Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : JW c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 890

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : J. W.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (534066) datée du 5 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Marc St-Jules
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 11 avril 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelant

Date de la décision : Le 16 mai 2023
Numéro de dossier : GE-22-3565

Sur cette page

Décision

[1] Je rejette l’appel avec modification. Le Tribunal de la sécurité sociale n’est pas d’accord avec l’appelantNote de bas de page 1. La modification, que je vais décrire dans ma décision, porte sur les raisons de l’inadmissibilité de l’appelant aux prestations.

[2] À compter du 22 novembre 2021, l’appelant est inadmissible aux prestations jusqu’au 9 février 2021. Il y a chevauchement de son congé et du début de sa période de prestations. L’appelant a été suspendu en raison d’une inconduiteNote de bas de page 2.

[3] À compter du 6 février 2022, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations puisqu’il a été congédié en raison d’une inconduiteNote de bas de page 3. Son congédiement a eu lieu le 10 février 2022. Une exclusion commence le dimanche de la semaine où survient un congédiementNote de bas de page 4.

[4] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que l’employeur a suspendu et congédié l’appelant en raison d’une inconduite. Autrement dit, l’appelant a fait quelque chose qui a entraîné sa suspension et son congédiement.

[5] En raison de sa suspension et de son congédiement, l’appelant n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[6] Le 15 novembre 2021, l’employeur a mis l’appelant en congé involontaire et sans solde. Il l’a ensuite congédié le 10 février 2022. Dans chaque cas, la raison était que l’appelant ne s’était pas conformé à la politique de vaccination obligatoire. La Commission affirme que l’employeur a mis l’appelant en congé parce qu’il n’a pas respecté la politique de vaccination obligatoire contre la COVID-19 instaurée en milieu de travail.

[7] La Commission a décidé que l’appelant avait été suspendu de son emploi pour une raison que la Loi sur l’assurance-emploi considère comme une inconduite. Par conséquent, elle n’a pas été en mesure de lui verser des prestations d’assurance-emploi à compter du 22 novembre 2022.

[8] L’appelant n’est pas d’accord. Il croit que sa suspension et son congédiement étaient injustifiés. Ce que l’employeur a fait était illégal.

[9] Je dois décider si l’appelant a été suspendu et congédié en raison d’une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

Questions que je dois examiner en premier

L’audience a été ajournée

[10] Initialement, l’audience était prévue pour le 7 mars 2023. La veille, l’appelant a demandé de changer cette date, car il suivait une formation et ne pouvait pas se présenter à l’audience comme convenu.

[11] En réponse à cette demande, une conférence préparatoire a été fixée le 27 mars 2023. L’ajournement a été accordé. Une nouvelle audience par téléconférence a été prévue pour le 11 avril 2023. Cette audience a eu lieu comme prévu, en présence de l’appelant.

Question en litige

[12] L’appelant a-t-il été suspendu, puis congédié en raison d’une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi?

Analyse

[13] La loi prévoit qu’une personne ne peut pas obtenir des prestations d’assurance-emploi si elle perd son emploi en raison d’une inconduite. Cette règle s’applique que la personne ait été congédiée ou suspendue.

[14] Je dois décider deux choses. D’abord, je dois établir pour quelle raison l’appelant a été suspendu et congédié. Ensuite, je dois voir si la Loi sur l’assurance-emploi considère cette raison comme une inconduite.

[15] Une personne qui perd son emploi en raison d’une « inconduite » n’a pas droit aux prestations d’assurance-emploi. Dans ce contexte, le mot « inconduite » signifie toute violation d’une règle qui s’applique en milieu de travail.

Pourquoi l’appelant a-t-il été suspendu et congédié?

[16] J’estime que l’employeur a suspendu l’appelant parce qu’il ne s’est pas conformé à sa politique de vaccination.

