Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : MD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 863

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante (prestataire) : M. D.
Partie intimée (Commission) : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (517874) datée du 6 septembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Gerry McCarthy
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 12 janvier 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 18 janvier 2023
Numéro de dossier : GE-22-3096

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Décision

Question en litige no 1 (Inconduite)

[1] L’appel est rejeté.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension). Par conséquent, le prestataire est inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 21 février 2022 au 5 septembre 2022Note de bas de page 1.

Question en litige no 2 (Disponibilité pour travailler)

[3] L’appel est accueilli sur la deuxième question en litige seulement.

[4] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler du 21 février 2022 au 5 septembre 2022.

Aperçu

Question no 1

[5] Le prestataire travaillait comme facteur et a été placé en congé sans solde par l’employeur le 18 février 2022. L’employeur du prestataire (« X ») a déclaré que le prestataire avait été placé en congé sans solde parce qu’il ne s’était pas conformé à sa politique de vaccination. Le prestataire a confirmé qu’il était retourné travailler pour l’employeur le 6 septembre 2022.

[6] La Commission a accepté la raison de l’employeur pour avoir mis le prestataire en congé sans solde. Elle a décidé que le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. Pour cette raison, la Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 21 février 2022 au 5 septembre 2022.

[7] La Commission affirme que le fait que le prestataire n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur était une inconduite, parce qu’il a été informé de la politique et des conséquences de ne pas se faire vacciner.

[8] Le prestataire affirme que la politique de vaccination de l’employeur violait ses droits garantis par la Charte et qu’elle était discriminatoire.

Question en litige no 2

[9] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations régulières d’assurance-emploi du 21 février 2022 au 5 septembre 2022 parce qu’il n’était pas disponible pour travailler. Une partie prestataire doit être disponible pour travailler pour recevoir des prestations régulières d’assurance-emploi. La disponibilité est une exigence continue. Cela signifie qu’une partie prestataire doit être à la recherche d’un emploi.

[10] Je dois décider si le prestataire a prouvé qu’il était disponible, selon la prépondérance des probabilités, pour travailler du 21 février 2022 au 5 septembre 2022. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable qu’il était disponible pour le travail.

[11] La Commission affirme que le prestataire n’était pas disponible parce qu’il a seulement énuméré six employeurs potentiels avec qui il aurait communiqué (mais sans dates) sans suffisamment de détails pour indiquer qu’il avait un emploi véritable.

[12] Le prestataire n’est pas d’accord et affirme qu’il était disponible pour travailler à temps plein du 21 février 2022 au 5 septembre 2022.

Question en litige no 1

[13] Le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[14] Pour décider si le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite, je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison le prestataire a été suspendu de son emploi. Ensuite, je dois vérifier si la loi considère ce motif comme une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi?

[15] Je conclus que le prestataire a été suspendu de son emploi parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur.

[16] La Commission affirme que la raison fournie par l’employeur est la raison de la suspension. L’employeur a indiqué que le prestataire a été placé en congé sans solde parce qu’il n’avait pas respecté sa politique de vaccination.

[17] Le prestataire ne conteste pas qu’il a été mis en congé sans solde pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de l’employeur. Toutefois, il affirme qu’il n’a rien fait de mal et qu’il a suivi le mandat de l’employeur.

[18] Je conclus que le prestataire a été suspendu pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination de l’employeur.

La raison de la suspension du prestataire est-elle une inconduite au sens de la loi?

[19] La raison de la suspension du prestataire est une inconduite au sens de la loi.

[20] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 2. L’inconduite comprend également une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 3. Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 4.

[21] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit suspendu ou congédié pour cette raisonNote de bas de page 5.

[22] La Commission doit prouver que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Elle doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 6.

[23] La Commission affirme qu’il y a eu une inconduite parce que le prestataire a été informé de la politique de vaccination de l’employeur et des conséquences de ne pas se faire vacciner.

[24] Le prestataire affirme qu’il n’y a pas eu d’inconduite parce qu’il n’a rien fait de mal et qu’il a suivi le mandat de vaccination de l’employeur.

