Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : RG c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 908

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : R. G.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de révision (510107) rendue le 29 août 2022 par
la Commission de l’assurance-emploi du Canada
(communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Linda Bell
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 28 mars 2023
Personne présente à l’audience : Appelant
Date de la décision : Le 13 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3443

Sur cette page

Décision

[1] R. G. est l’appelant dans cette affaire. J’accueille l’appel en partie.

[2] Je suis d’accord avec ce que la Commission concède au sujet de la disponibilité. Par conséquent, ce motif ne rend pas l’appelant inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi.

[3] L’appelant n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi pendant toute la durée du retard. Autrement dit, il n’a pas fourni une explication acceptable selon la loi. Par conséquent, ses déclarations de prestataire ne peuvent pas être traitées comme s’il les avait faites plus tôt.

Aperçu

[4] En général, si l’on veut recevoir des prestations d’assurance-emploi, il faut faire une demande pour chaque semaine durant laquelle on n’a pas travailléNote de bas de page 1. Pour ce faire, il faut présenter des déclarations à la Commission toutes les deux semaines. Habituellement, les gens remplissent leurs déclarations en ligne. Il y a des délais à respecterNote de bas de page 2.

[5] L’appelant a présenté ses demandes hors délai. Il veut qu’elles soient traitées comme s’il les avait faites plus tôt, c’est-à-dire à compter du 11 avril 2021. Pour que ce soit possible, il doit prouver l’existence d’un motif valable pour toute la période du retard.

[6] La Commission a décidé que l’appelant n’avait aucun motif valable. Elle a rejeté sa requête. Elle a aussi conclu qu’il n’avait pas démontré qu’il était disponible pour travailler.

[7] L’appelant n’est pas d’accord avec la Commission. Il fait appel à la division générale du Tribunal de la sécurité sociale. Selon lui, la Commission lui a dit qu’elle devancerait la date de ses déclarations. Il ajoute qu’il était disponible pour travailler parce qu’il cherchait un emploi à temps plein tout en travaillant à temps partiel.

Questions en litige

[8] Suis‑je d’accord avec la décision de la Commission de faire une concession au sujet de la disponibilité?

[9] L’appelant a‑t-il démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi?

Analyse

Disponibilité

[10] Je suis d’accord avec ce que la Commission concède au sujet de la disponibilité.

[11] Après avoir examiné les documents déposés par l’appelant dans le cadre de l’appel et de la révision, la Commission a décidé de lui donner raison sur la question de la disponibilité. Elle affirme que rien au dossier ne prouve que l’appelant n’était pas disponible pour travailler depuis le 11 avril 2021.

[12] Je conviens que le dossier d’appel ne contient aucun renseignement qui me permettrait de conclure que l’appelant n’était pas disponible pour travailler à compter du 11 avril 2021. Par conséquent, ce motif ne le rend pas inadmissible au bénéfice des prestations d’assurance-emploi. 

Antidatation

[13] L’appelant veut que ses déclarations d’assurance-emploi soient traitées comme s’il les avait présentées plus tôt, soit à compter du 11 avril 2021. C’est ce qu’on appelle « antidater » les déclarations (en devancer la date).

[14] Pour faire devancer la date d’une déclaration, l’appelant doit prouver qu’un motif valable justifiait son retard pendant toute la durée du retardNote de bas de page 3. L’appelant doit en faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’il doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable (il y a plus de chances) qu’un motif valable justifiait son retard.

[15] Pour démontrer l’existence d’un motif valable, l’appelant doit prouver qu’il a agi comme une personne raisonnable et prudente l’aurait fait dans des circonstances semblablesNote de bas de page 4. Autrement dit, il doit démontrer qu’il s’est comporté de façon prudente et raisonnable, comme n’importe quelle autre personne l’aurait fait dans une situation semblable.

