Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CL c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1790

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Appelante : C. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (466411) datée du 29 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : John Noonan
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 3 novembre 2022
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 12 novembre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1941

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Décision

[1] L’appel est rejeté.

Aperçu

[2] Après révision, la Commission a avisé l’appelante, C. L., qu’elle ne pouvait lui verser de prestations d’assurance‑emploi à compter du 27 septembre 2021 parce qu’elle suivait de sa propre initiative un cours de formation et qu’elle n’a pas prouvé que, sans sa maladie, elle aurait été disponible pour travailler. L’appelante soutient qu’elle n’a pris aucune décision avant d’être informée par le personnel de Service Canada et qu’elle est partie du principe qu’elle recevrait des prestations d’assurance‑emploi (pages GD3‑34 à GD3‑40). Le Tribunal doit décider si l’appelante a prouvé sa disponibilité en conformité avec l’article 18 de la Loi sur l’assurance‑emploi (la Loi).

Question en litige

[3] Première question en litige : L’appelante aurait‑elle été, sans sa maladie, disponible pour travailler?

Analyse

[4] Les dispositions législatives pertinentes sont reproduites à la page GD4.

[5] L’article 18(1)b) de la Loi prescrit que, pour être admissible au bénéfice des prestations de maladie, le prestataire doit prouver qu’il est incapable de travailler par suite d’une maladie et qu’il aurait été sans cela disponible pour travailler.

[6] Il existe une présomption selon laquelle une personne inscrite à un programme d’études à temps plein n’est pas disponible pour travailler. Cette présomption de fait peut être réfutée par une preuve de l’existence de circonstances exceptionnelles (Cyrenne, 2010 CAF 349).

[7] La présomption s’applique à toute personne qui n’est pas disponible pour travailler lorsqu’elle suit un cours à temps plein de sa propre initiative. Pour réfuter la présomption, l’appelante doit démontrer que son intention principale est d’accepter immédiatement un emploi convenable, comme en témoignent ses démarches de recherche d’emploi, qu’elle est prête à prendre toutes les dispositions nécessaires ou qu’elle est disposée à abandonner le cours. Elle doit démontrer par ses actes que le cours a une importance secondaire et qu’il ne constitue pas un obstacle à la recherche et à l’acceptation d’un emploi convenable.

[8] La personne qui suit un cours à temps plein sans qu’une autorité désignée par la Commission l’ait dirigée vers ce cours doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, mais incapable de trouver un emploi convenable. Elle doit aussi satisfaire aux exigences de disponibilité au même titre que toutes les personnes qui demandent des prestations régulières d’assurance‑emploi. Elle doit continuer à chercher un emploi et démontrer que les exigences du cours n’ont pas restreint sa disponibilité de façon à réduire de beaucoup ses chances de trouver un emploi.

[9] Les éléments suivants peuvent être pertinents pour déterminer la disponibilité à travailler :

  1. a) les exigences du cours relatives à la présence en classe;
  2. b) la volonté de la prestataire d’abandonner ses études pour accepter un emploi;
  3. c) la question de savoir si la prestataire a l’habitude de travailler selon un horaire irrégulier;
  4. d) l’existence de « circonstances exceptionnelles » qui permettraient à la prestataire de travailler pendant ses études;
  5. e) le coût financier du cours suivi.

[10] Pour être considérée comme étant disponible pour travailler, la prestataire doit : 1) avoir le désir de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable est offert, 2) manifester ce désir en faisant des démarches pour trouver un emploi convenable et 3) ne pas établir de conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail. Toute décision à cet égard doit prendre en compte ces trois éléments. (Faucher, A‑56‑96, et Faucher, A‑57‑96)

Première question en litige : L’appelante aurait‑elle été, sans sa maladie, disponible pour travailler?

[11] Non.

[12] Dans la présente affaire, selon ses propres déclarations et observations, l’appelante suivait un programme d’études à temps plein.

[13] Elle n’a pas été approuvée par une autorité désignée pour suivre ce programme.

[14] L’appelante a déclaré et confirmé durant l’audience qu’elle a commencé la formation à temps plein X le 1er septembre 2021.

[15] Elle assiste aux cours en classe du lundi au vendredi, le matin et l’après‑midi, et elle n’a aucun contrôle sur les heures qui coïncident avec ses heures normales de travail.

