Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation: XW c Commission de l’assurance‑emploi du Canada,, 2018 TSS 1446
Numéro de dossier du Tribunal: GE-17-2817

ENTRE :

X. W.

Appelant

et

Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Intimée


DÉCISION DU TRIBUNAL DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Division générale – Section de l’assurance-emploi


DÉCISION RENDUE PAR: Solange Losier
DATE DE L’AUDIENCE: Le 12 février 2018
DATE DE LA DÉCISION: Le 9 mars 2018

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Motifs et décision

Aperçu

[1] L’appelant a présenté une demande initiale de prestations régulières d’assurance‑emploi. L’intimée l’a exclu du bénéfice des prestations après avoir conclu que l’appelant avait quitté volontairement son emploi sans justification. L’appelant a demandé une révision de cette décision et l’intimée a maintenu sa décision initiale. L’appelant a interjeté appel de cette décision devant le Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Le Tribunal doit décider si l’appelant est exclu du bénéfice des prestations en vertu de l’article 30 de la Loi sur l’assurance-emploi (Loi) au motif qu’il a quitté volontairement son emploi sans y être fondé.

[3] L’audience s’est tenue en personne pour les motifs suivants :

  1. a) La complexité de la question faisant l’objet de l’appel;
  2. b) Les renseignements au dossier, y compris le besoin de renseignements supplémentaires;
  3. c) L’appelant demande ce mode d’audience;
  4. d) Ce mode d’audience satisfait à la condition énoncée dans le Règlement sur le Tribunal de la sécurité sociale de procéder de la manière la plus informelle et expéditive que les circonstances, l’équité et la justice naturelle permettent.

[4] L’appelant a assisté à l’audience.

[5] Le Tribunal conclut que l’appelant a prouvé qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi. Les motifs de cette décision suivent.

La preuve

[6] L’appelant a présenté une première demande de prestations régulières d’assurance‑emploi le 26 mai 2017 (pages GD3-4 à GD3-18).

[7] Une copie de son relevé d’emploi (relevé) émis le 24 mai 2017 indique le code « E » qui correspond à « démission » (pages GD3-19 à GD3-20).

[8] L’intimée a communiqué avec l’appelant par téléphone le 19 juin 2017 pour discuter du motif de cessation d’emploi (page GD3-22). L’appelant a fait valoir ce qui suit :

  1. a) Il occupait un emploi permanent à temps plein comme « X ». En décembre 2016, son employeur lui a permis de travailler de jour à partir de 7 h. Il a souvent travaillé de 14 à 15 heures par jour, fait-il observer.
  2. b) Il a quitté son emploi pour des raisons de santé et de sécurité. Son médecin lui avait déjà dit que le travail de nuit ne lui convenait pas en raison de ses problèmes de santé. Il n’a pas consulté son médecin avant de démissionner.
  3. c) Il mentionne que l’employeur lui a dit que le quart de jour n’était plus disponible et qu’il voulait qu’il travaille dans la cour de l’entreprise, désormais à compter de 3 h.
  4. d) Il n’a pas demandé de congé, mais il a demandé un autre poste. L’employeur a déclaré qu’il n’avait pas d’autre poste à lui offrir.
  5. e) Il a déposé une plainte auprès de la commission des relations de travail parce que l’employeur a émis son relevé en indiquant un code de démission, alors qu’en fait, il ne pouvait plus lui offrir l’emploi de jour qu’il avait occupé.
  6. f) Il a commencé un nouvel emploi à temps plein le 5 juin 2017.

[9] L’intimée a communiqué avec l’employeur par téléphone le 20 juin 2017 pour discuter du motif de cessation d’emploi (page GD3-24). L’employeur a déclaré ce qui suit :

  1. a) Une réunion de médiation a eu lieu avec la commission des relations de travail le 26 juin 2017.
  2. b) L’appelant a été impliqué dans quelques accidents. Un accident s’est produit le « 01/09/2017 » et un autre le « 06/04/2017 ». Il effectuait alors des livraisons et il a endommagé la propriété d’un client.
  3. c) L’appelant a également heurté le camion à quelques reprises lorsqu’il est entré dans la cour de l’entreprise et a omis de mentionner à quel moment cela s’était produit. Il a également de la difficulté à suivre les procédures de répartition.
  4. d) Ils ont discuté de leurs préoccupations avec l’appelant, notamment de son comportement et de ses habitudes de conduite. L’employeur a envisagé de lui offrir un cours de conduite préventive au besoin.
  5. e) Ils voulaient qu’il conduise le camion dans la cour, où il serait surveillé et suivi. Les quarts de travail dans la cour commencent à 3 h. C’était le seul type d’emploi qu’ils pouvaient lui offrir jusqu’à ce que l’on établisse que ses habitudes de conduite étaient sécuritaires.
  6. f) L’appelant avait travaillé tôt le matin dans le passé. Il commençait entre 5 h et 8 h, selon les besoins de l’entreprise.
  7. g) L’appelant a refusé le travail dans la cour et le quart de travail plus tôt, de sorte qu’il a quitté son emploi.
  8. h) L’appelant aurait effectué le même type de travail. Il aurait conduit un camion, du quai de chargement à la cour, et déplacé des camions au besoin, en plus de les conduire pour l’entretien par leurs mécaniciens.

[10] L’intimée a communiqué avec l’appelant par téléphone le 21 juin 2017 pour discuter davantage du motif de cessation d’emploi (page GD3-25). L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas de nouveaux renseignements à fournir. Il a ajouté que son employeur n’avait pas eu de travail pour lui pendant dix jours en janvier 2017 et qu’il ne lui a pas fourni de relevé. L’intimée a informé verbalement l’appelant de la décision défavorable.