[25] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu une inconduite, car elle a démontré que le prestataire connaissait la politique de vaccination de l’employeur et les conséquences du non-respect de celle-ci (page GD3A-35 du dossier d’appel). De plus, la Commission a fourni une copie de la politique de vaccination de l’employeur qui précisait que les membres du personnel qui n’attestaient pas leur statut vaccinal seraient considérés comme ne voulant pas être entièrement vaccinés, et qu’ils seraient placés en congé sans solde (page GD3A-48 du dossier d’appel). Je comprends que le prestataire a soutenu qu’il n’avait rien fait de mal et qu’il avait suivi le mandat de l’employeur. Toutefois, il n’a pas respecté la politique de vaccination de l’employeur parce qu’il a fait le choix personnel de ne pas se faire vacciner. À cet égard, je dois appliquer le critère juridique relatif à l’inconduite comme établi par la jurisprudence.

Témoignage supplémentaire du prestataire

[26] Je reconnais que le prestataire a ajouté que la politique de vaccination de l’employeur violait les droits que lui garantit la Charte, et qu’elle était discriminatoire. Toutefois, la question de savoir si la politique de vaccination de l’employeur était juste ou raisonnable ne relevait pas de ma compétence. Bref, le prestataire avait d’autres moyens de présenter ces argumentsNote de bas de page 7.

[27] Enfin, je comprends que le prestataire a déclaré que l’employeur a commis de multiples erreurs et qu’il n’a jamais fourni de raison pour laquelle il s’est vu refuser une exemption pour motifs religieux. Néanmoins, comme je l’ai mentionné, la question de savoir si la politique de l’employeur était juste ou raisonnable ne relevait pas de ma compétence. La seule question dont je disposais était de savoir si le prestataire avait été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite. À cet égard, je dois appliquer la loi. Autrement dit, je ne peux pas ignorer la loi, même dans les cas qui suscitent le plus de sympathieNote de bas de page 8.

Donc, le prestataire a-t-il été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite?

[28] Selon mes conclusions précédentes, je juge que le prestataire a été suspendu de son emploi en raison d’une inconduite.

Conclusion

Question en litige no 1

[29] La Commission a prouvé que le prestataire a été suspendu en raison d’une inconduite. Pour cette raison, il était inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi du 21 février 2022 au 5 septembre 2022.

Question en litige no 2

[30] Le prestataire était-il disponible pour travailler?

Analyse

[31] Deux articles de loi différents exigent que les parties prestataires démontrent leur disponibilité pour le travail. La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible selon ces deux articles. Il doit donc remplir les critères des deux articles pour recevoir des prestations.

[32] Premièrement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une partie prestataire doit prouver qu’elle fait des « démarches habituelles et raisonnables » pour trouver un emploi convenableNote de bas de page 9. Le Règlement sur l’assurance-emploi énonce des critères qui aident à expliquer ce que signifie « démarches habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10 ». Je vais examiner ces critères ci-dessous.

[33] Deuxièmement, la Loi sur l’assurance-emploi prévoit qu’une personne doit prouver qu’elle est « capable de travailler et disponible à cette fin », mais incapable de trouver un emploi convenableNote de bas de page 11. La jurisprudence énonce trois éléments que la partie prestataire doit prouver pour démontrer qu’elle est « disponible » en ce sensNote de bas de page 12. Je vais examiner ces facteurs ci-dessous.

[34] La Commission a décidé que le prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations parce qu’il n’était pas disponible pour travailler selon ces deux articles de loi.

[35] Je vais maintenant examiner moi-même ces deux articles pour décider si le prestataire était disponible pour travailler.

Démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi

[36] La loi énonce les critères dont je dois tenir compte pour décider si les démarches du prestataire étaient habituelles et raisonnablesNote de bas de page 13. Je dois vérifier si ses démarches étaient soutenues et si elles visaient à trouver un emploi convenable. Autrement dit, le prestataire doit avoir continué à essayer de trouver un emploi convenable.

[37] Je dois aussi tenir compte des démarches que le prestataire a faites pour se trouver un emploi. Le Règlement sur l’assurance-emploi dresse la liste de neuf activités de recherche d’emploi dont je dois tenir compte. Voici quelques exemples de ces activitésNote de bas de page 14 :

  • évaluer les possibilités d’emploi;
  • communiquer avec des employeurs potentiels;
  • postuler pour des emplois.

