Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CL c Commission de l’assurance‑emploi du Canada, 2023 TSS 922

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision

Appelante : C. L.
Intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada
Représentante : Christine Chabot

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 14 novembre 2022
(GE-22-1941)

Membre du Tribunal : Melanie Petrunia
Mode d’audience : En personne
Date de l’audience : Le 5 juin 2023
Personnes présentes à l’audience : Appelante
Représentante de l’intimée
Date de la décision : Le 17 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-22-916

Sur cette page

Décision

[1] Il est fait droit à l’appel. La division générale a commis une erreur de droit dans sa décision et a omis de suivre une procédure équitable. L’affaire est renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience devant un autre membre.

Aperçu

[2] L’appelante, C. L. (prestataire), a cessé de travailler le 9 juin 2021 et a pris un congé de maladie. Elle a demandé des prestations de maladie sous le régime de l’assurance‑emploi. Dans sa demande, elle a déclaré qu’elle suivait un programme de formation à temps plein de sa propre initiative du 1er septembre 2021 au 11 juin 2022.

[3] La prestataire a reçu des prestations de maladie. Plus tard, l’intimée, la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (Commission), a décidé que la prestataire était inadmissible au bénéfice des prestations de maladie parce qu’elle n’avait pas été en mesure d’établir qu’elle aurait été, sans sa maladie, disponible pour travailler.

[4] La prestataire a porté cette décision en appel devant la division générale du Tribunal et son appel a été rejeté. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas démontré que, sans sa maladie, elle aurait été disponible pour travailler. Elle a également conclu qu’elle n’avait pas compétence pour radier un trop payé.

[5] La prestataire interjette maintenant appel de la décision de la division générale auprès de la division d’appel. Je conclus que la division générale a commis une erreur de droit dans sa décision et qu’elle a omis de suivre une procédure équitable. Je renvoie l’affaire à la division générale pour nouvelle audience.

Questions en litige

[6] Les questions en litige dans le présent appel sont les suivantes :

  1. a) La division générale a-t-elle commis une erreur de droit en appliquant mal le critère juridique de la disponibilité?
  2. b) La division générale a-t-elle omis de suivre une procédure équitable?
  3. c) Comment devrait-on corriger l’erreur?

Analyse

[7] Je ne peux intervenir dans la présente affaire que si la division générale a commis une erreur pertinente. Je dois donc déterminer si la division générale a commis l’une des erreurs suivantesNote de bas de page 1 :

  • elle a omis de suivre une procédure équitable;
  • elle a omis de trancher une question qu’elle aurait dû trancher ou a tranché une question qu’elle n’aurait pas dû trancher;
  • elle a mal interprété ou mal appliqué la loi;
  • elle a fondé sa décision sur une erreur importante concernant les faits de l’affaire.

Contexte

[8] La prestataire a établi une demande de prestations prenant effet le 13 juin 2021Note de bas de page 2. Elle a déclaré dans sa demande de prestations qu’elle suivrait un cours de formation à temps plein à compter du 1er septembre 2021Note de bas de page 3. Elle a également déclaré que, sans sa maladie, elle serait disponible et capable de travailler et que son intention était de terminer son cours une fois rétablie, avant de retourner au travailNote de bas de page 4.

[9] La formation de la prestataire a été automatiquement approuvée en raison des dispositions transitoires mises en place pendant la pandémie de COVID-19. Sa demande de prestations a été réactivée le 21 août 2021Note de bas de page 5. La prestataire a reçu des prestations jusqu’au 25 septembre 2021, date à laquelle la Commission a cessé les paiements pendant qu’elle examinait son dossierNote de bas de page 6.

[10] La Commission a conclu que la prestataire n’aurait pas été, sans sa maladie, disponible pour travailler, et a imposé une inadmissibilité. Elle a informé la prestataire qu’elle ne pouvait recevoir de prestations à compter du 27 septembre 2021Note de bas de page 7.

La décision de la division générale

[11] Dans sa décision, la division générale a conclu que la prestataire n’aurait pas été, sans sa maladie, disponible pour travailler. La division générale a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que l’appelante effectuait une recherche d’emploi exhaustive pour tenter d’obtenir un emploi à temps pleinNote de bas de page 8.