[11] Le 26 juin 2017, l’intimée a établi ce qui suit (page GD3-26) : [Traduction] « Nous ne sommes pas en mesure de vous verser des prestations d’assurance‑emploi à compter du 9 avril 2017 parce que vous avez quitté volontairement votre emploi chez [nom de l’employeur supprimé] le 13 avril 2017 sans justification au sens de la Loi sur l’assurance‑emploi. Nous croyons que le départ volontaire de votre emploi n’était pas la seule solution raisonnable. »

[12] Une copie modifiée du relevé émis le 29 juin 2017 qui indique le code « A », qui correspond à « pénurie de travail/fin de contrat saisonnier », a été soumise (pages GD3-27 à GD3-28).

[13] Le 30 juin 2017, l’appelant a présenté une demande de révision et a fait observer que l’employeur s’est rendu compte de son erreur et a accepté de modifier le motif du départ de son emploi en indiquant « mise à pied » (page GD3-29).

[14] L’intimée a communiqué avec l’employeur par téléphone pour discuter de la demande de révision le 26 juillet 2017 (page GD3-32). L’employeur a déclaré ce qui suit :

  1. a) La nature du travail a changé parce que l’appelant n’avait pas un excellent dossier de conduite. Pour des raisons de sécurité, l’entreprise a décidé de lui attribuer le poste de conducteur de manœuvre dans la cour et non dans les lieux publics afin qu’elle puisse le surveiller.
  2. b) L’appelant n’a pas accepté le nouveau poste, mais a démissionné et s’est présenté à la commission des relations de travail. Il demandait une indemnité de départ et une modification du code figurant sur le relevé. Le client voulait poursuivre l’employeur en justice, mais l’entreprise a accepté un règlement et a convenu de modifier le relevé en indiquant un code de mise à pied.
  3. c) Il mentionne que les conducteurs commencent généralement à 6 h ou 7 h, mais que le travail de manœuvre a débuté à 3 h ou 4 h pour déplacer les camions avant que les conducteurs commencent à travailler.
  4. d) L’appelant leur a dit que le travail de manœuvre constituait un problème de santé et de sécurité pour lui parce qu’il avait de la difficulté à conduire la nuit. L’employeur a mentionné qu’il y a beaucoup de lumières dans la cour, et donc que ça n’aurait pas dû être un problème de voir dans l’obscurité.
  5. e) L’appelant a démissionné avant de tenter d’occuper le poste. Il n’a jamais soulevé la question médicale et, s’il l’avait fait, ils lui auraient offert des mesures d’adaptation.
  6. f) Le client aurait pu effectuer du travail d’entrepôt, mais comme il était chauffeur, ils ne voulaient pas qu’il fasse quelque chose de complètement différent. Ils voulaient lui offrir quelque chose qui se rapproche de ce qu’il faisait, quelque chose deplus sécuritaire et de plus contrôlé afin qu’il puisse améliorer sa conduite avant de reprendre la route.

[15] L’employeur a soumis les documents suivants : les avertissements disciplinaires antérieurs, la mesure disciplinaire finale expliquant le changement à ses fonctions et la lettre de démission du client (pages GD3-34 à GD3-35).

[16] Une lettre d’avis disciplinaire datée du 13 avril 2017 indiquant qu’il fait l’objet de mesures disciplinaires pour insubordination, non-respect des politiques et procédures de travail et de multiples accidents impliquant des biens de l’entreprise (page GD3-36). La lettre indique qu’un incident est survenu le 5 avril 2017 et qu’il a été impliqué dans un accident avec responsabilité et a endommagé des biens ou de l’équipement. La lettre fait également référence à un incident précédent survenu le 9 janvier 2017. Cette lettre mentionne qu’il a été impliqué dans un accident responsable alors qu’il faisait marche arrière chez un client. La lettre mentionne également ce qui suit : [Traduction] « Par conséquent, j’ai décidé que pour votre sécurité, celle des autres collègues et celle du grand public, vous travaillerez temporairement dans la cour en tant que conducteur de manœuvre. Pendant cette période, nous surveillerons votre rendement pour nous assurer que vous respectez des pratiques sécuritaires. L’objectif est de vous aider à élaborer un plan pour améliorer vos habitudes de conduite et votre rendement au travail. Comme vous travaillerez dans la cour, nous serons en mesure de surveiller votre conduite, de cerner les problèmes et de vous offrir une formation supplémentaire pour réduire au minimum les incidents et les accidents. » La lettre a été signée par l’employeur, mais l’appelant ne l’a pas signée.

[17] Un résumé du procès‑verbal de la réunion du 13 avril 2017 établi par un autre gestionnaire qui a assisté à la réunion (pages GD3-37 à GD3-38).

  1. a) L’appelant avait déjà endommagé le camion de l’entreprise et la propriété du client le 9 janvier 2017.
  2. b) Un gestionnaire a demandé à l’appelant s’il avait bu le 11 janvier 2017 lorsqu’il est devenu suspect après avoir dégagé une odeur d’alcool.
  3. c) L’appelant a également été impliqué dans un autre accident au cours duquel il a endommagé le pare-chocs avant inférieur de son camion le 5 avril 2017.
  4. d) Au cours de la matinée du 14 avril 2017, l’appelant a abordé avec agressivité l’un des autres gestionnaires et lui a demandé pourquoi il croyait qu’il buvait. L’appelant a alors menacé de poursuivre le gestionnaire pour harcèlement.
  5. e) Une rencontre était prévue avec l’appelant à 13 h le 14 avril 2017 pour discuter de son piètre rendement au travail. L’appelant a refusé de signer l’avis disciplinaire qui lui a été fourni.
  6. f) L’employeur l’a informé qu’en raison de ses habitudes de conduite dangereuse et de ses multiples accidents, il sera temporairement affecté au poste de conducteur de manœuvre dans la cour afin d’éviter qu’il ne soit sur les routes. Le quart de travail commençait à 3 h et il travaillait dans la cour sous supervision.
  7. g) L’appelant s’est montré agressif et sur la défensive, et a immédiatement refusé la nouvelle affectation ou un engagement dans le nouveau quart de travail.
  8. h) L’appelant a ensuite présenté une lettre de démission indiquant qu’il ne travaillera pas et qu’il avait l’intention de poursuivre l’entreprise devant les tribunaux.
  9. i) L’employeur mentionne que l’on a dit à l’appelant qu’il n’était pas suspendu ou licencié. Ils lui ont offert une formation supplémentaire, mais il a décidé de quitter son emploi et est parti.

