 décembre 2021 au 11 mars 2022Note de bas page 1.

Aperçu

[5] Le prestataire travaillait comme infirmière autorisée dans un hôpital, pour des services de santé provinciaux. Son employeur l'a mise en congé non payé, c’est-à-dire qu’il l’a suspendue, parce qu’elle ne s’était pas conformée à sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[6] La prestataire ne conteste pas ce qui s’est passé. Elle dit toutefois que la non-conformité à la politique de vaccination de son employeur ne correspond pas à une inconduite.

[7] Dans un premier temps, la Commission a établi que la prestataire avait cessé de travailler en prenant volontairement une période de congé. Après révision, la Commission a changé sa décision pour dire qu’il s’agissait d’un congé involontaire ou d’une suspension.

[8] La Commission a accepté la raison invoquée par l’employeur pour justifier la suspension. Elle a alors décidé que la prestataire avait été suspendue pour inconduite et qu’elle était donc inadmissible aux prestations d’AE.

Les questions que je dois examiner en premier lieu

Partie mise en cause potentielle

[9] Le Tribunal envoie parfois à l’ancien employeur du prestataire une lettre lui demandant s’il veut être ajouté comme partie à l’appel. Pour être une partie mise en cause, l’employeur doit avoir un intérêt direct dans l’appel. J’ai décidé de ne pas ajouter l’employeur comme partie à cet appel. En effet, rien dans le dossier ne laisse croire que ma décision imposerait des obligations légales à l’employeur.

Questions en litige

[10] La prestataire a-t-elle été suspendue de son emploi pour inconduite?

Analyse

[11] La loi dit qu’une personne qui perd son emploi à cause de son inconduite ne peut pas recevoir de prestations d’AE. Cette situation s’applique quand l’employeur suspend la personneNote de bas page 2.

[12] Pour décider si la prestataire a été suspendue pour inconduite, il me faut examiner deux choses. D’abord, je dois établir la raison pour laquelle la prestataire a été suspendue. Ensuite, je dois décider si cette raison est une inconduite aux yeux de la loi.

Pourquoi la prestataire a-t-elle été suspendue?

[13] Les deux parties sont d’accord que la prestataire a été mise en congé non payé, c’est-à-dire qu'elle a été suspendue, parce qu’elle a refusé de soumettre son statut vaccinal à la date limite fixée par la politique de vaccination obligatoire de son employeur en matière de COVID-19.

[14] Rien dans le dossier ne me permettrait de conclure autrement. Je conclus donc que la prestataire a été suspendue de son emploi parce qu’elle a refusé de se conformer à la politique de vaccination obligatoire de son employeur.

La raison de la suspension représente-t-elle une inconduite selon la loi ?

[15] Oui. Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite. Voici ce dont j’ai tenu compte.

[16] Pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. Elle doit donc être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. L’inconduite comprend également une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4.

[17] Il n’est pas nécessaire que la prestataire ait eu une intention frauduleuse (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit considéré comme une inconduite selon la loiNote de bas page 5.

[18] Il y a inconduite si la prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle soit congédiée pour cette raisonNote de bas page 6.

[19] La Commission doit prouver que la prestataire a été suspendue ou a perdu son emploi en raison de son inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, la Commission doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la prestataire a été suspendue ou a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas page 7.

[20] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite pour les raisons suivantes :

  • La prestataire savait que tous les employés devaient montrer qu’ils étaient pleinement vaccinés au plus tard le 31 octobre 2021. Cette échéance avait été repoussée au 30 novembre 2021, puis de nouveau au 12 décembre 2021.
  • La prestataire savait qu’elle tomberait en congé non payé et serait suspendue si elle ne montrait pas qu’elle avait été pleinement vaccinée à cette date.
  • La prestataire a refusé de divulguer son statut vaccinal et a été suspendue. Le 7 décembre 2021 a été son dernier jour de travail.

[21] La prestataire dit avoir reçu la plupart des documents envoyés par l’employeur pour l’aviser de la politique. Elle savait qu’elle tomberait en congé non payé et serait suspendue si elle ne s’y conformait pas. Elle a demandé une exemption pour des motifs religieux, mais on la lui a refusée. Elle a agi selon sa propre conscience et ses convictions personnelles.