[17] La Commission et l’appelant conviennent qu’il a été suspendu le 15 novembre 2021Note de bas de page 5. La raison était le non-respect de la nouvelle politique de vaccination obligatoire. Les parties ne s’entendent pas en ce qui a trait à l’inconduite. Selon l’appelant, la politique est incorrecte et enfreint des lois qui devraient s’appliquer. Il affirme qu’il a le droit de refuser la vaccination.

[18] Rien ne me montre que l’appelant a été suspendu pour d’autres raisons. Rien dans le dossier ou dans son témoignage ne m’en fait douter.

[19] Selon la preuve dont je dispose, je conclus que le non-respect de la politique vaccinale est la raison pour laquelle l’appelant a été mis en congé sans solde, puis congédié.

La raison est une inconduite selon la loi

[20] Selon la Loi sur l’assurance-emploi, le non-respect de la politique vaccinale de l’employeur constitue une inconduite.

Ce qu’est une inconduite selon la Loi sur l’assurance-emploi

[21] La Loi sur l’assurance-emploi ne définit pas l’inconduite. Par contre, l’ensemble des décisions des tribunaux établissent le critère juridique lié à l’inconduite, c’est-à-dire les types de faits et de questions que je dois examiner dans ma décision.

[22] La Commission doit prouver qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelant a été suspendu en raison d’une inconduite, et non pour une autre raisonNote de bas de page 6.

[23] Je dois me concentrer sur ce que l’appelant a fait ou n’a pas fait et me demander si cela constitue une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas de page 7. Je ne peux pas décider si la politique de l’employeur est raisonnable, ou si la suspension ou le congédiement est une sanction raisonnableNote de bas de page 8.

[24] Il n’est pas nécessaire que l’appelant ait eu une intention coupable (qu’il ait voulu faire quelque chose de mal) pour que je décide que sa conduite est une inconduiteNote de bas de page 9. Pour être considérée comme une inconduite, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 10. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 11.

[25] Il y a inconduite si l’appelant savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’il soit congédié pour cette raisonNote de bas de page 12.

[26] Je peux seulement décider s’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas trancher l’affaire en me fondant sur d’autres loisNote de bas de page 13. Je ne peux pas décider si l’appelant a subi un congédiement déguisé ou injustifié selon le droit du travail. Il en va de même pour une suspension sans solde. Je ne peux pas interpréter un contrat de travail ni décider si l’employeur a enfreint une convention collectiveNote de bas de page 14. Je ne peux pas décider si l’employeur a discriminé l’appelant ou s’il aurait dû lui accorder une mesure d’adaptation conformément à la loi sur les droits de la personneNote de bas de page 15. Et je ne peux pas décider si l’employeur a porté atteinte à la vie privée de l’appelant ou à d’autres droits dans le contexte du travail, ou autrement.

Ce que disent la Commission et l’appelant

[27] La Commission affirme qu’il y a eu inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi, car la preuve montre ce qui suit :

  • L’employeur avait une politique de vaccination qu’il a communiquée à tout le personnel.
  • Cette politique exigeait que tous les membres du personnel reçoivent les vaccins requis ou obtiennent une exemption.
  • L’appelant savait ce qu’il devait faire pour se conformer à la politique.
  • Il savait que son employeur pouvait le suspendre ou le congédier en appliquant la politique.
  • Il a fait un choix personnel, conscient et délibéré de ne pas se conformer à la politique.

[28] L’appelant affirme qu’il n’y a eu aucune inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi pour les raisons suivantes :

  • La politique de vaccination a été imposée unilatéralement et ne faisait pas partie de ses conditions d’emploiNote de bas de page 16.
  • La politique de vaccination était fondée sur la collusion du gouvernement avec les entreprises visant à forcer le personnel à suivre une thérapie génique.
  • Les vaccins ne sont pas obligatoires au Canada.
  • Ses droits à la vie privée ont été violés.
  • Ses droits fondamentaux ont été violés.

