Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : BI c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2022 TSS 1791

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance‑emploi

Décision

Appelant : B. I.
Intimée : Commission de l’assurance‑emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance‑emploi du Canada (461854) datée du 14 avril 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Solange Losier
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 14 septembre 2022
Personne présente à l’audience :
Appelant
Date de la décision : Le 7 octobre 2022
Numéro de dossier : GE-22-1754

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Décision

[1] L’appel est rejeté. Le Tribunal n’est pas d’accord avec le prestataire.

[2] La Commission de l’assurance-emploi du Canada a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite (autrement dit, parce qu’il a fait quelque chose qui lui a fait perdre son emploi). Par conséquent, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 1.

Aperçu

[3] B. I. est le prestataire dans la présente affaire. Il travaillait comme artiste vidéo. Il a été congédié par son employeur le 1er décembre 2021 parce qu’il ne s’était pas conformé à la politique de vaccination au travail de ce dernierNote de bas de page 2. Après son congédiement, il a demandé des prestations régulières d’assurance-emploiNote de bas de page 3.

[4] La Commission a décidé que le prestataire n’était pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il a perdu son emploi en raison d’une inconduiteNote de bas de page 4.

[5] Le prestataire n’est pas d’accord avec la politique de vaccination de l’employeur parce que ce dernier n’a pris aucune mesure d’adaptation à son égardNote de bas de page 5. Il a expliqué avoir des palpitations cardiaques et des inquiétudes sur le plan de la santé à l’idée de se faire vacciner contre la COVID-19.

Question que je dois examiner en premier

Il y a deux dossiers

[6] Le présent dossier a été entendu avec un autre dossier connexe du Tribunal parce qu’il concernait le même prestataireNote de bas de page 6. Toutefois, des décisions distinctes ont été rendues parce que les questions juridiques étaient différentes.

Question en litige

[7] Le prestataire a-t-il perdu son emploi en raison de son inconduite?

Analyse

[8] Le prestataire qui perd son emploi en raison d’une inconduite ou qui quitte volontairement son emploi sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 7.

[9] Le prestataire suspendu en raison d’une inconduite n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 8.

[10] Le prestataire qui prend volontairement une période de congé sans justification n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploiNote de bas de page 9.

[11] Pour répondre à la question de savoir si le prestataire a cessé de travailler en raison de son inconduite, je dois trancher deux questions. Je dois d’abord établir pourquoi le prestataire a cessé de travailler. Je dois ensuite décider si la loi considère ce motif comme étant une inconduite.

Pourquoi le prestataire a-t-il cessé de travailler?

[12] Je conclus que le prestataire a été congédié le 1er décembre 2021 parce qu’il ne s’est pas conformé à la politique de l’employeur, qui exigeait qu’il fournisse une preuve de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 10.

[13] Cela est conforme au témoignage du prestataire, aux relevés d’emploi, aux discussions entre le prestataire et la Commission, etc.Note de bas de page 11.

Quelle était la politique de l’employeur?

[14] L’employeur a mis en place une Politique de vaccination contre la COVID-19 (politique) le 12 octobre 2021Note de bas de page 12. Une copie de cette politique a été versée au dossierNote de bas de page 13.

[15] La politique prévoit que son objectif est de [traduction] « fournir et maintenir un milieu de travail sécuritaire et exempt de dangers connus. Nous avons adopté cette politique de vaccination contre la COVID-19 afin de protéger la santé de nos employés et de leurs familles, de nos clients et visiteurs et de la communauté contre la COVID-19 »Note de bas de page 14.

[16] La politique exige que les employés fournissent à l’employeur une preuve de leur statut vaccinal pour la COVID-19 au plus tard le 30 novembre 2021Note de bas de page 15.

[17] La politique prévoit une exception pour les employés qui travaillent en tout temps à distance et qui n’ont pas besoin de se rendre au bureauNote de bas de page 16.

[18] La politique prévoyait également une mesure d’adaptation raisonnable et une exemption à la politique pour des raisons médicales, une croyance religieuse sincère ou toute autre caractéristique applicable protégée par la loiNote de bas de page 17.

La politique a-t-elle été communiquée au prestataire?

[19] Le prestataire a témoigné que la politique lui avait été communiquée. Ilse rappelle avoir reçu un courriel de l’employeur pour la première fois à la fin de septembre 2021. Le courriel fournissait un hyperlien vers la politique, qu’il a examinée.

