Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : NH c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 855

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Demandeur : N. H.
Défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 5 mai 2023 (GE-23-429)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 27 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-519

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

Aperçu

[2] Le demandeur (prestataire) a été suspendu de son emploi parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur (politique). Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance‑emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a conclu que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, de sorte qu’elle n’était pas en mesure de lui verser des prestations. Après le rejet de ses demandes de révision, le prestataire a interjeté appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que le prestataire avait été suspendu à la suite de son refus de se conformer à la politique de l’employeur. Il n’a pas obtenu d’exemption. Elle a conclu que le prestataire savait que l’employeur était susceptible de le suspendre dans ces circonstances. Elle a conclu que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite.

[5] Le prestataire demande maintenant la permission d’en appeler de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Il soutient que la division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante et qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle a rendu sa décision.

[6] Je dois décider si le prestataire a soulevé une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[7] Je refuse la permission d’interjeter appel parce que l’appel du prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social énonce les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Les erreurs susceptibles de révision sont les suivantes :

  1. 1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon quelconque.
  2. 2. La division générale ne s’est pas prononcée sur une question qu’elle aurait dû trancher. Ou encore, elle s’est prononcée sur une question qu’elle n’avait pas le pouvoir de trancher.
  3. 3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. 4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission d’en appeler est une étape préliminaire à une audition sur le fond de l’affaire. Il s’agit de la première étape que le prestataire doit franchir, mais le fardeau est ici inférieur à celui dont il devra s’acquitter à l’audience relative à l’appel sur le fond. À l’étape de la permission d’en appeler, le prestataire n’a pas à prouver le bien‑fondé de ses prétentions, mais il doit établir que l’appel a une chance raisonnable de succès compte tenu d’une erreur susceptible de révision. En d’autres termes, il doit établir que l’on peut soutenir qu’il existe une erreur susceptible de révision sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli.

[11] Par conséquent, avant que je puisse accorder la permission, je dois être convaincu que les motifs d’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel mentionnés précédemment et qu’au moins l’un des motifs a une chance raisonnable de succès.

Le prestataire soulève-t-il une erreur susceptible de révision de la division générale sur le fondement de laquelle l’appel pourrait être accueilli?

[12] Le prestataire soutient qu’il a droit à une mesure de respect de la vie privée en ce qui concerne sa santé et qu’un employé n’est pas tenu de divulguer un problème de santé qui n’affecte pas sa capacité de faire son travail. Il soutient que l’un des principes fondamentaux est que les employés ont un droit ferme à la vie privée en ce qui concerne leur intégrité corporelle et leur professionnel de la santé. Le prestataire soutient qu’il a refusé de déposer le formulaire de demande de mesure d’adaptation de l’employeur fourni avec la politique de l’employeur parce qu’il exigeait qu’un diagnostic (raison médicale) soit indiqué et qu’il donnait à l’employeur l’autorisation de communiquer avec le médecin de l’employé pour confirmer le diagnostic. Il a toutefois fourni une note médicale sans le formulaire de demande de mesure d’adaptation de l’employeur.

[13] Le prestataire soutient que la politique de l’employeur indiquait qu’il suivrait la directive à jour du gouvernement fédéral. Cette directive a été donnée au moyen de décrets de Transports Canada qui donnaient des directives à l’employeur concernant les exemptions médicales. L’employeur a déclaré qu’il modifierait sa politique pour se conformer à cette directive. Il n’en a rien fait. Ses actes ont découlé de ces faits, étaient légitimes et sont appuyés par une jurisprudence directement applicable et la directive particulière du gouvernement fédéral. Il soutient que l’évaluation de l’inconduite est erronée.

[14] La division générale devait décider si le prestataire avait été suspendu en raison d’une inconduite.

[15] La notion d’inconduite ne signifie pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif découle d’une intention coupable; il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour constituer une inconduite, l’acte reproché doit avoir été délibéré ou du moins procéder d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que l’employé a délibérément décidé de ne pas tenir compte des répercussions que ses actes auraient sur son rendement.

[16] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ou d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[17] Compte tenu de la preuve, la division générale a conclu que le prestataire a été suspendu parce qu’il a refusé de se conformer à la politique. Il avait été informé de la politique de l’employeur et avait eu le temps de s’y conformer. Il n’a pas obtenu d’exemption. Le prestataire a refusé intentionnellement; ce refus était délibéré. Il a été la cause directe de sa suspension.

[18] La division générale a conclu que le prestataire savait que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[19] La division générale a conclu à partir de la preuve prépondérante que le comportement du prestataire constituait une inconduite.

[20] Il est bien établi que le non‑respect voulu de la politique de l’employeur est considéré comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)Note de bas page 1.

[21] Nul ne conteste réellement le fait que l’employeur est tenu de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel au travail. Dans la présente affaire, l’employeur a mis en œuvre sa politique pour protéger la santé de tous les employés pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque le prestataire a été suspendu.

[22] Le prestataire a présenté deux décisions de la Cour fédérale que le Tribunal devrait suivre selon luiNote de bas page 2. Ces affaires concernent le Tribunal canadien des droits de la personne et la Commission des relations de travail dans la fonction publique. L’une d’elles portait sur une question de discrimination et l’autre sur une question de droit du travail et de l’emploi. Les questions en litige dans ces affaires ont trait à l’application de différentes lois qui dépassent largement la compétence du Tribunal.

[23] La question de savoir si l’employeur n’a pas pris des mesures d’adaptation à l’égard du prestataire (en refusant son exemption médicale), si la politique portait atteinte à ses droits du travail, ou si la politique portait atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relève d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas l’instance par laquelle le prestataire peut obtenir la réparation qu’il rechercheNote de bas page 3.

