Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : DC c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 852

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : D. C.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (540806) datée du 4 novembre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience  : Le 19 avril 2023
Personne présente à l’audience : Appelante
Date de la décision : Le 28 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3920

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Décision

[1] D. C. est l’appelante dans cet appel. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelante fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de l’appelante. Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que l’employeur a suspendu l’appelante en raison d’une inconduite au sens de la loi. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance‑emploi pendant sa suspensionNote de bas page 1.

Aperçu

[3] L’employeur de l’appelante a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. La politique exigeait que toutes les personnes employées divulguent leur statut vaccinal et présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19, faute de quoi l’employeur les mettait en congé sans solde. L’appelante n’a pas divulgué son statut vaccinal et n’a pas fourni de preuve de vaccination à son employeur. Celui-ci l’a donc mise en congé sans solde.

[4] La Commission affirme que cela signifie que l’employeur a suspendu l’appelante. Elle dit que la raison de sa suspension est une inconduite au sens de la loi. En effet, la Commission soutient que l’appelante connaissait la politique de son employeur et savait qu’elle ne pourrait pas continuer à travailler si elle ne la respectait pas. La Commission dit que l’appelante a choisi délibérément de ne pas respecter la politique de l’employeur.

[5] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit avoir le droit de refuser le vaccin contre la COVID-19. Elle fait valoir que la politique de son employeur était illégale et injuste. Elle dit qu’elle ne faisait pas partie de sa convention collective ou de son contrat de travail lorsqu’elle a commencé à travailler.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a cessé de travailler. Ensuite, je dois décider si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle perdu son emploi?

[8] La Commission affirme que je devrais traiter la perte d’emploi de l’appelante comme une suspension. Elle soutient aussi que l’employeur l’a suspendue parce qu’elle n’a pas respecté sa politique de vaccination contre la COVID-19.

[9] L’appelante affirme qu’elle n’a pas choisi de quitter son emploi et que son employeur l’a mise en congé sans solde. De plus, elle convient que son employeur l’a mise en congé sans solde parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination.

[10] Je suis d’accord avec la Commission. Je vais traiter la perte d’emploi de l’appelante comme une suspension.

[11] L’appelante a toujours dit qu’elle n’avait pas choisi de quitter son emploi. Elle soutient qu’elle voulait continuer à travailler. Il est donc clair pour moi que l’appelante n’a pas cessé de travailler parce qu’elle a choisi de prendre congé.

[12] De plus, aucun élément de preuve dans le dossier d’appel ne porte à croire que l’appelante a cessé de travailler en raison d’un manque de travail.

[13] L’appelante et la Commission sont d’accord sur le fait que l’employeur a choisi de la mettre en congé sans solde. J’estime que cela signifie que l’employeur l’a suspendue.

[14] L’appelante et la Commission s’entendent pour dire l’employeur l’a mise en congé sans solde en raison de la politique de vaccination. L’employeur s’attendait à ce que l’appelante divulgue son statut vaccinal et présente une preuve de vaccination dans le délai prescrit. L’appelante ne l’a pas fait et l’employeur l’a donc mise en congé sans solde.

[15] Je conclus donc que l’appelante a cessé de travailler parce qu’elle a été suspendue pour ne pas avoir respecté la politique de vaccination dans le délai prescrit.

[16] À l’audience, l’appelante a déclaré que son employeur lui avait dit qu’elle pouvait retourner au travail le 6 juillet 2022. Cependant, elle a déclaré qu’elle n’était pas retournée au travail pour des raisons médicales. Elle n’est toujours pas retournée au travail.

[17] La Commission a seulement rendu une décision de révision sur la question de savoir si l’employeur avait suspendue l’appelante en raison d’une inconduite. La Commission n’a rendu aucune décision de révision sur l’admissibilité de l’appelante aux prestations d’assurance-emploi après le 6 juillet 2022.

[18] Je ne peux instruire un appel qu’après que la Commission a d’abord révisé une décisionNote de bas page 2. Comme la Commission n’a pas rendu de décision de révision concernant l’admissibilité de l’appelante aux prestations après que son employeur l’a invitée à retourner au travail, je conclus que je n’ai pas le pouvoir de rendre une décision sur cette question. Je n’examinerai que l’admissibilité de l’appelante aux prestations du 26 décembre 2021 (le début de sa période de prestations) au 5 juillet 2022.

[19] Je dois maintenant décider si les actions de l’appelante – son non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur – constituent une inconduite au sens de la loi.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite au sens de la loi?

Comment la Loi sur l’assurance-emploi définit-elle l’inconduite?