[18] Une copie de la lettre de démission de l’appelant datée du 13 avril 2017 a été soumise. Elle indique ce qui suit : [Traduction] « Je suis contraint de quitter mon emploi pour des raisons de santé et de sécurité » (page GD3-39).

[19] Une copie du « formulaire d’incident et de quasi-collision » daté du 6 avril 2017 et préparé par l’appelant indique qu’il y a eu égratignure de peinture sur le pare-chocs avant pour une raison inconnue et mentionne qu’il ne l’a pas remarquée pendant le voyage (pages GD3-40 à GD3-43). Il a également déclaré qu’il y avait une vieille fissure dans le pare-chocs qui n’a rien à voir avec lui, puisqu’il n’a reçu le camion que deux jours auparavant. Enfin, il a déclaré que la majeure partie de l’équipement présentait des dommages semblables à la peinture et qu’il ne s’était pas rendu compte qu’il s’agissait d’un problème. L’appelant a signé le formulaire d’incident et de quasi-collision.

[20] Une copie de la « réprimande officielle » datée du 9 janvier 2017 dans laquelle il est indiqué que l’appelant était un conducteur dangereux parce qu’il a reculé dans le mur d’un client (page GD3-44). L’appelant a signé la réprimande officielle.

[21] Une copie du « formulaire d’incident et de quasi-collision » daté du 9 janvier 2017 préparé par l’appelant indique que les conditions routières étaient enneigées et glacées (pages GD3-45 à GD3-48). L’appelant a fait remarquer qu’en se stationnant du côté de son angle mort, en raison de sa vision obstruée et de l’obscurité, il a brisé une jonction électrique murale et un cadre de porte qui étaient lâches du côté de la remorque. Des photos des dommages ont été soumises (pages GD3-49 à GD3-54).

[22] Le 28 juillet 2017, l’intimée a envoyé à l’appelant une lettre accusant réception de sa demande de révision (page GD3-55).

[23] L’intimée a communiqué avec l’appelant par téléphone le 2 août 2017 pour discuter de sa demande de révision (pages GD3-57 à GD3-58). L’appelant a déclaré qu’il ne pouvait pas accomplir le travail pour des raisons médicales et qu’il estimait avoir été contraint de démissionner. Il a souligné qu’il avait déjà travaillé de nuit pour cet employeur et qu’il lui avait accordé un quart de jour parce qu’il savait que le travail de nuit se révélait problématique pour lui. Il a ajouté qu’aucun médecin ne dirait qu’il est sain pour quelqu’un de travailler la nuit.

[24] Au cours du même appel, l’intimée a informé l’appelant que la décision initiale était maintenue parce qu’il n’était pas fondé à quitter son emploi (pages GD3-57 à GD3-58). L’intimée fait remarquer qu’il aurait pu essayer d’occuper le nouveau poste avant de démissionner, qu’il aurait pu demander une mesure d’adaptation pour des problèmes médicaux et qu’il aurait pu demander une mutation, toutes ces possibilités constituant des solutions de rechange raisonnables.

[25] Le 3 août 2017, l’intimée a décidé ce qui suit : [Traduction] « Enjeu : Départ volontaire. Nous avons le regret de vous informer que nous n’avons pas modifié notre décision à ce sujet. La décision, telle qu’elle vous a été communiquée le 21 juin 2017, est donc maintenue » (pages GD3-59 à GD3-60).

[26] L’appelant a déposé son appel devant le Tribunal le 23 août 2017 (pages GD2-1 à GD2-10). L’appelant a fait valoir ce qui suit : [traduction] 1) La décision de révision était fondée sur des faits erronés. 2) Aucune enquête suffisante et responsable n’a été menée par quiconque. La décision était fondée sur un appel téléphonique de 5 minutes. 3) Je n’ai pas eu le temps de communiquer avec mon médecin de famille pour obtenir un rendez-vous afin de demander un billet du médecin. La première décision a été prise la veille de l’audience devant le tribunal sans que l’on s’intéresse au résultat de l’instruction. La décision de révision constituait un refus d’accepter le résultat du règlement judiciaire comme étant une mise à pied.

[27] L’appelant affirme en outre dans son avis d’appel qu’il a commencé à occuper le quart de conduite de nuit, mais qu’il se sentait très somnolent et incapable de se concentrer (page GD2-4). Il déclare qu’il s’est endormi au volant parce qu’il a des problèmes hépatiques, soit une infection de type A. Il a parlé à ses superviseurs et ils lui ont offert le quart de jour après un mois. Il mentionne qu’il est employé comme X et que le travail dans la cour peut signifier toutes les tâches, qu’il s’agisse d’un concierge, de faire des courses ou d’utiliser un chariot élévateur, tâches pour lesquelles il n’a aucune formation ni expérience. Enfin, il affirme que son employeur ne lui a pas donné l’occasion de consulter son médecin parce qu’on lui a dit de commencer le lendemain matin sans quoi il risquait d’être congédié. En conséquence, il a été contraint de démissionner sous la menace d’être congédié.

[28] Une copie d’une lettre de son médecin datée du 21 août 2017 indique qu’il est incapable de conduire durant le quart de nuit du 21 août 2017 au 21 septembre 2017 pour des raisons médicales; celles-ci sont en attente d’une réévaluation (page GD2-5).

[29] L’appelant a également présenté un résumé des événements qui se sont produits (page GD2-8).