[16] L’appelante déclare ce qui suit :

  • Elle a quitté son emploi pour cause de maladie.
  • Elle a pris la décision de prendre congé pendant un an pour se concentrer sur sa santé en consultation avec son médecin et son thérapeute. Pendant les trois premiers mois, son employeur s’est servi des jours de congé de maladie qui lui restaient pour la payer. Puis, en juin, elle a demandé des prestations d’assurance‑emploi (page GD3‑37).
  • Elle n’a pris la décision de retourner aux études qu’après avoir consulté Service Canada.
  • Elle a dit cependant qu’elle a communiqué à maintes reprises avec la Commission pour obtenir des conseils et que les renseignements qu’elle a reçus étaient incomplets, incorrects et trompeurs. Selon elle, en raison d’une incompétence au sein du ministère, elle éprouve maintenant des difficultés financières en plus d’être malade et de souffrir de détresse. Elle a dit que n’eurent été les renseignements qu’elle a reçus, elle n’aurait pas contracté de prêt ni ne serait allée à l’école (page GD3‑39).
  • Elle effectue maintenant un quart de suppléant par semaine, et tout autre quart de travail nuirait à ses études.
  • Elle serait disponible pour travailler et capable de travailler une fois rétablie, mais elle prévoyait d’abord de terminer son programme d’études (pages GD3‑11 à 14).

[17] L’appelante affirme qu’elle a rempli sa demande avec honnêteté et que l’approbation des prestations par la Commission n’était pas son erreur. Elle ne devrait pas être tenue responsable de l’erreur commise par la Commission si cette dernière lui a versé des prestations alors qu’elle n’aurait pas dû le faire.

[18] L’appelante prévoyait de suivre son programme d’études au moins trois mois avant sa date de début, comme il est indiqué dans sa demande.

[19] Ce processus cause beaucoup de stress et de difficultés financières.

[20] Cela dit, pour la période en question, il n’y a aucune preuve que l’appelante effectuait une recherche d’emploi exhaustive dans le but d’obtenir un emploi à temps plein. L’appelante affirme qu’elle n’est pas en mesure d’occuper un emploi à temps plein parce que ses études la tiennent trop occupée. Elle a trouvé du travail et effectue un quart de travail par semaine afin que cela ne nuise pas à ses études. Elle n’était pas disposée à quitter l’école pour occuper un emploi à temps plein.

[21] Si j’admets qu’elle a obtenu l’approbation implicite de la Commission, on s’attend toutefois à ce qu’il y ait une recherche d’emploi exhaustive même si celle‑ci semble futile.

[22] Je conclus que ces actes, ou l’absence de tels actes, de la part de l’appelante, ne démontrent pas, pendant toute la période en question, un désir sincère de retourner sur le marché du travail dès qu’un emploi convenable lui serait offert.

Deuxième question en litige : Faisait-elle des démarches habituelles et raisonnables pour trouver du travail?

[23] Non.

[24] Encore une fois, il n’y a aucune preuve que l’appelante effectuait une recherche d’emploi exhaustive.

[25] Elle soutient qu’elle était disponible, mais pour être admissible à des prestations, elle demeure tenue d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable.

[26] L’activité de recherche d’emploi de l’appelante pendant les périodes en question ne peut être considérée comme étant une recherche d’emploi raisonnable et habituelle au sens de l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance‑emploi (le Règlement).

[27] Je conclus que l’appelante n’a pas démontré que, pendant tout ce processus, elle a fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable.

Troisième question en litige : A-t-elle établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail?

[28] Oui.

[29] L’appelante a déclaré qu’elle avait l’intention de terminer son cours et non de retourner sur le marché du travail le plus tôt possible; compte tenu de l’absence d’activités raisonnables de recherche d’emploi et du fait qu’elle a investi 5 500 $ dans son programme d’études et obtenu un prêt d’études, je conclus que cela concorde avec les faits qui m’ont été présentés.

[30] L’appelante a confirmé qu’elle n’interromprait pas sa formation pour accepter un emploi à temps plein si cela entrait en conflit avec l’horaire de cette formation.

[31] L’appelante n’a pas réfuté la présomption de non‑disponibilité pendant qu’elle suivait un cours collégial, car elle a déclaré qu’elle se concentrait sur ses études plutôt que sur sa disponibilité pour travailler. Elle a déclaré qu’elle n’était pas disponible pour travailler à temps plein.

[32] Je conclus que, bien qu’elle n’ait pas suivi un cours approuvé par une autorité désignée par la Commission, l’appelante en l’espèce a établi des conditions personnelles pouvant limiter indûment ses chances de retourner sur le marché du travail en consacrant plus de 25 heures par semaine à son programme d’études et en ne choisissant pas d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable.