[29] Les éléments de preuve sont clairs et cohérents. J’accepte et je reconnais la preuve de l’appelant et la preuve de la Commission. Je n’ai aucune raison de douter de la preuve de l’appelant (ce qu’il a dit à la Commission, ce qu’il a écrit dans sa demande de révision et l’avis d’appel, et ce qu’il a dit lors de l’audience). Ses éléments de preuve sont cohérents. Et rien ne contredit ce qu’il a dit.

[30] J’accepte la preuve de la Commission parce qu’elle concorde avec celle de l’appelant. Et rien ne la contredit.

[31] Il n’y a aucune contradiction dans la preuve. À titre de membre du Tribunal, je dois rendre ma décision selon la prépondérance des probabilités. La preuve est claire. Le problème, c’est que l’appelant veut que certaines lois soient prises en considération. Mais le Tribunal n’est pas autorisé à se fonder sur ces lois.

[32] L’appelant convient que la politique lui a été communiquée en août ou en septembre 2021. Il dit qu’il l’a lue et qu’il savait que tout non-respect pouvait entraîner un congédiement. Il n’était pas certain de ce que l’employeur ferait exactement, mais il convient que le congédiement était mentionné comme conséquence.

[33] Le critère à remplir se trouve dans la Loi sur l’assurance-emploi. Le Tribunal doit se concentrer sur ce critère juridique. La Commission a prouvé que l’appelant a été informé de la politique, qu’il connaissait les conséquences en cas de non-respect et qu’il a tout de même refusé de s’y conformer en sachant qu’il pouvait se faire suspendre de son emploi. Il a agi de façon délibérée. Ses actions étaient conscientes, voulues ou intentionnelles.

[34] J’estime que l’appelant n’avait pas d’intention coupable. Rien dans la preuve ne me le fait penser. Comme je l’ai mentionné plus haut, pour arriver à une conclusion d’inconduite, il faut que les actions soient délibérées. L’intention coupable n’est pas un critère.

[35] Je peux seulement décider si sa conduite est une inconduite aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Je ne peux pas fonder ma décision sur d’autres loisNote de bas de page 17. Je ne peux donc pas évaluer si la politique de l’employeur ou la sanction imposée est raisonnable ou légale selon d’autres lois. Je ne peux pas, par exemple, vérifier si la politique de vaccination contre la COVID-19 va à l’encontre d’autres lois.

[36] Certaines décisions judiciaires récentes appuient les politiques de vaccination obligatoire. Dans une affaire tranchée récemment qui s’intitule ParmarNote de bas de page 18, la cour a dû décider si un employeur était autorisé à mettre une personne en congé sans solde parce qu’elle n’avait pas respecté une politique de vaccination obligatoire. Mme Parmar s’est opposée à la vaccination parce qu’elle doutait de son efficacité à long terme et s’inquiétait des effets négatifs potentiels sur sa santé.

[37] Dans cette affaire, la cour a reconnu qu’il était [traduction] « extraordinaire pour un employeur d’adopter une politique qui a une incidence sur l’intégrité physique de son personnel ». Mais elle a décidé que la politique de vaccination en question était raisonnable, étant donné [traduction] « les défis sanitaires extraordinaires qu’a amenés la pandémie mondiale de COVID-19 ». La cour a ajouté ce qui suit :

[traduction]
[154] [Une politique de vaccination obligatoire] n’oblige personne à se faire vacciner. En réalité, elle oblige à faire un choix entre se faire vacciner et continuer à recevoir un salaire, ou rester non vacciné et perdre ce salaire.

