Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 887

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division d’appel

Décision relative à une demande de
permission de faire appel

Partie demanderesse : C. D.
Partie défenderesse : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision de la division générale datée du 28 avril 2023
(GE-22-3908)

Membre du Tribunal : Janet Lew
Date de la décision : Le 6 juillet 2023
Numéro de dossier : AD-23-435

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Décision

[1] La permission d’en appeler est refusée. L’appel ne sera pas instruit.

Aperçu

[2] La demanderesse, C. D. (prestataire), infirmière, fait appel de la décision de la division générale. Celle-ci a rejeté l’appel de la prestataire. Elle a conclu que l’employeur de la prestataire l’avait suspendue puis congédiée en raison d’une inconduite. La division générale a conclu que la prestataire n’avait pas respecté la politique de vaccination obligatoire de son employeurNote de bas de page 1. En raison de l’inconduite, la prestataire ne recevra pas de prestations d’assurance-emploi.

[3] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de droit et de fait. Elle nie que son employeur avait même une politique de vaccination, affirmant qu’il s’est plutôt fié à une ordonnance provinciale de santé publique qui ne s’appliquait pas à elle. De plus, la convention collective de la prestataire n’exigeait pas la vaccination de toute façon. Elle fait donc valoir que, comme elle n’avait pas à se faire vacciner, il n’y a pas eu inconduite de sa part.

[4] Avant que l’appel de la prestataire puisse aller de l’avant, je dois décider s’il a une chance raisonnable de succès. Une chance raisonnable de succès est l’équivalent d’une cause défendableNote de bas de page 2. Si l’appel n’a pas de chance raisonnable de succès, l’affaire est closeNote de bas de page 3.

[5] Je ne suis pas convaincue que l’appel ait une chance raisonnable de succès. Par conséquent, je n’accorde pas à la prestataire la permission d’aller de l’avant avec son appel.

Question en litige

[6] Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou de fait?

Je ne donne pas à la prestataire la permission de faire appel

[7] La division d’appel doit accorder à une partie demanderesse la permission de faire appel, à moins que celui-ci n’ait aucune chance raisonnable de succès. Il existe une chance raisonnable de succès si la division générale a commis une erreur de compétence, de procédure ou de droit, ou un certain type d’erreur de faitNote de bas de page 4.

[8] Pour ce qui est des erreurs de fait, la division générale doit avoir fondé sa décision sur une erreur commise de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

Est-il possible de soutenir que la division générale a commis une erreur de droit ou de fait?

[9] La prestataire soutient que la division générale a commis des erreurs de fait importantes.

La prestataire fait valoir que son employeur n’avait pas de politique de vaccination et que l’ordonnance provinciale de santé publique ne s’appliquait pas à elle

[10] La prestataire soutient que la division générale a ignoré le fait que son employeur n’avait pas sa propre politique officielle de vaccination et qu’il s’est fié à une ordonnance provinciale de santé publique. Elle affirme que l’ordonnance ne s’appliquait pas à elleNote de bas de page 5.

[11] La prestataire fait valoir que si son employeur n’avait pas de politique de vaccination ou si l’ordonnance provinciale de santé publique ne s’applique pas à elle, on ne peut pas dire qu’elle ne s’est pas conformée à une politique qui n’existait pas ou une ordonnance sanitaire qui n’était pas applicable. Par conséquent, il ne peut pas y avoir eu inconduite.

[12] La preuve au dossier de la division générale comprend les éléments suivants :

  • Note de service, datée du 24 septembre 2021, de l’employeur de la prestataire à toutes les personnes employées et au personnel médical. La note précise que [traduction] « les personnes devront avoir reçu leur première dose de vaccin au plus tard le lundi 27 septembre 2021 pour permettre l’intervalle de 28 jours requis entre la première et la deuxième doseNote de bas de page 6 ».
  • Order of the Provincial Health Officer - Hospital and Community (Health Care and Other Services) COVID-19 Vaccination Status Information and Preventive Measures-October 21, 2021 [ordonnance de l’agente de santé provinciale concernant les renseignements sur le statut de vaccination contre la COVID-19 et les mesures préventives — hôpitaux et collectivité (soins de santé et autres services) datée du 21 octobre 2021]Note de bas de page 7. L’ordonnance provinciale de santé publique exigeait la vaccination ou l’obtention d’exemption pour travailler. L’ordonnance provinciale de santé publique ordonnait aux employeurs de ne pas laisser travailler des personnes non vaccinées (à moins qu’elles aient une exemption et qu’elles respectent les conditions de l’exemption).