Témoignage de l’appelant

[30] L’appelant a témoigné de ce qui suit :

  1. a) Il était employé comme X, ce qui nécessite un permis spécial.
  2. b) Il est entré en fonctions le 6 octobre 2016 et son dernier jour de travail a eu lieu le 13 avril 2017.
  3. c) Il a commencé à travailler comme camionneur de 22 h à 7 h. Il effectuait un ramassage quotidien à Toronto pour ensuite se rendre à Montréal en voiture.
  4. d) Il a été affecté à ce quart de travail tardif pendant environ un mois, mais il a commencé à se sentir très somnolent pendant la nuit. Il a déclaré qu’il devait s’arrêter et garer son camion sur le côté pour faire une sieste de 3 à 4 heures à chaque quart de travail afin d’éviter de s’endormir et de se retrouver dans un accident. Résultat : il a dit qu’il revenait souvent du travail avec le camion vers 11 h, au lieu de 7 h. Parfois, il buvait toute une bouteille de tabasco pour rester éveillé. Il se sentait généralement mal et très fatigué pendant le quart de nuit.
  5. e) Il a parlé à son employeur et lui a dit que le travail ne lui convenait pas. Il a informé son employeur qu’il se fatiguait facilement, que ce n’était pas bon pour sa santé en raison d’un problème médical et que ce n’était pas sécuritaire. À ce stade, il affirme qu’il n’avait pas encore reçu son diagnostic d’infection hépatique de type A, mais qu’il éprouvait des symptômes négatifs continus liés à son foie et qu’il avait parlé à son médecin de ses problèmes hépatiques. Il soutient qu’il n’a pris connaissance des résultats du test qu’en juin 2017 après avoir quitté son emploi. Il note que son médecin réside à Windsor, mais qu’il s’était rendu dans une clinique sans rendez-vous à Toronto.
  6. f) Son employeur a accepté de prendre des mesures d’adaptation en raison de sa fatigue et l’a transféré au quart de jour où il effectuait des livraisons locales dans la ville. Son nouveau quart de travail s’est déroulé de 6 h à environ 17 h et il affirme qu’il se sentait beaucoup mieux en travaillant le jour.
  7. g) Il ne conteste pas qu’il a eu un accident et qu’il a endommagé la propriété d’un client le 9 janvier 2017, mais il explique que c’était justement accidentel.
  8. h) Il affirme qu’il n’a pas travaillé pendant dix jours en janvier 2017 lors de l’enquête sur l’accident et que son employeur ne lui a pas fourni de relevé sur demande. Il fait référence au message texte qu’il a envoyé à l’employeur le 12 janvier 2017.
  9. i) Il conteste avoir causé la rayure de peinture sur le pare-chocs du véhicule de fonction le 5 avril 2017. Il affirme que c’est la raison pour laquelle il n’a pas signé l’avis disciplinaire. Il a déclaré que la rayure sur le pare-chocs était minime et note qu’aucune photo soumise par l’employeur ne prouvait ces dommages minimes.
  10. j) Il a déclaré que le 12 avril 2017, son employeur lui a demandé s’il consommait de l’alcool, ce qui l’a offensé parce qu’il travaillait comme chauffeur et qu’il estimait que l’employeur tentait de nuire à sa réputation professionnelle. Il a dit à son employeur qu’il ne buvait pas. Le lendemain matin, le 13 avril 2017, il a rappelé à son employeur de ne pas le répéter sans quoi il le poursuivrait pour harcèlement.
  11. k) Le même jour, soit le 13 avril 2017, vers 13 h, l’employeur et les ressources humaines l’ont convoqué à une rencontre. Son employeur lui a demandé de passer au quart de travail de 3 h, ce qu’il a d’abord accepté de faire pendant quelques jours, jusqu’à ce qu’il se rende compte que le changement de quart n’était pas temporaire. Son employeur lui a dit qu’il s’agissait d’un changement de quart permanent.
  12. l) Il ne lui a donné aucun avis, mais lui a dit que le nouveau quart de travail commencerait le lendemain et qu’il aurait des ennuis s’il ne s’y conformait pas. L’employeur lui a aussi dit qu’il n’avait pas d’autres emplois à lui offrir.
  13. m) Il lui a dit que le nouveau rôle consisterait à effectuer du « travail dans la cour », ce qu’il a interprété comme diverses activités, y compris le travail dans la cour, des courses et se rendre à d’autres cours au volant, entre autres.
  14. n) Il ajoute que même s’il était conducteur de manœuvre et qu’il conduisait un camion dans la cour, on s’attendrait à ce qu’il conduise des camions de l’entreprise vers d’autres cours appartenant à l’entreprise. Il lui faudrait alors utiliser des routes municipales sans supervision de conduite.
  15. o) Il ne voulait pas quitter son emploi, mais il s’est senti obligé de remettre sa démission parce que son employeur voulait qu’il s’engage à être au travail le lendemain matin à 3 h. Il affirme qu’il n’a pas eu le temps de voir son médecin avant la mise en œuvre du changement de quart de travail le lendemain.
  16. p) Il soutient qu’il n’était pas en mesure de travailler temporairement de nuit parce qu’il avait déjà essayé de travailler de nuit pour cet employeur. Il mentionne que son employeur lui a consenti des mesures d’adaptation en raison de ses problèmes médicaux et de somnolence en lui fournissant le quart de jour, même s’il n’était pas encore officiellement atteint d’une maladie hépatique grave.
  17. q) Il affirme qu’une mutation à un autre emploi était impossible parce que l’employeur lui a dit qu’il n’avait pas d’autres emplois à lui offrir. Il note qu’il était prêt à faire n’importe quel autre travail, sauf conduire tard le soir.
  18. r) Il a déposé une plainte auprès du ministère du Travail. Celle-ci a été réglée en médiation. L’employeur a modifié le relevé pour tenir compte du fait qu’il avait été mis à pied parce qu’il n’y avait pas de travail de jour disponible pour lui et parce qu’il n’avait reçu aucun avis au sujet du quart du matin.