[33] En outre, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’un prestataire qui limite sa disponibilité et qui n’est disponible pour travailler qu’en dehors de ses heures de cours n’a pas prouvé sa disponibilité pour travailler au sens de la Loi. Duquet c Canada (PG), 2008 CAF 313; Canada (PG) c Gauthier, 2006 CAF 40

[34] En soi, la simple déclaration de disponibilité d’un prestataire ne permet pas à ce dernier de s’acquitter de son fardeau de la preuve. Voir les décisions CUB 18828 et 33717.

[35] Même si j’appuie les efforts de l’appelante pour achever ses études et ainsi trouver un emploi convenable, je conclus qu’elle n’a pas fait la preuve de [traduction] « circonstances exceptionnelles » qui réfuteraient la présomption de non‑disponibilité pendant qu’elle suivait un cours à temps plein.

[36] Je suis d’accord avec la Commission, qui a conclu que l’appelante n’était pas en mesure d’établir que, sans sa maladie, elle aurait été disponible pour travailler.

[37] Sa disponibilité a été compromise par sa présence au collège et non par sa maladie.

[38] Elle n’est donc pas admissible au bénéfice des prestations à compter du 27 septembre 2021.

[39] Ni le Tribunal ni la Commission n’a le pouvoir discrétionnaire ou autre d’outrepasser les dispositions législatives et les conditions claires imposées par la Loi ou le Règlement en se fondant sur l’équité, la compassion, des circonstances financières ou atténuantes.

[40] La Commission reconnaît qu’en raison de la pandémie de COVID-19, certaines exigences relatives à la disponibilité pour travailler pendant la participation à un programme de formation ont été assouplies jusqu’en septembre 2021. Avant le 27 septembre 2020, un représentant de la Commission aurait examiné la disponibilité d’un prestataire pour travailler dans les cas où ce dernier affirmait qu’il suivait une formation ou un cours vers lequel il n’avait pas été dirigé. Depuis le 27 septembre 2020, la disponibilité n’est plus automatiquement examinée lorsqu’un prestataire présente une demande de prestations ou une déclaration de quinzaine, et déclare qu’il suit une formation vers laquelle il n’a pas été dirigé, mais qu’il est toujours disponible pour travailler comme cela est requis. Plutôt que d’être examinée par un agent, la formation est automatiquement autorisée. Toutefois, la Commission a encore le pouvoir d’examiner la disponibilité d’un prestataire et d’imposer une inadmissibilité rétroactive ou actuelle si elle conclut que la disponibilité du prestataire pour travailler, telle qu’elle est exigée par la loi et la jurisprudence établie, n’a pas été démontrée. Si un prestataire fait une déclaration ou fournit des renseignements qui remettent en question sa disponibilité pendant qu’il suit un programme d’enseignement de sa propre initiative, la Commission peut, conformément à l’article 50(8) de la Loi, « exiger [du prestataire] qu’il prouve qu’il fait des démarches habituelles et raisonnables pour trouver un emploi convenable ».

[41] Autrement dit, la Commission a choisi d’examiner la disponibilité de l’appelante après avoir approuvé sa demande et lui refuse maintenant des prestations en se fondant sur les mêmes renseignements honnêtes fournis par l’appelante dans sa demande. La Commission invoque l’article 50(8) de la Loi à l’appui de l’exercice de ce pouvoir.

[42] En ce qui concerne la demande de l’appelante visant la radiation du trop payé, il s’agit d’une décision qui ne peut être prise que par la Commission; le Tribunal n’a pas compétence sur cette question.

[43] Toutefois, le Tribunal peut commenter les circonstances qui ont entraîné le trop payé.

[44] Les caractéristiques communes que l’on retrouve dans les situations et les circonstances menant à la radiation d’un trop payé sont que le prestataire ne peut être tenu directement responsable des événements ayant mené au trop payé. Autrement dit, le prestataire n’a joué aucun rôle dans les événements ou n’a exercé aucun contrôle réel sur ceux‑ci, sauf pour demander et recevoir les prestations de bonne foi.

[45] Dans la présente affaire, la Commission a approuvé les prestations à partir des mêmes renseignements qu’elle utilise maintenant pour les refuser et en demander le remboursement. L’appelante n’a joué aucun rôle dans le processus d’approbation, car elle a répondu honnêtement et correctement à toutes les questions qui lui ont été posées.