[12] La division générale a déclaré que la prestataire était tenue d’effectuer une recherche d’emploi raisonnable pour être admissible à des prestationsNote de bas de page 9. Elle a tenu compte des facteurs énoncés à l’article 9.001 du Règlement sur l’assurance‑emploi (Règlement) et a jugé que ses activités de recherche d’emploi ne pouvaient pas être considérées comme habituelles et raisonnablesNote de bas de page 10.

[13] Dans sa décision, la division générale a également longuement discuté d’un trop payé de prestations. Elle a examiné et commenté les circonstances qui, selon elle, étaient pertinentes relativement au trop payé de prestationsNote de bas de page 11. La division générale a déclaré que la prestataire demande que le trop payé soit radié et a conclu qu’elle n’a pas compétence pour le faireNote de bas de page 12.

La division générale a commis une erreur de droit

[14] Pour être considérée comme étant disponible pour travailler, la prestataire doit démontrer qu’elle est capable de travailler et disponible à cette fin, et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 13.

[15] La question de la disponibilité doit être résolue sur le fondement de trois éléments :

  1. Le désir de retourner sur le marché du travail aussitôt qu’un emploi convenable serait offert.
  2. L’expression de ce désir par des efforts pour se trouver un emploi convenable.
  3. Le non-établissement de conditions personnelles pouvant limiter indûment les chances de retour sur le marché du travailNote de bas de page 14.

[16] En outre, la disponibilité est établie pour chaque jour ouvrable d’une période de prestations pour laquelle le prestataire peut prouver qu’il était, ce jour‑là, capable de travailler, disponible à cette fin et incapable d’obtenir un emploi convenableNote de bas de page 15.

[17] Toutefois, le prestataire qui demande des prestations de maladie n’a pas droit à des prestations pour toute période au cours de laquelle il ne serait pas, sans sa maladie, disponible pour travailler. On s’attend non pas à ce que ce prestataire démontre qu’il est réellement disponible, mais que la maladie est la seule raison pour laquelle il n’est pas disponible.

[18] La division générale a commis une erreur de droit en s’attendant à ce que la prestataire prouve son désir de retourner au travail en effectuant une recherche d’emploi exhaustive pendant une période au cours de laquelle elle n’était pas physiquement capable d’occuper un emploi convenable. La division générale a appliqué les facteurs Faucher comme si la prestataire demandait des prestations régulières.

[19] La division générale a également commis une erreur de droit en exigeant que la prestataire démontre que ses démarches de recherche d’emploi étaient « habituelles et raisonnables ». La Commission n’a pas exigé que la prestataire prouve qu’elle a fait des démarches habituelles et raisonnables, conformément à l’article 50(8) de la Loi sur l’assurance‑emploi (Loi). La division générale a fait référence aux critères énoncés à l’article 9.001 du Règlement, qui s’appliquent à l’article 50(8). La prestataire était inadmissible en vertu de l’article 18(1)b) de la Loi et non de l’article 50(1).

La division générale a omis de suivre une procédure équitable

[20] Comme il a été mentionné précédemment, la division générale a consacré une partie importante de sa décision à une analyse de la question du trop payé de prestationsNote de bas de page 16. Comme l’a indiqué la Commission dans ses observations écrites, la division générale a commis une erreur en examinant cette question, car il n’y a pas eu de trop payé de prestations à la prestataireNote de bas de page 17.

[21] J’ai écouté l’enregistrement de l’audience tenue devant la division générale. L’audience a duré 19 minutes et le membre de la division générale a passé la majorité de l’audience à analyser la question du trop payé de prestations et de sa compétence limitée à cet égard.

[22] Le membre de la division générale a mentionné à l’audience que seule la Commission a le pouvoir d’annuler un trop payé de prestations. Il a déclaré qu’il n’est pas en mesure d’aider la prestataire à régler cette question, mais que si elle interjette appel devant la division d’appel, un représentant de la Commission assistera à l’audience et aura le pouvoir de régler la question du trop payéNote de bas de page 18.