[16] L’appelant doit aussi démontrer qu’il a vérifié assez rapidement son droit aux prestations et les obligations que lui impose la loiNote de bas de page 5. En d’autres mots, il doit démontrer qu’il a fait de son mieux pour essayer de s’informer dès que possible de ses droits et responsabilités. Si l’appelant ne s’est pas renseigné, il doit démontrer que des circonstances exceptionnelles expliquent pourquoi il ne l’a pas faitNote de bas de page 6.

[17] L’appelant doit montrer qu’il a agi de la sorte pendant toute la durée du retardNote de bas de page 7. Le retard commence le jour auquel il veut faire devancer ses déclarations jusqu’au jour où il les a présentées.

[18] Dans la présente affaire, je conclus que le retard s’étend du 11 avril 2021 au 30 novembre 2021. La période de prestations de l’appelant a commencé le 11 avril 2021. La Commission affirme que, selon ses registres, la première fois où l’appelant a communiqué avec elle pour savoir pourquoi il n’avait pas reçu de prestations est le 30 novembre 2021.

[19] La Commission a autorisé l’antidatation des déclarations à compter du 21 novembre 2022. C’est une semaine avant que l’appelant parle à la Commission et lui demande de devancer la date de ses déclarations.

Motif valable

[20] Selon la loi, à moins de circonstances exceptionnelles, on s’attend à ce que les prestataires vérifient assez rapidement leurs droits et leurs obligations aux termes de la loiNote de bas de page 8.

[21] Selon la Commission, l’appelant n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait son retard pour toute la durée du retard. L’ignorance de la loi et la bonne foi n’excusent pas le non-respect d’une disposition législative l’obligeant à montrer qu’il a agi comme une personne raisonnable l’aurait fait.

[22] La Commission ajoute que si l’appelant n’était juste pas certain de la façon de remplir ses déclarations, on aurait raisonnablement pu s’attendre à ce qu’il s’informe auprès de la Commission ou de Service Canada au lieu de laisser tomber en raison des longs délais d’attente. Une personne raisonnable, soucieuse de sa demande de prestations, prendrait le temps requis et ferait les démarches nécessaires pour parler à une personne au bureau de la Commission.

[23] L’appelant affirme qu’un motif valable justifiait le retard de ses déclarations pour les raisons suivantes :

  • Il a présenté sa demande dans les jours suivant la production de son relevé d’emploi par son employeur.
  • Il travaillait à temps partiel et recevait sa pension, alors il avait de l’argent pour subvenir à ses besoins. Il pensait que les prestations d’assurance-emploi finiraient par arriver.
  • Il avait entendu dire qu’il était impossible d’obtenir la ligne au téléphone. Il a fait quelques tentatives, mais il laissait tomber après de longues périodes d’attente. 
  • Il a reçu son code d’accès, mais le service de déclaration par Internet ne fonctionnait pas pour lui. Il a essayé à la maison et de nouveau à son bureau, mais chaque fois le système fermait sa session.

[24] À l’audience, l’appelant a déclaré qu’il n’avait jamais reçu son code d’accès ni d’information sur la façon de l’utiliser. Plus tard, il a toutefois déclaré qu’il avait un morceau de papier avec son code d’accès et les instructions. Il les a lues en preuve. Elles expliquaient comment il devait remplir ses déclarations toutes les deux semaines.

[25] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait attendu si longtemps pour communiquer avec la Commission, l’appelant a répondu qu’il avait tenté de communiquer avec elle, mais qu’il était toujours mis en attente. Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il n’était pas allé au bureau de Service Canada, il a répondu qu’il n’aimait pas trop l’idée de se rendre dans un bureau de Service Canada. Il a expliqué qu’il avait été hospitalisé en novembre 2021. Il a ajouté qu’il avait supposé que le bureau de Service Canada à Victoria avait fermé ses portes.

[26] Après avoir examiné les documents d’appel, l’appelant a avancé que le personnel de la Commission [traduction] « mentait ». Il affirme qu’il n’a jamais eu de difficulté à utiliser un ordinateur, à comprendre l’information ou à entrer ses renseignements. Il dit qu’il travaille comme technicien en informatique et qu’il s’occupe d’un site Web, alors il n’a aucune difficulté avec les ordinateurs.