Observations

[31] L’appelant a présenté les observations suivantes :

  1. a) Il a été contraint de quitter son emploi parce que son employeur a modifié ses tâches et lui a dit qu’il n’y avait pas d’autres emplois pour lui.
  2. b) Les changements apportés aux tâches se révélaient importants et le quart de travail à 3 h tôt constituait un changement permanent qui aurait eu une incidence négative sur ses problèmes de santé. Par ailleurs, il avait déjà bénéficié de mesures d’adaptation de son employeur pour ces problèmes.
  3. c) Sa conduite n’a posé aucun problème de sécurité, à l’exception d’un accident qui a causé certains dommages le 9 janvier 2017.

[32] L’intimée a soutenu ce qui suit :

  1. a) L’appelant a quitté volontairement son emploi le 13 avril 2017 sans justification.
  2. b) L’appelant n’a pas tenté d’effectuer le nouveau quart de travail, n’a pas informé son employeur de ses problèmes de santé et n’a pas demandé de transfert de travail, toutes des solutions de rechange raisonnables à sa disposition.

Analyse

[33] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe de la présente décision.

[34] Le Tribunal doit décider si l’appelant devrait être exclu du bénéfice des prestations en application de l’article 30 de la Loi au motif qu’il a volontairement quitté son emploi sans justification.

[35] L’article 30(1) de la Loi impose une exclusion du bénéfice des prestations aux prestataires qui quittent volontairement leur emploi sans justification. La Loi a pour objet d’offrir des prestations d’assurance‑emploi aux personnes qui ont quitté involontairement leur emploi et qui sont sans travail (arrêt Commission de l’emploi et de l’immigration du Canada c Gagnon, A-1059-84).

[36] Il faut d’abord décider si l’appelant a quitté volontairement son emploi.

[37] L’intimée soutient que le fardeau de la preuve dans les cas de départ volontaire incombe à l’appelant. Le Tribunal souligne qu’il incombe d’abord à l’intimée de prouver que l’appelant a quitté volontairement son emploi (arrêt Green c Procureur général du Canada 2012 CAF 313).

[38] Au paragraphe 15, le juge Sexton a expliqué dans l’arrêt Canada (Procureur général) c Peace, 2004 CAF 56, ce qui suit : « En vertu du paragraphe 30(1), la question de savoir si un employé a quitté volontairement son emploi est une question simple. La question qu’il faut se poser est la suivante : l’employé avait-il le choix de rester ou de quitter? »

[39] L’intimée soutient que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 13 avril 2017. L’intimée se fonde sur le premier relevé d’emploi, qui indique que l’appelant a quitté son emploi et que son dernier jour de travail était le 13 avril 2017 (page GD3-19). L’intimée soutient que l’appelant a démissionné de son emploi parce qu’il ne voulait pas occuper temporairement le quart de travail de 3 h afin que l’employeur puisse surveiller ses habitudes de conduite.

[40] L’employeur a déclaré qu’il n’avait pas contraint l’appelant à quitter son emploi (page GD3-24). L’employeur a déclaré que, pour des raisons de sécurité, il a décidé de lui attribuer le poste de conducteur de manœuvre dans la cour afin qu’il puisse le surveiller et que le quart de travail commençait à 3 h ou 4 h (page GD3-32).

[41] L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas quitté volontairement son emploi le 13 avril 2017. Il a ajouté qu’il s’était senti contraint de présenter sa lettre de démission parce que son employeur avait apporté des changements importants à ses fonctions et qu’on lui avait dit qu’il aurait le quart de travail de 3 h le lendemain. Il mentionne que l’employeur cherchait à obtenir un engagement de sa part à être au travail le lendemain, sinon il aurait des ennuis.

[42] Le Tribunal fait observer que l’appelant avait d’abord accepté le quart de 3 h, car il croyait que c’était temporaire. Cependant, lorsqu’on lui a dit qu’il s’agissait d’un changement de quart permanent, il a décidé de quitter son emploi à la même date. Le Tribunal mentionne que l’appelant a déclaré qu’il effectuait souvent divers quarts de travail, y compris des quarts tôt le matin, selon les besoins de son employeur, mais que son quart habituel et régulier débutait à 6 h.

[43] Le Tribunal conclut que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 13 avril 2017 parce qu’il a choisi de préparer et de remettre sa lettre de démission à son employeur. Bien que l’appelant affirme s’être senti contraint de démissionner par son employeur, le Tribunal conclut qu’il avait le choix de rester en poste ou de quitter son emploi à cette date. De plus, le Tribunal fait observer qu’il n’y avait pas assez d’éléments de preuve pour démontrer que l’employeur avait contraint l’appelant à quitter son emploi à cette date. Dans cette affaire, l’appelant a choisi de démissionner de son emploi le 13 avril 2017. Il affirme qu’il avait de bonnes raisons de le faire, soit des raisons de santé et de sécurité. Le Tribunal conclut par conséquent que l’appelant a quitté volontairement son emploi le 13 avril 2017.

[44] Le Tribunal reconnaît qu’il y a eu une médiation subséquente entre les parties relativement à un conflit de travail, ce qui a donné lieu à un relevé modifié reflétant un code de mise à pied plutôt qu’un code de démission (page GD3-27). Toutefois, le Tribunal n’est pas lié par des ententes ou des négociations subséquentes entre les parties.

[45] La deuxième question à trancher consiste à savoir si l’appelant était [traduction] « fondé » à quitter volontairement son emploi.

[46] Une fois que l’intimée a prouvé que l’appelant a quitté volontairement son emploi, il incombe à l’appelant de démontrer qu’il était fondé à le faire (arrêt Tanguay c Commission de l’assurance‑chômage, A-1458-84).