[23] Le membre de la division générale a déclaré ceci à la prestataire à l’audience :

[Traduction]
Il me déplaît de le dire, mais à ce stade‑ci, il n’y a rien dans la loi qui me permette de vous aider. Ce qui n’est pas ce que vous vouliez entendre aujourd’hui. Mais je préfère être honnête avec vous dès le départ.Note de bas de page 19

[24] Le membre de la division générale a ensuite déclaré que lui et la prestataire ont [traduction] « convenu que l’objectif principal est de faire radier la dette » et qu’il ne peut rien se produire tant que la procédure d’appel n’est pas terminée »Note de bas de page 20.

[25] La prestataire a informé le membre de la division générale qu’on lui avait dit qu’elle ne rembourserait rienNote de bas de page 21. Le membre a mentionné à la prestataire qu’il était bien qu’on lui ait dit qu’elle n’aurait pas à rembourser les prestations et a consulté le dossier pour trouver le nom de l’agent de Service Canada qui avait examiné sa demande de révisionNote de bas de page 22. Le membre a ensuite mis fin à l’audienceNote de bas de page 23.

[26] La prestataire a très peu témoigné pendant l’audience et le membre ne lui a posé aucune question concernant sa disponibilité. La division générale n’a posé aucune question au sujet du programme d’études de la prestataire ou de sa disponibilité hypothétique, n’eût été sa maladie. Il semble que l’analyse de cette question par la division générale dans sa décision repose entièrement sur la preuve contenue dans le dossier de révision de la Commission.

[27] La division générale a passé l’audience à discuter de la question du trop payé de prestations et de son incapacité à régler cette question. Elle a informé la prestataire qu’un représentant de la Commission à la division d’appel pourrait être en mesure de l’aider, mais qu’elle‑même n’était pas en mesure de l’aider.

[28] Il n’y a pas eu de trop payé de prestations dans la présente affaire. La prestataire en a même informé le membre de la division générale pendant l’audience. Malgré cela, la division générale a fait porter l’audience sur cette question.

[29] Je conclus que la division générale a omis de suivre une procédure équitable. Elle a mal énoncé la question à l’audience et elle n’a pas donné à la prestataire l’occasion de fournir des éléments de preuve sur la question de sa disponibilité, n’eût été sa maladie. 

[30] La Commission convient que la division générale a commis une erreur dans son application du critère de disponibilité en examinant les démarches de recherche d’emploi de la prestataire. Elle mentionne également que la division générale a commis une erreur en évoquant un trop payé et la possibilité d’une radiationNote de bas de page 24.

Réparation de l’erreur

[31] Pour réparer l’erreur de la division générale, je peux rendre la décision que la division générale aurait dû rendre ou je peux renvoyer l’affaire à la division générale pour réexamenNote de bas de page 25.

[32] La Commission affirme que même si la division générale a commis des erreurs dans sa décision, ces erreurs n’ont pas d’incidence sur le résultat. Elle soutient que je devrais rendre la décision que la division générale aurait dû rendre et rejeter l’appelNote de bas de page 26.

[33] La division générale a mal décrit la question à la prestataire à son audience. Elle n’a posé aucune question à la prestataire concernant sa disponibilité n’eût été sa maladie ni n’a donné à la prestataire l’occasion d’aborder cette question.

[34] J’ai conclu que la division générale a commis des erreurs de droit et qu’elle n’a pas suivi une procédure équitable. La prestataire ne savait pas quelle preuve elle devait réfuter ni ne savait quels étaient les éléments de preuve qu’elle aurait dû fournir et qui seraient pertinents quant à la question réelle que la division générale devait trancher. Pour cette raison, je conclus que le dossier n’est pas complet.

[35] Il ne convient pas en l’espèce que je rende la décision que la division générale aurait dû rendre. La prestataire n’a pas eu l’occasion de présenter sa preuve concernant sa disponibilité, n’eût été sa maladie. Je renvoie l’affaire à la division générale pour une nouvelle audience devant un autre membre.

Conclusion

[36] Il est fait droit à l’appel. La division générale a commis une erreur de droit et elle a omis de suivre une procédure équitable. L’affaire est renvoyée à la division générale pour une nouvelle audience devant un autre membre.

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