[24] La Cour fédérale a rendu récemment la décision Cecchetto concernant l’inconduite aux termes de la Loi et le refus d’un prestataire de se conformer à la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[25] Le prestataire a fait valoir que le refus de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par l’employeur ne constitue pas une inconduite. Il n’a pas été prouvé que le vaccin était sûr et efficace, a‑t‑il avancé. Le prestataire s’est senti victime de discrimination en raison de son choix médical personnel. Il a fait valoir qu’il a le droit de décider de sa propre intégrité corporelle et que ses droits ont été violés sous le régime du droit canadien et internationalNote de bas page 4.

[26] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle, en vertu de la loi, le Tribunal n’est pas autorisé à répondre à ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et voulu de ne pas respecter la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers l’employeur et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la LoiNote de bas page 5. La Cour a affirmé que le prestataire dispose d’autres recours dans le cadre du système judiciaire pour faire valoir ses allégations.

[27] Dans l’affaire Paradis, le prestataire s’est fait refuser des prestations d’assurance‑emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait eu aucune inconduite parce que la politique de l’employeur portait atteinte aux droits que lui confère l’Alberta Human Rights Act (loi sur les droits de la personne de l’Alberta). La Cour fédérale a conclu que l’affaire relevait d’une autre instance.

[28] La Cour fédérale a affirmé que, pour sanctionner le comportement de l’employeur, il existait d’autres recours qui permettent d’éviter que le programme d’assurance‑emploi fasse les frais de ce comportement.

[29] Dans l’arrêt Mishibinijima, la Cour d’appel fédérale a affirmé que l’obligation de l’employeur de prendre des mesures d’adaptation n’est pas pertinente pour trancher les cas d’inconduite liés à l’assurance‑emploi.

[30] Ainsi qu’il a été mentionné précédemment, le rôle de la division générale n’est pas d’établir si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant le prestataire de sorte que sa suspension était injustifiée, mais bien de décider si le prestataire s’est rendu coupable d’inconduite et si cette inconduite a entraîné sa suspension.

[31] La preuve prépondérante dont disposait la division générale montre que le prestataire a fait le choix personnel et voulu de ne pas se conformer à la politique de l’employeur en réponse aux circonstances exceptionnelles créées par la pandémie, ce qui a entraîné sa suspension.

[32] Selon moi, la division générale n’a commis aucune erreur susceptible de révision lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la LoiNote de bas page 6.

[33] Je suis tout à fait conscient que le prestataire peut demander réparation à une autre instance si une violation est établieNote de bas page 7. Cela ne change rien au fait que, conformément à la Loi, la Commission a prouvé, selon la prépondérance des probabilités, que le prestataire a été suspendu en raison de son inconduite.

[34] Le prestataire a présenté une décision de la division générale qu’il estime être semblable à son cas et dans laquelle la prestataire a réussi à recevoir des prestations d’assurance-emploi. Il demande au Tribunal de suivre cette décisionNote de bas page 8.

[35] Il importe de rappeler que la décision de la division générale dont il est question ne lie pas la division d’appelNote de bas page 9. Celles de la Cour fédérale sont exécutoires et la division d’appel les a suivies. De plus, les faits diffèrent en ce sens que la convention collective de la prestataire comportait une disposition lui permettant de refuser toute vaccination. Le prestataire n’a présenté aucune preuve de ce genre à la division générale. Et, ce qui est encore plus important, la décision de la division générale dont il est question a été rendue avant la décision de la Cour fédérale dans l’affaire Cecchetto.

Deux appels devant la division générale

[36] Comme l’a affirmé la division générale, le prestataire a déposé deux demandes de révision auprès de la Commission. Chacune d’elles a été tranchée séparément. Une décision a été rendue en juin 2022. Il s’agissait d’une décision visant à maintenir sa décision initiale d’inconduite. La deuxième décision était de ne pas réviser sa décision de juin 2022, car le prestataire avait déjà demandé une révision. La Commission a rejeté cette deuxième demande de révision en janvier 2023.

[37] Le prestataire a fourni les deux décisions à la division générale lorsqu’il a demandé son appel. Par conséquent, la division générale a créé deux dossiers d’appel.

[38] Dans sa décision en révision de juin 2022, la Commission a maintenu sa décision initiale sur l’inconduite. Dans sa décision de janvier 2023, la Commission a décidé de ne pas annuler ou modifier sa décision en révision parce que le prestataire n’a pas présenté de faits nouveaux et qu’elle était convaincue que la décision n’a pas été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou qu’elle n’était pas fondée sur une erreur relative à un tel fait. Il s’agit de deux questions différentes dont la division générale est saisie.

[39] Bien que la division générale ait tranché les deux appels uniquement sur la question de l’inconduite, je ne vois aucune erreur susceptible de révision dans l’application par la Commission de l’article 111 de la Loi qui justifierait l’intervention de la division d’appel. Le prestataire n’a pas présenté de faits nouveaux et la décision de révision de la Commission de juin 2022 n’a pas été rendue avant que soit connu un fait essentiel ou n’était pas fondée sur une erreur relative à un tel fait.

Conclusion

[40] Après avoir examiné le dossier d’appel et la décision de la division générale ainsi que les arguments du prestataire à l’appui de sa demande de permission d’en appeler, je n’ai d’autre choix que de conclure que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès. Le prestataire n’a pas invoqué de motif relevant des moyens d’appel susmentionnés, susceptibles d’entraîner l’annulation de la décision contestée.

[41] La permission d’en appeler est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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