    Note, datée du 15 octobre 2021, de l’employeur de la prestataire à toutes les personnes employées et au personnel médical. L’employeur prolongeait les délais fixés pour la vaccination.

    La note de service précisait que toutes les personnes employées, le personnel médical et les autres personnes qui travaillent devaient avoir[traduction] « reçu au moins une dose de vaccin contre la COVID-19 avant le 26 octobre 2021 pour pouvoir continuer à travaillerNote de bas de page 8 ». Ils devraient être entièrement vaccinés et avoir reçu deux doses de vaccin pour que l’on considère qu’ils se conformaient à l’ordonnance provinciale de santé publique.

    La note de service précisait également que les personnes qui n’avaient pas reçu une première dose de vaccin au plus tard le 15 novembre pouvaient s’attendre à ce que l’on mette fin à leur emploi ou autres ententes contractuelles.

  • Lettre de licenciement de l’employeur, datée du 17 novembre 2021. L’employeur informait la prestataire que, comme elle ne s’était pas conformée à l’ordonnance provinciale de santé publique, il mettait fin à son emploiNote de bas de page 9.
  • Politique AV3100 sur les exigences de l’employeur en matière de vaccination contre la COVID-19, approuvée le 1er décembre 2021Note de bas de page 10. Aux termes de la section 3.0 de la politique, tout le personnel devait se faire vacciner contre la COVID-19 pour pouvoir travailler. Aux termes de l’article 4.0, les personnes non vaccinées n’étaient pas autorisées à entrer dans un établissement ou un centre de soins de l’employeur, ou à fournir des services au nom de l’employeur (sauf exception). Selon la politique, toute personne non vaccinée serait mise en congé sans solde et pourrait faire l’objet de mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement.

    La politique énonçait les conséquences de la non-conformité à la politique. Elle précisait que [traduction] « toute personne qui contrevient à la présente politique peut faire l’objet d’une mesure de renvoi de l’établissement ou du centre de soins, de mesures correctives ou disciplinaires pouvant aller jusqu’à la cessation d’emploi, l’annulation du contrat ou la révocation des privilègesNote de bas de page 11 ».

  • Notes du registre téléphonique à propos d’une téléconférence avec Service Canada. La prestataire aurait dit que son employeur avait adopté et communiqué une politique claire de vaccination obligatoire et qu’elle savait qu’elle devait être vaccinée au plus tard le 25 octobre 2021Note de bas de page 12.
  • Notes du registre téléphonique à propos d’une téléconférence avec Service Canada. L’employeur de la prestataire a fait référence à sa politique de vaccination obligatoire au cours de cet appelNote de bas de page 13.

[13] Comme la prestataire l’affirme, son employeur n’avait pas sa propre politique officielle de vaccination lorsqu’il l’a congédiée. Il est difficile de savoir quand l’employeur de la prestataire a officiellement présenté sa politique sur l’exigence d’immunisation, car la date d’approbation du « 2021.12.01 » figure au bas du document. Cela donne à penser qu’il est possible que l’employeur de la prestataire ait officiellement mis en place sa politique sur l’exigence d’immunisation seulement plusieurs semaines après avoir congédié la prestataire.

[14] Toutefois, il est clair que l’employeur de la prestataire ne s’est pas fondé sur sa politique sur l’exigence d’immunisation lorsqu’il l’a congédiée le 17 novembre 2021. Lorsque l’employeur de la prestataire a congédié celle-ci de son emploi, il a expliqué que l’on mettait fin à son emploi parce qu’elle ne s’était pas conformée à l’ordonnance provinciale de santé publiqueNote de bas de page 14.