[46] Il est important de prévenir les situations où un prestataire est tenu de payer pour des erreurs ou des retards causés par la Commission, lorsque la situation échappe complètement au contrôle du prestataire.

[47] Qu’il s’agisse d’une erreur ou du respect de la politique susmentionnée de la Commission, les décisions concernant l’approbation des prestations étaient indépendantes de la volonté de la prestataire et reposaient entièrement entre les mains de la Commission.

[48] Les trop payés qui surviennent lorsque la Commission ne rend pas de décision concernant une demande dans un délai raisonnable peuvent entraîner la radiation d’une partie du trop payé. Il s’agit de situations où un prestataire a fourni des renseignements et où, avant que la Commission ne traite ces renseignements, des prestations ont été versées à tort. La partie du trop payé qui n’aurait pas eu lieu s’il n’y avait pas eu de retard peut être annulée. La Commission commet une erreur lorsque des prestations sont versées à tort parce qu’elle n’a pas traité la demande de façon appropriée (Guide, section 17.2.0). Cela peut se produire lorsque des renseignements au dossier sont négligés par la Commission ou lorsque des erreurs se produisent dans le calcul d’un ou de plusieurs éléments de la demande (article 56(2)b)(i)) du Règlement).

[49] En l’espèce, l’appelante a commencé son cours de formation à la connaissance et avec le consentement implicite de la Commission. La Commission a versé des prestations compte tenu de cette connaissance et de ce consentement, puis a attendu huit mois après la présentation de la demande, soit jusqu’au 21 février 2022, pour annuler l’approbation et demander à l’appelante de rembourser le trop payé engagé.  Le trop payé au complet a été versé en raison du retard de la Commission à donner suite aux renseignements qui lui ont été présentés à plusieurs reprises par l’appelante.

[50] C’est la Commission qui a le pouvoir de réduire ou de radier un trop payé, mais cela n’est pas automatique; une demande doit être présentée à la Commission. Le prestataire doit expliquer précisément les conséquences que la dette a ou aurait sur ses finances, ainsi que le stress lié à la dette et ce qui a entraîné celle‑ci.

[51] La décision de la Commission à ce sujet ne peut faire l’objet d’un appel devant le Tribunal. Seule la décision de la Commission qui a entraîné le trop payé peut faire l’objet d’une révision au titre de l’article 112 de la Loi. La responsabilité du prestataire de rembourser un trop payé et les intérêts imputés sur un trop payé ne peut faire l’objet d’une révision parce qu’il ne s’agit pas de décisions de la Commission. Cette responsabilité est à titre de « débiteur » et non de « prestataire ». Pour faire trancher ces questions, le prestataire peut demander un contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale du Canada.

[52] C’est l’appelante qui doit faire ces démarches; elle doit demander à la Commission de radier la dette.

[53] Je n’ai pas le pouvoir de réduire ou de radier le trop payé. Le Tribunal n’a pas compétence pour trancher des questions relatives à la réduction ou à la radiation de la dette.

[54] L’appelante demande que le trop payé soit effacé. Je souscris à la position adoptée par la Commission et je signale que, selon la loi, sa décision concernant la radiation d’un montant dû ne peut être portée en appel devant le Tribunal de la sécurité sociale. Cela signifie que je ne peux pas trancher les questions relatives à une demande de radiation ou de réduction d’un trop payé.

[55] La Cour fédérale du Canada a compétence pour entendre un appel relatif à une question de radiation. Cela signifie que si la prestataire souhaite interjeter appel concernant sa demande de radiation du trop payé, elle doit s’adresser à la Cour fédérale du Canada.

[56] Enfin, je ne vois au dossier aucun élément de preuve selon lequel la Commission a informé l’appelante au sujet du programme d’annulation des dettes de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Si le remboursement immédiat du trop payé au titre de l’article 44 de la Loi lui cause des difficultés financières, elle peut appeler le Centre d’appels de la gestion des créances de l’ARC au 1 866 864‑5823. Elle pourrait être en mesure de convenir d’autres modalités de remboursement en fonction de sa situation financière.

Conclusion

[57] Je conclus que, compte tenu de toutes les circonstances, l’appelante n’a pas réussi à réfuter l’affirmation selon laquelle elle n’aurait pas été, sans sa maladie, disponible pour travailler à compter du 27 septembre 2021. Par conséquent, l’appel concernant la disponibilité est rejeté.

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