[47] Le critère pour décider si un prestataire était « fondé à quitter son emploi » en vertu de l’article 29 de la Loi est de savoir si, compte tenu de toutes les circonstances, selon la prépondérance des probabilités, il n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter son emploi. Voir les arrêts Canada (Procureur général) c White, 2011 CAF 190; Canada (Procureur général) c MacLeod, 2010 CAF 301.

[48] L’article 29(c) de la Loi prévoit qu’un appelant est fondé à quitter volontairement son emploi si, compte tenu de toutes les circonstances, son départ constitue pour lui la seule solution raisonnable. Cette disposition fournit une liste non exhaustive des circonstances qui pourraient justifier un départ volontaire d’un emploi.

[49] Le Tribunal a examiné l’article 29(c)(iv), qui renvoie aux conditions de travail constituant un danger pour la santé ou la sécurité, et l’article 29(c)(ix), qui renvoie à un changement important dans les fonctions rattachées au travail.

Article 29(c)(iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité

[50] L’intimée soutient que l’appelant ne courait aucun danger pour sa santé et sa sécurité ni pour la façon dont son environnement de travail pourrait nuire à sa santé.

[51] L’employeur a fait remarquer qu’il n’était pas au courant de son état de santé et de ses problèmes médicaux et que s’il l’avait été, il aurait pris des mesures d’adaptation.

[52] L’appelant a déclaré que le travail dans la cour ou comme conducteur de manœuvre à 3 h aurait eu des répercussions négatives importantes sur sa santé, comme l’épuisement. Il a dit que son expérience antérieure de travail de nuit n’avait duré que pendant environ un mois, mais qu’il se sentait toujours fatigué et somnolent au volant. Il affirme que ses symptômes se sont intensifiés à ce moment-là parce qu’il souffrait d’une affection hépatique non diagnostiquée et non traitée. Il a parlé à son employeur de sa fatigue. C’est la raison pour laquelle son employeur lui a permis de travailler de jour à l’échelle locale.

[53] L’appelant a également mentionné qu’il souffrait de symptômes de son infection au foie depuis plusieurs mois, mais qu’il n’a obtenu son diagnostic officiel qu’après avoir quitté son emploi en juin 2017. Il affirme que son employeur connaissait ses symptômes, mais pas les détails de son état de santé parce qu’il n’avait pas encore reçu de diagnostic.

[54] Le Tribunal mentionne que l’appelant a fourni une lettre de son médecin datée du 21 août 2017 (page GD2-5). La lettre précise ce qui suit : [traduction] « il ne peut pas conduire pendant le quart de nuit du 21 août 2017 au 21 septembre 2017 pour des raisons médicales, en attendant une réévaluation ». Le Tribunal conclut que cette lettre était datée de plusieurs mois après son départ et ne fournit aucun détail ni diagnostic. Par conséquent, on a accordé peu de valeur probante à la lettre.

[55] Le Tribunal fait observer que l’appelant n’a présenté aucune lettre médicale ni aucun autre document médical à l’appui pour démontrer que son diagnostic médical ou que les conditions de travail constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité pendant qu’il était employé. Bien que le Tribunal mentionne que son témoignage était crédible et conforme aux déclarations qu’il a faites à l’intimée au sujet de son état de santé, il ne peut raisonnablement conclure que les conditions de travail, plus précisément le travail de nuit, constituaient un danger pour sa santé ou sa sécurité.

[56] Le Tribunal souligne que sa lettre de démission mentionne simplement qu’il doit démissionner en raison de « préoccupations en matière de santé et de sécurité », sans donner plus de détails. Le Tribunal conclut qu’il ne suffit pas d’affirmer que vous avez des préoccupations en matière de santé ou de sécurité, ou que « ce n’est pas bon ou sécuritaire pour sa santé », puis d’omettre d’expliquer précisément ce qui en fait une préoccupation en matière de santé et de sécurité.

[57] La Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il ne s’agit pas d’une justification lorsqu’il existe des conditions de travail dangereuses et qu’il n’y a pas de discussion avec l’employeur au sujet de la possibilité de prendre des mesures pour réduire cette crainte (ce qui aurait été une solution raisonnable) (arrêt Canada (Procureur général) c Hernandez, 2007 CAF 320).

[58] Dans cette affaire, le Tribunal conclut qu’il aurait été raisonnable de discuter avec son employeur de ses préoccupations particulières en matière de santé et de sécurité pendant la réunion et de consulter un médecin tout de suite après le travail pour discuter de ses préoccupations médicales. Par conséquent, le Tribunal n’est pas convaincu qu’une déclaration générale formulée par l’appelant selon laquelle il n’est pas sécuritaire ou sain de travailler la nuit n’était pas suffisante pour établir que ses conditions de travail constituaient un danger pour sa santé et sa sécurité. Le Tribunal conclut donc que l’appelant n’était pas fondé à quitter son emploi en vertu de l’article 29(c)(iv) sur les conditions de travail qui constituent un danger pour la santé ou la sécurité.

29(c)(ix) modification importante des fonctions

[59] L’intimée soutient qu’il n’y a pas eu de modification importante aux fonctions. L’intimée fait observer que l’employeur a présenté une demande raisonnable à l’appelant d’effectuer le travail temporaire comme conducteur de manœuvre dans la cour, d’autant plus qu’il avait déjà travaillé de nuit par le passé.

[60] L’employeur a mentionné qu’il lui avait temporairement attribué le poste de conducteur de manœuvre pour surveiller sa conduite dans la cour, en raison de ses habitudes de conduite et parce que le quart de travail commençait vers 3 h ou 4 h. L’employeur a déclaré que l’appelant n’avait pas accepté le nouveau rôle, qu’il avait démissionné et qu’il s’était présenté à la commission des relations de travail (page GD3-32).

