Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JK c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 810

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à la permission de faire
appel

Partie demanderesse : J. K.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision rendue par la division générale le 14 avril 2023
(GE-22-3202)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 21 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-423

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption médicale. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations. Le prestataire a porté la décision découlant de la révision en appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi après avoir refusé de se conformer à la politique de l’employeur. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Le prestataire soutient que la division générale n’aurait pas dû tenir compte du fait que l’employeur risquait de perdre du financement provincial s’il ne se conformait pas à la politique. Selon le prestataire, la division générale s’est concentrée sur les actions de l’employeur et a donc fait preuve de partialité. Le prestataire soutient que l’employeur ne lui a pas donné assez de temps pour obtenir des renseignements sur le vaccin. Il soutient que la division générale ne lui a pas demandé de fournir des éléments de preuve montrant que l’effet indésirable qu’il a éprouvé par le passé était lié à un vaccin. Le prestataire fait valoir que la division générale aurait dû suivre une décision rendue par un autre membre.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès? 

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher. Ou bien, elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. Il s’agit d’une première étape que le prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, le prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Il doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, on peut soutenir qu’il y a eu erreur révisable qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès. 

Le prestataire soulève-t-il une erreur révisable que la division générale aurait commise qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] Le prestataire soutient que la division générale n’aurait pas dû tenir compte du fait que l’employeur risquait de perdre du financement provincial s’il ne se conformait pas à la politique. La division générale s’est concentrée sur les actions de l’employeur et a donc fait preuve de partialité. Le prestataire soutient que l’employeur ne lui a pas donné assez de temps pour obtenir des renseignements sur le vaccin. Il soutient que la division générale ne lui a pas demandé de fournir des éléments de preuve montrant que l’effet indésirable qu’il a éprouvé par le passé était lié au vaccin. Le prestataire soutient que la division générale aurait dû suivre une décision rendue par un autre membre.

Inconduite

[13] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été volontaire ou du moins d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a volontairement décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension. Note de bas de page 1

[16] Le prestataire a déclaré qu’il avait reçu une lettre un mois ou un peu plus d’un mois avant la date limite du 19 novembre 2021. L’employeur a confirmé avoir envoyé la lettre vers le 8 octobre 2021. Le prestataire a déclaré qu’une fois qu’il a reçu la politique, il a immédiatement dit à son employeur qu’il n’allait pas travailler pour lui, et son patron a répondu : [traduction] « Si vous ne respectez pas la politique, vous ne pouvez pas venir au travail ».Note de bas de page 2 Le prestataire n’a pas demandé d’exemption médicale.

[17] Le prestataire a déclaré qu’il avait consulté un médecin avant la fin de son emploi et qu’on lui a dit qu’il serait sage de se faire vacciner.Note de bas de page 3

[18] À la lumière de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu parce qu’il avait refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Le prestataire a refusé intentionnellement, ce qui était délibéré. C’était la cause directe de sa suspension.

[19] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[20] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[21] Il est bien établi qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 4 On considère également comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi le fait de ne pas observer une politique dûment approuvée par un gouvernement ou une entreprise.Note de bas de page 5

[22] Il n’est pas vraiment contesté qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de ses employés sur leur lieu de travail. En l’espèce, l’employeur a suivi les directives du gouvernement du Nouveau-Brunswick pour mettre en œuvre sa politique en vue de protéger la santé de tous ses employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[23] Le Tribunal n’a pas la compétence de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[24] La question de savoir si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation au prestataire ou si la politique violait ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas la tribune appropriée par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il demande.Note de bas de page 6

[25] La Cour fédérale du Canada a rendu une décision récente dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur ne constituait pas une inconduite. Il a soutenu qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti l’objet de discrimination en raison de son choix médical personnel. Le prestataire a fait valoir qu’il a le droit de contrôler sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés aux termes du droit canadien et du droit international.Note de bas de page 7

[26] La Cour fédérale a confirmé le bienfondé de la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas légalement autorisé à traiter ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers son employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 8 La Cour a déclaré qu’il y avait d’autres façons de faire avancer adéquatement les revendications du prestataire dans le système judiciaire.

[27] Dans l’affaire Paradis qui a été tranchée auparavant, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu que la politique de l’employeur violait ses droits aux termes de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a établi que cette question relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a déclaré qu’il existe d’autres moyens de sanctionner le comportement d’un employeur, qui permettent d’éviter que le programme d’assurance-emploi fasse les frais du comportement incriminé.