[15] La division générale a reconnu que l’employeur de la prestataire n’avait pas de politique de vaccination officielle en place lorsqu’il a congédié la prestataire de son emploi. La division générale a reconnu que l’employeur de la prestataire respectait l’ordonnance provinciale de santé publique lorsqu’il a exigé que son personnel présente une preuve de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 15.

[16] La division générale a écrit :

Je comprends que [la prestataire] fait valoir que l’exigence de vaccination de l’employeur n’était pas une véritable politique. [La prestataire] affirme que l’employeur n’a pas respecté la convention collective lorsqu’il a imposé l’obligation de se faire vacciner. Cependant, la preuve au dossier d’appel montre que l’employeur respectait une ordonnance de santé publique lorsqu’il a exigé des personnes qu’il emploie qu’elles présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a avisé le personnel de cette attente par écrit à plusieurs reprises. Il a fixé une date limite pour s’y conformer. L’employeur a décrit les conséquences possibles pour les personnes n’ayant pas présenté de preuve de vaccination dans les délais prescrits.

(Mis en évidence par la soussignée)

[17] Comme je l’ai mentionné plus haut, la division générale a fait référence à une politique de vaccination. Cependant, elle a expliqué que la politique correspondait aux exigences de vaccination de l’employeur (qui équivalaient essentiellement à l’ordonnance provinciale de santé publique). L’employeur a adopté l’ordonnance provinciale de santé publique et a énoncé ses exigences et ses attentes à l’égard des personnes employées et de tout le personnel médical.

[18] Comme la prestataire le fait remarquer, l’ordonnance provinciale de santé publique n’exigeait pas le congédiement du personnel non vacciné. Cependant, l’ordonnance indique clairement que les employeurs ne devaient pas permettre aux personnes non vaccinées de travailler (à moins d’avoir une exemption et de respecter certaines conditions).

[19] La division générale a constaté qu’il y avait des lettres et des notes de l’employeur. Les documents décrivaient les exigences de l’employeur. Ils établissaient aussi des échéances et des conséquences pour les personnes qui ne respectaient pas les exigences.

[20] Même si l’employeur de la prestataire n’avait pas encore officiellement approuvé sa politique sur l’exigence d’immunisation, la division générale a conclu qu’une inconduite était survenue parce que la prestataire ne s’était pas conformée aux exigences que l’employeur avait communiquées le 24 septembre 2021 et à nouveau le 15 octobre 2021. Autrement dit, la division générale a conclu que l’employeur avait établi des règles et des exigences auxquelles la prestataire ne s’était pas conformée.

[21] De plus, même si l’employeur n’avait pas approuvé la politique sur l’exigence d’immunisation avant de congédier la prestataire, il semble que celle-ci semble avoir reconnu que son employeur avait une sorte de politique et des exigences en matière de vaccination. Lorsque la prestataire a parlé à une personne de Service Canada le 9 mars 2022, elle aurait déclaré que son employeur avait une politique de vaccination et qu’elle devait se faire vaccinerNote de bas de page 16.

[22] Compte tenu de ces considérations, je ne suis pas convaincue que la prestataire puisse soutenir que la division générale a commis une erreur de fait en affirmant que l’employeur n’avait pas d’exigence de vaccination.

[23] L’employeur de la prestataire n’avait pas officiellement approuvé sa politique sur l’exigence d’immunisation. Cependant, la preuve montre clairement l’existence d’une ordonnance provinciale de santé publique à laquelle, selon les attentes de l’employeur, les personnes employées et le personnel médical devaient se conformer. L’employeur a également établi ses propres mesures et conséquences pour les personnes qui ne conformaient pas à ses exigences de vaccination.

[24] La division générale a su garder cette preuve à l’esprit. Comme elle l’a conclu, l’employeur a communiqué ces renseignements aux personnes employées et au personnel médical et la prestataire était au courant des exigences de l’employeur.

La prestataire soutient que sa convention collective n’exigeait pas la vaccination

[25] La prestataire soutient que, comme sa convention collective n’exigeait pas la vaccination, elle n’avait pas à se faire vacciner. Elle affirme donc qu’il ne peut pas y avoir eu inconduite.