[38] Comme je l’ai mentionné plus haut, l’ensemble des décisions des tribunaux confirment que la compétence du Tribunal est restreinte. Dans une autre affaire récente, qui date de janvier 2023, la Cour fédérale convient que le Tribunal a un pouvoir limitéNote de bas de page 19. L’affaire, qui a commencé à la Commission, a été présentée à la division générale du Tribunal, puis à la division d’appel, qui a maintenu la décision. Enfin, la Cour fédérale a examiné le tout. Voici le paragraphe 32 de sa décision :

[traduction]
[32] Le demandeur est visiblement frustré par le fait qu’aucune décision n’ait abordé ce qu’il considère comme des questions de droit ou de fait fondamentales, par exemple, l’intégrité physique, le consentement aux tests médicaux, et la sûreté et l’efficacité des vaccins contre la COVID-19 ou des tests antigéniques. Mais cela ne rend pas la décision de la division d’appel déraisonnable pour autant. La principale faille de son argument est qu’il reproche aux personnes qui ont rendu les décisions de ne pas avoir réglé un ensemble de questions qu’elles ne sont pas légalement autorisées à examiner.

[39] Par conséquent, je ne tire aucune conclusion sur la validité de la politique ou sur toute violation des droits de l’appelant qui sont protégés par d’autres lois.

[40] Je conviens que l’appelant peut refuser la vaccination. C’est sa décision. C’est son droit. Mais je conviens également que l’employeur doit gérer les activités quotidiennes de son milieu de travail, ce qui comprend l’élaboration et l’application de politiques de santé et de sécurité au travail. Tout employeur est tenu de veiller à la sécurité de son milieu de travail.

[41] À la lumière de la preuve, je conclus que la Commission a prouvé que la conduite de l’appelant était une inconduite parce qu’elle a démontré ce qui suit :

  • Il était au courant de la politique de vaccination et de l’obligation de transmettre son statut vaccinal dans le délai prévu. Il connaissait aussi les conséquences en cas de non-respect.
  • Il savait que son employeur le suspendrait et le congédierait s’il ne respectait pas la politique.
  • Il a décidé personnellement, de façon consciente, voulue ou intentionnelle de ne pas se conformer à la politique dans le délai prévu.

[42] Je comprends que l’appelant n’est peut-être pas d’accord avec ma décision. Mais la Cour d’appel fédérale m’exige de respecter le sens ordinaire de la loi. Je ne peux pas réécrire la loi ou y ajouter des éléments pour obtenir un résultat qui semble plus équitable pour l’appelantNote de bas de page 20.

[43] La Commission a demandé que l’appelant soit admissible aux prestations à compter du 12 février 2022Note de bas de page 21. Elle soutient que selon l’article 31(b) de la Loi sur l’assurance-emploi, l’inadmissibilité prend fin lorsque la personne quitte son emploi ou est congédiée pendant un congé sans solde. Je suis d’accord. Toutefois, la Commission a fait erreur et n’a pas tenu compte de l’exclusion au titre de l’article 30 de la Loi. À compter du 6 février 2022, l’appelant est exclu du bénéfice des prestations aux termes de l’article 30 parce qu’il a été congédié pour une raison que la Loi considère comme une inconduite.

[44] Pour cette raison, l’appelant n’a pas droit aux prestations à compter du 12 février 2022, comme le suggère la Commission.

Conclusion

[45] La Commission a prouvé que l’appelant a été suspendu et congédié de son emploi en raison d’une inconduite au titre de la Loi sur l’assurance-emploi.

[46] L’appelant a donc été suspendu pour inconduite. Par conséquent, il est inadmissible aux prestations à compter du 22 novembre 2022, date à laquelle la période de prestations commence, et ce, jusqu’au 9 février 2022 inclusivement.

[47] L’appelant a été congédié le 10 février 2022. Il est donc exclu du bénéfice des prestations à compter du 6 février 2022. C’est le dimanche de la semaine où il a été congédié. Comme je l’ai expliqué au début, une exclusion commence le dimanche de la semaine où survient un congédiement.

[48] Par conséquent, je rejette l’appel avec modification. Marc St-Jules Membre de la division générale, section de l’assurance-emploi

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