[22] Dans son témoignage, la prestataire a affirmé qu’elle n’avait eu aucun comportement répréhensible, qu’elle avait demandé de continuer de travailler, et que son dossier médical était confidentiel. Elle n’avait donc pas pu commettre une inconduite. Elle se demandait pourquoi l’employeur jugeait qu’elle représentait un risque plus élevé en s’occupant de patients une fois la politique en vigueur. En effet, elle avait pu travailler et fournir des soins pendant la pandémie de COVID-19 et avant l’entrée en vigueur de la politique. Elle soutenait qu'aucune preuve scientifique ne confirme que le vaccin prévienne la COVID-19.

[23] La prestataire affirme que la Commission a indiqué une date erronée pour la fin de sa suspension. Elle dit que la politique de l’employeur a peut-être été modifiée le 9 mars 2022. Même si sa suspension avait pris fin le 9 mars 2022, elle avait eu jusqu’au 31 mars 2022 pour reprendre le travail. Elle avait pu prévoir son retour au travail pour le 22 mars 2022.

[24] Il est important de noter que la loi ne me demande pas de tenir compte de la façon dont l’employeur s’est comporté pour établir une inconduite aux fins des prestationsNote de bas page 8 d’AE. Je dois plutôt examiner ce que la prestataire a fait ou a omis de faire et décider s’il s’agit là d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 9.

[25] Conformément à la Cour fédérale et à la Cour d’appel fédérale, il ne faut pas se préoccuper de savoir si un employeur a fourni les mesures d’adaptation nécessaires en vertu des droits de la personne lorsqu’on décide de l’inconduite aux fins de la Loi. Ce n’est pas la conduite de l’employeur qui est en cause. D’autres instances sont vouées à ce genre de questionsNote de bas page 10.

[26] Il faut aussi comprendre que je ne peux pas décider si la prestataire avait d’autres options en vertu d’autres lois. Je ne suis pas habilitée à décider si la prestataire a fait l’objet d’une suspension abusive ou si l’employeur aurait dû lui fournir des mesures d’adaptation raisonnablesNote de bas page 11. La seule chose que je puisse faire, c’est de juger si les actions ou l’inaction de la prestataire représentaient une inconduite selon la Loi.

[27] Je conclus que la Commission a prouvé que la prestataire avait commis une inconduite puisqu’elle avait agi de façon délibérée ou intentionnelle en refusant de divulguer son statut vaccinal. La prestataire avait été clairement avertie qu’elle tomberait en congé non payé ou ne pourrait plus travailler (suspension) si elle ne montrait pas qu’elle avait été vaccinée contre la COVID-19. Il y avait une relation de cause à effet entre sa suspension et son refus de divulguer son statut vaccinal. Je conclus donc que la prestataire a été suspendue en raison de son inconduite.

[28] Je vois que la Commission a mis fin à son inadmissibilité le 9 mars 2022. La prestataire a cependant expliqué qu’on lui avait donné jusqu’au 31 mars 2022 pour revenir au travail après la modification de la politique. Elle a dit avoir seulement repris le travail le 22 mars 2022.

[29] Rien au dossier ne me laisse croire que Commission aurait essayé de savoir si la prestataire était inadmissible aux prestations pour une autre raison du 11 mars 2022 au 22 mars 2022. Je n’ai donc pas compétence pour me prononcer sur son admissibilité aux prestations durant cette période.

[30] La période de prestations a débuté le 12 décembre 2021. La suspension de la prestataire a pris fin le 9 mars 2022. Je conclus donc que la prestataire était inadmissible aux prestations d’AE du lundi 13 décembre 2021 au lundi 9 mars 2022Note de bas page 12.

Conclusion

[31] La Commission a prouvé que la prestataire avait été suspendue pour inconduite. Par conséquent, la prestataire est inadmissible aux prestations d’AE.

[32] L’appel est rejeté, avec une modification de la date de fin de l’inadmissibilité.

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