Assurance-emploi (AE)

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[TRADUCTION]

Citation : CD c Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2023 TSS 888

Tribunal de la sécurité sociale du Canada
Division générale, section de l’assurance-emploi

Décision

Partie appelante : C. D.
Partie intimée : Commission de l’assurance-emploi du Canada

Décision portée en appel : Décision découlant de la révision de la Commission de l’assurance-emploi du Canada (548784) datée du 31 octobre 2022 (communiquée par Service Canada)

Membre du Tribunal : Amanda Pezzutto
Mode d’audience : Téléconférence
Date de l’audience : Le 5 avril 2023
Personne présente à l’audience : Partie appelante
Date de la décision : Le 28 avril 2023
Numéro de dossier : GE-22-3908

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Décision

[1] C. D. est l’appelante. La Commission de l’assurance-emploi du Canada affirme qu’elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi. L’appelante fait appel de cette décision auprès du Tribunal de la sécurité sociale.

[2] Je rejette l’appel de l’appelante. Je conclus que son employeur l’a suspendue puis congédiée en raison d’une inconduite, au sens de la Loi sur l’assurance-emploi. Elle ne peut donc pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

Aperçu

[3] L’appelante travaillait dans le domaine de la santé. À la suite d’une ordonnance de santé publique provinciale, son employeur a mis en place une politique de vaccination contre la COVID-19. Aux termes de sa politique, l’employeur s’attendait à ce que toutes les personnes employées présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19. L’appelante n’a pas présenté sa preuve de vaccination à l’employeur dans le délai prévu. Son employeur l’a donc suspendue. Après quelques semaines supplémentaires, son employeur l’a congédiée.

[4] La Commission affirme que les raisons de la suspension et du congédiement de l’appelante constituent une inconduite au sens de la loi. Selon la Commission, il en est ainsi parce que l’appelante connaissait la politique de son employeur sur la COVID-19. Elle savait qu’elle ne pouvait pas continuer à travailler si elle ne respectait pas la politique. La Commission affirme qu’elle a agi de façon délibérée en ne respectant pas la politique de son employeur.

[5] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que son employeur n’avait pas le pouvoir d’instaurer une exigence de vaccination contre la COVID-19. Elle affirme que l’employeur n’a pas respecté une politique disciplinaire progressive et qu’il a agi trop sévèrement en la congédiant. Elle affirme que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de sa convention collective. Elle dit qu’elle avait des raisons religieuses et médicales de refuser la vaccination contre la COVID-19.

Question en litige

[6] L’appelante a-t-elle perdu son emploi en raison d’une inconduite?

Analyse

[7] Pour décider si l’appelante a perdu son emploi en raison d’une inconduite, je dois examiner deux choses. D’abord, je dois décider pour quelle raison l’appelante a perdu son emploi. Ensuite, je dois voir si la loi considère cette raison comme une inconduite.

Pourquoi l’appelante a-t-elle cessé de travailler?

[8] La Commission affirme que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une suspension, puis d’un congédiement. La Commission dit que la raison de la suspension et du congédiement de l’appelante est le non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[9] L’appelante affirme qu’elle n’a pas choisi d’arrêter de travailler. Elle convient que son employeur l’a mise en congé sans solde, puis congédiée. Elle est d’accord avec le fait que cela s’est produit en raison des attentes de l’employeur concernant la vaccination contre la COVID-19. Cependant, elle n’est pas d’accord pour dire que l’exigence de vaccination contre la COVID-19 était une véritable politique.

[10] Je suis d’accord avec la Commission. Je traiterai la perte d’emploi de l’appelante comme une suspension et un congédiement. Je pense que la raison pour laquelle elle a cessé de travailler est le non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Dans la présente décision, j’appellerai l’exigence de l’employeur concernant le vaccin contre la COVID-19 une « politique ».

[11] Je comprends que l’appelante fait valoir que l’exigence de vaccination de l’employeur n’était pas une véritable politique. Elle affirme que l’employeur n’a pas respecté la convention collective lorsqu’il a imposé l’obligation de se faire vacciner. Cependant, la preuve au dossier d’appel me montre que l’employeur respectait une ordonnance de santé publique lorsqu’il a exigé des personnes qu’il emploie qu’elles présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19. L’employeur a avisé le personnel de cette attente par écrit à plusieurs reprises. Il a fixé une date limite pour s’y conformer. L’employeur a décrit les conséquences possibles pour les personnes n’ayant pas présenté de preuve de vaccination dans les délais prescrits.

[12] Ainsi, je pense que cela signifie que l’exigence de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur a eu le même effet qu’une politique. L’exigence s’appliquait à tout le personnel, l’employeur a avisé les personnes employées de ses attentes et de la date limite, et le non-respect des attentes de l’employeur avait des conséquences pour les employés. Dans la présente décision, je ferai donc référence aux attentes de l’employeur comme à une politique de vaccination contre la COVID-19.