[20] Je note que le dossier contient une copie d’un courriel daté du 29 septembre 2021Note de bas de page 18. Le chef de la direction de l’entreprise a envoyé aux employés un courriel les informant qu’à compter du 29 septembre 2021, tous les employés doivent être entièrement vaccinés. On peut y lire que tous les employés doivent mettre à jour leur statut vaccinal au plus tard le 30 novembre 2021, peu importe leur statut vaccinal.

[21] De plus, d’autres courriels du chef de la direction ont été envoyés aux employés les 25 octobre 2021, 11 novembre 2021 et 23 novembre 2021Note de bas de page 19.

[22] Par conséquent, j’estime qu’il est plus probable qu’improbable que la politique ait été communiquée pour la première fois au prestataire par courriel le 29 septembre 2021.

Quelles étaient les conséquences du non-respect de la politique?

[23] La politique prévoit que les employés qui ne s’y conforment pas peuvent être mis en congé sans solde jusqu’à ce que leur statut d’emploi soit déterminé par le service des ressources humainesNote de bas de page 20.

[24] La politique prévoit également que tout employé qui ne se conforme pas aux exigences fera l’objet de mesures correctives pouvant aller jusqu’au congédiementNote de bas de page 21.

[25] L’employeur a dit à la Commission que le prestataire savait que le défaut de se faire entièrement vacciner au plus tard le 1er décembre 2021 pourrait entraîner la résiliation du contrat de travailNote de bas de page 22.

[26] Le prestataire a témoigné qu’il était au courant de la date limite du 1er décembre 2021 pour divulguer son statut vaccinal pour la COVID-19. Il savait qu’il serait licencié s’il ne respectait pas la politique. Son superviseur lui a parlé du licenciement. Il savait également que s’il avait manifesté l’intention de se conformer à la politique, il aurait pu obtenir un congé autorisé plutôt que de se faire congédier.

[27] Le prestataire a déclaré qu’il avait échangé quelques courriels avec le service des ressources humaines le 29 novembre 2021 et qu’il pensait qu’il serait plutôt mis en congé, mais dans les heures qui ont suivi, le service des ressources humaines l’a informé qu’il le congédierait, comme il avait été prévu initialementNote de bas de page 23.

[28] J’ai examiné les courriels échangés entre le prestataire et le service des ressources humaines en réponse à sa demande de mesure d’adaptationNote de bas de page 24. Le premier courriel dit qu’il peut continuer à travailler jusqu’à nouvel ordre, afin que le service des ressources humaines puisse évaluer tous les résultats la semaine suivanteNote de bas de page 25. Le deuxième courriel mentionne que sa demande de mesure d’adaptation a été rejetée, mais que s’il avait l’intention d’être vacciné, il pourrait être mis en congé à la placeNote de bas de page 26. Par ailleurs, il serait congédié s’il ne voulait pas être vacciné. On peut lire dans le troisième courriel que le service des ressources humaines procédera au licenciement le 1er décembre 2021, comme il en a été discuté initialementNote de bas de page 27.

[29] Par conséquent, le prestataire a été congédié le 1er décembre 2021Note de bas de page 28.

Existe-t-il une raison pour laquelle le prestataire ne pouvait pas se conformer à la politique?

[30] Comme il a été mentionné précédemment, la politique prévoyait des mesures d’adaptation raisonnables pour des raisons médicales, une croyance religieuse sincère ou toute autre caractéristique applicable protégée par la loiNote de bas de page 29. La politique prévoit les étapes à suivre pour présenter une demande de mesures d’adaptation.

[31] Le prestataire a témoigné qu’il savait que la politique permettait des mesures d’adaptation pour motifs de religion et de santé, mais il n’a pas demandé à l’employeur une exemption pour des motifs de santé. Il s’est senti vraiment anxieux lorsqu’il a entendu parler de la politique pour la première fois. Il avait peur et avait des palpitations cardiaques.

[32] Cela concorde avec la discussion qu’il a eue avec la Commission parce qu’il a dit à cette dernière qu’il n’avait pas demandé d’exemption pour motifs de santé et qu’il n’était pas en mesure d’obtenir une note de son médecinNote de bas de page 30.

[33] Le prestataire a témoigné qu’il a bel et bien demandé une mesure d’adaptation dans une catégorie appelée « autre » officiellement le 29 novembre 2021Note de bas de page 31. Une copie de son formulaire de demande de mesure d’adaptation est jointe au dossierNote de bas de page 32. Le même jour, l’employeur a rejeté sa demande et souligné qu’il devrait être vacciné pour continuer d’occuper un emploiNote de bas de page 33.