[20] Selon la jurisprudence, pour qu’il y ait inconduite, la conduite doit être délibérée. En d’autres termes, elle doit être consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas page 3. L’inconduite comprend aussi une conduite qui est si insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas page 4. Il n’est pas nécessaire que l’appelante ait une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal) pour qu’il y ait inconduite au sens de la loiNote de bas page 5.

[21] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il y avait une réelle possibilité qu’elle soit suspendue pour cette raisonNote de bas page 6.

[22] La Commission doit prouver que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduiteNote de bas page 7.

La raison de la suspension de l’appelante est-elle une inconduite?

[23] La Commission affirme que l’employeur a suspendu l’appelante en raison d’une inconduite. En effet, la Commission dit que l’appelante était au courant de la politique de vaccination de son employeur. Elle savait que l’employeur la suspendrait si elle ne respectait pas la politique. Cependant, la Commission affirme que l’appelante a choisi délibérément de ne pas la respecter.

[24] L’appelante n’est pas d’accord. Elle dit avoir le droit de refuser le vaccin contre la COVID-19. Elle affirme que la politique de son employeur était injuste et illégale. Elle soutient qu’il n’y avait pas d’exigence de vaccination lorsqu’elle a signé son contrat de travail et qu’il n’y a pas de politique de vaccination dans sa convention collective.

[25] Je suis d’accord avec la Commission. Je conclus que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite.

[26] L’appelante et la Commission sont d’accord sur de nombreux faits fondamentaux de cet appel.

[27] L’employeur de l’appelante a instauré une politique de vaccination contre la COVID-19 qui exigeait que toutes les personnes employées divulguent leur statut vaccinal. Les personnes non vaccinées ne pouvaient pas continuer à travailler. L’employeur a déclaré qu’il mettrait en congé sans solde les personnes employées qui ne respectaient pas la politique.

[28] L’appelante n’a pas divulgué son statut vaccinal et n’a pas présenté de preuve de vaccination dans le délai fixé par l’employeur. C’est la raison pour laquelle elle a été mise en congé sans solde.

[29] Je peux accepter les faits fondamentaux ci-dessus parce que l’appelante et la Commission s’entendent sur ceux-ci.

[30] Je comprends que l’appelante ne pensait pas que son employeur allait vraiment appliquer les conséquences de la politique. À l’audience, elle a déclaré qu’elle ne pensait pas que son employeur la mettrait réellement en congé sans solde.

[31] Je crois cependant que l’appelante aurait raisonnablement qu’il était très possible qu’elle soit suspendue. En effet, elle reconnaît que la politique de l’employeur disait que les personnes employées qui ne s’y conformaient pas seraient mises en congé sans solde.

[32] Je conclus donc que la raison de la suspension de l’appelante est une inconduite pour les raisons suivantes :

  • L’appelante était au courant de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.
  • Elle savait que l’employeur s’attendait à ce qu’elle divulgue son statut vaccinal et qu’elle présente une preuve de vaccination dans le délai prescrit.
  • Elle aurait raisonnablement dû savoir que l’employeur était susceptible de la suspendre si elle ne respectait pas la politique puisque c’est ce que prévoyait la politique.
  • Elle a choisi délibérément de ne pas divulguer son statut vaccinal et de ne pas présenter de preuve de vaccination à son employeur dans le délai prévu.
  • Ses actions, soit son non-respect de la politique de vaccination, ont directement entraîné sa suspension.

[33] La plupart des arguments de l’appelante portent sur les actions de son employeur. Elle dit être en désaccord avec sa politique de vaccination. Elle ne pense pas qu’il ait le pouvoir de mettre en place une telle politique. Elle juge que cette politique contrevient aux dispositions de sa convention collective.

[34] Cependant, je ne peux pas examiner les actions de l’employeur. Je peux seulement examiner les actions de l’appelante et décider si elle a cessé de travailler en raison d’une inconduite au sens de la loi.

[35] Par conséquent, je ne peux pas décider si l’employeur a agi équitablement en instaurant une politique de vaccinationNote de bas page 8. Je ne peux pas rendre de décision sur l’innocuité ou l’efficacité du vaccin contre la COVID-19. Je ne peux pas décider non plus si l’employeur a enfreint les dispositions de la convention collective de l’appelante. L’appelante peut faire d’autres démarches auprès d’un tribunal des droits de la personne ou de son syndicat si elle veut faire valoir ces arguments.

[36] Je conclus que l’appelante a été suspendue en raison d’une inconduite au sens de la loi.

Conclusion

[37] Je rejette l’appel de l’appelante. Je conclus qu’elle a cessé de travailler parce que son employeur l’a suspendue en raison d’inconduite au sens de la loi. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi pendant sa suspension.

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