Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 851

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission d’en appeler

Partie demanderesse : D. C.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2023 (GE-22-3920)

Membre du Tribunal : Pierre Lafontaine
Date de la décision : Le 26 juin 2023
Numéro de dossier : AD-23-557

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Décision

[1] La permission de faire appel est refusée. L’appel n’ira donc pas de l’avant.

Aperçu

[2] La demanderesse (prestataire) a été suspendue de son emploi parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. On ne lui a pas accordé d’exemption. Elle a ensuite demandé des prestations régulières d’assurance-emploi.

[3] La défenderesse (Commission) a décidé que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite et qu’elle ne pouvait donc pas lui verser de prestations. La prestataire a fait appel à la division générale.

[4] La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi après avoir refusé de suivre la politique de l’employeur. Elle a estimé que la prestataire aurait dû savoir que l’employeur était susceptible de la suspendre dans ces circonstances. La division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue de son emploi en raison d’une inconduite.

[5] La prestataire demande la permission de faire appel de la décision de la division générale à la division d’appel. Elle soutient que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il y a eu inconduite. Elle dit que rien ne prouve qu’elle a manqué à une obligation envers son employeur découlant de son contrat de travail et de sa convention collective.

[6] Je dois décider si la prestataire a soulevé une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès.

[7] Je refuse la permission de faire appel parce que l’appel de la prestataire n’a aucune chance raisonnable de succès.

Question en litige

[8] La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

Analyse

[9] L’article 58(1) de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social prévoit les seuls moyens d’appel d’une décision de la division générale. Ces erreurs révisables sont les suivantes :

  1. Le processus d’audience de la division générale n’était pas équitable d’une façon ou d’une autre.
  2. La division générale n’a pas tranché une question qu’elle aurait dû trancher ou elle a tranché une question sans avoir le pouvoir de le faire.
  3. La division générale a fondé sa décision sur une erreur de fait importante.
  4. La division générale a rendu une décision entachée d’une erreur de droit.

[10] La demande de permission de faire appel est une étape préliminaire à une audience sur le fond. C’est une première étape que la prestataire doit franchir, mais où le fardeau est inférieur à celui dont elle devra s’acquitter à l’audience de l’appel sur le fond. À l’étape de la demande de permission de faire appel, la prestataire n’a pas à prouver ses prétentions. Elle doit plutôt établir que l’appel a une chance raisonnable de succès en raison d’une erreur révisable. Autrement dit, elle doit démontrer qu’il est possible de soutenir qu’il y a eu une erreur révisable pouvant faire que l’appel soit accueilli.

[11] Par conséquent, avant d’accorder la permission de faire appel, je dois être convaincu que les motifs de l’appel correspondent à l’un ou l’autre des moyens d’appel susmentionnés et qu’au moins un des motifs a une chance raisonnable de succès.

La prestataire soulève-t-elle une erreur révisable que la division générale aurait commise et qui pourrait conférer à l’appel une chance de succès?

[12] La prestataire soutient que la Commission ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de prouver qu’il y a eu inconduite. Elle affirme que rien ne prouve qu’elle a manqué à une obligation envers son employeur découlant de son contrat de travail et de sa convention collective.

[13] La division générale devait décider si la prestataire avait été suspendue de son emploi (empêchée de travailler) en raison d’une inconduite.

[14] La notion d’inconduite n’implique pas qu’il est nécessaire que le comportement fautif résulte d’une intention coupable. Il suffit que l’inconduite soit consciente, voulue ou intentionnelle. Autrement dit, pour qu’il y ait inconduite, les actes reprochés doivent avoir été délibérés, ou à tout le moins, d’une telle insouciance ou négligence que l’on pourrait dire que la personne employée a volontairement décidé d’ignorer les répercussions qu’ils auraient sur son rendement.

[15] Le rôle de la division générale n’est pas de juger de la sévérité de la sanction de l’employeur ni de savoir s’il s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspensionNote de bas page 1.

[16] Après avoir examiné la preuve, la division générale a conclu que la prestataire avait été suspendue parce qu’elle avait refusé de suivre la politique de vaccination de l’employeur. Elle en avait été informée et on lui avait donné le temps de s’y conformer. Le refus de la prestataire était intentionnel. C’était un refus délibéré. C’est la cause directe de sa suspension.

