Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 904

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : R. L.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 20 février 2023
(GE-22-3638)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Date de la décision : Le 12 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-281

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel ne sera pas instruit.

Aperçu

[2] Le demandeur et prestataire, R. L., a été mis en congé administratif non payé parce qu’il n’a pas suivi la politique de vaccination de son employeur. Il a ensuite demandé des prestations d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse, la Commission de l’assurance-emploi du Canada, a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison de son inconduite et qu’il ne pouvait pas recevoir de prestations.

[4] La prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. La division générale a rejeté son appel. Elle a conclu que la Commission avait prouvé que la raison de sa suspension correspondait à une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi sur l’AE).

[5] La prestataire souhaite maintenant faire appel de la décision de la division générale devant la division d’appel du Tribunal. Il soutient que la division générale a commis une erreur de droit dans sa décision. Il doit toutefois obtenir la permission d’en appeler pour que son appel se poursuive.

[6] Je dois décider si la division générale a commis une erreur susceptible de révision qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès. Je refuse au prestataire la permission d’en appeler parce que son appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Questions en litige

[7] Voici les questions en litige :

  1. a) Est-il défendable que la division générale ait commis une erreur de droit parce qu’elle n’a pas considéré comment le manquement du prestataire affectait l’exercice de ses fonctions ou enfreignait ses conditions d’emploi?
  2. b) Le prestataire invoque-t-il une autre erreur de la division générale qui aurait une chance raisonnable de succès?

Je n’accorde pas au prestataire la permission d’en appeler

[8] Le critère juridique que la prestataire doit remplir pour obtenir la permission d’en appeler est peu rigoureux : y a-t-il un motif défendable qui permettrait à l’appel d’être accueilliNote de bas de page 1?

[9] Pour trancher cette question, j’ai cherché à savoir si la division générale avait pu commettre une ou plusieurs des erreurs (ou des moyens d’appel) énumérées dans la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement socialNote de bas de page 2.

[10] Un appel n’est pas une nouvelle chance de plaider sa cause. Je peux seulement décider si la division générale :

  1. a) n’a pas offert une procédure équitable;
  2. b) n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher, ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  3. c) a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 3 ;
  4. d) a commis une erreur de droitNote de bas de page 4.

[11] Pour que le prestataire passe à l’étape suivante de l’appel, je dois être convaincue qu’au moins un de ces motifs donne à son appel une chance raisonnable de succès. Un appel présente une chance raisonnable de succès si on pense que le prestataire pourrait plaider et gagner sa cause. Je dois aussi rester vigilante envers les motifs que le prestataire n’a pas expressément invoquésNote de bas de page 5.

Il n’est pas défendable que la division générale n’ait pas respecté l’équité procédurale

[12] La prestataire soutient que la division générale a commis une erreur de droit parce qu’elle aurait mal appliqué le critère juridique relatif à l’inconduite. Il affirme, plus précisément, qu’aucune preuve ne montre qu’il assumerait moins bien ses tâches ou enfreindrait son contrat de travail en refusant de se conformer à la politique de vaccinationNote de bas de page 6.

[13] La division générale a examiné les raisons de sa suspension. Elle a noté que la politique de vaccination contre la COVID-19 adoptée par l’employeur exigeait que les employés divulguent leur statut vaccinal au plus tard le 29 octobre 2021 et soient pleinement vaccinés au plus tard le 14 novembre 2021Note de bas de page 7.

[14] Le prestataire n’a pas divulgué son statut vaccinal à la date imposée par la politique. Il est donc tombé en congé le 12 novembre 2021. La division générale a conclu qu’il avait été suspendu pour non-respect de la politiqueNote de bas de page 8.

[15] La division générale a ensuite cherché à savoir si la raison de sa suspension représentait une inconduite selon la Loi sur l’AE. Elle a nommé le critère juridique relatif à l’inconduite établi par la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédéraleNote de bas de page 9.

[16] La division générale a ensuite appliqué le critère juridique, établi par la jurisprudence, à la situation du prestataire. Pour les raisons qui suivent, la division générale a conclu que la Commission avait prouvé que le prestataire avait été suspendu en raison de son inconduite :

  • L’employeur avait une politique exigeant que les employés divulguent leur statut vaccinal et soient pleinement vaccinés dans certains délais.
  • La politique prévoyait que les employés qui n’avaient pas rempli leur formulaire de preuve de vaccination ou qui n’étaient pas pleinement vaccinés, et ce sans avoir bénéficié d’une exemption, seraient placés en congé administratif non payé.
  • Le prestataire a déclaré qu’il avait lu la politique, savait ce qu’on attendait de lui et connaissait les conséquences du non-respect de la politique.
  • En ne remplissant pas le formulaire de preuve, le prestataire a intentionnellement refusé de se conformer à la politique et a été suspenduNote de bas de page 10.