[38] La Commission affirme que le prestataire n’en a pas fait assez pour essayer de trouver un emploi. Plus précisément, elle affirme que le prestataire a seulement énuméré six employeurs potentiels avec qui il aurait communiqué (mais sans dates) sans suffisamment de détails pour indiquer un emploi véritable.

[39] Le prestataire n’est pas d’accord. Il dit avoir communiqué avec des employeurs et avoir présenté des demandes d’emploi du 21 février 2022 au 5 septembre 2022. Le prestataire affirme que ses démarches étaient suffisantes pour prouver qu’il était disponible pour travailler.

[40] Je juge que le prestataire a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi, car il a fourni une liste de recherche d’emploi avec les coordonnées d’employeurs potentiels (page GD3B-35 du dossier d’appel). Je comprends que la Commission a soulevé que la liste de recherche d’emploi du prestataire ne contenait aucune date. Néanmoins, j’accepte le témoignage du prestataire selon lequel il a communiqué avec des employeurs de février 2022 au début de septembre 2022, parce que ses déclarations étaient raisonnablement plausibles et appuyées par les coordonnées d’employeurs potentiels sur sa liste de recherche d’emploi.

[41] Le prestataire a prouvé que ses démarches pour trouver un emploi étaient habituelles et raisonnables.

Capable de travailler et disponible à cette fin

[42] La jurisprudence établit trois éléments que je dois prendre en considération pour décider si le prestataire était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Le prestataire doit prouver les trois choses suivantesNote de bas de page 15 :

  1. a) Il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert.
  2. b) Il a fait des efforts pour trouver un emploi convenable.
  3. c) Il n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter indûment (c’est-à-dire excessivement) ses chances de retourner travailler.

[43] Lorsque j’examine chacun de ces éléments, je dois examiner l’attitude et la conduite du prestataireNote de bas de page 16.

Vouloir retourner travailler

[44] Le prestataire a démontré qu’il voulait retourner travailler aussitôt qu’un emploi convenable lui serait offert. Je tire cette conclusion parce que le témoignage du prestataire sur cette question était franc et appuyé par une liste de recherche d’emploi.

Faire des démarches pour trouver un emploi convenable

[45] Le prestataire a fait assez d’efforts pour trouver un emploi convenable.

[46] J’ai tenu compte de la liste d’activités de recherche d’emploi donnée ci-dessus pour décider de ce deuxième élément. Pour cet élément, la liste est fournie à titre indicatif seulementNote de bas de page 17.

[47] Parmi les démarches qu’il a faites pour trouver un nouvel emploi, le prestataire a évalué les possibilités d’emploi et communiqué avec des employeurs pour voir s’ils avaient du travail. J’ai expliqué ces motifs ci-dessus lorsque j’ai examiné si le prestataire avait fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi.

[48] Les démarches du prestataire étaient suffisantes pour répondre aux exigences de ce deuxième élément, parce que le prestataire a fourni une liste de recherche d’emploi avec des noms précis d’employeurs et des coordonnées.

Limiter excessivement ses chances de retourner travailler

[49] Le prestataire n’a pas établi de conditions personnelles qui auraient pu limiter excessivement ses chances de retourner travailler.

[50] Le prestataire affirme qu’il ne l’a pas fait parce qu’il a déclaré qu’il n’attendait pas seulement de retourner à son emploi, mais qu’il communiquait avec des employeurs potentiels pour voir s’ils avaient du travail.

[51] La Commission affirme que le prestataire n’a pas démontré qu’il cherchait activement un emploi (y compris un emploi temporaire) où il ne serait pas tenu de se faire vacciner contre la COVID-19.

[52] Je conclus que le prestataire n’a pas limité indûment ses chances de retourner travailler, parce qu’il a énuméré des employeurs potentiels chez qui il pourrait travailler sans divulguer son statut vaccinal.

Le prestataire était-il donc capable de travailler et disponible pour le faire?

[53] Selon mes conclusions sur les trois éléments, je conclus que le prestataire a démontré qu’il était capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable.

Conclusion

Question en litige no 2

[54] Le prestataire a démontré qu’il était disponible pour travailler du 21 février 2022 au 5 septembre 2022, au sens de la loi.

[55] Par conséquent, l’appel est accueilli sur la deuxième question.

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