Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : Commission de l’assurance-emploi du Canada c KP, 2023 TSS 877

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Partie appelante : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Josée Lachance
Partie intimée : K. P.

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 1er février 2023
(GE-22-2782)

Membre du Tribunal : Stephen Bergen
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Représentante de l’appelante
Intimée
Date de la décision : Le 3 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-190

Sur cette page

Décision

[1] J’accueille l’appel en partie. La division générale a commis une erreur de fait importante. Je rends la décision que la division générale aurait dû rendre. L’inadmissibilité de la prestataire prend effet le 7 décembre 2021.

Aperçu

[2] L’intimée, K. P. (que j’appellerai la « prestataire »), a été suspendue de son emploi le 7 décembre 2021 parce qu’elle n’a pas divulgué son statut vaccinal à son employeur. Trois mois plus tard, l’employeur l’a congédiée parce qu’elle ne voulait pas confirmer qu’elle avait été vaccinée.

[3] La prestataire a demandé des prestations d’assurance-emploi le 21 mars 2022, affirmant qu’elle était en congé. L’appelante, la Commission de l’assurance-emploi du Canada a rejeté sa demande. La Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas verser de prestations d’assurance-emploi à la prestataire compter du 20 mars 2022 parce que celle-ci avait cessé de travailler en prenant volontairement congé le 6 décembre 2021, et ce, sans justification.

[4] La prestataire a demandé à la Commission de réviser sa décision, faisant valoir qu’elle n’avait pas quitté volontairement son emploi. Dans sa demande de révision, elle a également demandé à la Commission d’antidater sa demande au 7 décembre 2021, soit la date à laquelle l’employeur l’a mise en congé.

[5] En réponse à la demande de la prestataire, la Commission a rendu une nouvelle décision qui était différente de sa décision initiale. Cependant, dans sa nouvelle décision, la Commission n’a pas accueilli la demande de la prestataire. La décision initiale était fondée sur une conclusion selon laquelle la prestataire avait volontairement quitté son emploi sans justification. Dans sa décision de révision, la Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas verser de prestations parce que la prestataire avait été suspendue en raison d’une inconduite. La Commission a également déclaré qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi à compter du 6 décembre 2021, plutôt que du 20 mars 2022Note de bas de page 1.

[6] La prestataire a fait appel de la décision de révision à la division générale, mais celle-ci a rejeté son appel avec des modifications. La division générale a conclu que la prestataire était exclue du bénéfice des prestations le 22 mai 2022. Cette date était fondée sur son congédiement le 24 mai 2022. La division générale a également conclu que la prestataire aurait dû être inadmissible aux prestations plus tôt parce que l’employeur l’avait suspendue un certain temps avant de mettre fin à son emploi. La prestataire a d’abord présenté sa demande de prestations le 21 mars 2022. La division générale l’a déclarée inadmissible aux prestations à compter du 21 mars 2022Note de bas de page 2.

[7] Bien que la division générale ait rejeté l’appel de la prestataire, la Commission a porté la décision de la division générale en appel à la division d’appel pour des motifs précis. Elle a déclaré qu’elle avait antidaté la demande au 7 décembre 2021. Par conséquent, la division générale aurait dû déclarer la prestataire inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 7 décembre 2021Note de bas de page 3, soit le premier jour où elle a subi un arrêt de rémunération.

[8] La division d’appel a donné à la Commission la permission de faire appel, et celle-ci a fait appel à la division d’appel.

[9] J’accueille l’appel. La division générale a commis une erreur dans la façon dont elle a établi la date d’entrée en vigueur de l’inadmissibilité de la prestataire. J’ai rendu la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire est inadmissible aux prestations à compter du 7 décembre 2021.