[26] La division générale a pris note des arguments de la prestataire. La prestataire avait fait valoir que son employeur n’avait pas le droit de l’obliger à se faire vacciner. Elle avait fait valoir que son employeur n’avait pas respecté les modalités de la convention collective. La prestataire a ajouté que les exigences de vaccination de l’employeur enfreignaient les dispositions de la convention collective.

[27] La division générale a conclu qu’elle n’avait pas le pouvoir de décider si l’employeur avait enfreint les termes de la convention collective de la prestataire. La division générale a conclu que la prestataire pouvait prendre des mesures visant à demander réparation auprès d’autres instancesNote de bas de page 17.

[28] Si la prestataire voulait se fonder sur la convention collective, elle aurait dû en produire une copie à la division générale. Malgré cela, j’admets que la convention collective n’exigeait probablement pas la vaccination contre la COVID-19. La prestataire a commencé à travailler avant le début de la pandémie et avant que les vaccins ne soient disponibles.

[29] Cependant, le fait que la convention collective ne contenait peut-être aucune disposition sur la vaccination n’empêchait pas l’employeur d’imposer unilatéralement de nouvelles conditions d’emploi.

[30] Dans un milieu de travail syndiqué, un employeur peut imposer unilatéralement toute règle ou politique, même si le syndicat n’est pas d’accord, pourvu que cela soit conforme à la convention collective et raisonnableNote de bas de page 18. C’est ce qu’on appelle le « critère de la décision KVPNote de bas de page 19 ». Les tribunaux ont toujours appuyé ce critère.

[31] Dans l’affaire Cecchetto c Canada (Procureur général), M. Cecchetto travaillait dans un établissement public de soins de santé. Son contrat de travail n’exigeait pas la vaccination. Son employeur a adopté l’ordonnance provinciale de santé publique qui exigeait la vaccination ou des tests réguliers. L’employeur a unilatéralement adopté la politique, sans le consentement de M. Cecchetto.

[32] M. Cecchetto a nié toute inconduite. Il a fait valoir que le fait de refuser de se conformer à une politique de vaccination imposée unilatéralement par un employeur n’est pas une inconduite.

[33] La Cour fédérale a admis que, même si la vaccination ne faisait pas partie du contrat de travail initial de M. Cecchetto, son employeur pourrait par la suite instaurer une politique exigeant la vaccination. La Cour a conclu que la division générale avait raisonnablement établi que M. Cecchetto avait commis une inconduite en raison de sa non-conformité à une politique qui ne faisait pas partie de son contrat de travail initial.

[34] La Cour fédérale a examiné les arguments de M. Cecchetto tirés de la décision A.L. c Commission de l’assurance-emploi du CanadaNote de bas de page 20. Dans la décision A.L., la division générale a conclu qu’A.L. n’avait pas commis d’inconduite. En effet, l’employeur avait introduit une nouvelle clause dans le contrat de travail en exigeant la vaccination. La division générale a également conclu qu’il y avait une disposition particulière dans le contrat de travail de M. Cecchetto qui permettait précisément aux employés de refuser la vaccination. La Cour a distingué les faits de l’affaire A. L. et de celle de M. Cecchetto.

[35] La décision A.L. était fondée sur les faits. Les circonstances de fait qui existaient dans l’affaire A.L. peuvent ne pas être présentes ici, mais il est difficile de le savoir sans une copie de la convention collective de la prestataire. Sans la convention collective, on ne peut pas présumer que l’entente comportait des dispositions qui auraient pu permettre à la prestataire de continuer à travailler même si elle ne se conformait pas aux exigences de vaccination de l’employeur.

[36] Même si la convention collective de la prestataire n’exigeait pas la vaccination, il ressort clairement de l’affaire Cecchetto qu’un employeur peut instaurer une nouvelle politique ou règle, même si un employé n’est pas d’accord et n’y consent pas. De plus, il est clair que si un employé ne se conforme pas à cette nouvelle politique ou règle, cela constituera une inconduite.

Conclusion

[37] Je ne suis pas convaincue que l’appel a une chance raisonnable de succès. La permission de faire appel est donc refusée. Par conséquent, l’appel n’ira pas de l’avant.

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