[29] Dans l’affaire Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a déclaré que l’obligation de l’employeur d’accorder des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite à l’assurance-emploi.

[30] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[31] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a fait un choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur mise en œuvre en réponse aux circonstances pandémiques exceptionnelles. En effet, c’est ce refus qui a entraîné sa suspension.

[32] Le prestataire a présenté une décision de la division générale qu’il considère comme étant semblable à son cas. Dans cette décision, le demandeur a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploi. Le prestataire demande à la division d’appel de suivre cette décision.Note de bas de page 9 

[33] Il est important de rappeler que la division d’appel n’est pas tenue de se conformer aux décisions de la division générale.Note de bas de page 10 Ce sont les décisions de la Cour fédérale que nous sommes obligés de respecter. C’est d’ailleurs ce qu’a fait la division d’appel. De plus, les faits de l’affaire présentée par le prestataire sont différents en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait une disposition spécifique lui permettant de refuser toute vaccination. En l’espèce, le prestataire n’a présenté aucun élément de preuve de ce genre à la division générale. De plus, la décision de la division générale mentionnée a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

[34] Le prestataire a également présenté d’autres décisions de la division générale qui ne s’appliquent pas à son cas parce qu’il a eu le temps de se conformer à la politique et qu’il a clairement indiqué à son employeur que cela ne fonctionnerait pas pour lui. De plus, la conclusion de l’inconduite du prestataire est fondée sur la preuve et non sur l’opinion de l’employeur.Note de bas de page 11

[35] J’estime que la division générale n’a pas commis d’erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, laquelle a défini l’inconduite en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi.Note de bas de page 12

[36] Je suis pleinement conscient que le prestataire peut demander réparation devant une autre instance, si une violation est établie.Note de bas de page 13 Cela ne change rien au fait qu’en vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[37] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès sur la question de l’inconduite. 

Le processus d’audience était inéquitable d’une façon ou d’une autre

[38] Devant la division générale, le prestataire a déclaré qu’il avait peur de se faire vacciner contre la COVID-19 puisqu’il avait déjà eu une mauvaise expérience après avoir reçu un vaccin contre la grippe. La division générale a décidé que le prestataire n’avait fourni aucune preuve montrant que la réaction qu’il avait eue était directement liée à ce vaccin. Le prestataire soutient que la division générale aurait dû demander l’élément de preuve s’il était important.

[39] Le rôle de la division générale est d’examiner les éléments de preuve qui lui sont présentés par les deux parties, de décider des faits pertinents à la question de droit dont elle est saisie et d’énoncer, dans sa décision écrite, sa propre décision indépendante à cet égard.

[40] Il est bien établi que la division générale n’a pas l’obligation d’agir à titre de représentante des prestataires et de donner des conseils sur la preuve à présenter. Il appartenait au prestataire de présenter les éléments de preuve à l’appui de sa cause.

[41] Par conséquent, ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Partialité

[42] Le prestataire soutient que la division générale n’aurait pas dû tenir compte du fait que l’employeur risquait de perdre du financement provincial si l’employé ne se conformait pas à la politique. Il soutient que la division générale s’est concentrée sur les actions de l’employeur et qu’elle a donc fait preuve de partialité.

[43] Une allégation de partialité contre un tribunal est une allégation grave. Elle remet en cause l’intégrité du Tribunal et de ses membres qui ont participé à la décision contestée. Cette allégation ne peut pas être faite à la légère. Elle ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressions d’une partie demanderesse ou de son avocate ou avocat. Elle doit être étayée par des éléments de preuve essentiels démontrant un comportement qui déroge à la norme. Il est souvent utile, voire nécessaire, de recourir à des éléments de preuve extérieurs à l’affaire.

[44] Je ne peux pas conclure que la membre de la division générale a fait preuve de partialité dans sa décision en mentionnant que l’employeur risquait de perdre du financement provincial si les employés ne se conformaient pas à sa politique. La décision de la division générale est fondée sur la preuve démontrant que l’employeur devait suivre la directive du gouvernement et mettre en œuvre une politique de vaccination.

[45] La membre de la division générale qui a mené l’audience a rendu une décision très détaillée fondée sur la preuve et appuyée par la jurisprudence pertinente. Je ne vois aucune preuve substantielle démontrant que la conduite de la membre de la division générale déroge à la norme. Je répète qu’une allégation aussi grave ne peut reposer sur de simples soupçons, de pures conjectures, des insinuations ou de simples impressions d’une partie prestataire.

[46] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que ce moyen d’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

Conclusion

[47] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. 

[48] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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