[34] Compte tenu de ce qui précède, il semble que l’employeur ait été disposé à le mettre en congé au lieu de le congédier s’il prévoyait de se faire entièrement vacciner contre la COVID-19Note de bas de page 34. Comme il n’a pas manifesté l’intention de se conformer et que sa demande de mesure d’adaptation a été refusée, il a été congédié.

S’agit-il d’une inconduite au sens de la loi, à savoir la Loi sur l’assurance-emploi (Loi)?

[35] Pour constituer une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée. Cela signifie que la conduite était consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 35. L’inconduite est aussi une conduite à ce point insouciante qu’elle frôle le caractère délibéréNote de bas de page 36.

[36] Il n’est pas nécessaire que le prestataire ait eu une intention coupable (autrement dit, qu’il ait voulu mal agir) pour que son comportement soit une inconduite au sens de la loiNote de bas de page 37.

[37] Il y a inconduite si le prestataire savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait nuire à l’exécution de ses fonctions envers son employeur et qu’il existait une possibilité réelle d’être congédié à cause de celaNote de bas de page 38.

[38] La Commission doit prouver que le prestataire a perdu son emploi en raison d’une inconduite. Elle doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduiteNote de bas de page 39.

[39] Je conclus que la Commission a prouvé qu’il y a eu inconduite pour les motifs suivants.

[40] Premièrement, je conclus que la politique a été communiquée au prestataire et qu’il était au courant des dates limites pour s’y conformer. De plus, le prestataire a eu assez de temps pour se conformer à la politique.

[41] Deuxièmement, je conclus que le prestataire a volontairement et consciemment choisi de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Comme il n’était pas d’accord avec la politique, il a choisi de ne pas s’y conformer. Il a fait un choix délibéré. Le tribunal a déjà déclaré qu’une violation délibérée de la politique de l’employeur est considérée comme une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 40.

[42] Quatrièmement, je conclus que le prestataire n’a pas prouvé qu’il était exempté de la politique. Il a présenté une demande de mesure d’adaptation dans la catégorie « autre », mais celle-ci a été refusée par l’employeur. Il n’a demandé aucune mesure d’adaptation pour motifs de santé à son employeur.

[43] De plus, le prestataire n’était pas un travailleur à distance, de sorte qu’il ne pouvait pas bénéficier de l’exemption prévue dans la politique parce qu’il devait se rendre au travail.

[44] Enfin, je conclus que le prestataire savait ou aurait dû savoir que les conséquences de ne pas s’y conformer mèneraient à un congédiement. Les conséquences lui ont été communiquées.

[45] Je prends acte du fait que le prestataire espérait qu’il ne serait pas congédié après avoir présenté son formulaire de demande de mesure d’adaptation, mais l’employeur a finalement décidé de le licencier parce qu’il n’avait pas l’intention de se conformer à sa politique, même à une date ultérieure.

[46] J’admets de manière générale que l’employeur peut décider de créer et d’imposer des politiques en milieu de travail. Dans la présente affaire, l’employeur a imposé une politique de vaccination en raison de la pandémie de COVID-19. Cette politique est donc devenue une condition de son emploi lorsqu’elle a été instaurée. Le prestataire l’a enfreinte lorsqu’il a choisi de ne pas s’y conformer et cela a nui à sa capacité de remplir ses fonctions.

Qu’en est-il des autres arguments du prestataire?

[47] Le prestataire a soulevé d’autres arguments à l’appui de sa thèse. En voici quelques-uns :

  1. a) L’employeur a modifié la politique de l’entreprise de façon déraisonnable.
  2. b) L’employeur ne lui permettait pas de faire des tests de dépistage de la COVID-19 à ses frais.
  3. c) La politique était discriminatoire.
  4. d) Il devait décider entre se conformer à la politique ou voir son gagne-pain compromis.
  5. e) Changement déraisonnable dans la politique de l’entreprise.

[48] La cour a affirmé que le Tribunal ne peut pas décider si le congédiement ou la sanction était justifié. Il doit décider si la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la LoiNote de bas de page 41. J’ai déjà conclu que la conduite du prestataire constituait une inconduite au sens de la Loi.

[49] Je prends acte des arguments supplémentaires du prestataire, mais son recours consiste à intenter une action en justice ou à s’adresser à tout autre tribunal qui pourrait examiner ses arguments particuliersNote de bas de page 42.

Conclusion

[50] Le prestataire avait le choix et a décidé de ne pas se conformer à la politique pour des raisons personnelles. Ce choix a donné lieu à un résultat indésirable, un congédiement.

[51] La Commission a prouvé que le prestataire a perdu son emploi en raison de son inconduite. Pour cette raison, le prestataire n’est pas admissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[52] Par conséquent, l’appel est rejeté.

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