[17] Dans sa demande de permission d’en appeler, le prestataire soutient qu’aucune preuve ne montre que son non-respect entravait l’exécution des tâches pour lesquelles il avait été embauché. Il dit qu’il travaille de la maison et que la politique n’a jamais été une de ses conditions d’emploi.Note de bas de page 11

[18] Le prestataire est d’avis que le critère de l’inconduite ne s’applique pas dans sa situation. Selon lui, il n’y avait aucune incidence sur sa capacité d’accomplir ses tâches ni de manquement aux conditions d’emploi convenues à son embauche. Le prestataire affirme également que la jurisprudence sur laquelle la division générale s’est fondée ne s’applique pas à sa situationNote de bas de page 12.

[19] Je conclus qu’il n’est pas défendable que la division générale ait commis une erreur de droit. La prestataire a invoqué ces mêmes arguments devant la division générale, et celle-ci en a tenu compte dans sa décision.

[20] La division générale a examiné l’offre d’emploi soumise par le prestataire. Elle a aussi considéré sa position, à savoir qu’il n’avait pas enfreint les conditions auxquelles il avait consenti lorsqu’il ne s’était pas conformé à la politiqueNote de bas de page 13. La division générale a conclu que d’autres documents, comme les descriptions d’emploi et les politiques, imposent également des obligations à l’employéNote de bas de page 14.

[21] La division générale a déclaré qu’elle ne peut pas décider si l’employeur a eu raison d’établir, de mettre en œuvre et d’appliquer une politiqueNote de bas de page 15. Elle a conclu que la politique de vaccination, dès son entrée en vigueur, était devenue une condition expresse de l’emploi du prestataireNote de bas de page 16.

[22] La division générale a aussi abordé les arguments du prestataire en matière de télétravail, et le fait que son non-respect de la politique n’affectait pas sa capacité à accomplir ses tâches. La division générale a constaté qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider s’il était raisonnable ou nécessaire pour l’employeur d’appliquer la politique aux employés ayant une entente de télétravailNote de bas de page 17.

[23] Il se peut que les circonstances des causes sur lesquelles la division générale s’est fondée soient assez différentes de celles du prestataire. Toutefois, la division générale a correctement utilisé les principes généraux portés par cette jurisprudence pour établir si l’inconduite était à la base du congédiement ou de la suspension.

[24] La division générale a examiné et abordé tous les arguments que le prestataire a présentés dans sa demande de permission d’en appeler. Elle a expliqué, en faisant référence à la jurisprudence contraignante, pourquoi elle n’était pas d’accord avec la prestataire. J’estime que les arguments du prestataire ne relèvent aucune erreur possible de la division générale.

[25] Dans ses motifs de décision, la division générale a traité d’une décision récente de la Cour fédérale, Cecchetto c Canada (Procureur général). Cette décision a confirmé que le Tribunal ne peut pas tenir compte de la conduite de l’employeur ou de la validité de sa politique de vaccinationNote de bas de page 18. La Cour a convenu qu’un employé ayant décidé délibérément de ne pas se conformer à la politique de vaccination de son employeur avait perdu son emploi pour inconduiteNote de bas de page 19.

[26] L’employeur de la prestataire a mis en place une politique obligatoire qui prévoyait la suspension en cas de non-conformité. La politique est devenue une condition d’emploi du prestataire. En refusant de s’y conformer, le prestataire a adopté une conduite qui a nui à sa capacité de s’acquitter de ses fonctions puisqu’il n’était plus en mesure de travailler.

[27] Je comprends la position du prestataire, qui estime que la vaccination et la divulgation de son statut vaccinal ne changent rien à sa capacité d’assumer ses tâches. Toutefois, comme la division générale l’a conclu, il n’appartient pas au Tribunal d’examiner le bien-fondé de la politique de l’employeur ni de savoir s’il était raisonnable d’appliquer la politique à des employés comme le prestataire.

[28] En plus des arguments de la prestataire, j’ai également examiné les autres moyens d’appel. La prestataire n’a pas remis en cause l’équité procédurale chez la division générale, et rien ne me permet d’en douter. Il n’est pas défendable que la division générale ait fondé sa décision sur une erreur de fait importante ou qu’elle ait commis une erreur de compétence.

[29] La prestataire n’a relevé aucune erreur que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à son appel une chance de succès. Par conséquent, je refuse la permission d’en appeler.

Conclusion

[30] La permission d’en appel est refusée. L’appel s’arrête donc ici.

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