Questions en litige

[10] Voici les questions à trancher dans la présente affaire :

  1. a) La division générale a-t-elle ignoré ou mal compris la preuve montrant que la demande de la prestataire avait été antidatée lorsqu’elle a décidé de la date d’entrée en vigueur de son inadmissibilité?
  2. b) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en n’expliquant pas pourquoi elle a choisi le 20 mars 2021 comme date d’inadmissibilité?
  3. c) Si la division générale a commis une erreur, comment faudrait-il la corriger?

Analyse

[11] La division d’appel peut seulement examiner les erreurs qui correspondent à ou l’un ou l’autre des moyens d’appel suivants :

  1. a) Le processus d’audience de la division générale était inéquitable d’une façon ou d’une autre.
  2. b) La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire (erreur de compétence).
  3. c) La division générale a commis une erreur de droit en rendant sa décision;
  4. d) La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importanteNote de bas de page 4.

Importante erreur de fait ou erreur de droit

[12] La Loi sur lassurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire est exclue du bénéfice des prestations si elle quitte volontairement son emploi sans justification ou si elle est congédiée en raison de son inconduiteNote de bas de page 5. La Loi prévoit également qu’une partie prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations si elle est suspendue en raison de son inconduiteNote de bas de page 6.

[13] La division générale pouvait seulement déclarer la prestataire « inadmissible » aux prestations auxquelles elle aurait autrement été admissible. Les parties prestataires ont droit aux prestations seulement pendant leur période de prestations. Selon la Loi sur l’assurance-emploi, la période de prestations commence le dimanche de la semaine au cours de laquelle survient l’arrêt de rémunération ou, si elle est postérieure, le dimanche de la semaine au cours de laquelle est formulée la demande initiale de prestationsNote de bas de page 7.

[14] La division générale a compris que l’arrêt de rémunération de la prestataire est survenu le 7 décembre 2021, mais elle a également compris que la prestataire a présenté sa demande initiale de prestations le 21 mars 2022. La division générale a utilisé le 20 mars 2022 comme premier jour de la période de prestations de la prestataire, parce que cette date était postérieure au 7 décembre 2021.

[15] La Commission a déclaré que la division générale avait commencé la période de prestations à la mauvaise date. Selon la Commission, elle avait antidaté la demande de la prestataire au 7 décembre 2021, à la demande de celle-ci. L’antidatation a eu pour effet de repousser la date de la « demande initiale de prestations » au 7 décembre 2021, ce qui a fait en sorte que la Commission a établi la période de prestations de la prestataire le dimanche 5 décembre 2021. La prestataire a été suspendue le 7 décembre 2021 et aurait dû être inadmissible aux prestations immédiatement.

[16] La Commission a soutenu que la division générale avait commis une erreur de fait importante parce qu’elle avait ignoré la preuve montrant que la demande avait été antidatée. La Commission a également soutenu que la division générale avait commis une erreur de droit en n’expliquant pas pourquoi elle avait conclu que la période de prestations avait été établie le 20 mars 2022.

[17] Il est vrai qu’il n’y a rien dans la décision de la division générale qui laisse croire qu’elle a examiné si la Commission avait antidaté la demande de la prestataire, ou l’effet que cela aurait sur la période de prestations ou la date d’inadmissibilité.

[18] Il n’est pas évident que la Commission a antidaté la demandeNote de bas de page 8, mais il y avait certaines indications au dossier. Dans ses observations à la division générale, la Commission a déclaré que [traduction] « la période de prestations a été établie à compter du 5 décembre 2021Note de bas de page 9 ». Le dossier contenait également des éléments de preuve qui auraient pu permettre de conclure que la demande avait été antidatée : la demande de révision de la prestataire comprenait une demande expresse visant à antidater sa demande au 7 décembre 2021, soit la date à laquelle son congé ou sa suspension involontaire a commencé. Après avoir fait une révision, la Commission a déclaré qu’elle ne pouvait pas lui verser de prestations d’assurance-emploi à compter du 6 décembre 2021.