[61] L’appelant a déclaré qu’on lui avait dit qu’il effectuerait des [traduction] « travaux dans la cour » en permanence et que son quart de travail commencerait le lendemain à 3 h. Il affirme qu’il n’a pas eu le temps de consulter son médecin avant le changement de quart de travail. Il mentionne en outre qu’il n’avait pas de formation sur le travail dans la cour et qu’il aurait dû se réveiller vers 1 h pour commencer son quart de travail à 3 h, ce qui aurait perturbé son horaire de sommeil et nui à sa santé. Il ajoute que même s’il conduisait dans la cour, son employeur lui aurait demandé d’avoir accès à une autre entreprise locale, ce qui signifiait qu’il conduirait également sur les routes municipales sans surveillance.

[62] L’appelant a également contesté qu’il avait de mauvaises habitudes de conduite parce qu’il n’y a eu qu’un seul incident en janvier 2017, au cours duquel il a endommagé la propriété d’un client. Il affirme que c’était, justement, accidentel. En ce qui concerne le deuxième incident allégué, il a déclaré qu’il n’avait pas causé les dommages mineurs sur le véhicule parce que ces dommages s’y trouvaient deux jours auparavant. Il souligne que l’employeur n’a fourni aucune preuve des dommages minimaux, contrairement au premier incident où l’employeur a présenté plusieurs photos des dommages.

[63] L’appelant a mentionné que son employeur lui avait accordé des mesures d’adaptation après qu’il leur eut parlé de son état de santé et de ses problèmes de sommeil pendant qu’il travaillait de nuit. L’appelant a déclaré que lorsqu’il a commencé à travailler, il devait se rendre de nuit à Montréal et revenir à Toronto, mais cela n’a duré qu’un mois. Pendant ses quarts de travail, il était fréquemment fatigué et garait le camion pour dormir quelques heures ou buvait du tabasco pour rester éveillé. Cela l’a souvent amené à retourner au travail tard vers 11 h plutôt qu’à l’heure de retour prévue, soit 7 h.

[64] Au cours de son premier mois d’emploi, il a parlé à son employeur de sa fatigue, de sa difficulté à travailler la nuit et de l’obligation de prendre des périodes de repos. Son employeur a accepté de l’aider en lui permettant de commencer à travailler à 6 h. Il a continué de travailler de jour pendant plusieurs mois, et parfois de nuit si l’employeur avait besoin de quelqu’un à la dernière minute.

[65] Le Tribunal fait observer que l’appelant n’a pas informé son employeur de son affection hépatique et de ses problèmes médicaux présumés, qui, selon lui, n’ont été diagnostiqués qu’après qu’il ait quitté son emploi. Étant donné que l’appelant n’était pas au courant de son état de santé pendant son emploi, le Tribunal reconnaît que l’employeur n’était pas non plus au courant de l’état de santé ou du diagnostic obtenu par l’appelant.

[66] Toutefois, le Tribunal conclut que l’employeur savait probablement que l’appelant était fatigué et avait de la difficulté à travailler de nuit parce que l’employeur lui avait déjà accordé des mesures d’adaptation pendant plusieurs mois en lui confiant des trajets de camion locaux de jour.

[67] Le Tribunal conclut également que le changement de rôle et de fonctions, d’un X à un conducteur de manœuvre ou à un travail dans la cour, aurait été équivalent à un changement important de ses fonctions. Qu’il ait travaillé comme conducteur de manœuvre dans la cour ou effectué des travaux dans la cour, ce n’est pas ce pour quoi il avait été embauché et il n’avait aucun antécédent d’un tel travail pendant sa période d’emploi.

[68] Le Tribunal fait observer que l’employeur avait déjà répondu à la demande de l’appelant en lui permettant de travailler de jour en raison de sa difficulté à travailler de nuit et de la nécessité de périodes de repos supplémentaires, qui peuvent ou non être attribuables à son diagnostic médical subséquent.

[69] L’appelant a déclaré que le changement de quart de travail l’aurait obligé à se réveiller à 1 h pour se présenter au travail à 3 h et à se coucher vers 16 h ou 17 h. L’appelant n’a pu le faire étant donné qu’il s’était adapté à son horaire de travail de jour pendant plusieurs mois. De plus, l’employeur n’a donné aucun avis à l’appelant pour se préparer au changement de quart de travail et au nouveau rôle. Il lui a simplement dit que son nouveau quart de travail prévu à l’horaire commencerait le lendemain pour une période indéterminée.

[70] Le Tribunal conclut que le témoignage et les déclarations de l’appelant à l’intimée appuient une conclusion selon laquelle il y a eu un changement important des fonctions. Par conséquent, le Tribunal admet que le changement de quart de 6 h à 3 h constituait un changement important dans ses fonctions, tout comme le changement de son rôle de X à celui de conducteur de manœuvre et de responsable du triage. Le Tribunal conclut donc que l’appelant était fondé à quitter son emploi, conformément à l’article 29(c)(ix) de la Loi.

Autres solutions raisonnables

[71] L’intimée soutient qu’il y avait des solutions de rechange raisonnables à la disposition de l’appelant, comme tenter d’occuper le quart de nuit et de consulter son médecin; demander une mesure d’adaptation à son employeur en raison de son diagnostic et demander une mutation dans un autre service.

[72] Le Tribunal conclut que les solutions de rechange raisonnables susmentionnées ne sont pas raisonnables compte tenu de la situation de l’appelant. En effet, il n’a pas eu de diagnostic médical pendant qu’il était employé. De plus, il avait déjà tenté de travailler de nuit pendant un mois et avait par la suite bénéficié d’une mesure d’adaptation de son employeur pour travailler un quart de jour, même s’il n’avait pas de diagnostic médical précis. Enfin, l’appelant a déclaré qu’il avait demandé à son employeur s’il pouvait plutôt travailler dans l’entrepôt, mais l’employeur lui a dit qu’il n’y avait pas de postes disponibles. Cela a été étayé par la déclaration de l’employeur à l’intimée, dans laquelle il a indiqué qu’il voulait le maintenir dans un poste semblable, de sorte qu’on lui a seulement offert un poste de conducteur de manœuvre.