[13] Je pense également que la preuve démontre que l’appelante a d’abord cessé de travailler en raison d’une suspension. En effet, personne n’affirme que l’appelante a choisi de quitter son emploi. Elle n’a pas cessé de travailler en raison d’un manque de travail. L’employeur a plutôt choisi de la mettre en congé sans solde. Je pense que cela signifie que l’employeur a suspendu l’appelante.

[14] L’appelante et la Commission s’entendent pour dire que l’employeur a fini par la congédier. J’admets donc que l’employeur de l’appelante l’a congédiée le 17 novembre 2021.

[15] Il y a des lettres de l’employeur de l’appelante au dossier d’appel. Ces lettres indiquent que la raison de la suspension et du congédiement de l’appelante est qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. L’appelante ne m’a donné aucune raison de douter de ces lettres et elle n’a pas dit qu’il y avait une autre raison pour sa suspension ou son congédiement.

[16] Ainsi, je conclus que l’employeur de l’appelante l’a suspendue, puis congédiée. Je conclus également que l’appelante a cessé de travailler parce qu’elle n’a pas respecté la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur.

[17] Je dois maintenant décider si la raison pour laquelle l’appelante a cessé de travailler est une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

L’appelante a-t-elle cessé de travailler en raison d’une inconduite?

Quelle est la signification de l’inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi?

[18] Pour être considérée comme une inconduite au sens de la loi, la conduite doit être délibérée, c’est-à-dire consciente, voulue ou intentionnelleNote de bas de page 1. Une inconduite comprend aussi une conduite qui est tellement insouciante qu’elle est presque délibéréeNote de bas de page 2. Pour qu’il y ait inconduite au sens de la loi, il n’est pas nécessaire que l’appelante ait eu une intention coupable (c’est-à-dire qu’elle ait voulu faire quelque chose de mal)Note de bas de page 3.

[19] Il y a inconduite si l’appelante savait ou aurait dû savoir que sa conduite pouvait l’empêcher de remplir ses obligations envers son employeur et qu’il était réellement possible qu’elle perde son emploi pour cette raisonNote de bas de page 4.

[20] La Commission doit prouver que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite. La Commission doit le prouver selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie qu’elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduiteNote de bas de page 5.

L’appelante a-t-elle cessé de travailler en raison d’une inconduite?

[21] La Commission affirme que l’appelante a cessé de travailler en raison d’une inconduite. Selon la Commission, l’appelante connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle savait que la politique indiquait qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne présentait pas à l’employeur une preuve de vaccination contre la COVID-19. De plus, la Commission affirme qu’elle a agi de façon délibérée en ne respectant pas la politique de l’employeur.

[22] L’appelante n’est pas d’accord. Elle affirme que son employeur n’avait pas le droit de l’obliger à se faire vacciner contre la COVID-19. Elle dit que son employeur n’a pas respecté sa convention collective. Elle affirme que l’employeur n’a pas respecté un processus disciplinaire progressif et qu’il a agi trop sévèrement en la congédiant. Elle affirme qu’elle avait des raisons religieuses et médicales de refuser le vaccin contre la COVID-19.

[23] Je suis d’accord avec la Commission. Je suis d’avis que l’employeur de l’appelante l’a suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

[24] L’appelante travaillait dans le domaine de la santé. À la suite d’une ordonnance de santé publique, son employeur a instauré une exigence de vaccination contre la COVID-19. J’ai déjà expliqué pourquoi j’appellerai cela une « politique ».

[25] Aux termes de la politique, l’employeur s’attendait à ce que toutes les personnes qu’il emploie présentent une preuve de vaccination contre la COVID-19 avant la date limite du 26 octobre 2021. La politique précisait que toute personne qui ne présentait pas de preuve de vaccination dans les délais prescrits serait mise en congé sans solde. La politique prévoyait le congédiement de toute personne employée ne présentant toujours pas de preuve de vaccination après quelques semaines de suspension.

[26] Le dossier d’appel contient des lettres et des notes de l’employeur de l’appelante qui décrivent la politique de vaccination contre la COVID-19, la date limite et les conséquences pour les personnes qui ne la respectaient pas. De plus, l’appelante ne m’a donné aucune raison de douter des faits mentionnés ci-dessus.

[27] Je conclus donc que l’employeur de l’appelante avait une politique de vaccination contre la COVID-19. Les personnes employées, y compris l’appelante, devaient présenter une preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 26 octobre 2021. Je constate que la politique disait que l’employeur suspendrait puis congédierait toute personne qui ne respecterait pas la politique.

[28] Je comprends que l’appelante affirme qu’elle ne pensait pas perdre son emploi. Cependant, je pense qu’elle aurait raisonnablement dû savoir qu’il était très possible que son employeur la suspende, puis la congédie si elle ne respectait pas la politique. En effet, la politique de l’employeur indique clairement que les personnes qui ne la respectaient pas risquaient de perdre leur emploi.

[29] Je considère également que l’appelante a agi de façon délibérée en ne respectant pas la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur. En effet, j’estime qu’elle connaissait la politique et qu’elle a fait son propre choix quant à la vaccination contre la COVID-19.