[27] L’appelant conteste les déclarations de la Commission voulant qu’il n’ait pas tenté de communiquer avec Service Canada plus tôt ou qu’il ait des restrictions médicales. Il dit avoir essayé de le faire plusieurs fois, mais il n’a pas été capable d’avoir la ligne avant novembre. C’est à ce moment‑là qu’on lui a dit que la Commission allait devancer la date de ses déclarations. Comme je l’ai mentionné plus haut, la Commission a accepté de traiter ses déclarations à compter du 21 novembre 2021.

[28] L’appelant a affirmé à plusieurs reprises que la personne de la Commission lui avait dit qu’elle antidaterait ses déclarations. Même si ces paroles ont été prononcées, les cours fédérales ont toujours confirmé que, si jamais la Commission donne des renseignements inexacts sur l’interprétation de la Loi sur l’assurance-emploi ou donne des précisions sur la situation particulière des prestataires, ce qu’elle dit ne peut pas s’appliquer si c’est contraire à la Loi, même si les renseignements finissent par nuire aux intérêts des prestatairesNote de bas de page 9.

[29] Selon la loi, l’ignorance de la loi ne constitue pas un motif valable, sauf si la personne peut démontrer que sa conduite était raisonnable dans sa situation. Le critère à remplir est celui du caractère raisonnable, éclairé par l’appréciation subjective de la situation par les prestataires, évalué selon une norme objectiveNote de bas de page 10.

[30] L’antidatation n’est pas un droit accordé à l’ensemble des prestataires, mais plutôt un privilège pour lequel il faut remplir les conditions requises. Les cours ont affirmé que ce privilège devrait s’appliquer de façon exceptionnelle. L’obligation de demander rapidement des prestations est perçue comme étant très rigoureuse et stricteNote de bas de page 11. C’est pourquoi l’exception relative au « motif valable justifiant le retard » est appliquée avec prudence.

[31] Avoir une bonne raison d’être en retard n’équivaut pas à démontrer l’existence d’un motif valable. Je suis d’accord avec la Commission lorsqu’elle dit que la situation de l’appelant n’était pas extraordinaire au point de l’empêcher de communiquer avec la Commission pour vérifier ses droits et ses obligations. Travailler, subvenir à ses besoins avec ses économies ou l’argent de sa pension ou attendre que quelqu’un communique avec soi ne constituent pas des circonstances exceptionnelles, même lorsqu’on considère les trois éléments ensemble.

[32] L’appelant n’a pas vérifié assez rapidement ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Plus précisément, il savait comment communiquer avec la Commission et chercher de l’information en ligne, comme l’emplacement du bureau de Service Canada dans sa région. Il a plutôt attendu plus de sept mois avant de faire les démarches nécessaires pour communiquer avec la Commission et s’informer des raisons pour lesquelles il n’avait pas reçu des prestations à la suite de la demande qu’il avait présentée le 11 avril 2021.

[33] L’appelant n’a déposé aucun élément de preuve montrant que sa situation était si exceptionnelle qu’elle l’empêchait de déterminer ses droits et ses obligations aux termes de la Loi sur l’assurance-emploi. Il n’a pas non plus prouvé qu’il a agi comme une personne prudente et raisonnable l’aurait fait dans les mêmes circonstances pendant toute la période du retard. Par conséquent, l’appelant n’a pas prouvé qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations pendant toute la durée du retard.

Conclusion

[34] L’appel est accueilli en partie.

[35] Je suis d’accord avec la concession de la Commission au sujet de la disponibilité.

[36] L’appelant n’a pas démontré qu’un motif valable justifiait le retard de sa demande de prestations d’assurance-emploi pendant toute la période du retard. Ainsi, ses déclarations ne peuvent pas être antidatées jusqu’au 11 avril 2021.

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