[19] J’estime que la division générale a commis une erreur de fait importante en restant muette sur les observations de la Commission et en ne tenant pas compte de l’importance de ces éléments de preuve et de leur pertinence par rapport à la date d’inadmissibilité.

Réparation

[20] J’ai constaté une erreur dans la façon dont la division générale en est arrivée à sa décision, alors je dois maintenant décider de ce que je vais faire à ce sujet. Je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 10.

[21] La prestataire et la Commission ont convenu que je devais aller de l’avant et rendre la décision. Je suis d’accord. Le dossier est suffisamment complet pour que je puisse trancher la question au sujet de laquelle la Commission a déposé l’appel.

[22] La Commission a dit qu’elle n’avait inclus ni la décision d’antidatation ni les renseignements qui la justifient dans le dossier qu’elle a remis à la division générale, parce qu’elle ne la considérait pas comme pertinente à la décision portée en appelNote de bas de page 11.

[23] Toutefois, la représentante de la Commission m’a assuré que la demande était en fait antidatée.

[24] Cette certitude n’est pas une simple déclaration : il s’agit d’un nouvel élément de preuve. Normalement, la division d’appel n’examine pas de nouveaux éléments de preuve. Je ne peux pas non plus tenir compte de ces nouveaux éléments de preuve en utilisant l’exception relative aux « renseignements générauxNote de bas de page 12 ». La Commission tente de démontrer que la division générale a ignoré la preuve de l’antidatation et qu’ainsi elle a mal appliqué la loi. La Commission donne l’assurance qu’elle a antidaté la demande pour appuyer son argument sur la question qu’elle a soumise à la division d’appel.

[25] Cependant, il s’agit d’un cas inhabituel. À l’audience de la division d’appel, la prestataire a confirmé ce que la Commission a dit au sujet de l’antidatation. Elle a dit qu’elle avait bel et bien reçu une décision de la Commission qui autorisait sa demande d’antidatation.

[26] Je trouve qu’il ne serait dans l’intérêt de personne que je rejette l’appel. La Commission et la prestataire conviennent que la Commission avait accepté d’antidater la demande. L’antidatation change forcément le début de la période de prestations. Cela signifie que la date d’entrée en vigueur de l’inadmissibilité doit également changer. Le fait que la demande ait été antidatée est un élément indissociable du contexte juridique dans lequel s’inscrit la décision de révision de la Commission.

[27] Comme la Cour d’appel fédérale l’a souligné dans la décision Sibbald :

Dans certaines circonstances, la division d’appel pourrait admettre un nouvel élément de preuve, notamment lorsque cet élément de preuve fournit des renseignements d’ordre général ou, peut-être de façon exceptionnelle, lorsque les deux parties acceptent de présenter un document important. Ce type de décision dépend de l’affaire en cause et doit être réservé à la division d’appelNote de bas de page 13.

[28] Il s’agit d’un cas exceptionnel. Je prends en considération les nouveaux éléments de preuve qui confirment que la Commission a antidaté la demande.

[29] J’examine également les observations de la Commission à la division générale et les autres éléments de preuve évoquant une antidatation que la division générale a ignorée.

[30] Je conclus que la Commission a antidaté la demande au 7 décembre 2022 et que la prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 7 décembre 2021. Le dernier jour payé de la prestataire était le 6 décembre 2021Note de bas de page 14. Si elle n’avait pas été suspendue en raison d’une inconduite, elle aurait eu droit au versement de prestations (au cours de sa période de prestations antidatée) à compter du 7 décembre 2022.

Conclusion

[31] J’accueille l’appel en partie. La division générale a ignoré ou mal interprété la preuve montrant que la demande avait été antidatée. Par conséquent, elle a mal calculé la date d’entrée en vigueur de l’inadmissibilité de la prestataire.

[32] La prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations à compter du 7 décembre 2021.

[33] À tous les autres égards, je confirme la décision de la division générale. La Commission n’a mis en cause aucun autre aspect de la décision de la division générale.

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