Conclusion

[73] Compte tenu de toutes les circonstances, le Tribunal conclut que l’appelant était fondé à quitter son emploi parce qu’il y a eu un changement important dans ses fonctions, plus particulièrement dans son rôle et ses heures de travail. Le Tribunal conclut que même s’il y avait des solutions de rechange à la disposition de l’appelant, aucune de ces solutions n’était raisonnable, même à titre d’essai compte tenu de la situation particulière de l’appelant. Par conséquent, le Tribunal conclut que l’appelant n’avait pas d’autre solution raisonnable que de quitter volontairement son emploi, conformément à l’article 29(c)(ix), qui fait référence à un changement important dans ses fonctions.

[74] Pour ces motifs, le Tribunal conclut que l’appelant a démontré qu’il était fondé à quitter volontairement son emploi.

[75] L’appel est accueilli.

Annexe

Droit applicable

Loi sur l’assurance-emploi

29 Pour l’application des articles 30 à 33 :

  1. a) emploi s’entend de tout emploi exercé par le prestataire au cours de sa période de référence ou de sa période de prestations;
  2. b) la suspension est assimilée à la perte d’emploi, mais n’est pas assimilée à la perte d’emploi la suspension ou la perte d’emploi résultant de l’affiliation à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs ou de l’exercice d’une activité licite s’y rattachant;
  3. b.1) sont assimilés à un départ volontaire le refus :
    1. (i) d’accepter un emploi offert comme solution de rechange à la perte prévisible de son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où son emploi prend fin,
    2. (ii) de reprendre son emploi, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment où il est censé le reprendre,
    3. (iii) de continuer d’exercer son emploi lorsque celui-ci est visé par le transfert d’une activité, d’une entreprise ou d’un secteur à un autre employeur, auquel cas le départ volontaire a lieu au moment du transfert;
  4. c) le prestataire est fondé à quitter volontairement son emploi ou à prendre congé si, compte tenu de toutes les circonstances, notamment de celles qui sont énumérées ci-après, son départ ou son congé constitue la seule solution raisonnable dans son cas :
    1. (i) harcèlement, de nature sexuelle ou autre,
    2. (ii) nécessité d’accompagner son époux ou conjoint de fait ou un enfant à charge vers un autre lieu de résidence,
    3. (iii) discrimination fondée sur des motifs de distinction illicite, au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne,
    4. (iv) conditions de travail dangereuses pour sa santé ou sa sécurité,
    5. (v) nécessité de prendre soin d’un enfant ou d’un proche parent,
    6. (vi) assurance raisonnable d’un autre emploi dans un avenir immédiat,
    7. (vii) modification importante de ses conditions de rémunération,
    8. (viii) excès d’heures supplémentaires ou non-rémunération de celles-ci,
    9. (ix) modification importante des fonctions,
    10. (x) relations conflictuelles, dont la cause ne lui est pas essentiellement imputable, avec un supérieur,
    11. (xi) pratiques de l’employeur contraires au droit,
    12. (xii) discrimination relative à l’emploi en raison de l’appartenance à une association, une organisation ou un syndicat de travailleurs,
    13. (xiii) incitation indue par l’employeur à l’égard du prestataire à quitter son emploi,
    14. (xiv) toute autre circonstance raisonnable prévue par règlement.

30(1) Le prestataire est exclu du bénéfice des prestations s’il perd un emploi en raison de son inconduite ou s’il quitte volontairement un emploi sans justification, à moins, selon le cas :

  1. a) que, depuis qu’il a perdu ou quitté cet emploi, il ait exercé un emploi assurable pendant le nombre d’heures requis, au titre de l’article 7 ou 7.1, pour recevoir des prestations de chômage;
  2. b) qu’il ne soit inadmissible, à l’égard de cet emploi, pour l’une des raisons prévues aux articles 31 à 33.

(2) L’exclusion vaut pour toutes les semaines de la période de prestations du prestataire qui suivent son délai de carence. Il demeure par ailleurs entendu que la durée de cette exclusion n’est pas affectée par la perte subséquente d’un emploi au cours de la période de prestations.

(3) Dans les cas où l’événement à l’origine de l’exclusion survient au cours de sa période de prestations, l’exclusion du prestataire ne comprend pas les semaines de la période de prestations qui précèdent celle où survient l’événement.

(4) Malgré le paragraphe (6), l’exclusion est suspendue pendant les semaines pour lesquelles le prestataire a autrement droit à des prestations spéciales.

(5) Dans les cas où le prestataire qui a perdu ou quitté un emploi dans les circonstances visées au paragraphe (1) formule une demande initiale de prestations, les heures d’emploi assurable provenant de cet emploi ou de tout autre emploi qui précèdent la perte de cet emploi ou le départ volontaire et les heures d’emploi assurable dans tout emploi que le prestataire perd ou quitte par la suite, dans les mêmes circonstances, n’entrent pas en ligne de compte pour l’application de l’article 7 ou 7.1.

(6) Les heures d’emploi assurable dans un emploi que le prestataire perd ou quitte dans les circonstances visées au paragraphe (1) n’entrent pas en ligne de compte pour déterminer le nombre maximal de semaines pendant lesquelles des prestations peuvent être versées, au titre du paragraphe 12(2), ou le taux de prestations, au titre de l’article 14.

(7) Sous réserve de l’alinéa (1)a), il demeure entendu qu’une exclusion peut être imposée pour une raison visée au paragraphe (1) même si l’emploi qui précède immédiatement la demande de prestations — qu’elle soit initiale ou non — n’est pas l’emploi perdu ou quitté au titre de ce paragraphe.

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