[17] La division générale a estimé que la prestataire aurait dû savoir que son refus de se conformer à la politique pouvait entraîner sa suspension.

[18] Elle a conclu de la preuve prépondérante que le comportement de la prestataire constituait une inconduite.

[19] Il est bien établi qu’une violation délibérée d’une politique d’un employeur est considérée comme une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 2.

[20] Personne ne conteste le fait qu’un employeur a l’obligation de prendre toutes les précautions raisonnables pour protéger la santé et la sécurité de son personnel en milieu de travail. Il n’appartient pas au Tribunal de décider si les mesures de santé et de sécurité de l’employeur concernant la COVID-19 étaient efficaces ou raisonnables.

[21] Dans le cas présent, l’employeur a suivi l’approche du gouvernement fédéral en mettant en œuvre sa politique de vaccination pour protéger la santé de tout le personnel pendant la pandémie. La politique était en vigueur lorsque la prestataire a été suspendue.

[22] Les questions de savoir si l’employeur a violé la convention collective de la prestataire ou si la politique de vaccination de l’employeur a porté atteinte à ses droits fondamentaux et constitutionnels relèvent d’une autre instance. Le Tribunal n’est pas le bon endroit pour obtenir la réparation que la prestataire demandeNote de bas page 3.

[23] La Cour fédérale du Canada a rendu une décision récemment dans l’affaire Cecchetto concernant l’inconduite et le refus d’un prestataire de suivre la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[24] Le prestataire a fait valoir que refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite. Il a affirmé qu’il n’était pas prouvé que le vaccin était sécuritaire et efficace. Le prestataire s’est senti discriminé en raison de son choix médical personnel. Il a soutenu qu’il était maître de sa propre intégrité physique et qu’on avait porté atteinte aux droits qui lui étaient garantis par le droit canadien et internationalNote de bas page 4.

[25] La Cour fédérale a confirmé la décision de la division d’appel selon laquelle le Tribunal n’est pas autorisé par la loi à trancher ces questions. La Cour a convenu qu’en faisant le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de vaccination de l’employeur, le prestataire avait manqué à ses obligations envers celui-ci et avait perdu son emploi en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploiNote de bas page 5. La Cour a déclaré qu’il existait d’autres moyens par lesquels les demandes du prestataire pouvaient progresser adéquatement dans le cadre du système juridique.

[26] Dans l’affaire Paradis susmentionnée, le prestataire s’est vu refuser des prestations d’assurance-emploi en raison d’une inconduite. Il a soutenu qu’il n’y avait pas eu d’inconduite parce que la politique de son employeur violait ses droits au titre de l’Alberta Human Rights Act. La Cour fédérale a conclu que cette question relevait d’une autre instance.

[27] La Cour fédérale a déclaré qu’une partie prestataire a des recours pour sanctionner le comportement d’un employeur qui permettent d’éviter que le régime d’assurance-emploi fasse les frais du comportement en cause.

[28] Comme je l’ai mentionné plus haut, le rôle de la division générale n’est pas de décider si l’employeur s’est rendu coupable d’inconduite en suspendant la prestataire de telle sorte que sa suspension était injustifiée. Son rôle est plutôt de décider si la prestataire s’est rendue coupable d’inconduite et si celle-ci a entraîné sa suspension.

[29] La preuve prépondérante présentée à la division générale montre que la prestataire a fait le choix personnel et délibéré de ne pas suivre la politique de l’employeur en réponse à la situation exceptionnelle créée par la pandémie et que cela a entraîné sa suspension.

[30] Je ne vois pas en quoi la division générale aurait commis une erreur révisable lorsqu’elle a tranché la question de l’inconduite uniquement selon les paramètres établis par la Cour d’appel fédérale, qui a défini l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance‑emploiNote de bas page 6.

[31] Je suis tout à fait conscient que la prestataire peut demander réparation devant une autre instance si une violation est établieNote de bas page 7. Cela ne change rien au fait que la Commission a prouvé selon la prépondérance des probabilités que la prestataire a été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[32] Après avoir examiné le dossier d’appel, la décision de la division générale et les arguments de la prestataire à l’appui de sa demande de permission de faire appel, je conclus que l’appel n’a aucune chance raisonnable de succès.

[33] La permission de faire appel est refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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