[30] Par conséquent, je conclus que les raisons de la suspension et du congédiement de l’appelante constituent une inconduite au sens de la loi parce que :

  • L’appelante connaissait la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur. Elle savait que celui-ci s’attendait à ce qu’elle présente une preuve de vaccination contre la COVID-19 au plus tard le 26 octobre 2021.
  • Elle savait que, d’après la politique, son employeur la suspendrait, puis la congédierait si elle ne respectait pas ladite politique. Je pense que cela signifie qu’elle aurait raisonnablement dû savoir qu’elle pouvait perdre son emploi si elle ne respectait pas la politique.
  • Elle a agi de façon délibérée lorsqu’elle a choisi de ne pas suivre la politique de l’employeur et de ne pas présenter une preuve de vaccination dans le délai prévu.
  • Ses agissements, soit le non-respect de la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur, ont directement entraîné sa suspension, puis son congédiement.

[31] L’appelante a présenté des arguments concernant les agissements de son employeur. Elle affirme que la politique de vaccination contre la COVID-19 de son employeur était inéquitable, illégale et contraire aux dispositions de sa convention collective. Elle dit que son employeur n’a pas suivi une politique disciplinaire progressive. De plus, elle affirme que son employeur a agi trop sévèrement en la congédiant. Elle ajoute qu’elle avait des raisons religieuses et médicales de refuser le vaccin contre la COVID-19.

[32] Cependant, la jurisprudence dit que je ne peux pas examiner les agissements de l’employeur lorsque je rends une décision sur une inconduite. Je ne cherche pas à savoir si l’employeur de l’appelante a agi de façon équitable en instaurant une obligation de vaccination contre la COVID-19Note de bas de page 6. Je ne peux pas décider si l’employeur a agi trop sévèrement en congédiant l’appelante. Je ne peux pas décider si l’employeur a enfreint les termes de la convention collective de l’appelante. De plus, je ne peux pas décider si l’employeur aurait dû lui accorder une exemption religieuse ou médicale. L’appelante peut prendre d’autres mesures par l’entremise d’un tribunal des droits de la personne ou de son syndicat si elle veut développer ces arguments.

[33] Je comprends également que l’appelante croit que je devrais suivre le raisonnement d’un autre membre du Tribunal dans une décision rendue dans une affaire semblableNote de bas de page 7.

[34] Cependant, je ne suis pas convaincue par cette décision. Je ne la suivrai pas lorsque je rendrai ma décision.

[35] Le Tribunal essaie de rendre des décisions cohérentes. Autrement dit, les membres du Tribunal devraient essayer de suivre les décisions de leurs collègues. Mais certaines décisions sont aberrantes. Il arrive que la loi y soit interprétée différemment. Il arrive même qu’elles se fondent sur la jurisprudence pour arriver à une nouvelle conclusion. Les membres du Tribunal n’ont pas l’obligation de suivre les autres décisions du Tribunal. Par contre, les décisions rendues par la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale font partie de la loi et je suis obligée de les suivre.

[36] Et j’ai déjà expliqué que les décisions de la Cour d’appel fédérale et de la Cour fédérale affirment constamment de façon constante que je ne peux pas me pencher sur les actions de l’employeur lorsque je rends une décision au sujet d’une inconduite. Encore une fois, cela signifie que je ne peux pas regarder si l’employeur aurait dû offrir des mesures d’adaptation à l’appelante ou lui accorder une exemption à la politique. Je ne peux pas vérifier si la politique de l’employeur était juste ou justifiée. Je peux seulement examiner les faits et gestes de l’appelante et décider si les raisons pour lesquelles elle a perdu son emploi remplissent le critère de l’inconduiteNote de bas de page 8.

[37] Et même si les autres décisions du Tribunal ne font pas partie de la loi, je tiens à souligner que, dans de nombreuses affaires, la division générale et la division d’appel ont examiné des situations semblables et ont décidé que le refus de se faire vacciner contre la COVID-19 peut constituer une inconduite. Plus précisément, de nombreuses décisions de la division d’appel conviennent qu’il y a inconduite dans les circonstances suivantesNote de bas de page 9 :

  • L’employeur a adopté une politique claire sur la vaccination contre la COVID-19;
  • L’employeur avise son personnel de la politique et lui donne assez de temps pour s’y conformer;
  • La politique précise clairement les conséquences que subiront les personnes qui refusent de la respecter;
  • Par conséquent, les membres du personnel savent ou devraient raisonnablement savoir que les personnes qui ne respectent pas la politique de l’employeur perdront probablement leur emploi ou encourront probablement une suspension;
  • Malgré cela, la personne fait le choix délibéré de ne pas respecter la politique de vaccination contre la COVID-19 de l’employeur.

[38] Je juge que toutes ces circonstances sont réunies dans la présente affaire. Ainsi, je conclus que les raisons de la suspension et du congédiement de l’appelante constituent une inconduite au sens de la Loi sur l’assurance-emploi.

Conclusion

[39] Je rejette l’appel de l’appelante. Je conclus que son employeur l’a suspendue, puis congédiée en raison d’une inconduite. Par conséquent, elle ne peut pas recevoir de prestations d’assurance-emploi.

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